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Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 8/T4

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Texte établi par Jacques Alexandre Bixiola librairie agricole (Tome cinquièmep. 181-182).
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TITRE IV. — Culture des végétaux comestibles.

Le voyageur qui voit pour la première fois les jardins potagers des environs de Paris, quand même il serait totalement étranger au jardinage, ne peut s’empêcher d’admirer la rare perfection de leurs cultures ; ce sont en effet, sous tous les rapports, des jardins modèles. Ayant été originairement établis sur des marais desséchés, ils en ont conservé le nom ; là point de routine, point de préjugés ; un procédé nouveau est-il reconnu avantageux dans la pratique ? on l’adopte tout aussitôt ; une plante cultivée peut-elle être remplacée par une autre variété meilleure ? on ne balance point à l’abandonner. Le mot culture maraîchère exprime donc ce que l’on connaît en France, nous pourrions dire en Europe, de plus perfecttionné en fait de procédés applicables à cette branche essentielle de l’horticulture. Avant de traiter en détail des diverses parties de la culture maraîchère, donnons une idée de ses principes généraux, principes qui sont de véritables lois pour tout bon jardinier. Le plus important de tous, c’est la prodigalité en fait d’engrais et d’arrosages ; le potager a rarement trop d’eau ; il n’a jamais assez de fumier. C’est en suivant cette règle invariable que des terrains stériles en eux-mêmes, et qui partout ailleurs n’auraient été jugés dignes d’aucune espèce de culture, sont devenus avec le temps les marais les plus productifs des environs de Paris ; c’est une expérience que la création de nouvelles cultures maraîchères confirme chaque année.

Le second principe, non moins important, c’est de ne pas s’entêter à continuer une culture qui ne prospère pas. Ainsi le maraîcher, même quand il ne cultive pas de primeurs, a toujours sur couches sourdes ou sur plate-bande exposée au midi, du plant tout prêt pour remplacer celui qui, selon l’expression reçue, ne travaille pas bien. Il y a en effet, pour qui n’épargne pas sa peine, plus de profit à sacrifier tout de suite une planche de légumes atteints par la gelée, la grêle, les insectes, ou qui languissent pour une cause quelconque, qu’à s’obstiner à vouloir la rétablir, pour n’en obtenir que des produits de qualité inférieure.

La prévoyance est la qualité la plus nécessaire au maraîcher dans sa culture ; aucun accident ne doit le prendre au dépourvu ; aucun revers de température ne doit l’empêcher de remplacer une récolte détruite ou détériorée, par une autre que ses soins amèneront à bien.

Le maraîcher sait choisir le moment précis qui convient pour chaque partie de son travail ; il prend ses dispositions de manière à pouvoir faire chaque chose en son temps. C’est ainsi que, pour les salades, par exemple, il combine les semis de manière à ce que les repiquages tombent dans un moment où toute autre besogne peut être laissée pour celle-là ; en un mot, il fait en sorte que ce qui ne peut attendre se fasse d’urgence, sans pourtant laisser en souffrance aucune autre partie de son travail. Le maraîcher ne prend jamais un terrain trop étendu relativement à ses facultés. On ne compte guère par hectares dans la culture maraîchère ; un marais de 66 ares (deux arpents de Paris) est déjà d’une grande étendue ; il n’exige pas moins de 12 à 15 mille francs pour être mis complètement en valeur et rendre tout ce qu’il est susceptible de produire. Mais il est presque sans exemple que le maraîcher s’embarque dans une opération qu’il ne pourrait mener à bien ; si les fonds lui manquent, il aime mieux n’avoir point de verre, c’est-à-dire se passer de cloches et de châssis, hors du simple nécessaire, s’abstenir de toute culture forcée, et se borner à la culture naturelle, mais pouvoir la conduire dans toute sa perfection.

Tout ce que nous avons à dire sur la culture des légumes est emprunté aux excellentes pratiques usitées dans les marais des environs de Paris. Nous indiquerons séparément les cultures qui, sous des climats différents, exigent d’autres procédés. L’exposé complet de la culture maraîchère exige seulement deux divisions : la première comprend les cultures naturelles, qui font arriver les récoltes à l’époque voulue par la nature ; la seconde comprend les cultures forcées ayant pour but d’activer la végétation de manière à faire devancer aux produits l’époque naturelle de leur maturité.

CHAP. I. Cultures naturelles.

CHAP. II. Culture forcée des végétaux comestibles 
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