Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 1/ch. 6

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Texte établi par Jacques Alexandre BixioLibrairie agricole (Tome premierp. 158).
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CHAPITRE VI. — des façons générales à donner au sol.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. Ire. Des labours. 
 ib.
Art. Ier. Des défoncemens. 
 159
§ Ier. Profondeur des défoncemens. 
 160
§ 2. Divers modes de défoncemens. 
 ib.
I. À bras d’homme, pics, pelles, bêches. 
 ib.
II. À la charrue. 
 162
III. À la charrue et à bras d’homme. 
 163
Art. II. Des labours ordinaires en général. 
 ib.
§ Ier. Profondeur des labours. 
 ib.
§ 2. Nombre des labours. 
 164
§ 3. Époques favorables aux labours. 
 165
Art. III. Des divers modes de labours. 
 ib.
§ Ier. Labours à bras d’homme : pioches, houes. 
 ib.
§ 2. Labours à la charrue. 
 167
§ 3. Direction des labours. 
 ib.
§ 4. Différentes espèces de labours. 
 168
Billons simples, doubles, etc. 
 ib.
Sect. II. Des charrues. 
 170
Art. Ier. Des parties essentielles des charrues. 
 ib.
§ Ier. Le soc. 
 ib.
§ 2. Le coutre. 
 172
§ 3. Le sep. 
 ib.
§ 4. Le versoir. 
 173
§ 5. L’age. 
 175
§ 6. Le régulateur. 
 ib.
§ 7. Le manche ou les mancherons. 
 176
Art. II. De la résistance et de la force de traction. 
 ib.
Art. III. Des araires ou charrues simples. 
 178
Araires de Roville. 
 179
Araires de Lacroix, écossaise, Molard, anglaise. 
 180
Araires de Finlayson, américaine, etc. 
 182
Art. IV. Des araires à support et à roue. 
 183
§ Ier. Araires à sabot : Brabant, etc. 
 ib.
§ 2. Araires à une roue : Molard, écossaise, à treuil. 
 185
§ 3. Araires à 2 roues : Rosé, Châtelain. 
 186
Art. V. Des charrues à avant-train. 
 187
§ Ier. Charrues à versoir fixe : Guillaume, de Brie, champenoise, de Roville, Pluchet, Grangé, Laurent, etc. 
 188
§ 2. Charrues à tourne-oreilles : commune, Hugonet. 
 193
§ 3. Charrues à versoirs mobiles — Mollard, Dessaux, Rosé. 
 194
§ 4. Charrues à deux versoirs. 
 195
Art. VI. Des araires et charrues plusieurs socs. 
 196
Araire dos-à-dos de Valcourt. 
 ib.
Charrue à double soc horizontal. 
 197
Charrue à double soc et à pied. 
 ib.
Bisocs Guillaume et Sommerville. 
 198
Trisocs de Bedfort, etc. 
 199
Sect. III. Des labours à l’aide de machines autres que les charrues. 
 200
Art. Ier. Des labours à l’extirpateur. 
 ib.
Scarificateur — Beatson. 
 ib.
Extirpateurs : de Roville, Valcourt, etc. 
 201
Art. II. Des labours à la ratissoire. 
 203
Ratissoire à cheval ; scarificateurs : Guillaume, Coke, Bataille, Geffroy, etc. 
 ib.
Scarificateur rotatif à râteau, etc. 
 204
Art. III. De l’émottage à la herse. 
 205
Herses triangulaire, quadrangulaire, du Berwicshire, de Laponie, courbes, etc. 
 206
Art. IV. De l’émottage au rouleau. 
 207
Rouleaux : en bois, pierre, fonte, à châssis, brise-mottes, à disques, à pointes, squelette, etc. 
 208


Section 1re. — Des Labours.

Rien peut-être n’indique mieux l’état prospère de l’agriculture d’une contrée, que la perfection avec laquelle on y pratique les labours. — Le sol le mieux amendé, le plus richement fumé, répondrait fort mal aux espérances du cultivateur, s’il n’était convenablement façonné pour recevoir les semences qui lui seront confiées. Aussi des agronomes tels que Tull et Duhamel ont-ils pu considérer le labourage comme la principale et presque la seule source de fécondité de la terre. — Pour se faire une juste idée de son importance, il faut, remontant jusqu’aux premiers élémens de la science agricole, se rappeler le grand rôle des gaz atmosphériques dans l’acte de la nutrition des végétaux. — Les terres les plus riches en matières organiques, comme les tourbes, les vases retirées d’étangs, de mares nouvellement desséchées, etc. ; celles de diverses natures qui se trouvent à une certaine profondeur en sous-sol, telles que les tufs, les marnes, les argiles, etc., etc., lorsqu’on les ramène à la surface, restent improductives tant qu’elles n’ont pas été plus ou moins long-temps exposées au contact de l’air, de sorte que la croûte la plus superficielle du globe réunit seule les conditions nécessaires à la végétation.

Les labours n’ont donc pas pour unique but de détruire les mauvaises herbes ; de faciliter l’extension des racines et le développement des minces chevelus dont les nombreuses extrémités reçoivent par imbibition les sucs nutritifs épandus autour d’elles ; — de mélanger les engrais superficiels dans toute la masse de la couche végétale ; — d’aider à l’égale répartition de la chaleur atmosphérique et de l’humidité des pluies ; — de mettre les matières solubles ou fermentescibles dans les circonstances les plus favorables à leur dissolution dans l’eau ou à leur décomposition au moyen de l’oxigène de l’air : — Ils ont encore la propriété, et ce n’est pas, dans maintes circonstances, leur moindre avantage, en divisant la terre, en la rendant plus poreuse, et en exposant un plus grand nombre de points de sa surface au contact de l’atmosphère, d’augmenter mécaniquement et peut-être chimiquement sa capacité pour les fluides fécondans, sans lesquels il n’est point de végétation. — D’après cela, quoique les labours ne puissent suppléer complètement aux engrais, comme l’ont avancé, dans leur préoccupation, les hommes célèbres que je viens de citer, on ne peut se refuser à croire qu’ils ajoutent en quelque sorte à leur masse aussi bien qu’à leurs effets, et, ce qui le prouverait, c’est que, s’il est démontré que, toutes choses égales d’ailleurs, les terres les plus absorbantes des gaz sont les plus fertiles, il l’est également que les champs les mieux labourés contiennent le plus d’air. Ce n’est donc pas sans raison que le cultivateur le moins instruit des causes naturelles voit d’un œil d’espérance ses guérets nouvellement retournés baignés, aux approches des semailles, par les épais brouillards d’automne chargés de leurs fétides émanations ; qu’il croit à la puissance fécondante des rosées ; et qu’il est persuadé qu’en remuant le sol au pied de ses jeunes arbres, il porte de la nourriture à leurs racines.

D’après ce qui précède, on voit déjà que les principales conditions d’un bon labour, c’est que la terre soit suffisamment ameublie et que les parties soulevées par le soc au fond de la raie soient non seulement déplacées, mais ramenées à la surface, tandis que celles de la surface sont au contraire entraînées au fond du sillon. Delà l’immense différence entre le travail d’une charrue avec ou sans versoir ; de là aussi la perfection plus grande des labours faits à la main, toutes les fois que l’ouvrier veut se donner la peine de remplir cette double condition.

Les diverses opérations qui ont pour but de fendre et de remuer la terre sont, à vrai dire, des labours. Toutefois nous traiterons exclusivement ici de ceux qui doivent précéder les semailles, nous réservant de parler des autres, en nous occupant, après les travaux de préparation, de ceux d’entretien des cultures.

Lorsque le sol a été débarrassé par le défrichement des obstacles divers qui pouvaient s’opposer à sa mise en culture ; lorsqu’après une récolte il doit être préparé pour une récolte nouvelle, le premier soin de l’agriculteur est de l’ouvrir, sa première attention de proportionner la prolondeur du travail à la végétation particulière des végétaux qu’il veut lui confier.

Tantôt les labours ne ramènent à la surface que la terre qui a été précédemment remuée ; — tantôt ils atteignent le sous-sol. Dans ce dernier cas ils prennent le nom de défoncemens.

Article ier. — Des défoncemens.

Les labours de défoncement ont en général de grands avantages ; cependant, comme toutes les bonnes pratiques, ils présentent aussi quelques inconvéniens qu’il importe de connaître.

Il est certain qu’en augmentant la couche de terre végétale, ils permettent aux racines de prendre plus de développement et de nourriture, et qu’ils ajoutent nécessairement aux excellens effets des labours superficiels, en les étendant à une plus grande masse du sol. Leur importance sous ce seul rapport est si bien attestée par les faits, que je croirais oiseux de m’y arrêter. — Il est également certain qu’ils peuvent, en mélangeant deux couches de nature différente, procurer accidentellement un amendement propre à changer parfois complètement la qualité du sol ; transformer un sable aride en une terre substantielle et féconde ; dessécher comme par enchantement une localité fangeuse en ouvrant aux eaux qui la couvraient une issue vers un sous-sol plus perméable, ou, simplement, en leur permettant de s’infiltrer au-delà de la portée des racines ; — qu’ils concourent encore, dans la saison des sécheresses, à retarder les effets d’une évaporation complète ; car, plus les terrains sont profonds, plus ils peuvent absorber d’eau au moment des pluies, et moins leur dessiccation est rapide ; — enfin qu’ils offrent le moyen le plus infaillible de détruire les plantes nuisibles, et particulièrement celles qui se reproduisent avec le plus de persévérance de leurs longues racines, comme les chardons, les fougères, etc.

Mais, d’une autre part, déjà dispendieux par eux-mêmes, ils le deviennent encore indirectement en exigeant, surtout pendant les premières années, une plus grande quantité d’engrais, et, assez fréquemment, en diminuant momentanément, au lieu de l’augmenter, la fécondité du sol. Ce dernier effet, dont il a déjà été parlé (art. Sous-sol, t.I, p.49), a principalement lieu quand on ramène tout-à-coup à la surface une masse considérable de tuf ou d’argile ocreuse. On en sait la raison, et, si l’on se rappelle ce qui a été dit ailleurs à ce sujet, on jugera qu’en pareil cas un défoncement profond serait une faute d’autant plus grave, que le temps seul pourrait remédier à ses désastreux effets, tandis qu’en opérant petit à petit et d’année en année, on arrive sans efforts et sans inconvéniens sensibles au même but. J’ai tout lieu, pour ma part, d’être partisan des défoncemens progressifs, parce que j’ai constamment vu que, lorsqu’on peut les faire à la charrue, ils exigent une faible augmentation de travail, et que la terre se mûrit convenablement sans cesser un instant d’être productive. Toutefois, il est des circonstances où les défoncemens complets sont seuls raisonnablement praticables. Tels sont, entre autres, ceux qu’on doit opérer à bras d’hommes ; car, en pareil cas, recommencer à deux ou trois fois une opération naturellement si coûteuse, ce serait à peu près doubler ou tripler la dépense. — On peut aussi approfondir la couche labourable, sans ramener immédiatement la terre neuve à la surface. Ce moyen, déjà indiqué à l’article Sous-sol (page 50), est généralement suivi de bons résultats.

[6:1:1:1]
§ ier. — De la profondeur des défoncemens.

La profondeur des défoncemens, comme celle des labours, doit varier en raison des cultures confiées au sol. Les racines de quelques graminées fourragères pénètrent tout au plus à quelques centimètres ; celles des blés s’accommodent, à la rigueur, de 5 à 6 po. (0m 135 à 0m 162) ; celles des navets, des raves, des carottes, etc., s’étendent davantage ; il est quelques betteraves qui acquièrent jusqu’à 15 et 18 po. (45 à 48 centimètres). Or, comme elles ne peuvent prendre tout leur accroissement que dans une terre ameublie, il est, je crois, suffisamment établi, par ce qui précède, que non seulement le défoncemens doit atteindre au moins une profondeur égale à leur plus grande longueur, mais qu’il est utile qu’il la dépasse. — Quant aux arbres qui pivotent quelquefois à plusieurs mètres, s’il est impossible de remplir pour eux les mêmes conditions, on trouvera toujours avantageux, sur de bonds fonds, d’en approcher le plus possible. On n’est pas assez généralement convaincu que leur avenir tout entier se ressent de cette première opération.

[6:1:1:2]
§ ii. — Des divers modes de défoncemens.

Les labours de défoncemens se font à bras d’hommes ou à la charrue.

i. Défoncemens à bras d’hommes.

D’après le premier mode, quels que soient les outils dont on se sert[1], on commence ordinairement par ouvrir, sur l’un des côtés du terrain, une tranchée longitudinale dont la profondeur, une fois fixée, règle celle du défoncemens entier, et dont la largeur, proportionnée à cette profondeur, doit être telle que l’ouvrier puisse travailler sans gêne au fond de la jauge. — On transporte les terres extraites à l’autre extrémité de la pièce, de manière à pouvoir combler le dernier vide, et on remplit successivement chacune des tranchées intermédiaires, en ouvrant celle qui fait suite, de manière que la terre de la superficie, rejetée la première, recouvre le sous-sol, tandis que celle des couches inférieures est ramenée vers la surface.

Dans les terrains de consistance moyenne on emploie avec avantage la pioche à deux dents (fig. 136), nommée dans quelques lieux Deux contenantsbicorne, au fer de laquelle on donne communément de 15 à 18 po. (0m 406 à 0m 487). — Avec cet outil, dont les dents pénètrent avec facilité et dont la partie opposée est acérée de manière à couper les racines qui se rencontrent accidentellement à sa portée, on détache de grosses mottes, qu’il est ensuite très-facile de briser en les frappant une seule fois de la douille, c’est-à-dire de la partie moyenne de l’outil qui sert à recevoir un manche de 2 pi.quelques pouces (0m 704 à 0m 758), et à le fixer au moyen d’un coin de fer ou de bois. — On rejette ensuite la terre ainsi divisée avec la pelle, et on continue de la même manière jusqu’à ce que la jauge ait atteint les dimensions en tous sens qu’on désire lui donner.

Le choix des pelles n’est pas indifférent. Deux contenantsPour quiconque a mis la main à l’œuvre, il est bien démontré que la première condition de ces outils, c’est de pouvoir pénétrer avec facilité dans la terre ou les pierrailles. — La légèreté vient ensuite. Sous le premier de ces rapports la pelle-bêche concave (fig. 137), qui est tout en fer et qui sert indistinctement aux travaux de labour et de terrasse, est sans contredit une des meilleures. Sous le second, il est évident qu’une pelle en bois simplement doublée de tôle à son extrémité (fig. 138) est préférable. — Cette dernière qualité doit l’emporter sur la première dans les terres faciles.

Les dimensions des pelles sont communément de 12 à 15 po. (0m 325 à 0m 406) de long sur une dizaine de pouces (0m 271) de large. — Le manche varie dans sa longueur, de 2 pi. (0m 704) à 1 mètre ; rarement il a plus de 2 pi. 6 po. (0m 812).

Les figures suivantes donnent une idée des variations de formes qu’on a fait subir dans differens pays à ces sortes d’outils : la fig. 139
Fig. 143, 142, 139, 140, 141
représente une pelle entièrement en bois d’aune ou de hêtre, employée, à défaut d’autres, sur des sols peu pierreux et peu consistans ; la fig. 140, une pelle ferrée, ceintrée et à béquille, plus propre au même usage ; la fig. 141, une pelle anglaise en fer ; la fig. 142, une autre pelle anglaise également en fer, ainsi que la suivante, fig. 143, dont on fait un fréquent usage dans le Dauphiné. Lorsque le sol offre une grande résistance ou contient beaucoup de pierres, à la pioche précédemment décrite on substitue la tournée déjà figurée page 115, la tournée dauphinoise, fig. 144, dont on garnit la pointe
Fig. 146, 147, 145, 144
d’acier trempé, ou les pics. Le premier et le second de ces outils, fig. 145 et 146, sont en usage sur les bords du Rhône et du Rhin pour les défoncemens qui précèdent la plantation de la vigne, dans les terrains complètement rocailleux ; le second surtout, qui se termine du côté opposé à la pointe par une sorte de marteau, convient également pour bêcher et pour casser la pierre. — Le troisième, fig. 147, à deux taillans opposés, est employé en Belgique pour faire des tranchées dans les sous-sols d’une consistance pierreuse, homogène et d’une décomposition facile, tels que diverses marnes, des tufs, des schistes argileux, etc. Du reste, l’opération se conduit de la même manière qu’avec la pioche.

Les pics, destinés à vaincre des obstacles puissans, doivent avoir plus de force encore que les tournées ; aussi leur épaisseur est-elle plus considérable, comparativement à leurs autres dimensions. — Le fer des plus longs ne dépasse guère 1 pied (0m 325). Cependant le dernier, fig. 147, atteint parfois de 15 à 18 po. (0m 406 à 0m 487). — Pour faire les manches, on emploie le pommier sauvage, l’érable, le houx et de préférence le frêne.

Rarement un défoncement d’une certaine profondeur peut s’opérer à bras sans l’aide de quelques-uns des outils dont je viens de parler. Toutefois, dans des sols remarquablement faciles, de consistance légère, de nature sableuse ou sablo-argileuse, sans presque aucune pierre, il arrive que l’emploi de la bêche est possible. — Dans ces sortes de terrains, bien qu’on ne les travaille ordinairement que superficiellement, les pluies entraînent facilement les sucs extractifs des engrais à une profondeur telle que les racines ne peuvent plus en profiter. Il est avantageux, de loin en loin, d’atteindre les couches inférieures. Cette sorte de défoncement, pratiqué, dans divers lieux, à la profondeur d’un fer de bêche seulement, en renouvelant la terre, produit d’excellens effets, notamment sur les cultures du lin, du chanvre et des céréales, qui se succèdent à de courts intervalles sur les mêmes champs.

La dimension du fer des bêches doit être proportionnée, non seulement à la profondeur ordinaire des labours, mais aussi à la force de l’ouvrier et à la nature du terrain. — Dans plusieurs localités on lui donne d’un pied (0m 325) à 18 po. (0m 487) de long, sur 8 à 10 po.(0m217 à 0m271) de large. Dans d’autres, seulement 9 à 10 po. (0m 244 à 0m 271) sur 8 (0m 217). — La longueur des manches varie de 2 pi. à 2 pi. 6 po. (0m 650 à 0m 812). — Le plus souvent il est simple ; quelquefois il se termine par une poignée en forme de béquille. — Nous avons réuni dans les figures ci-jointes les principales bêches particulièrement propres aux défoncemens, telles qu’elles sont employées dans divers pays : fig. 148, bêche de Paris ; fig.149, bêche anglaise ;
Fig. 148, 149, 150
fig. 150, bêche Louchet de Picardie ; fig. 151, bêche italienne à oreilles, carrée ; fig. 152, 153, 2 bêches du Puy-de-Dôme ; fig. 154, bêche de Normandie ; fig. 155, bêche de Poncins ; fig. 156, bêche romaine ; fig. 157, bêche belge ; fig. 158, bêche à oreilles de Lucques ; fig. 159, bêche à hoche-pied de Toulouse ; fig. 160, bêches à chevilles du midi de la France.

Les bêches fig. 148, 149, 150 et 151, et notamment les trois premières, qui diffèrent peu entre elles, sont employées fort communément dans les terres légères et sans mélange de pierrailles. Celles qui sont désignées par les no 152 et 153, destinées plus particulièrement à creuser des rigoles d’arrosement dans les prairies naturelles, produisent, en cas de besoin, un défoncement plus profond ; il en est de même de la bêche fig. 155, qui se recommande, ainsi que celle 154, par sa légèreté. Les bêches fig. 159 et 160 rendent le travail plus facile au moyen du hoche-pied mobile ou des chevilles, sur lesquelles l’ouvrier peut mettre le pied, sans user aussi promptement ses chaussures. Enfin les bêches fig. 156, 157, 158 et 160 sont préférables, à cause de leur forme, dans les terrains un peu rocailleux ou traversés par de minces racines. Toutefois, dans ces sortes de sols, pour peu qu’ils offrent assez de consistance, on remplace la bêche par la fourche.

Le défoncement à la fourche, fig. 161, entraine en pareil cas moins

Fig. 161

de fatigue, produit plus de travail et peut donner du reste à peu près les mêmes résultats. La fourche, comme la bêche, doit néanmoins être considérée plutôt comme un outil de simple labour que de défoncement. Les défoncemens exécutés à bras d’hommes offrent généralement plus de perfection, mais ils sont beaucoup plus dispendieux que les autres. Aussi les emploie-t-on rarement dans la grande culture. Cependant il est des cas où, faute de machines convenables, ou, comme on peut le conclure de ce qui précède, d’après la nature ou la disposition du terrain, il est impossible de recourir à la charrue.

ii. Défoncemens à la charrue.

Les défoncemens progressifs peuvent s’effectuer, dans beaucoup de cas, jusqu’à une profondeur suffisante, en donnant, d’année en année, ou de labour en labour, un peu plus d’entrure au soc de la charrue ordinaire, sans rien changer d’ailleurs à sa marche habituelle, que d’augmenter plus ou moins le nombre d’animaux de tirage. Pour atteindre plus profondément, on fait usage assez fréquemment, dit-on, chez nos voisins d’outre-mer, de charrues à plusieurs socs, auxquelles on attribue de grands avantages. Il en existe aussi en France, mais je n’ai point été à même d’apprécier leurs effets. Il y a lieu de croire qu’elles pourraient faciliter et simplifier beaucoup le défoncement, et il est probable que si, depuis qu’on les connaît, elles ne se sont pas multipliées plus qu’elles ne l’ont fait, cela tient surtout, d’une part, à leur imperfection et à leur prix élevé, de l’autre à leurs usages nécessairement restreints, et enfin à la possibilité de les remplacer tant bien que mal, comme nous le verrons tout-à-l’heure, sans rien ajouter au matériel le plus ordinaire de chaque exploitation. — Parmi les charrues de défoncement à double soc, celle de Morton (fig. 162)

Fig.162


me paraît une des plus simples et des mieux conçues. — Elle se compose de deux parties A et B dont la seconde pénètre de 4 ou 6 pouces plus profondément que la première. Celle-ci A, soulève le sol à la profondeur de 5 pouces et le retourne dans le sillon plus ou moins profond ouvert par la partie B, laquelle laboure ordinairement à 10 ou 12 pouces et peut être disposée de manière à atteindre jusqu’à 15 ; — le long de son versoir s’élève un plan incliné indiqué sur la figure par une double ligne ponctuée, qui s’étend de la partie postérieure de la lame du soc C jusqu’à la partie postérieure du versoir D, où elle se termine à environ 6 pouces au-dessus du niveau du sep E. Par suite de cette disposition, la terre, soulevée du fond du sillon, glisse obliquement de bas en haut, et se trouve renversée sur le sommet de la bande formée par l’avant-corps A.

A défaut de semblables machines, il n’est pas rare de voir approfondir la couche labourable en faisant passer, à la suite l’une de l’autre, deux charrues à versoir dans le même sillon, et quoique le travail présente ainsi moins de perfection et devienne plus coûteux, ce moyen, facilement praticable, et incomparablement plus économique que tout défoncement à bras d’hommes, est suivi d’excellens résultats. Je dois ajouter qu’à mesure que l’importance des labours profonds s’est fait mieux sentir, on a construit des charrues à un seul soc qui suffisent aux défoncemens ordinaires ; au nombre de ces dernières je pourrais citer particulièrement celle d’Ecosse, dont tout le corps est en fer coulé, l’araire grand modèle de Grignon, la charrue Valcourt, celle de Fellemherg, etc. (Voy. la section suivante.) Pour atteindre et diviser le sous-sol sans le ramener à la surface, M. le marquis de La Boessiere a inventé récemment un instrument dont il a déjà été parlé (voy. page 30). — Le cultivateur ou binot, dépouillé de ses versoirs et conduit derrière une charrue ordinaire, de manière à approfondir successivement chaque raie, sans exiger une grande force de tirage, produit plus simplement à peu près le même effet. Si je reviens ici sur son emploi pour les défoncemens de ce genre (voyez page 30), c’est moins dans le but de compléter le présent article que dans celui de recommander plus particulièrement à l’attention des cultivateurs une amélioration à la fois importante et facile.

iii. Des défrichemens à la charrue et à bras d’hommes.

Ce dernier mode, en quelque sorte mixte, puisqu’il participe des deux autres, consiste à ouvrir d’abord un sillon large et profond au moyen d’une forte charrue, et à creuser au fond de ce sillon une jauge à bras d’hommes, en échelonnant dans toute sa longueur un nombre considérable d’ouvriers. On rejette ainsi la terre du sous-sol sur la crête de l’ados formé par la charrue. Cette pratique fort commune, sous le nom de Ravagliatura dans le Bolonais, pour la culture des chanvres, est aussi assez générale dans une grande partie du littoral du département des Côtes-du-Nord et ailleurs. Dans les deux pays précités, on n’emploie pas moins de 24 journaliers pour l’effectuer. — Combien ne serait-il pas désirable qu’une bonne charrue fût employée en pareil cas !

Art. ii. — Des Labours ordinaires en général.
[6:1:2:1]
§ ier. — De la profondeur des labours.

La profondeur des labours proprement dits, ou, en d’autres termes, de ceux qui n’attaquent pas le sous-sol, est nécessairement déterminée, assez souvent, par la mince épaisseur de la couche arable. Quand on ne peut pas augmenter cette dernière aux dépens du terrain inférieur, on n’a d’autre ressource, comme il sera expliqué bientôt, que de l’élever sur certains points en la diminuant encore sur d’autres, par un travail en ados ou billons. — Dans les cas moins défavorables, la profondeur doit varier selon certaines règles qu’il n’est pas impossible de généraliser dans un traité de culture. Il est toujours avantageux de commencer par le labour le plus profond, afin que la terre ait mieux le temps de se mûrir. Malheureusement, tout en reconnaissant la justesse de ce principe, très-souvent on est obligé de s’en écarter en pratique ; car, sur certains sols, dans l’impossibilité ou l’extrême difficulté de donner, de prime-abord, au soc l’entrure nécessaire, on n’a d’autre parti à prendre que de l’augmenter progressivement. Une fois que le terrain a été retourné et ameubli à une profondeur convenable, les labours suivans peuvent, et, dans la plupart des cas, doivent même devenir moins profonds. — Ils le doivent lorsqu’on vient de répandre à la surface les amendemens divers, les cendres produites par l’écobuage ou les engrais que la charrue pourrait entraîner au-dessous de la portée des racines ; — lorsqu’aux approches des semis de printemps on ne veut pas compromettre les excellens effets de l’ameublissement produit par les gelées, et ouvrir, plus qu’il n’est nécessaire, le sol à l’excessive évaporation produite par les vents secs et les vils rayons de soleil de cette saison. — En pareil cas, un ou deux traits d’extirpateur, parfois quelques hersages, peuvent être une préparation suffisante.

Dans les contrées où les fromens se sèment sous raies, le labour doit varier non seulement en raison de la composition générale des terres, mais aussi de leur disposition accidentelle au moment des semailles. Ainsi, il doit être plus profond sur des sols légers que sur des terres fortes ; — sur des terres sèches que sur des terres humides ; — sur des craies exposées aux effets du déchaussement que sur des sables également légers, mais qui ne sont pas sujets aux mêmes inconvéniens ; — sur des champs salis de mauvaises herbes que sur ceux qui en sont nettoyés, etc., etc. Enfin, il est évident que, comme les défrichemens, les labours doivent varier en raison de la longueur des racines des plantes cultivées. — Ils doivent varier encore eu égard à la végétation particulière des espèces. Quelques-unes, telles que les pommes-de-terre, les turneps, les fèves, etc., réussissent sensiblement mieux lorsque le soc a ramené à la surface une certaine quantité de terre neuve. John Sinclair, à la suite de recherches attentives, affirme que, sans les labours profonds, ces récoltes diminuent ordinairement, après un certain temps, en quantité, en qualité et en valeur. D’autres plantes sarclées, également propres à la culture des défriches, sont dans le même cas ; tandis qu’il en est qui s’accommodent assez bien d’un fonds moins nouvellement travaillé et par conséquent plus solide.

La plupart des agronomes ont recommandé, d’après Rozier, sinon de faire alterner régulièrement les labours profonds et les labours superficiels, au moins de recourir de temps en temps aux premiers, ce qui est sans contredit fort profitable. — Sinclair a établi, par une table, les règles suivantes

Premier labour de jachère 
 6 à 8
ou mieux 10 à 12 po. 
Second 
 6 7 po.
Troisième 
 5 1/2 po.
Quatrième 
 4 po.
Labour de semaille 
 4 po.
Avoine sur turneps 
 4 5 po.
— sur trèfle rompu 
 5 6 7 po.
Fèves sur un seul labour 
 6 7 8 9 po.
— sur un second labour 
 5 po.
Premier labour pour l’orge 
 6 7 po.
Second 
 5 po.
Troisième 
 4 po.
Premier labour pour les pommes-de-terre 
 4 6 po.
Second 
 5 po.

Thaer a cru pouvoir poser en principe, en restant même au-dessous des bornes du vrai, que la valeur de la couche arable s’augmente de 8 p. 100 avec chaque pouce de profondeur qu’on peut lui donner en sus de 6 jusqu’à 10 pouces, et qu’elle diminue proportionnément de 6 à 3 pouces. — On sait qu’à la ferme-modèle de Grignon la culture repose sur de semblables principes, et que tous les ans on a successivement labouré ou plutôt défoncé de 9 à 11 po. (0 m. 240 c.) toutes les terres destinées à former la sole des plantes sarclées.

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§ ii. — Du nombre des labours.

Plusieurs causes fort différentes contribuent particulièrement à modifier le nombre des labours. Ce sont : leur destination, la nature et la disposition des terres qui les reçoivent, et les circonstances atmosphériques qui les précèdent, les accompagnent ou les suivent. Nous verrons, en traitant de chaque culture en particulier, quelles sont celles qui exigent, avant les semailles, plus ou moins de labours préparatoires. De pareilles spécialités, si elles n’étaient déplacées au point où nous en sommes, entraîneraient tout au moins à des redites que nous devons épargner à nos lecteurs.

Les labours de jachère doivent être assez multipliés (non seulement pour ouvrir le sol aux influences bienfaisantes de l’atmosphère) ; mais aussi pour détruire complètement les racines et les germes des plantes adventices qui l’occuperaient au détriment des cultures plus productives. — Il n’est pas sans exemple qu’on en donne jusqu’à 5 et 6 dans le courant de l’année, et, quoique de telles pratiques soient devenues assez rares à mesure que les bons assolemens se sont répandus, et qu’on soit parvenu à entretenir le sol dans un état de produit constant sans pour cela le laisser envahir par les mauvaises herbes, il faut encore reconnaître qu’une jachère d’été est parfois le meilleur moyen de nettoyer un terrain, et que, dans ce cas, les labours ne peuvent être trop nombreux.

Les terres argileuses exigent des labours d’autant plus fréquens qu’elles offrent une plus grande ténacité, et par une fâcheuse coïncidence, ces labours sont d’autant plus dispendieux qu’ils sont plus nécessaires. — Pour les rendre plus faciles, un Anglais, M. Finlayon, a imaginé de remplacer le versoir de la charrue ordinaire par 3 ou 4 baguettes en fer qui en forment, pour ainsi dire, le squelette (voyez plus loin la charrue squelette, skeleton plough). Après plusieurs essais, il a pu prononcer que les sols les plus tenaces, pris encore un peu humides, peuvent être facilement labourés au moyen de cette charrue à laquelle ils n’adhèrent que faiblement. — Un autre cultivateur du même pays, afin de diminuer le frottement du sep, a imaginé de le relever obliquement à partir du soc (voyez la charrue Wilkie), et de le remplacer, en quelque sorte, par une roue inclinée sur son axe à environ 30 degrés de la perpendiculaire et qui tourne dans l’angle du rayon formé par le contre et le soc. La charrue Wilkie ayant été essayée publiquement en 1829, il a été reconnu, dit M. Loudon, qu’elle exige une force de tirage de 30 p. 100 moindre que la meilleure charrue ordinaire. — Enfin, le major Beatson, dans le but de multiplier, aux moindres frais possibles, les labours sur les terres qui exigent impérieusement de fréquentes façons, a introduit sur ses propriétés un extirpateur à 7 dents de 10 po. fixées à 9 po. de distance les unes des autres, sur deux lignes parallèles écartées entre elles de 11 po. Cet instrument, attelé d’un seul cheval et qui ne pénètre d’abord qu’à une faible profondeur, à force de revenir sur le même sol, finit par atteindre la portée des labours ordinaires.

Les terrains légers, sablonneux et chauds exigent moins de labours que les sols argileux. Cela dérive si naturellement de tous les principes posés dans le cours de cet article, qu’il serait superflu d’entrer dans de nouveaux détails.

Remarquons encore que des façons nombreuses, sur des collines en pente tant soit peu rapides, tendent à dénuder leur sommité de terre, et par suite à les rendre improductives, à moins de frais considérables ; — que dans les localités exposées aux inondations, les terres sont d’autant plus sujettes à être entraînées par le courant, qu’elles sont labourées plus fréquemment, et que, bien souvent, sous peine de désastres inappréciables, on est contraint de ne les pas labourer du tout.

Quant aux circonstances atmosphériques, elles exercent une très-grande influence surtout relativement aux terres d’un travail naturellement difficile. — Le champ le plus compacte, labouré pendant le cours de l’automne dans un état convenable, c’est-à-dire ni trop sec ni trop humide, après qu’il a été soumis à l’action puissante des gelées d’un hiver plus froid que pluvieux, n’a pour ainsi dire besoin, s’il est exempt de mauvaises herbes, que d’être gratté à sa surface avant l’époque des semailles. Il se réduit presque de lui-même en terre meuble, tandis que de nombreux et profonds labours pourraient lui devenir mécaniquement plus nuisibles qu’utiles si la saison se comportait mal. Un M.Crowe, dit Arthur Young, donna à une pièce de terre argileuse une jachère complète de deux ans. À la St.-Michel de la seconde année, il sema cette pièce en froment après douze labours. Quel fut le résultat de cet essai ? une magnifique récolte sans doute ? Point du tout. Le blé leva fort bien, mais le printemps fut pluvieux : plus la surface était belle et bien atténuée, plus elle fut apte à se prendre comme un mortier. La récolte ne produisit que 14 bushels par acre, encore le grain fut-il de mauvaise qualité. On voit par cet exemple que le nombre des labours n’équivaut pas toujours à leur opportunité.

Assez généralement dans les terres à froment, et pour les semis de cette céréale, ou donne de 3 à 4 labours. — Arthur Young établit que ce dernier nombre est à peu près indispensable. — ROZIER veut au moins trois labours de préparation, indépendamment de ceux qui doivent précéder coup sur coup les semailles.— John Sinclair indique 4 labours de jachère avant celui des semailles. Enfin, ainsi que je l’ai déjà dit, il est des contrées où la pratique va même au-delà sans apprécier toujours à leur valeur les frais considérables auxquels entraîne inévitablement la multiplicité de semblables travaux. — Répétons que le moyen le plus certain d’éviter le retour trop fréquent des labours, c’est de savoir les faire à propos.

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§ iii. — Époques favorables aux divers labours.

Les terrains facilement perméables à l’eau peuvent, à vrai dire, être labourés à peu près en tout temps ; mais il est loin d’en être de même des autres. — Lorsqu’ils surabondent d’humidité, tantôt ils adhèrent au soc et au versoir de la charrue, tantôt ils se compriment en bandes boueuses, sans aucune porosité, et que la sécheresse transforme en véritables pierres ; les animaux, en les piétinant, rendent plus sensible encore un tel inconvénient. — Lorsqu’ils sont trop secs, outre qu’il est presque impossible de les travailler, ils se divisent en mottes d’une extrême dureté que la herse ne peut briser. Il est donc indispensable de choisir le moment où les pluies les ont humectés assez profondément sans les saturer, et ce moment ne se présente pas toujours d’une manière opportune.

Dans tout le midi de la France, par exemple, la principale difficulté que rencontre le laboureur, est la brièveté du temps qu’il peut employer à la préparation des terres. Si, pour ménager quelques dépaissances à ses moutons, il ne profite pas des journées favorables de l’automne et de l’hiver, les pluies printanières sont si peu fréquentes, que dès la dernière quinzaine de mai il lui devient presque impossible de faire un travail passable ; aussi une jachère complète lui paraît-elle le seul moyen de donner à ses champs une culture suffisante. — Sur les prairies artificielles destinées à être retournées, à moins qu’on ne diffère les premiers labours jusqu’à la veille des semailles, ce qui présente le grave inconvénient de ne pas donner au sol le temps de s’aérer, ils sont d’autant plus difficiles que la saison est déjà fort sèche après les coupes. Les seconds labours ne le sont pas moins ; car en été, ainsi que le savent ceux qui ont habité la Provence, la pluie même devient un obstacle quand elle ne pénètre que partiellement la couche labourable. Dans ce cas, dit M. DE Gasparin, un labour imprudent produit un effet que l’on désigne dans ce pays par l’expression de gâter la terre. Il consiste dans la sortie d’une multitude de mauvaises herbes, principalement de coquelicots et de crucifères, plantes à graines oléagineuses qui épuisent beaucoup le sol et le couvrent, pour plusieurs années, de leurs semences abondantes. — On conçoit, d’après ces divers motifs, combien la sécheresse et la chaleur de ces contrées opposent de difficultés au labourage. — En remontant vers le nord nous verrions que l’humidité constante de certaines années en présente assez souvent de non moins graves.

En théorie, il est avantageux de labourer les terres fortes peu de temps après qu’elles ont été dépouillées de leurs produits, les labours d’automne contribuant, plus que tous autres, à leur ameublissement. Après eux ceux d’hiver, en tant qu’ils précèdent la gelée, remplissent à peu près le même but. Cependant, en pratique, assez ordinairement on attend la fin de cette saison, de sorte qu’il faut ensuite labourer coup sur coup au printemps, ce qui n’est jamais à beaucoup près aussi profitable, — Au reste, les labours de l’arrière-saison offrent bien aussi parfois quelques inconvéniens. Voici ce qu’en dit Arthur Young, d’après les expériences faites par lui sous le ciel humide de l’Angleterre : « On voit qu’il est incontestablement utile de labourer en automne les chaumes que l’on destine à la culture des fèves. Il paraît aussi qu’il y a de l’avantage à labourer en automne une jachère que l’on destine aux turneps ; mais on ne voit pas que cet usage soit également utile pour la culture des blés de mars, attendu qu’à moins que la terre ne fût parfaitement nette, ce serait provoquer la végétation des mauvaises herbes, sans se ménager les moyens de les détruire. Il offre au surplus tant d’autres avantages qu’on doit être étonné de voir si peu de fermiers s’y conformer, sous prétexte qu’il leur faut une pâture, toujours misérable, pour leurs bêtes à laine. Cependant je dois avertir le lecteur que ce que je dis ici n’est pas applicable à tous les sols. Supposons que la nature d’une terre soit telle qu’aux premiers jours secs du printemps elle se réduise en terreau aussi aisément que celle qui aura été labourée en automne. Supposons que ce soit pour elle un désavantage de rester exposée et ouverte aux pluies d’hiver, parce qu’elle demande à rester comme elle a été laissée par la dernière récolte, en masses compactes et arrondies, en sorte que l’eau puisse rouler dessus sans la pénétrer ; alors je conçois, et même il me paraît clair, qu’une semblable terre, s’il en existe, demande plutôt à être labourée au printemps qu’en automne. »

Les labours d’été ne sont en usage que dans deux cas : 1o pour la préparation des terres qui viennent de porter des récoltes et qu’on veut semer immédiatement ; cas peu ordinaire, mais qui peut présenter, en des circonstances favorables, de précieux avantages avec un bon système d’assolement ; — 2o pour détruire les mauvaises herbes pendant une jachère complète. Dans ce cas, ils doivent être combinés de manière que celles-ci n’aient pas le temps de fructifier, ce qui s’accomplit en cette saison avec une extrême rapidité.

Art. iii. — Des divers modes de labours.

Comme les défoncemens, les labours s’effectuent à bras d’hommes ou à l’aide de machines mues par des animaux. Les outils dont on se sert dans le premier cas étant en partie les mêmes que ceux dont il a déjà été parlé, je n’aurai que peu de choses à ajouter ici.

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§ i. — Des labours à bras d’hommes.

Dans plusieurs localités, pour parer la terre, c’est-à-dire pour lui donner un premier labour de préparation, on emploie la bicorne (fig. 136, page 160), diverses autres pioches, ou des hoyaux avec lesquels on divise la surface en mottes plus ou moins grosses. Ce travail, quoiqu’imparfait puisqu’il ne retourne presque pas le sol et qu’il ne détruit que fort imparfaitement les plantes adventices, est assez rapide, et produit sur de petites étendues de défriches ou de jachères un bon effet.

Fig. 167
La pioche ovale, fig. 163, et la variété,fig. 164, sont communément utilisées sur les bords de la Meuse pour les terres faciles. — Dans les localités caillouteuses, on leur préfère la pioche à marteau, fig. 165, ou à pic, fig. 166. Aux environs de Paris on se sert du hoyau,fig. 167. Les labours à la houe sont en usage dans presque toute l’Europe. À l’avantage de retourner la terre comme les suivans, ils joignent celui d’une exécution rapide ; mais, d’un autre côté, ils sont peu profonds et néanmoins très-fatigans ; car, pour employer ces sortes d’outils, dont le manche forme avec le fer un angle excessivement aigu, l’ouvrier est obligé de se courber en deux, soit qu’après avoir soulevé la terre presque entre ses jambes il la rejette derrière lui, soit que, marchant au contraire en arrière, il la rejette sur le côté pour en combler la jauge précédemment ouverte. Les houes, selon la nature du terrain dans lequel on les emploie, sont tantôt pleines, tantôt à dents ou à pointes. — Les unes conviennent aux labours des sols meubles, dépourvus de pierres et dépouillés de racines ; les autres pénètrent plus facilement dans les terres rocailleuses, graveleuses ou liées par des racines traçantes. — Nous avons réuni sur les figures suivantes quelques-unes des espèces les plus usitées : fig. 168, houe ordinaire
Fig. 168
du nord de la France ; — fig. 169, houe de Bretagne ; — fig. 170, houe d’Amérique, dont la courbure du manche permet à l’ouvrier de travailler sans se courber beaucoup ; — fig. 171, houe essade du midi ; — fig. 172, houe plate de Château-Thierry ; — fig. 173, houe triangulaire ; — fig. 174, houe du département de l’Hérault ; — fig. 175, houe à oreilles des Pyrénées-Orientales ; — fig. 176, houe ronde de Brest ; — fig. 177, houe escaoussadou du midi ; — fig. 178, houe des vignes du département des Bouches-du-Rhône ; — fig. 179, autre houe destinée au même usage — fig. 180, houe fourchue des environs de Paris ; — fig. 181, houe bident à manche courbe de la Sarthe ; — fig. 182, houe à longues dents de Maine-et-Loire ; — fig. 183, houe bi-triangulaire de la Crau ; — fig. 184, houe trident de plusieurs parties du centre de la France. La fourche a deux ou à trois dents (voyez fig. 161, page 162) convient aux labours des terres compactes et humides, qui s’attachent aux fers des outils ou qui sont remplies de racines. Dans ce dernier cas surtout, en facilitant l’extraction de ces dernières, elles sont d’un usage fort avantageux. Quant aux labours à la bêche, malheureusement dans les sols même qui se prêtent le mieux à leur emploi, à côté des avantages incontestables qu’ils présentent, ils ont par compensation l’inconvénient de donner des résultats si lents, qu’on ne peut en faire usage hors des jardins que dans les contrées très-populeuses et cultivées avec un soin particulier. C’est ainsi que dans quelques parties du nord on laboure les champs à la bêche tous les six ou huit ans. — A Paris on nomme labour à un fer de bêche celui qui pénètre de 9 po. à un pi. (0m 244 à 0m 325), et à un demi-fer de bêche, celui qui ne retourne le sol qu’à la profondeur de 4 à 6 po.(0m 108 à Om 162). — Ce dernier est parfois préférable pour ne pas porter les engrais au-delà de la portée des plantes à courtes racines. [6:1:3:2]
§ ii. — Des labours à la charrue.

Dans tout labour à la charrue, trois points doivent particulièrement fixer l’attention du laboureur ; ce sont : 1o l’épaisseur de la bande à soulever, 2o sa largeur, et 3o la position dans laquelle doit la placer le versoir.

L’épaisseur et la largeur comparatives de la bande de terre a donné lieu parmi les agronomes à une assez grave divergence d’opinions. Les uns pensent que, pour être bon, un labour doit toujours être plus profond que large. Ils veulent que la profondeur soit à la largeur dans la proportion de 2 tiers au tiers, c’est-à-dire que si la bande à 9 pouces dans le premier sens, elle ne doit en avoir que six dans le second, la terre étant ainsi mieux ameublie, plus émiettée et remarquablement plus productive, surtout en temps de sécheresse ; aussi, quels que soient les frais plus considérables qu’entraîne une pareille pratique en augmentant le nombre de traits, ils soutiennent que tout labour qui soulève une tranche de terre plus large qu’elle n’est profonde, est tout-à-fait contraire aux bonnes lois du labourage. — Les autres, retournant la proposition, demandent au contraire que la largeur soit à la profondeur dans la proportion de deux à un. Selon eux, un labour beaucoup plus profond que large est une opération que sa lenteur et sa complète inutilité, dans la plupart des cas, doit faire, à très-peu d’exceptions près, rejeter de la pratique. Ils ont pour eux l’exemple général, et je partage leur avis.

Du reste, quelle que soit l’opinion qu’on se fasse à cet égard, il est des cas où l’on doit transgresser l’une ou l’autre règle. En effet, plus le sol est tenace, plus la bande doit être étroite, pour faciliter l’action de la herse ; et plus le labour est profond, moins il doit être large, parce que la charrue aurait à vaincre une trop forte résistance. — Sur des terrains meubles ou pour des labours superficiels, les choses peuvent se passer différemment.

Lorsqu’on cherche à diviser un sol tenace, 6 à 7 po. (0m 162 à 0m 189) peuvent paraître une largeur suffisante avec un attelage ordinaire. Plus communément on donne à la bande une largeur moyenne de 9 po. (0m 244). — M. Mathieu de Dombasle, dans ses terres les plus fortes, au moyen de sa charrue attelée de trois bêtes au plus, pour les premiers labours, et en donnant au soc de 6 à 8 po. (0m 162 à 0m 217) d’entrure, ouvre une raie qui atteint constamment de 9 à 10 po. (0m 244 à 0m 271).

La position de la bande de terre retournée par le versoir dépend à la fois de l’épaisseur proportionnelle de cette même bande, et de la disposition particulière des charrues. — Si la tranche est environ d’un tiers moins profonde que large, elle aura une propension naturelle à s’incliner sur la tranche précédente de manière à laisser une de ses arêtes au-dessus ; — si elle a, au contraire, une largeur comparativement beaucoup plus grande, elle retombera presqu’à plat. Il est à remarquer que la plupart des charrues perfectionnées dans ces derniers temps donnent le premier de ces résultats, que l’on considère, à bon droit, comme le meilleur. « Beaucoup de bons cultivateurs ont regardé, au premier coup d’œil, ce labour comme imparfait, et ne l’ont pas trouvé aussi propre que celui où les tranches de terre sont retournées à plat ; cependant ils ont bientôt senti les motifs qui rendent ces labours préférables : en effet, dans les terres fortes, la herse exerce une action bien plus énergique, soit pour ameublir la terre, soit pour enterrer la semence, sur un labour qui présente à la surface un angle de chaque tranche de terre, que lorsque ses dents ne font que gratter le côté plat de la tranche. D’un autre côté, ce labour expose bien mieux toute la terre labourée à l’influence de l’air, des pluies et des gelées, qu’un labour plat. Il est vrai que lorsqu’on rompt une éteule, un trèfle, etc., on aperçoit ordinairement, après le labour, quelques herbes entre les tranches, dans le fond des sillons ou cannelures que laisse le labour à la surface de la terre ; mais un trait de herse les recouvre entièrement, lorsque cela est nécessaire, en abattant les arêtes des tranches. Dans tous les cantons où l’on a apporté quelque attention à ce sujet, on a reconnu, par expérience, que ce mode de labour est celui qui est le plus parfait dans toutes les terres et dans presque toutes les circonstances. » (Mathieu de Dombasle.)

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§ iii. — De la direction des labours.

Habituellement on dirige les labours dans le sens de la pente générale du terrain (fig. 185), pour donner aux eaux un écoulement plus facile.

Fig. 185

Cependant, sur les champs d’une inclinaison considérable, surtout lorsqu’on a plus à redouter la sécheresse que l’humidité, il vaut mieux tracer les sillons perpendiculairement à cette même pente (fig. 186),

Fig. 186

non seulement pour diminuer le travail de l’attelage, mais afin que la terre et les engrais soient moins facilement entraînés par les pluies, et que celles-ci aient mieux le temps de pénétrer la couche labourable. — Les labours de ces sortes de terrains offrent toujours d’assez grandes difficultés. D’une part, ils sont fort imparfaits dans les parties où la bande de terre est rejetée en haut, parce qu’elle est rarement retournée et qu’elle retombe dans la raie ; et de l’autre, parce que, si l’on rejette la tranche constamment en bas, on finit par dénuder de terre le haut de la pièce. Cependant ce dernier moyen est celui que préfèrent les bons cultivateurs ; et, comme la charrue à tourne-oreille, par suite de la forme de son soc et de son versoir, produit un travail vicieux, on a cherché à lui en substituer d’autres, qui seront décrites dans l’article suivant, sous le nom de charrues jumelles, charrues dos-à-dos, etc., et qui peuvent labourer mieux, tout en rejetant de même la terre de droite à gauche, ou de gauche à droite, selon le besoin.

Dans beaucoup de cas, au lieu de sillonner de bas en haut ou en travers, on trouve un grand avantage à labourer obliquement, en ayant soin de diriger la charrue à droite et non à gauche, en partant de la partie élevée du champ ; car, d’après ce second mode, comme on en peut juger d’après la fig. 188,

Fig. 187

la terre serait jetée en haut par le trait qui va en remontant ; ce qui fatiguerait beaucoup l’attelage, sans donner un bon labour : tandis que, d’après le premier (fig. 187),

Fig. 188

lorsque la charrue remonte, elle déverse la terre en bas. — Il y a ainsi moins de fatigue, et la bande, n’étant jamais poussée contrairement à la pente du terrain, retombe librement du versoir dans l’une comme dans l’autre direction. — Toutes les fois que les coteaux n’offrent pas sur des points rapprochés une très-grande inégalité de pentes, on peut les labourer ainsi, lors même que cela serait impraticable par tout autre moyen.

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§ iv. — Des différentes espèces de labours.

Selon les circonstances, mais le plus souvent sans autres motifs que les habitudes locales, on laboure tantôt à plat, ou en planches, tantôt en billons.

Pour labourer à plat on fait ordinairement usage de la charrue à tourne-oreille qui, en allant et en revenant, jette toujours la terre du même côté de l’horizon, et remplit ainsi successivement chaque raie, en traçant une autre à côté, comme l’indique la fig. 189. — La pièce se trouve à la fin former une surface unie, sans autres subdivisions que celles qui résultent de la disposition plus ou moins régulière des rigoles d’écoulement des eaux. Cependant on verra tout-à-l’heure qu’on peut obtenir les mêmes résultats avec des charrues à versoir fixe.

Fig. 189

Dans un labour à plat, lorsque la superficie du champ est régulièrement divisée en parallélogrammes alongés, d’égale largeur entre eux, sensiblement planes et séparés par des rigoles, on dit que ce labour est en planches.

Pour former des billons avec une charrue à versoir fixe, on ouvre successivement des rayons parallèles dans la longueur et des deux côtés de chaque billon, les uns dans une direction, les autres dans une direction opposée ; c’est-à-dire que si on commence, par exemple, par lever une première bande A, (fig. 190),

Fig. 190

du sud au nord, on vient en prendre une seconde B du nord au sud, puis une troisième C à côté de la première, une quatrième D à côté de la seconde, et ainsi de suite, en déversant toujours la terre de gauche à droite, de manière à laisser en définitive un sillon vide au milieu. — Cette première opération s’appelle fendre ou érayer le billon. — Pour le labour suivant, on commence au contraire au milieu, en sorte que les deux premières tranches soient appuyées l’une contre l’autre à la place précédemment occupée par la raie, et on continue de verser toutes les autres bandes de terre vers le milieu du billon jusqu’à ce qu’on arrive aux deux côtés, où il reste nécessairement deux raies ouvertes. Cela s’appelle endosser ou enrayer.

Lorsqu’on refend des billons qui avaient été précédemment endossés une seule fois, il en résulte un labour presque plat ; et si l’on continue à érayer et à enrayer alternativement à une égale profondeur, il ne se forme à la surface du terrain aucune élévation sensible : — on obtient ainsi des planches plutôt que des billons. — Lorsqu’on endosse, au contraire, plusieurs fois de suite les mêmes billons, on leur donne une forme de plus en plus bombée.

On a nommé billons simples (fig. 191), ceux qui ne présentent qu’un seul segment de cercle entre deux raies creusées au même

niveau. — Il y a des billons simples composés de deux traits de charrue seulement, c’est-à-dire d’environ 2 pi. (66 c. m.) de large ; — il y en a de quatre, de huit, de dix traits ; — il y en a aussi de vingt et même de trente, qui acquièrent par conséquent de 6 à 10 mètres de largeur.

Les billons doubles (fig. 192) sont subdivisés en trois ou quatre billons plus petits, séparés par des rigoles moins profondes que les deux principales, et creusées à des niveaux différents sur la double pente du grand billon. — Cette disposition est peu ordinaire.

De même qu’il y a des billons de toutes les largeurs, entre deux tiers de mètre jusqu’à 15 mètres et plus, il y en a aussi de toutes les hauteurs, entre ceux qui se confondent presqu’avec les planches, et ceux qui s’élèvent au-delà de 3 à 4 pi. ( 1 m. à 1 m. 325).

Avantages et inconvénients du billonnage. — On a beaucoup dit pour et contre la pratique du billonnage. Les uns trouvent qu’au moyen de billons bien faits on fournit aux plantes une couche labourable plus épaisse, qui contribue efficacement à leur belle végétation, qui les fait jouir, même sur les fonds les moins riches en terre végétale, des avantages des labours profonds, et qui permet (résultat incalculable dans l’état actuel de notre agriculture) d’introduire sur ces terrains peu privilégiés les récoltes de racines sarclées ; — que sur les ados, l’humidité n’est jamais trop grande, quoique la sécheresse soit rarement redoutable, parce que la terre meuble du dessous conserve et communique pendant longtemps sa fraîcheur jusqu’aux racines ; — que cette disposition du sol, procurant aux cultures tout-à-la-fois plus d’air et de lumière, favorise la formation du grain dans les épis et la maturation ; — que, dans les temps de pluie, l’eau dont les plantes sont surchargées est plus promptement essuyée ; — que ces plantes courent moins le risque de verser ; — enfin, que le sarclage est plus facile.

D’un autre côté, on répond : que si les billons sont larges et fort relevés, la meilleure terre se trouve inutilement amassée dans le milieu, et peu-à-peu mise hors d’action par la profondeur à laquelle elle est enfouie ; — qu’à la vérité, dans les climats humides, la sommité des ados se trouve a l’abri des infiltrations, mais que les bas-côtés y sont d’autant plus exposés que l’eau, par une cause ou une autre, s’accumule presque toujours, au moins par places, dans les rigoles, et qu’il est le plus souvent impossible de faire des saignées dans le sens des diverses pentes du terrain ; — que, dans les temps de sécheresse, lorsqu’il survient une pluie d’orage, au lieu de pénétrer dans la croûte durcie qui forme la surface du sol, elle ne fait que glisser à sa superficie, de sorte que quelquefois les rigoles sont insuffisantes pour contenir l’eau qui s’y est jetée, tandis que l’ados se trouve presque aussi sec qu’auparavant ; — que, lorsque les billons sont dirigés de l’est à l’ouest, les récoltes sont ordinairement moins belles et toujours beaucoup plus retardées dans leur végétation du côté du nord que de celui du midi ; — que, dans les terres sujettes au déchaussement, le billonnage augmente encore cette fâcheuse disposition ; — enfin, que, non seulement avec de hauts billons les labours et surtout les hersages sont plus difficiles, mais que les labours qui sont parfois si utiles pour les terres fortes, sont impraticables. — Si les billons sont étroits, tout en conservant une grande élévation, l’endossement demande beaucoup de temps et exige une grande force de tirage ; il n’est pas plus aisé de refendre ; l’ensemencement est irrégulier, et les travaux de la récolte se font avec encore moins de facilité. — La multiplicité des raies occasionne une perte notable de terrain. — Quant aux billons très étroits composés d’un petit nombre de traits de charrue, et dont l’usage se lie nécessairement à celui des semis sous raie, ils sont accompagnés, dit M. Mathieu de Dombasle, d’un si grave inconvénient qu’ils devraient être proscrits comme méthode générale de culture. Cet inconvénient, senti de tous les praticiens, consiste à forcer le cultivateur à labourer, à l’époque même des semailles, toute la sole qu’il veut ensemencer, ce qui exige un espace de temps considérable pendant lequel la saison n’est pas toujours favorable ; tandis qu’en donnant à l’avance le labour de semaille, on a la faculté de choisir le temps le plus convenable pour répandre la semence et pour l’enterrer à la herse ou à l’extirpateur.

Si donc les billons ont parfois des avantages incontestables, le labour à plat ou en planches doit être préféré dans la plupart des cas. — Je trouve qu’il y a peu d’objections raisonnables à faire au passage suivant que j’extrais littéralement de Thaer : « L’écoulement des eaux que dans bien des lieux on cherche à procurer surtout par le moyen des rigoles qui séparent les billons, s’obtient toujours d’une manière plus parfaite au moyen des raies que, sur le champ labouré à plat, on trace d’abord après avoir accompli la semaille, et auxquelles on donne la tendance la plus directe et la plus propre à l’écoulement de ces eaux, ce qui n’a pas toujours lieu pour les rigoles des billons. Ces raies d’écoulement peuvent être multipliées dans les lieux où elles sont nécessaires, et l’on en fait abstraction dans ceux où elles ne seraient pas utiles. Les sols labourés à plat conservent une égale répartition de leur terre végétale sur toute leur superficie, tandis que ceux labourés en billons en sont privés dans des places pour l’avoir en surabondance dans d’autres. Ces premiers conservent sur toute leur étendue une même épaisseur de terre remuée ; ils favorisent une répartition plus égale du fumier qui, sur les terrains labourés en billons étroits, a de la disposition à s’amasser dans les rigoles : leur matière extractive n’est pas entraînée sur la pente des billons et dans les rigoles. Mais surtout la semence y est mieux répartie ; on l’y répand à la volée. La herse agit sur toute la surface et d’une manière plus uniforme ; le hersage, en rond, qui est si efficace, devient à peu près impraticable sur un terrain labouré en billons ; le hersage en travers même est rendu beaucoup plus difficile par cette dernière manière de disposer le sol. Aussi le terrain labouré à plat peut-il beaucoup mieux être nettoyé de chiendent et des mauvaises herbes qui se multiplient par leurs racines. Le charroi, et surtout celui des récoltes, y est beaucoup plus facile. Enfin le faucheur et le faneur y accomplissent leur travail avec bien moins de peine. Les céréales y reposent à plat après qu’elles ont été séparées de leur chaume ; elles n’y tombent pas dans les rigoles pour y être gâtées par les eaux, comme cela n’arrive que trop souvent dans les champs labourés en billons étroits. Le râteau y agit avec beaucoup plus de promptitude, et c’est seulement là qu’on peut se servir du grand râteau, qui rend de si bons services lors de la moisson. »

On sait qu’une des premières améliorations qu’ait apportées aux terres basses de son exploitation le célèbre directeur de la ferme de Roville, a été d’aplanir leur surface par des labours successifs, en détruisant les billons qu’on y avait élevés avant lui avec tant de peines et de soins. O. Leclerc-Thouin.

Section ii. — Des charrues considérées comme instrumens de labour et de préparation des terres.

Les charrues les plus simples se composent de diverses parties que nous devons étudier d’abord séparément, afin de connaître leur usage et, autant que possible, les conditions les plus nécessaires à leur bonne construction. Ce sont : le soc, le coutre, le sep, le versoir, l’age ou la haye, le régulateur et le manche.

Cette première partie de notre travail accomplie, après une courte mais indispensable excursion dans le domaine de la dynamique, afin de mettre le lecteur à même de juger de la résistance que présentent les diverses sortes de charrues à l’effort des animaux qui les traînent, et d’apprécier les moyens de diminuer la force de traction, nous traiterons successivement des araires proprement dites ; — des araires à support sous l’age ; — enfin des charrues à avant-train qui nous présenteront plusieurs subdivisions, eu égard à la fixité ou à la mobilité de leur versoir, au nombre de leurs socs, etc., etc.

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Art. ier. — Des diverses parties essentielles des charrues.
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§ vi. — Le soc.

Le soc est la partie de la charrue qui détache la bande de terre, concurremment avec le coutre, et la soulève en avant du versoir. Sans remonter jusqu’à l’antiquité, si nous devions seulement tracer ici un tableau historique de toutes les charrues encore existantes dans les diverses parties du monde, nous verrions que l’aspect et les dimensions des socs varient à l’infini. Toutefois, à ne considérer que ceux dont l’usage est le plus général, on peut les ranger en deux divisions : — Les uns ayant la forme d’un fer de lance ou d’un triangle isocelle plus ou moins alongé, également tranchans des deux côtés (fig.193) ;
Fig. 193
les autres à une seule aile terminée, du côté qui en est privé, par une ligne droite alignée avec le corps de la charrue, et ne formant ainsi que la moitié des autres (fig. 194). Les premiers sont indispensables pour les charrues à double versoir ou à tourne-oreille ; les seconds s’appliquent aux charrues à versoir fixe.

Le soc se compose de deux parties fort distinctes : l’aile ou les ailes (A A, fig. 193 et 194 ), dont la destination est de trancher la terre, et la souche B, fig. 194, qui n’a d’autre but que d’unir cette partie essentielle à la charrue, et de commencer, pour ainsi dire, la courbure du versoir. — La bande qui forme et qui avoisine la pointe et le tranchant s’use à peu près seule durant le travail ; elle comprend ce que M. Mathieu de Dombasle appelle la matière à user. « La proportion entre ces deux parties, dit, dans un travail récent, cet agronome, l’un de ceux qui ont incontestablement le plus contribué de nos jours au perfectionnement de la charrue, peut varier considérablement, et l’on conçoit facilement que le soc est d’autant meilleur sous le rapport de la dépense de renouvellement, que la souche est en poids dans une moindre proportion avec la matière à user. Les socs énormes dont on fait usage dans le nord et l’est de la France, ainsi qu’en Belgique, pèsent communément de 18 à 24 livres, ils coûtent de 18 à 24 fr., et ils ne contiennent que 2 à 3 livres au plus de matière à user. C’est là, certainement, une proportion très-défavorable. Dans les charrues que l’on construit à Roville depuis dix ans, les socs étaient un peu moins pesans, mais la proportion de la matière à user n’était pas encore améliorée : je l’évalue à deux livres environ sur des socs qui pèsent 14 à 15 livres, et qui coûtent 12 francs. En 1832, on a adopté dans les fabriques de Roville une charrue d’un nouveau modèle, dont le soc est beaucoup plus léger et ne dépasse guère 9 à 10 livres. C’est uniquement sur la souche que porte l’économie de poids, et la matière à user reste la même que dans les anciens, en sorte que la proportion est maintenant beaucoup plus favorable. »

Beaucoup de socs se fixent au sep ou à la gorge de la charrue par une douille ou ensochure. — Tantôt ce sont les deux côtés prolongés des triangles qui se recourbent en-dessous pour emboîter l’extrémité antérieure du sep ; — tantôt la douille est placée entre les deux ailes, à peu près comme dans un fer de lance : — tantôt, enfin, elle se trouve à la partie gauche de l’aile unique des charrues à versoir fixe. Cependant, depuis quelque temps, la méthode américaine commence à se répandre ; elle consiste à appliquer et à fixer le soc à la partie antérieure et inférieure du corps de la charrue par deux boulons à écrou, que le laboureur peut ôter lui-même et remettre chaque fois que le besoin de changer le soc se fait sentir.

La nouvelle araire écossaise dont nous donnerons plus loin la figure entière, telle qu’elle existe depuis peu de temps dans les ateliers de l’un de nous (M. Molard), est munie de 3 socs de rechange en fonte, portés par un bras, ou plutôt par une sorte de moignon accompagnant le sep, à l’aide duquel le laboureur peut les fixer et même les faire pénétrer plus ou moins profondément dans le sol, avec promptitude et facilité, à l’aide d’une simple clavette, ainsi que l’indiquent les détails des fig. 195, 196 et 197.
Fig. 195, 196 & 197.
A., Fig. 195, soc vu isolément en-dessus, avec les 2 barres b b qui servent à l’adapter à l’extrémité du sep. — B, fig. 196, soc vu isolément en dessous ; c c représentent les ensochures qui le retiennent sur le moignon b, fig. 197, à l’aide de la clavette e. — La fig. 197 donne une idée de la partie antérieure de la charrue, vue en-dessous, au point de jonction du sep, du soc et du versoir. Cette disposition, remarquable par sa grande simplicité, nous paraît une notable amélioration. — Chaque soc de rechange est ou peut être de dimensions différentes et combinées avec la largeur qu’on veut donner à la raie.
Fig. 198

M. Hugonet du Jura a approprié à une charrue légère, à tourne-oreille (fig. 249 ci-après), un soc qui réunit le double avantage de remplacer le coutre et de changer de position au commencement de chaque sillon. La fig. 198 fera comprendre cette ingénieuse innovation A, fig. 198, soc disposé de manière à labourer du côté droit ; — b manche en fer dudit soc qui tourne dans l’étançon antérieur de la charrue, et auquel on a adapté une tige c, terminée par une poignée d. Cette tige, mobile entre les deux mancherons, peut se fixer, à l’aide d’un crochet, à celui de gauche ou de droite, suivant que le versoir est de l’un ou de l’autre de ces côtés ; elle fait tourner le soc sur lui-même, dans son mouvement, de manière que lorsqu’un de ses côtés tranchans se relève perpendiculairement au sol pour tenir lieu de coutre, l’autre s’abaisse horizontalement pour détacher la tranche du fond du sillon.

La plupart des socs, construits en fer, sont chaussés d’une lame d’acier soudée sous le tranchant ; on les rebat à chaud sur l’enclume à mesure qu’ils s’usent, et plus tard on les rechausse d’une nouvelle lame, opération assez difficile à bien faire, et dont la dépense varie de 5 à 8 et même 9 fr., selon les dimensions du soc et la quantité du métal. — Depuis quelques années, on fait à Roville les socs, petit modèle, dont il a été parlé ci-dessus, entièrement en acier. On ne peut, à la vérité, les rechausser avantageusement, mais par compensation il est facile de les rebattre pendant beaucoup plus long-temps que les autres, et, sous ce point de vue, ils présentent un incontestable avantage, parce que toute la matière à user se compose d’acier, tandis que dans les socs en fer, même en supposant que la soudure ait été parfaitement exécutée, le marteau attire du fer vers le tranchant, en même temps que de l’acier, à chaque rebattage.

Un des principaux avantages des socs américains, d’après M. Mathieu de Dombasle, consiste en ce que le poids de la souche est diminué, en sorte que la proportion entre cette dernière et la matière à user est beaucoup plus favorable que dans tous les autres. Les socs américains que l’on construit à Roville pèsent 6 à 7 livres, et un tiers, au moins, de ce poids consiste en matière à user. Ces socs, entièrement en acier, peuvent s’exécuter pour le prix de 6 francs, et font un service beaucoup plus long, sans rechaussage, qu’un soc de 20 fr. en fer chaussé d’acier. — Lorsque le premier est usé, il n’en coûte pas plus pour le remplacer par un neuf, qu’il n’en eût coûté pour faire rechausser l’autre ; — on a, du reste, la vieille souche d’acier, et l’on ne court pas les risques d’un rechaussage mal exécuté. On peut, d’ailleurs, avoir des socs neufs d’avance, pour les employer au moment du besoin, au lieu d’attendre le loisir du maréchal pour rechausser un vieux soc.

La forme du soc américain permet aussi de le construire en fonte, et cette construction est fort économique, puisqu’un soc de cette espèce ne coûte que 30 ou 40 sous. On fait en Angleterre un très-fréquent usage des socs de charrue en fonte. D’après les expériences tentées à Roville depuis quelques mois, on a reconnu qu’on peut tirer de cette construction, dans beaucoup de circonstances, un bien plus grand parti qu’on ne le croit généralement.

Nous devons ajouter que la fonte-acier, dans laquelle on fait entrer, au minimum, un seizième d’étain, et qui acquiert ainsi une dureté plus grande que l’acier trempé lui-même, devra être généralement préférée à la fonte ordinaire, dont elle ne dépasse pas beaucoup le prix. — Les épreuves réitérées et nombreuses qui ont été faites depuis plusieurs années des qualités de cette composition dans la construction des petites meules du moulin Molard, permettent de prononcer, avec assurance, qu’elle présenterait de fort grands avantages pour la fabrication de toutes les parties qui s’usent dans les charrues.

Enfin, on peut aussi construire des socs américains, entièrement en fer ; il est vrai qu’ils s’usent vite, mais ils se rebattent facilement ; et comme ces socs ne coûtent qu’environ 3 fr. pièce, on trouvera dans beaucoup de cas que leur usage est fort économique.

M. Desjoberts, notre collaborateur, grand propriétaire-cultivateur, emploie un procédé très-simple pour aciérer ses socs de charrue. Le soc est en entier en fer forgé et fini comme à l’ordinaire ; quand il est terminé, on pose sur l’extrémité un morceau de fonte de fer gros comme le pouce, et l’on chauffe au blanc, un peu moins toutefois qu’on ne le fait pour le soudage. Aussitôt que le morceau de fonte commence à fondre, on le promène avec une tige de fer sur toutes les parties du soc que l’on veut aciérer. La fonte s’incorpore avec le fer, et le soc ainsi préparé se trempe au rouge cerise, sans recuit. Cette opération est plus facile que la soudure de l’acier avec le fer ; elle est bien moins dispendieuse, puisqu’elle n’exige qu’une chaude. Avec une vieille marmite de fonte, ou peut, pendant 2 ou 3 ans, aciérer tous les socs d’une ferme.

Le côté tranchant de l’aile des socs des charrues à versoir fixe forme avec le côté opposé, à partir de la pointe, un angle plus ou moins aigu. Lorsque l’ouverture de cet angle est considérable, la bande de terre soulevée offre plus de largeur ; — lorsqu’elle est faible, le soc pénètre avec plus de facilité. — Ordinairement, toutefois, l’obliquité est d’environ 45 degrés.

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§ ii. — Du coutre.

En avant du soc, pour régulariser et faciliter son action, se trouve le coutre, espèce de couteau destiné à trancher la terre verticalement, ou à peu près verticalement, et, dans les charrues à versoir fixe, à séparer la bande, sur le côté opposé à ce versoir, du sol non encore labouré.

La forme des coutres varie : tantôt ils sont droits, tantôt recourbés en arrière comme les tranche-gazons ; le plus souvent ils se recourbent légèrement en avant, à la manière des faucilles ; et si cette disposition n’est, pas plus que la première, celle qui diminue la résistance, elle semble avoir, d’ailleurs, divers avantages particuliers. — Un coutre concave donne à la charrue une légère tendance à prendre de l’entrure, et compense un peu l’action des traits qui tendent, au contraire, à relever la machine ; — il facilite, en les soulevant, l’extraction des racines et des pierres qu’un coutre droit ou convexe ne ferait que pousser en avant ou même qu’enfoncer davantage ; — il diminue plus efficacement l’adhérence des parties constituantes du sol, et sa puissance s’exerçant obliquement de bas en haut, il commence, en quelque sorte, le travail du soc qui vient après lui. Le même but est atteint avec un coutre droit, incliné plus ou moins vers l’extrémité de l’age.

En principe, le coutre devrait être aligné en entier dans le sens de la pointe du soc ; mais, comme on en fixe le manche au milieu de l’age, où il est ordinairement retenu par des coins, il est clair que s’il tombait perpendiculairement, il se trouverait trop à droite.

En conséquence, on le dirige obliquement vers la gauche, et la résistance qu’il éprouve dans le sol, par suite de cette inclinaison, peut se trouver sensiblement augmentée dans les labours de quelque profondeur. Elle nuit, d’ailleurs, à la bonne et facile exécution du travail. C’est pour ce motif qu’on a inventé des coutres à manches coudés, ou fixés par un mécanisme particulier sur la gauche de l’age, de manière que la lame n’offre plus une telle obliquité. Cette disposition présente des avantages trop peu appréciés de la plupart des cultivateurs. — Dans les charrues dont le corps est entièrement en fer coulé, et dans quelques autres, le coutre est maintenu dans une entaille latérale, au moyen d’un boulon ou d’un coin.

Fig. 199, coutre fixé au milieu de l’age.

Fig. 200, coutre à manche coudé.

Fig. 201, coutre de la charrue de Roville.

Les coutres doivent avoir une force proportionnée à la résistance que présente chaque espèce de terrain ; à peine utiles dans les sols d’une grande légèreté, ils deviennent d’une indispensable nécessité sur ceux qui se distinguent par leur compacité. On a recommandé avec raison d’aciérer leur tranchant ; et, comme il essuie un frottement très-fort, l’acier doit souvent en être renouvelé. — Lorsqu’il s’agit de défoncemens ou de défriches dans des champs qui contiennent de nombreuses et fortes racines, au lieu d’un coutre, on en met quelquefois deux et jusqu’à trois, en leur donnant progressivement une entrure moindre, à partir de celui qui est le plus rapproché du soc.

Dans quelques circonstances, ainsi qu’on a déjà pu le voir à l’article Ecobuage, page 118, au coutre ordinaire on substitue, pour des labours peu profonds, un disque métallique tournant sur son axe comme une roue et tranchant à la circonférence, tel qu’il a été représenté fig. 76.

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§ iii. — Le sep.
Le sep est cette portion de la charrue qui reçoit le soc à sa partie antérieure, et, assez communément, l’origine du manche à sa partie postérieure. — Il glisse au fond du sillon de manière à s’appuyer sur la terre non labourée, du côté opposé au versoir. Tantôt il ne fait qu’un avec la gorge qui le prolonge et l’unit à l’age, comme dans la fig. 202 ;
Fig. 202
tantôt il est fixé à cette dernière pièce par un plateau (fig. 203) ou par deux étançons ou montans (fig. 204).
Fig. 203, 204.

Dans tous les cas, la résistance occasionée par la cohésion de la terre se faisant particulièrement sentir à la face inférieure et latérale du sep, il faut avoir soin de lui donner un poli aussi complet que possible ; de le travailler en bois dur, tel que le hêtre, le chêne, etc. ; de le garnir de bandes de fer en dessous, ou même de le construire en entier en fer forgé ou en fonte nerveuse.

M. Mathieu de Dombasle, pour remédier au seul inconvénient reconnu aux charrues à bâtis en fonte, la prompte usure du talon des seps dans les sols sablonneux, fait construire des seps dont le talon, formant une pièce détachée, peut se démonter à volonté et se fixer avec des boulons à vis.

Il est évident que plus un sep est long et large, plus le frottement est considérable, mais aussi plus le mouvement de la charrue est régulier et son maniement facile, en raison de la multiplicité des points d’appui. Lorsque la semelle est neuve, elle est ordinairement un peu concave ; en s’usant, elle devient de plus en plus convexe, à mesure que les angles s’usent, et alors elle tient moins bien la raie. Cependant une forme analogue se retrouve dans quelques araires du Midi, et notamment dans celle de Montpellier.

Afin de diminuer encore plus le frottement sans nuire à la régularité de la marche des charrues, on a exécuté en Angleterre, et on est dans l’usage, en certains cantons de ce pays industrieux, d’utiliser exclusivement des seps dont le talon est porté sur deux roues (fig. 205 ),

Fig. 205

ou dont toute la partie qui se prolonge postérieurement au-delà du soc est évidée de manière à recevoir une seule roue (fig. 206) f

Fig. 173

ixée dans une mortaise, au moyen d’un axe qui traverse le sep dans son épaisseur. Il est de fait que le mouvement progressif de rotation des roulettes, ou de la roulette dont il vient d’être parlé, sans diminuer en rien la régularité du labour, rend la traction plus facile, puisque le sep n’éprouve plus de frottement continu que sur un bien moins grand nombre de points. Cependant cette amélioration ne s’est point encore fait jour dans nos campagnes ; nous faisons des vœux pour qu’elle y soit tentée.

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§ iv. — Le versoir.

Ce n’était point assez de détacher la bande de terre du fond du sillon ; pour atteindre toutes les conditions d’un bon labour, il fallait encore la soulever, la déplacer et la retourner de côté dans la raie précédemment ouverte. Telle est la destination du versoir.

Les versoirs affectent deux formes principales qui se modifient, on peut dire à l’infini, dans leurs proportions et leurs détails. — Ils sont planes (fig. 207) ou diversement contournés (fig. 208 ).

Fig. 208, 207.

Planes. Ils sont ordinairement faits d’une planche plus ou moins large, plus ou moins mince, clouée ou accrochée au côté droit du sep près du soc, et tenue à distance de ce même sep, à sa partie postérieure, par un ou deux bras. Dans cette position, ils repoussent la bande de terre, et la retournent même tant bien que mal, lorsqu’elle offre une certaine consistance, et qu’ils ont une longueur et une obliquité convenables. Mais, dans la plupart des circonstances, ils donnent des résultats fort imparfaits, et, par surcroît d’inconvéniens, le poids et le frottement de la terre, dont ils ne sont débarrassés que lorsqu’elle a dépassé leur extrémité, augmente considérablement la résistance au tirage.

Naguère, les versoirs de la plupart de nos charrues avaient cette forme vicieuse. Beau coup l’ont même conservée ; néanmoins, depuis un certain nombre d’années, les versoirs contournés se sont multipliés en France d’une manière remarquable. Tous les cultivateurs qui connaissent le prix et les conditions d’un bon labour les ont adoptés pour toutes charrues autres que la charrue à tourne-oreille. Encore verrons-nous qu’on a cherché, sans changer la direction si commode du travail de cette dernière, à la remplacer par des charrues à versoir fixe qui pussent rejeter alternativement la bande à droite et à gauche. Jefferson est, à notre connaissance, le premier qui ait formulé géométriquement l’art de donner aux versoirs concavo-convexes une courbure identique et modifiable selon des règles fixes, eu égard à la largeur et la profondeur du sillon proposé, ainsi qu’à la longueur de l’arbre de la charrue, depuis la jonction avec l’aile, jusqu’à son arrière-bout. Son beau travail, que nous regrettons de ne pouvoir reproduire dans un ouvrage de la nature de celui-ci, publié dans le 1er volume des Annales du Muséum d’histoire naturelle, en 1802, eut alors en Europe une réputation méritée. Toutefois, quelques essais, trop peu nombreux peut-être, durent faire penser que la forme adaptée par l’honorable président des États-Unis n’était pas dans tous les cas la plus parfaite, et elle fut en conséquence modifiée, selon les localités, d’une manière plus ou moins heureuse.

Il serait fort difficile de décrire bien intelligiblement, même à l’aide de figures, les modifications de forme des versoirs considérés de nos jours comme les meilleurs, et encore plus d’indiquer, pour l’un d’eux, les conditions d’une perfection qui n’existe pas d’une manière absolue. En effet, si dans les terrains légers, ou déjà divisés, une courbure considérable produit en général le meilleur effet, dans les sols plus consistans, et particulièrement sur les défriches des champs enherbés, avec une concavité moins grande on arrive à de meilleurs résultats. — Dans notre opinion, qui est appuyée de l’imposante autorité de Thaer, et de la pratique, chaque jour plus répandue, de nos meilleurs agriculteurs, le versoir doit être combiné de manière à retourner la bande obliquement, ainsi que l’indique la fig. 209, plutôt qu’à plat.

Fig. 209
« Cette inclinaison, dit l’agronome, justement célèbre, que nous venons de citer, est précisément celle qui, au moyen des espaces restés vides entre chaque tranche, opère l’ameublissement du sol de la manière la plus parfaite ; car l’air est ainsi en quelque sorte renfermé dans la terre et entre en contact même avec la partie inférieure du sol. Ces espaces servent aussi à conserver l’eau que les pluies ont amassée dans la terre, et, lorsque cette humidité est évaporée par la chaleur, le sol s’ameublit encore davantage. La terre alors descend peu-à-peu et remplit les espaces vides. Cette surface, qui contient autant de prismes qu’il a de raies, a beaucoup plus de points de contact avec l’atmosphère, et la herse y a une action bien plus sensible que sur une surface unie, à tel point même que, non seulement la terre en est pulvérisée, mais qu’encore les racines qui y sont contenues sont arrachées par cet instrument. Ainsi donc, dans tous les terrains qui ont besoin d’être divisés et ameublis, cette inclinaison des tranches a de grands avantages, et c’est dans des terrains trop légers seulement qu’elle peut avoir des inconvéniens… »

Le grand avantage des versoirs concavo-convexes sur les versoirs plats, c’est qu’au moyen de leur courbure, la terre, en s’élevant sur le soc et le versoir, est tournée sur son axe, de sorte qu’à mesure que le mouvement s’opère, la bande, entraînée par son propre poids, se détache d’elle-même après un court frottement.

Dans un terrain d’une consistance moyenne, assez siliceux pour user promptement les parties frottantes de la charrue, si on emploie un versoir en bois, déjà disposé d’après les principes connus, on remarque que la surface agissante prend la forme exacte que suit la bande dans les divers mouvemens d’ascension et de renversement. Par ce moyen, résultat bien simple d’une pratique continue, le versoir usé peut devenir un modèle qu’il est facile de reproduire en fonte, en suivant exactement sa courbure à l’aide des procédés connus des sculpteurs pour mettre au point.

Aux versoirs en bois on a substitué généralement, dans les temps modernes, ceux en fer battu ou en fonte. Ces derniers, beaucoup plus durables et plus solides que ceux de bois, et moins coûteux que ceux de fer forgé, ont sur les uns et les autres l’avantage d’une exécution parfaitement uniforme. Ils se polissent à l’usage, de manière à présenter une surface parfaitement lisse, qui retient beaucoup moins la terre que le bois, toutes les fois que celle-ci n’est pas pénétrée d’une humidité surabondante : dans ce dernier cas il peut arriver qu’un versoir en bois soit préférable à tout autre. Cependant c’est ici le lieu de dire que l’Anglais Finlayson, dont nous ferons connaître plus loin quelques-uns des travaux, a inventé un versoir composé de 3 ou 4 bandes de fer dirigées dans un sens presque parallèle au sep, et dont la courbure peut être réglée comme dans le versoir ordinaire dont elles forment pour ainsi dire la charpente ; de cette sorte les points de contact avec la terre étant beaucoup moins nombreux, le frottement est diminué d’autant. Cette innovation singulière, a, dit-on, reçu, depuis quelques années, chez nos voisins d’outre-mer, la sanction de l’expérience.

Les versoirs se fixent à la charrue de plusieurs manières : Antérieurement : tantôt par des boulons adhérens au montant de devant, qui unit le corps du sep à la haye, comme dans la charrue américaine, — tantôt par une agrafe qui embrasse en entier ce même montant, comme dans la grande charrue écossaise (d’après cette disposition le versoir peut s’écarter du sep plus ou moins, selon la largeur de l’aile du soc) ; — tantôt enfin par un boulon horizontal qui traverse le sep, et autour duquel le versoir peut être élevé verticalement ou abaissé pour le service, comme dans la charrue Hugonet modifiée, que nous décrirons plus tard, et qui est destinée à labourer à la manière des charrues à tourne-oreille ; — Postérieurement : soit contre le corps du sep et le montant de derrière, — soit par une disposition particulière (fig. 210) qui permet, ainsi qu’il a déjà été dit, de lui donner plus ou moins d’écartement à l’aide d’une vis a et de deux écrous b b fixés de chaque côté
Fig 210
d’une tige en forme d’anse, boulonnée, d’une part sur le sep c, de l’autre sur la haye et le mancheron d. [6:2:1:5]
§ v. — De l’age.

Les diverses pièces que nous avons jusqu’ici examinées forment le corps de la charrue, c’est-à-dire la partie qui opère directement sur le sol. Pour lui imprimer le mouvement à l’aide des animaux de trait, et pour la diriger convenablement, on a dû lui ajuster deux autres pièces principales, qui sont l’age ou la haye, quelquefois aussi nommé flèche, et le manche ou les mancherons.

Fig. 211
L’age (fig. 211) est destiné à recevoir et à transmettre le mouvement de progression à la machine entière. Assez souvent il est assujetti sur le devant de la charrue par le montant ou la gorge, à l’extrémité inférieure de laquelle s’unissent le sep et le soc, et sur le derrière par le manche gauche. — D’autres fois il est supporté par deux étançons AA, l’un antérieur, l’autre postérieur ; par un seul étançon B et la prolongation du manche C, etc., etc.

Il est évident que l’union de ces parties doit se faire de manière que, quand les traits sont convenablement fixés, la charrue marche parallèlement à la surface du sol, et pour cela il faut que l’age ne soit ni trop relevé ni trop abaissé sur le devant ; car, dans le premier cas, le soc serait entraîné trop profondément en terre, et dans le deuxième il tendrait à en sortir. Sur la plupart des charrues modernes il est dirigé parallèlement au sep, où il s’écarte légèrement de cette direction en se relevant un peu de son extrémité postérieure vers son extrémité antérieure.

Dans les charrues à avant-train, on peut obtenir l’entrure et l’horizontalité voulue, soit en élevant ou en abaissant la haye sur son point d’appui, ce qui se fait, comme nous le verrons, de diverses manières ; soit, ce qui revient au même, en diminuant ou en augmentant la longueur de la partie de l’age qui se trouve entre la sellette et le corps de la charrue. — Dans les araires, le point d’attache étant toujours à l’extrémité antérieure de l’age, on arrive au même résultat en haussant ou en baissant les traits à l’aide du régulateur dont il sera parlé ci-après.

La forme de l’age n’est pas entièrement indifférente ; tantôt elle est droite d’un bout à l’autre, tantôt elle est droite et courbe tout-à-la-fois : droite depuis son origine jusqu’au coutre, et plus ou moins concave de ce point jusqu’à l’extrémité antérieure. Cette dernière disposition, qui ne change absolument rien à la ligne mathématique du tirage, présente surtout des avantages dans les charrues à plusieurs coutres et pour les labours en des terrains couverts de chaumes, de bruyères ou autres végétaux qui ne peuvent pas s’accumuler aussi facilement au sommet de l’angle formé par le coutre et la haye.

[6:2:1:6]
§ vi. — Le régulateur.

Le régulateur, ainsi que son nom l’indique, sert à régler l’entrure de la charrue, et dans son état de perfection, à modifier la largeur de la raie ouverte par le soc.

Pour les charrues à avant-train, tout ce qui contribue à élever ou à abaisser la haye sur son appui, à rapprocher ce point ou à l’éloigner du corps de la charrue, ou enfin à modifier la direction du tirage, doit être considéré comme régulateur. — Parfois c’est une simple broche A, fig. 212, qui maintient l’anneau où s’attache la chaîne, et qui peut la fixer plus ou moins haut sur l’age,
Fig. 212 A, Fig. 213. B.
au moyen de trous pratiqués de proche en proche pour la recevoir ; — d’autres fois ce sont des rondelles B fig. 213, qui s’interposent, en plus ou moins grand nombre, entre ladite broche et le point de tirage ; — en certains cas le régulateur est invariablement fixé sur le timon. Dans la charrue Guillaume, ce sont deux montants D percés de trous nombreux (fig. 214)
Fig. 214
le long desquels on fait glisser la sellette, qui se peut ensuite arrêter et consolider, à la hauteur voulue, par de simples broches et des boulons à écrous. — Ailleurs, comme dans les charrues Rosé les plus récentes, on peut faire varier l’entrure d’une manière encore plus prompte, à l’aide d’une vis A fig. 215, mobile dans un pas fixe, et qui abaisse ou élève l’avant-train B tout entier, avec l’age C dont il détermine ainsi la plus ou moins grande obliquité. Pour les araires proprement dites, le
Fig. 215
régulateur varie aussi beaucoup de forme, mais il est toujours fixé à l’extrémité antérieure de la flèche. — La fig. 216
Fig. 216
représente un des plus simples, vu de face en A et de profil en B. La tige dont il se compose traverse une mortaise dans laquelle il est fixé plus ou moins haut, au moyen d’un boulon transversal. La branche horizontale ou crémaillère C, qui peut se tourner à gauche ou à droite à volonté, reçoit dans une de ses dents le dernier anneau D de la chaîne, au moyen de laquelle il est ainsi facile de faire prendre plus ou moins de largeur de raie. — Le crochet E sert à retenir la balance des chevaux.
Fig. 217
La fig. 217 donne l’idée d’un autre régulateur non moins simple, qui se compose d’une bride A tournant sur la flèche au moyen d’une cheville de fer qui lui sert d’axe. Une clavette placée, selon le besoin, dans un des trous de la partie supérieure, suffit pour la maintenir et fixer la ligne de tirage. Le degré d’entrure se détermine en accrochant la chaîne du palonnier à un des trous plus ou moins élevés de la bride.
Fig. 218
Enfin, pour choisir encore un exemple, nous indiquerons, fig. 218, le régulateur perfectionné de M. De Dombasle ; c’est une boite de fer qui embrasse un châssis, sur lequel elle peut glisser indistinctement à droite ou à gauche, et qui est traversée par une tige à crans. La boîte et la crémaillère peuvent se mouvoir indépendamment l’une de l’autre, la première horizontalement, la seconde verticalement, et toutes deux se fixer solidement, lorsqu’il y a lieu, au moyen d’un écrou à vis.

Pour les charrues à roue ou à sabot, le régulateur n’étant destiné qu’à déterminer la largeur de la raie, la tige verticale devient moins utile. Les fig. 219 et 220 n’ont pas besoin d’explication.

Fig. 219, Fig. 220
Les charrues à avant-train prennent plus d’entrure quand on abaisse l’age sur la sellette ; elles en prennent moins lorsqu’on l’élève. — Les araires piquent d’autant plus qu’on élève le point de tirage, et d’autant moins qu’on l’abaisse. Elles ouvrent une raie plus large lorsqu’on porte ce point vers la droite, moins large lorsqu’on le dirige vers la gauche. [6:3:1:7]
§ vi. — Du manche ou des mancherons.

Dans une charrue bien combinée et bien construite, non seulement un manche unique peut suffire, mais, ainsi que l’a démontré M. Grangé, il n’est vraiment indispensable que lorsque quelque obstacle, en soulevant ou en écartant le soc, a pu le faire dévier de sa direction première.

Diverses araires n’ont qu’un manche sur lequel le laboureur pose la main gauche, se réservant ainsi la droite pour diriger et activer les animaux de trait. — Parfois près de l’extrémité de ce manche on adapte un petit mancheron, comme dans la charrue de Brabant ; — le plus souvent le manche se compose de deux mancherons, l’un de gauche qui s’élève obliquement dans la ligne de l’âge, l’autre de droite qui s’en écarte plus ou moins de ce côté. — On ne peut se dissimuler que ce dernier ne serve beaucoup, dans les cas difficiles, à faciliter la direction de l’instrument.

Fort communément le manche simple ou composé de deux mancherons est placé à l’extrémité postérieure de la charrue. — Il arrive cependant qu’on le fixe plus en avant, au-dessus du point même où la résistance se fait davantage sentir dans le sol. — D’après cette seconde disposition, assez commune dans les fabriques anglaises, le levier, acquérant une longueur considérable, produit, à l’aide d’une force moindre, des effets beaucoup plus puissans ; mais en général on a peu besoin de ce surcroît de puissance, et nos cultivateurs français préfèrent, avec raison, des mancherons plus courts.

[6:3:2]
Art. ii. — De la résistance et de la force de traction.

Au nombre des auteurs qui ont cherché, avec le plus de talent et de succès, à établir la théorie de la charrue sur les principes de la mécanique, Thaer et M. Mathieu de Dombasle sont incontestablement ceux qui ont envisagé de la manière la plus complète ce sujet, qu’il n’est désormais plus permis d’aborder sans les citer, sous peine de rester incomplet ou de se montrer ingrat. C’est au second de ces agronomes[2], et à ceux de nos confrères qui ont concouru avec l’un de nous, par leurs expériences et leurs rapports[3], à faire mieux apprécier ses travaux, que nous empruntons en partie ce qui suit.

On a souvent comparé l’action du corps de la charrue dans la terre à celle d’un coin ; on s’en ferait une idée plus précise, en imaginant sa forme dérivée de celle de deux coins accolés ou plutôt confondus à leur base commune. L’un, que M. Mathieu de dombasle appelle le coin antérieur parce que son tranchant se trouve placé un peu en avant de celui de l’autre, a une de ses faces horizontale : c’est le plan qui est formé par la semelle ou la face inférieure du soc et du sep, ainsi que par le bord inférieur du versoir qui touche le fond du sillon. Le tranchant du coin, qui est horizontal et dans le même plan, est représenté par la partie tranchante du soc : au lieu d’être placé d’une manière perpendiculaire à la ligne de direction de la charrue, il reçoit toujours une position plus ou moins oblique à cette direction, mais sans sortir du plan horizontal. Cette obliquité variable a pour but de lui donner plus de facilité à vaincre les obstacles qu’il rencontre, mais il ne change rien à la nature du coin. La face supérieure de ce premier coin, qui, par sa position, ne peut que soulever la bande de terre de bas en haut, est représentée en partie par la surface supérieure du soc. — L’autre coin, c’est-à-dire le coin postérieur, est placé à angle droit sur le premier ; il a une de ses faces verticale : c’est celle qui, dans les charrues ordinaires, forme la face gauche du corps de la charrue, celle qui glisse contre l’ancien guéret. Le tranchant de ce second coin se trouve placé dans un plan vertical à la gorge de la charrue ; ce second coin, par sa position, ne peut agir que latéralement. La partie postérieure du versoir forme l’extrémité de sa face droite, dans son plus grand écartement de sa face gauche.

Si l’on pouvait supposer par la pensée chacun de ces deux coins indépendant de l’autre, il est évident que le résultat d’action du premier serait de détacher la bande de terre, de la soulever et de la laisser retomber derrière lui dans la même position et à la même place qu’elle occupait auparavant, tandis que le second, au contraire, se bornerait à la refouler de côté, sans la soulever ni la retourner en aucune manière.

Dans les charrues les plus parfaites, et c’est ce qui distingue surtout les nouvelles des anciennes, on a lié ou plutôt remplacé par une surface courbe plus ou moins régulière la face supérieure du coin antérieur et la face droite du coin postérieur, afin d’amener insensiblement, et avec le moins de résistance possible, la bande de terre de l’extrémité antérieure de l’un à l’extrémité postérieure de l’autre.

Après avoir considéré de cette manière le corps de la charrue, il devient plus facile de déterminer le point précis du centre de la résistance qu’il éprouve dans sa marche. — On trouve : 1o que la ligne de résistance est dans l’axe même du coin, et passe par son tranchant, s’il agit en partageant en deux parties égales l’angle formé par le coin, comme par le ciseau à deux tranchans (voy.fig. 221) ;
Fig. 221, 222
2o qu’elle est dans le plan de la face du coin, parallèle à la ligne de mouvement, en passant toujours par le tranchant, si le coin agit comme le ciseau à un seul tranchant (fig. 222) ; — 3o que la puissance motrice, pour produire le plus grand effet possible, doit être appliquée dans la direction de la ligne de résistance ; — et 4o que les deux coins qui composent le corps de la charrue étant de la dernière des deux espèces, la ligne de résistance du coin antérieur sera nécessairement une ligne droite placée au fond du sillon, dans le milieu de sa largeur, et, parallèle à sa direction : celle du coin postérieur sera une ligne droite placée sur la surface gauche du corps de la charrue, à moitié de la profondeur du sillon et parallèle à sa direction. Si on imagine un plan passant par ces deux lignes parallèles entre elles, la résultante des deux lignes

de résistance se trouvera dans ce plan et à égale distance des deux lignes ; le point où cette résultante rencontrera la surface supérieure du soc ou celle du versoir, sera le point qui doit être considéré comme celui où est accumulée la résistance que le corps de la charrue éprouve dans son action ; — détermination parfaitement conforme à celle qu’on peut déduire de l’expérience de l’araire.

Pour que la force motrice fût employée dans la charrue de la manière la plus utile il faudrait donc non seulement qu’elle agit dans le prolongement de la ligne de résistance, qui se trouve à la surface du sol et parallèle à cette surface, mais aussi que le moteur se trouvât sous la surface du sol à la même profondeur que la ligne de résistance. Il ne peut malheureusement en être ainsi.

D’après les élémens les plus simples de dynamique, on sait : 1o que, dans toute machine, lorsque le mouvement se transmet de la jouissance à la résistance par l’intermédiaire d’un corps inflexible, la transmission du mouvement se fait dans une ligne droite tirée du point d’application de la puissance à celui de la résistance, quelle que soit d’ailleurs la forme du corps inflexible ; — 2o que si entre le corps inflexible interposé entre la puissance et la résistance, on suppose un corps flexible, tel qu’une corde ou une chaîne, les trois points de la résistance, de la puissance et de l’attache tendront toujours à se placer dans une même ligne droite, et, lorsqu’ils y seront arrivés, la puissance agira comme si elle était immédiatement appliquée à la résistance ou comme si le point d’attache de la corde se trouvait au point de la résistance ; — 3o que si la puissance ne s’exerce pas dans la direction de la résistance, de a en b, par exemple (fig. 223),
Fig. 223
et qu’elle forme avec la ligne horizontale un angle aigu b a c, il en résultera une décomposition, et par conséquent une perte d’autant plus grande de la force motrice que cet angle sera plus ouvert ; — 4o enfin, que si la puissance, en formant avec la ligne horizontale un angle aigu b a c, en forme un autre au point d’attache c, avec le corps inflexible, les trois points a, d, c, selon la seconde proposition, tendront à la placer dans une même ligne droite ; mais, par la disposition de la machine, le point d’attache c ne pouvant se mettre en direction avec la puissance et la résistance, il y aura une nouvelle décomposition de force, et une partie de la puissance se perdra en produisant une pression c, b, perpendiculairement à l’horizon, au-dessus du point d’attache. Ces principes si simples se présentent à chaque instant dans le tirage de la charrue, qui n’est réellement qu’un corps inflexible de forme irrégulière, par l’intermédiaire duquel l’action de la puissance, c’est-à-dire de la force des animaux de labour, se transmet à la résistance produite par le sol, à l’aide d’un corps flexible, les traits. Aussi toute la théorie de M. de Dombasle repose-t-elle sur les propositions précédentes. — Il en déduit successivement divers théorèmes dont nous croyons devoir reproduire les principaux : — Dans la charrue simple (fig. 224),
Fig. 224
le point d’attache est toujours placé à l’extrémité antérieure de l’age, soit directement, soit par suite de l’action du régulateur. Il en résulte que, dans ces sortes de charrues, le point de tirage a, le point d’attache b et le point de la résistance c se placent toujours naturellement dans une même ligne droite, lorsque aucune puissance n’agit sur le manche (2e proposition) — Ainsi, si l’on imagine une ligne droite a c, tirée de l’épaule des chevaux à la partie antérieure du corps de la charrue où se trouve placé le point de la résistance, l’angle que forme cette ligne avec l’horizon ou avec la ligne de résistance d e, qui lui est parallèle, c’est-à-dire l’angle a c e détermine la proportion dans laquelle la force motrice se décompose, et par conséquent la perte qu’elle éprouve. Dans ce cas, le moteur exercera absolument la même action que si les traits s’étendaient jusqu’au point de la résistance et y étaient attachés (3e proposition).
Fig. 225
Lorsque dans la charrue à roues (fig. 225) le point d’attache se trouve précisément dans la ligne droite tirée de l’épaule des chevaux b au point de la résistance c, la décomposition de force qui a lieu est la même que dans la charrue simple.
Fig. 226
Si le point d’attache a (fig. 226) se trouve placé au-dessus de la ligne b c, tirée du point de la puissance à celui de la résistance, la machine se trouvera placée dans le cas indiqué par la 4e proposition : alors, non seulement la décomposition de force qui s’opère

au point c deviendra plus considérable parce que la ligne ac forme avec l’horizon un angle plus ouvert que la ligne b c ; mais aussi il s’opérera une nouvelle décomposition de force au point a, ou une partie de la force de tirage sera employée à exercer sur l’avant-train une pression verticale, comme dans la fig. 223. — Si au contraire le point d’attache se trouve placé au-dessous de la ligne tirée de l’épaule des chevaux au point de la résistance, il y aura encore au point d’attache une décomposition de force, une partie de la puissance étant employée à soulever l’avant-train.

La perte de force occasionée par l’obliquité du tirage est donc au minimum dans la charrue simple, et la plus grande perfection à laquelle puisse atteindre la charrue composée, sous ce point de vue, est de l’égaler. Cette vérité, théoriquement énoncée, a été depuis si bien démontrée par la pratique, qu’à l’époque où nous écrivons nous pouvons la considérer comme incontestable. Nous allons voir que si les charrues simples n’ont pas remplacé les autres plus généralement, cela tient à des circonstances qu’il est facile de s’expliquer sans nier leur supériorité, au moins dans beaucoup de cas, en des mains exercées.

[6:2:3]
Art. iii. — Des araires proprement dites ou charrues simples.

Tandis que dans un grand nombre de contrées on ne croit pas pouvoir labourer la terre avec une charrue sans avant-train, dans d’autres on considère cette pièce comme inutile, nuisible même, et l’on peut conclure de ce qui précède que ce n’est pas sans raison. — L’avant-train, qui n’augmente ni ne diminue en rien la force nécessaire au tirage, ajoute cependant par lui-même à la résistance. À la vérité, il remédie à l’imperfection de construction des charrues mal conçues ou mal exécutées, parce que la position fixe de l’extrémité antérieure de l’age, qui ramène invinciblement la pointe du soc dans sa direction, corrige tous ces défauts ; mais c’est en augmentant encore cette même résistance par la diversité des tendances et en exigeant par conséquent une plus grande force motrice.

A la vérité aussi la charrue simple exige la plus grande régularité dans sa construction, puisque, lorsqu’elle opère dans un sillon, l’action du laboureur doit se réduire à bien établir sa direction, vu que n’ayant aucun appui à la partie antérieure de l’age, le plus léger changement dans le placement du coutre ou dans l’attache des traits trop courts ou trop longs, rend la marche de la charrue irrégulière et souvent impossible. Mais, lorsqu’elle est bien construite, elle donne lieu à la moindre résistance possible, et elle serait moins difficile à conduire qu’on ne le croit généralement, si le laboureur parvenait à se déshabituer des efforts violens qu’il fait avec la charrue à avant-train.

En résumé, une bonne araire entre les mains d’un laboureur intelligent et habitué à la diriger, est préférable à la plupart des charrues à avant-train. À l’aide d’une force moindre, elle accomplit autant de travail, elle laboure aussi bien, et elle occasione moins de fatigue à l’homme chargé de régler sa marche et aux animaux destinés à la mouvoir.

D’un autre côté, entre des mains peu exercées, elle perd la plupart de ces avantages, et l’irrégularité de sa marche est telle qu’il n’est pas étonnant qu’on la rejette faute de savoir l’employer. — Il est certain que sa conduite exige à la fois, plus de soin d’attention et d’intelligence de la part du laboureur que la charrue à avant-train. — Cette circonstance importante, jointe à la force de l’habitude, à la répugnance si naturelle que l’on éprouve à oublier ce que l’on sait pour apprendre, tel simple que cela soit, ce qu’on ne sait pas, ont contribué, nous n’en doutons pas, plus que tout autre motif, à retarder sur plusieurs points l’adoption des araires perfectionnées. Toutefois, grâce surtout à M. de Dombasle, « aujourd’hui il n’est probablement pas un seul de nos départemens où il ne se rencontre un nombre plus ou moins considérable de cultivateurs qui emploient habituellement l’araire dans leur pratique et qui lui accordent une préférence décidée sur toute autre charrue. Dans un grand nombre de départemens, principalement parmi ceux du midi, du centre et de l’ouest, l’usage en est considérablement répandu, et l’araire s’y est implantée de manière à donner la certitude que son emploi ne peut plus que s’y étendre. Plusieurs fabriques se sont établies dans ces parties du royaume pour fournir aux cultivateurs les araires dont ils ont besoin. Le nombre de ces fabriques s’accroit chaque année de même que l’emploi de l’instrument… La fabrique de Roville, seule, a fourni jusqu’ici plus de 3,000 araires aux propriétaires et aux cultivateurs sur tous les points du royaume, et ce n’est pas trop s’avancer que d’évaluer à deux ou trois fois le même nombre celui de ces instrumens qui ont été construits dans les autres ateliers, en sorte qu’il y a vraisemblablement aujourd’hui au moins 10,000 araires fonctionnant sur la surface de la France. »

De semblables faits parlent assez haut en faveur de la charrue simple. — Néanmoins, et nous devons le reconnaître avec tous les partisans impartiaux de l’araire, sans l’avant-train il est extrêmement difficile de donner, avec quelque régularité, les labours peu profonds d’écobuage, de déchaumage, etc. ; il ne l’est guère moins d’obtenir un bon travail dans les sols tenaces lorsqu’on les attaque un peu humides, parce que la terre qui s’attache sous le sep et aux diverses parties de l’instrument, tend constamment à le jeter hors de la raie. Cette dernière circonstance surtout mérite attention ; seule, elle serait de nature à empêcher de proscrire l’avant-train d’une manière absolue.

Araire de Roville. — Au nombre des araires les plus perfectionnées et les plus répandues en France, nous devons placer d’abord celle de M. Mathieu de Dombasle, heureuse modification de la charrue belge ou brabançonne dont nous parlerons dans un autre paragraphe.

Fig. 227

A, fig. 227[4], soc de forme triangulaire qui prend ordinairement de 9 à 10 po. (0m 245 à 0m 271) de largeur de raie, et qui peut pénétrer jusqu’à 11 po. (0m 30) de profondeur dans les charrues de moyenne grandeur. Il est fixé au versoir par un lien de fer solide et à la semelle par un boulon ; il peut être construit en fonte, en fer forgé ou en acier ; — B, coutre presque vertical, placé en arrière de la pointe du soc, à une certaine distance de la gorge de la charrue, et fixé par une vis de pression sur le côté gauche de l’age, dans une coutelière où il peut se mouvoir ; — C, sep en fonte avec son talon C ; — D, versoir en fonte coulée, et dans quelques cas particuliers en bois, court et très-contourné ; — EE, étançons qui assemblent invariablement l’age et le sep. Le versoir prend appui sur eux au moyen de deux verges boulonnées ; — F, age horizontal, plus court que celui de la plupart de nos autres charrues ; — G, régulateur (voyez page 176, fig. 218) garni de sa chaîne, laquelle est attachée au point I à un crochet fixé sous l’age à l’extrémité d’une bande de fer ; — K, mancherons fort courts, simplement fixés à la partie postérieure de l’age, où se trouve un trou destiné à recevoir le manche du fouet du laboureur. — Le mancheron de gauche, seulement, s’éloigne de la ligne de l’age.

L’age et les mancherons sont en bois ; le bâtis entier, ainsi qu’il a déjà été expliqué, est en fonte. — On voit que cette construction donne à la machine une très-grande solidité ; aussi a-t-elle été combinée de manière à pénétrer à une profondeur moyenne de 8 pouces, et à résister indistinctement dans tous les terrains.

Les araires de Roville, modèles de 1833, sont des prix suivans :
Grande charrue, bâtis et versoir en fonte, soc entièrement en acier et un talon de rechange 
 67 fr.
La même avec un versoir en boise 
 65 fr.
Charrue moyenne, même construction que la 1re 
 66 fr.
La même avec versoir en bois 
 64 fr.
— Versoir en fonte polie avec le T et les boulons s’adaptant à volonté aux grandes et aux petites charrues 
 10 fr.
— Versoir en bois garni pour les mêmes 
 8 fr.
— Soc de rechange entièrement en acier pour les charrues ci-dessus 
 8 fr.

A Grignon, où l’on a adopté l’araire de Roville et où il en a, dès l’origine, été créé une fabrique, on vient récemment de lui faire subir quelques légères modifications : la longueur de l’age, qui mettait trop de distance entre les chevaux et le laboureur, et causait, par suite, des variations qui nuisaient à la régularité du labour, a été diminuée ; — on a également diminué le sep et par là le frottement ; — on a reculé les mancherons du point de résistance, afin de donner plus de puissance et une facilité de conduite plus grande au laboureur ; — enfin, on a augmenté l’énergie du versoir et diminué son frottement en l’élevant vers son extrémité inférieure.

Araire Lacroix, à age court. — « Cette charrue, résultat des méditations d’un homme industrieux, a été exécutée d’après les principes de Thaer, Small, Machet et Dombasle, c’est-à-dire sur le modèle des trois meilleures charrues connues. De toutes celles qui ont concouru[5], c’est celle qui nous a paru mériter la préférence. Le tirage s’exécute par le moyen d’une chaîne attachée sous l’age, tout près du coutre, et dirigée par un régulateur en fer, fixé au bout de l’age. Ce régulateur détermine avec la plus grande précision l’entrure de la charrue et la largeur de la bande de terre qu’il convient au laboureur de prendre. Cette charrue nous paraît réunir toutes les conditions que nous avons reconnues nécessaires pour former une bonne charrue ; elle trace un sillon profond, divise facilement la terre, l’ameublit et enterre très-bien les chaumes ; elle convient à toutes les natures de sol : ses avantages se font particulièrement sentir dans les terres fortes et argileuses ; elle exige une force de tirage moitié moindre que les charrues ordinaires ; elle accélère le travail, car elle fouille en trois sillons un mètre de largeur du terrain ; elle rend le travail plus régulier et donne peu de peine à conduire, car l’entrure étant fixée par le régulateur à une profondeur donnée, le laboureur n’est plus obligé de faire des efforts continuels sur les mancherons pour maintenir la charrue à cette profondeur. Son entretien est presque nul, tout le corps de la charrue étant en fonte et d’une solidité qui le rend presque indestructible[6]

Araire écossaise. — L’araire que l’on considère de nos jours, grâce aux perfectionnemens qu’elle a reçus, comme l’une des meilleures charrues de l’Angleterre, était, malgré le nom qu’elle porte, fort peu connue en Écosse, avant que Small appelât sur elle l’attention des cultivateurs par la manière de la construire. Cet ingénieux mécanicien, le premier, lui adapta un versoir courbe dont il détermina mathématiquement la forme et les dimensions, et qu’il fit exécuter en fonte. Depuis 1810, tout le corps de la charrue fut généralement exécuté en fer. Les principales modifications de l’araire d’Écosse sont les suivantes :

L’araire écossaise de Small se distingue particulièrement par la grande concavité de son versoir. — Nous la représentons ici telle qu’elle a été employée par Thaer. — A (fig. 228), le coutre ; —a, poignée au moyen de laquelle il est fixé dans l’age par deux coins ; — G, tige de fer mobile, taraudée à sa partie supérieure ; elle traverse un piton en fer fixé sur l’age et est surmontée d’un écrou au moyen duquel on peut changer la direction du coutre et le maintenir solidement sans avoir besoin de serrer fortement les coins. Cette tige a, de plus, l’avantage d’empêcher l’engorgement du chaume et du fumier dans l’angle formé par l’age et le coutre ; — F, jambe ou montant assemblé dans l’age au moyen d’un boulon ; — B, soc fixé à frottement seulement sur le pied de la jambe, et qui vient s’unir exactement aux 3 pièces de fer C, D, E ; sa pointe h se trouve à 5 lignes plus bas que la semelle ; — c, pièce de fer qui ne forme qu’un avec la semelle proprement dite ; — D, seconde pièce de la muraille ; — E, plaque supérieure qui, à sa partie antérieure en e,
Fig. 228, Fig. 229
vient embrasser le versoir ; — K, crochet où s’accroche la chaîne du régulateur ; — M, age régulateur avec la chaîne qui vient se fixer par son autre extrémité en K ; — O, manche gauche dans lequel l’age est assemblé.

À côté de cette figure, fig. 229 représente, sur une échelle moindre de moitié, la charrue dessinée du côté droit ; — en e, on voit la pièce E de la figure précédente qui vient embrasser le bord antérieur du versoir, et par le moyen de laquelle le corps de la charrue forme en cet endroit un tranchant aigu ; — en B, le soc dont la douille se réunit exactement au versoir ; — en S, le versoir entier ; — en t, la tête d’un boulon, au moyen duquel le versoir est fixé sur le manche.

Le mancheron de gauche, qui, dans sa partie inférieure, est en ligne droite avec l’age, s’incline un peu à gauche à sa partie supérieure. Cette disposition a pour but de placer le conducteur plus directement en face de la pointe de la flèche, afin qu’il juge mieux de ses variations. — Ce mancheron reçoit l’extrémité antérieure de l’age et se prolonge au-dessous jusqu’à la semelle ; — le second mancheron s’écarte obliquement à droite ; c’est lui qui reçoit le versoir ; il se trouve uni au mancheron de gauche au moyen d’une forte cheville fixée à environ 3 pouces (0m 081) du sommet de l’angle formé par leur union, et d’une verge boulonnée qui lui donne environ 15 po. (0m 406) d’écartement à 2 pieds environ (0m 650) de cette même cheville.

Dans cette charrue, le fer de semelle c, la jambe F, les deux pièces de la muraille D, E, et le versoir sont en fonte.

Fig. 230

L’araire écossaise perfectionnée en France (fig. 230) diffère principalement de la précédente : 1o par la disposition du coutre A qui est fixé au moyen d’une fausse mortaise sur le côté gauche de l’age ; — 2o par l’absence des pièces de la muraille ; — par la non-courbure de l’age B, — et par le mécanisme différent du régulateur C, qui est ici à équerre : sa branche verticale sert à régler l’entrure ; et sa branche horizontale la ligne de tirage ; cette dernière branche est dentée de manière à recevoir et à fixer plus ou moins à droite l’anneau portant à son extrémité le crochet où l’on attache le palonnier. — Le mancheron D s’éloigne beaucoup plus que l’autre de la ligne droite ; il est fixé solidement, au moyen d’un boulon, contre l’age, d’un tenon contre le billot E, et d’une tringle de fer F boulonnée d’une part à sa face inférieure, et de l’autre sur l’extrémité de l’age. — Le mancheron de gauche est boulonné contre l’age et le billot. Tous deux sont réunis par une traverse G. — Le soc H forme avec la gorge et le versoir une courbe régulière. — La semelle I, les montans JJ et le versoir K sont en fonte. Ce dernier, dont la courbure est très-prononcée, est attaché en avant à l’étançon ou montant antérieur dans toute sa hauteur ; en arrière il est fixé par un arc-boutant en fer, boulonné sur le montant postérieur.

Une autre araire anglaise (fig. 231), dont nous ignorons l’inventeur, a été figurée par M. Boitard dans sa Collection d’instrumens aratoires. Elle est particulièrement propre aux labours des terres légères. L’age A est
Fig. 231

courbé à sa partie postérieure, qui est ajustée à tenon et à mortaise dans le manche B, comme dans l’araire de Small. — Une bride C tournant à l’extrémité de la flèche, au moyen d’une cheville de fer, sert de régulateur. — Une clavette de fer D, que l’on place dans un des trous de sa partie supérieure, suffit pour la maintenir et fixer la ligne de tirage. — Le degré d’entrure se détermine en accrochant la chaîne du palonnier à un des trous plus ou moins élevés du élevant de cette même bride C. — Les deux mancherons se rapprochent beaucoup sans se joindre à leur partie inférieure, où ils sont maintenus, comme on voit en E, par une verge de fer. — Le mancheron B s’appuie sur la semelle où il est boulonné ; — le mancheron F est attaché contre le versoir ; — l’un et l’autre sont consolidés à une certaine distance de leur extrémité supérieure, par une traverse G. — Le soc, la semelle et le versoir sont en fonte. — Le corps est en fer battu ; il est formé de deux fortes bandes boulonnées à la flèche. La principale et la plus forte H descend verticalement jusqu’à la hauteur du versoir, puis elle se courbe pour aller s’y attacher, ainsi qu’au soc. La seconde I se fixe solidement sur la première et vient s’attacher au sep à la même place que le manche.

L’araire de Wilkie (fig. 232),
Fig. 232
que M. Loudon considère comme la meilleure charrue écossaise, est entièrement en fer, à l’exception de l’extrémité des manches. Ce qui la distingue particulièrement, c’est la longueur et la concavité remarquable de son versoir, qui a été disposé de manière à retourner complètement la bande de terre dans les sols légers et très peu consistans. — La figure que nous extrayons de l’Encyclopedia of agriculture donne une idée de la forme de cette araire, sans faire suffisamment connaître les détails de sa construction.
Fig. 233 & Fig. 234
Les charrues simples de Finlayson ont été construites d’après les mêmes principes. — L’une d’elles, fig. 233, est remarquable par la courbure de l’age, qui a été calculée de manière à éviter tout engorgement dans les terrains couverts de chaumes, de bruyères ou d’autres végétaux. — Celle à laquelle il a donné le nom de charrue squelette (fig. 234), non seulement présente le même avantage, son contre étant porté sur un prolongement particulier au milieu de la bifurcation singulière formée par l’age au-dessus de la gorge, mais le versoir, au lieu d’être plein, est formé de trois ou quatre verges de fer, fixées à leur partie antérieure sous la gorge et le soc, et à leur partie postérieure, sur une traverse, sans doute retenue à distance du corps de la charrue par deux boulons, et dont on doit supposer que la courbure est celle du versoir ordinaire. Par ce moyen, l’instrument ne présentant tout au plus qu’un tiers de la surface des autres araires peut labourer avec facilité les argiles les plus tenaces. Il a été éprouvé, dit-on, avec succès dans le comté de Kent.
Fig. 235
L’araire américaine (fig. 235) réunit à une grande simplicité d’exécution toute la légèreté et la solidité désirables. — A, soc de rechange ajusté et fixé sur le versoir au moyen de deux boulons ; — B, versoir à la Jefferson ; — C, sep étroit et mince, élargi en dedans à sa partie inférieure par un rebord. Ces trois parties sont en fonte ; — D, mancheron gauche fixé sur le sep par un boulon ; — E, mancheron droit réuni à celui de gauche par deux traverses inférieures FF et une traverse supérieure G. On lui donne une courbure telle, que le versoir s’applique exactement et se fixe à sa partie inférieure à l’aide de deux écrous ; — H, age fixé au sep au moyen d’un étançon antérieur en fer I ; d’une entretoise J, et du mancheron gauche D, dans lequel il est assemblé à mortaise ; — K, coutre coudé à gauche et placé au milieu de l’âge, où il est maintenu par un coin et une bride annulaire L ; — M, régulateur fixé en N par un boulon qui lui sert d’axe, et maintenu dans la direction de l’age par la clé O, destinée d’autre part à serrer les écrous. Quand on veut obtenir plus ou moins de largeur de raie, on dirige à droite ou à gauche ce même régulateur, qui est empêché de reprendre sa direction première par la même clé qui traverse l’age. Le régulateur porte des crans dans lesquels se loge l’anneau d’attelage. Cette araire est du prix de 100 fr. [6:2:4]
Art. iv. — Des araires à support et à roue.

Entre les araires proprement dites, qui n’ont aucun point d’appui sur le devant, et les charrues à avant-train distinct, monté sur deux roues, viennent naturellement se placer les araires à support fixe sous l’age, c’est-à-dire à roue ou à sabot.

Ce support, de construction variable, comme on pourra en juger à l’inspection des figures de cet article, est formé le plus souvent d’une tige qui traverse la haye dans une mortaise pratiquée à cet effet, dans le sens de sa longueur et non loin de son extrémité antérieure. Cette tige, susceptible de se mouvoir de bas en haut ou de haut en bas, pour augmenter ou diminuer l’entrure du soc, et qu’il est facile d’arrêter au point voulu au moyen d’un simple coin, se termine inférieurement par une sorte de sabot, ou mieux par une roue. — Dans l’un ou l’autre cas, cet appareil est si léger qu’il n’ajoute pas sensiblement au poids du reste de la charrue. Le reproche le plus grave qu’on ait dû lui faire, c’est qu’il peut en certaines circonstances, comme les avant-trains, augmenter la résistance en occasionnant une décomposition de force ; mais, outre que cet inconvénient bien réel n’est pas irrémédiable, en pratique il est, lorsqu’il existe, infiniment moins sensible que dans les avant-trains à deux roues ; — ceux-ci, en effet, reposent toujours plus ou moins pesamment sur le sol, de sorte que, quand ils forment un angle dans la ligne du tirage, cet angle est invariable ; — avec le seul support dont nous parlons, au contraire, le sabot rase le plus souvent le sol, plutôt pour indiquer au laboureur la profondeur à laquelle il doit se tenir, que pour lui procurer un point d’appui ; et s’il lui en sert parfois pour reprendre la raie, lorsque la charrue a éprouvé un dérangement quelconque, alors on ne peut se dissimuler que cet inconvénient accidentel est compensé par la facilité et la régularité du travail. — En somme, l’addition du support, en des mains peu exercées, rend la direction des araires beaucoup plus aisée ; aussi l’usage s’en est-il perpétué dans ceux de nos départemens du nord que l’on peut regarder comme les mieux cultivés, et ne sommes-nous pas surpris de les avoir retrouvés, depuis quelques années, dans le centre de la France, chez divers propriétaires dont les garçons de charrue, habitués aux avant-trains, n’arrivaient pas à une assez grande régularité avec l’araire de Roville.

[6:2:4:1]
§ ier. — Araires à sabot.
La charrue la plus généralement employée dans le nord de la France et la Belgique, sous le nom de Brabant et, sans nul doute, l’une des meilleures connues en Europe, appartient à la division des araires à une roue ou à un support. Son soc A (fig. 236) se confond par sa courbure avec le versoir C. — Le sep B est en bois, garni de deux plaques de fer à sa partie inférieure et latérale gauche pour faciliter le glissement. — Le versoir C, en fer forgé, est rivé par-devant sur
Fig. 236

un lien soudé au soc et maintenu postérieurement par deux étançons qui prennent leur point d’appui, l’un sur le sep et l’autre sur la haye. — Celle-ci, D, est unie au sep par le plateau E au moyen de 3 chevilles F ; elle est consolidée, de plus, par les brides G G G. — Le coutre H est maintenu par un coin. — Le support J sert à déterminer l’entrure au moyen du coin A qui le maintient solidement à la hauteur désirée, et du sabot L qui glisse sur la terre à la partie postérieure, et qui se relève à la partie antérieure afin de ne pas entraîner les fumiers longs. — Le têtard M, vu ici de profil, a été reproduit horizontalement, p. 176, fig. 219. Les trous servent à suspendre le palonnier ; il est évident que plus on le fixe à droite, plus la tranche s’élargit. Le manche unique N reçoit près de son sommet un mancheron O sur lequel peut se porter accidentellement la main droite du laboureur.

Dans divers lieux, on remplace le sabot par une roue P ou R (détails de la fig. 236), qui joint à l’avantage de ne jamais entraîner le fumier, celui de produire un moindre frottement.

D’après les essais qui ont été faits par ordre de la Chambre d’agriculture de Savoie, la charrue Brabant, construite par Machet, d’après des principes qui ne diffèrent pas essentiellement de ceux que nous venons de faire connaître, paraîtrait conserver une supériorité incontestable sur la plupart des autres, dans les terres très-fortes et pour les labours profonds. — Au dire du rapporteur, elle remonte la terre même sur les pentes de 14 à 16 pouces (0m 379 à 0m 433) par toise (1m 949) ; les récoltes sont aussi belles sur le sol qu’elle relève que sur le terrain inférieur ; et il est d’autant plus utile de l’employer dans les pays montueux, qu’elle ne dégarnit point le haut des collines, replaçant toujours au second labour la terre qui a été déplacée au premier.

Cette charrue soulève, à l’aide de deux bœufs et d’un cheval, dans les circonstances les plus difficiles, une bande de terre de 11 à 12 pouces (0m 298 à 0m 325) de largeur, sur 8 à 9 (0m 217 à 0m 244) de profondeur.

Fig. 237

La charrue Brabant à maillet (fig. 237 ), qui a fixé particulièrement l’attention du jury lors d’un concours récent qui a eu lieu dans le département de l’Aisne, où elle était essayée pour la première fois, attelée d’un seul cheval d’une valeur de 250 à 300 fr., a donné, à 3 ½ po. (0m 095), un labour excellent. A 6 po. (0m 162), quoique son travail fût moins parfait, il n’en a pas moins été jugé fort bon.

Le petit Brabant n’est pas monté pour pénétrer généralement à plus de 4 po. (0m108) dans la terre. Cependant on peut lui donner jusqu’à 6 po. entrure (0m 162) et 8 po. (0m 217) de raie. — La simplicité, la modicité de son prix (34 à 40 fr. avec les accessoires), la légèreté, l’excellent labour qu’il donne, sont autant de précieux avantages qui le recommandent dans la petite culture.

Le Brabant à maillet est d’un grand usage dans la Flandre, où la culture est très-divisée. Lorsque le conducteur est parvenu à maintenir le cheval toujours à la même distance de la raie, la conduite en est facile et peu fatigante. — Avec une raie de 5 à 8 pouces (0m 135 à 0m 217) de largeur, il laboure de 40 à 60 verges (17 à 20 ares) par attelée de 6 heures de travail.

Le petit Brabant diffère particulièrement de celui que nous avons décrit avant lui, par la plus grande légèreté de sa construction, la forme moins élevée et plus alongée de son versoir, et celle de son support, que nous croyons moins propre à remplir convenablement sa destination, c’est-à-dire à régler l’entrure en glissant au besoin sur le sol avec le moins de frottement possible.

[6:2:4:2]
§ ii. — Araires à une roue.
L’araire à roue de F. E. Molard est remarquable par le mécanisme ingénieux de son régulateur, qui permet de fixer avec une extrême facilité la largeur, la profondeur de la raie, et le point d’attache des animaux de trait, de manière à obtenir la moindre résistance possible. Un cadre en fer AAA (fig. 238), mobile au point B sur un boulon à écrous qui
Fig. 238.
lui sert d’axe, porte tout le mécanisme. — A l’extrémité de l’age est une plaque en fer CC percée de trous (voy. les détails), de manière à recevoir plus à droite ou plus à gauche la cheville mobile D qui sert à arrêter le régulateur horizontal au point voulu. — Au bout du cadre sont placés le régulateur vertical E et la bride F, qui tournent dans la même direction que lui, et qui servent : le premier à régler l’entrure au moyen de la cheville G (détails) qui le traverse ainsi que la pièce de fer H, ce qui permet à la roue de se mouvoir de haut en bas et de se porter latéralement sur la ligne de tirage ; la seconde à déterminer convenablement la ligne de tirage à l’aide du crochet. Les autres parties de la charrue n’offrent de remarquable que l’anneau J qui donne plus de solidité au coutre, et la barre de fer K qui ajoute à la force du mancheron gauche L. Ce dernier s’appuie à mortaise sur le sep ; il est fixé sur le devant par un écrou et sur le derrière par le boulon servant d’étançon ou de montant postérieur M. — Le mancheron de droite s’appuie contre le versoir et aboutit également au sep. Le soc N, le corps de la charrue O, et le versoir P, sont en fonte.

La grande araire écossaise à défoncer (fig. 239) est, sous divers points de vue, un des meilleurs modèles jusqu’à présent connus.

Fig. 239.
— Elle se compose d’un corps en fonte A, auquel se fixent : 1o les mancherons B, au moyen de simples boulons ; 2o le coutre C, dans une coutelière, et 3o l’un des socs de rechange D, de la manière précédemment indiquée (voy. page 171, fig. 197). Ce même corps A porte à sa partie supérieure des crans E destinés à recevoir et à maintenir la chaîne de tirage F, dont on varie la position, selon la profondeur du labour, en la plaçant à différens crans. — L’extrémité de l’age s’adapte, ainsi que l’indiquent mieux les détails de la figure, à une roue H, dont l’axe est coudé de manière qu’elle puisse marcher toujours sur le bord du sillon ; on élève plus ou moins cette roue pour régler la profondeur de la raie, à l’aide d’une vis à écrou I. — Au point G se trouve un régulateur horizontal propre à recevoir le crochet de tirage.

Cette araire, ainsi que nous avons déjà trouvé l’occasion de le dire ailleurs (voy. page 174, fig. 210), se fait remarquer par la manière dont le versoir est fixé. — Toutes les parties frottantes dont elle se compose sont de rechange, et nous pouvons affirmer, d’après les expériences faites dans une ancienne allée de tilleuls du jardin de l’hôtel Vaucanson, qu’elle est à l’épreuve de la force de 8 forts chevaux. — Avec les 3 socs de rechange elle est du prix de 200 fr.

Araire à une roue et à treuil d’Aubert. — Pour mouvoir les énormes charrues auxquelles les Anglais ont donné le nom de charrues-taupes, parce que, comme ces animaux, elles creusent des espèces de galeries souterraines, on a dû demander aide non plus à un simple attelage, mais à des câbles et à des manèges. Un cultivateur français, Aubert, de Château-Arnoux, qui, peut-être, n’avait pas connaissance de ce fait, a cherché récemment à appliquer le même moyen aux labours ordinaires.

La mécanique dont il se sert pour labourer les quelques arpens qui composent son modeste patrimoine, se compose de deux plateaux de chêne d’une égale dimension, attachés l’un sur l’autre à leur extrémité, par quatre pieds solides. — La longueur des plateaux est de 5m 50, leur largeur de 0m10, et la hauteur ou vide de l’un à l’autre de 0m 50. — Au centre de ces plateaux se trouve placé un treuil, de 0m 35 d’épaisseur, mu par un axe de fer portant une douille qui s’élève au-dessus des plateaux, et dans laquelle on introduit un levier de 3m 33 de longueur, avec un palonnier à son extrémité. — Autour du treuil se roule une corde d’un diamètre assez fort pour entraîner la charrue à la distance de 50 à 100m. — Sur les plateaux sont percés des trous dans lesquels on introduit successivement un cylindre de fer qui sert d’axe à une poulie libre montant et descendant sur cet axe pour rouler la corde autour du treuil. — Quatre roues très-basses sont adaptées au bout de cette mécanique pour faciliter son transport d’un lieu à l’autre. Dès qu’elle est fixée sur un point, on conçoit que l’araire puisse être entraînée, sans de grands efforts, d’un bout du sillon à l’autre ; et que, reportée chaque fois sur un léger chariot à l’origine d’un nouveau sillon, à l’aide d’un cheval ou d’un âne qui peut servir ensuite à faire mouvoir le treuil, elle recommence successivement le même travail. — À chaque deux sillons on change de trou l’axe avec sa poulie.

D’après le rapport qui a été fait au conseil général des Basses-Alpes, cette araire employait 12 minutes pour creuser un sillon de 37 à 40 c. de profondeur et 33 c. de largeur, sur une longueur de 50 mèt. ; — elle perdait 8 minutes pour recommencer le travail.

Jusqu’ici une telle innovation ne paraît donc pas présenter d’avantages dans la pratique générale des labours ; toutefois, elle est, comme tous les procédés nouveaux, susceptible de perfectionnemens qui pourront la rendre fructueuse, et, sous ce rapport, nous avons cru devoir l’indiquer ici sommairement.

[6:2:4:3]
§ iii. — Araires à deux roues.
La charrue Rosé, montée en araire (fig. 240), est une de celles qui ont obtenu le plus de succès dans les divers concours qui ont
Fig. 240.
eu lieu depuis un certain nombre d’années aux environs de Paris et ailleurs. Il suffit de dire qu’elle a remporté 16 fois le prix en concurrence avec les meilleures charrues, pour faire son éloge aux yeux des praticiens.

À la seule inspection de la figure, on peut juger qu’elle est construite de manière à agir comme araire simple ou comme araire à support. — En effet, si l’on supprime par la pensée ce support, on voit une araire avec son double régulateur horizontal A et vertical B, disposés de manière qu’on peut régler l’entrure et la largeur de la raie avec une grande facilité, en faisant mouvoir la tige B de haut en bas ou de gauche à droite, et en l’arrêtant au point voulu par la vis de pression C. — Chaque roue EE, portée, au lieu d’essieu, sur une tige percée de trous FF, peut s’abaisser ou s’élever en même temps que sa voisine, de manière à faire piquer plus ou moins la charrue, ou se mouvoir indépendamment de l’autre afin de maintenir le parallélisme de l’instrument dans les terrains en pente ou les labours en billons. Chacune de ces tiges est maintenue à la hauteur désirée par un simple verrou fixé dans le châssis qui unit le support à l’age, ainsi que le représente le détail D.

Ajoutons que le coutre, incliné dans une mortaise percée au milieu de l’age, est maintenu dans sa position par une vis de pression adaptée à la gauche de l’age ; — que le soc, fixé par deux écrous seulement, peut s’enlever et se remettre avec une très-grande facilité, ainsi que le versoir et même le sep.

Dans cette charrue tout le corps est en fonte.

M. Rosé, pour satisfaire à tous les besoins, a adopté dans ses fabriques 4 modèles de grandeurs différentes : le 1er, du prix de 50 f. sans avant-train et de 75 f. avec avant-train ; — le 2e, de 65 ou de 95 ; — le 3e, de 70 ou de 100 ; — le 4e, enfin, de 80 ou de 110. Les versoirs, les socs et les seps de ces différens modèles se vendent séparément, savoir, les 1er au prix de 12 à 22 f., les seconds de 1 f. 25 c. à 1 f. 50 c, et les seps de 3 f. 75 c.

L’araire à roues ou charrue simple proposée par M. Châtelain (fig. 241)
Fig. 241
diffère beaucoup dans son ensemble de toutes les charrues jusqu’ici employées. — Au coutre ordinaire, qui présente un levier dont le bras de résistance est démesurément long relativement à celui de la puissance, puisque ce dernier est compris en entier dans l’épaisseur de l’age, M. Châtelain a substitué une aile du soc A qui se relève comme dans le soc Hugonet. — Le soc, entièrement plat, est placé sous la semelle, de manière qu’il n’est ni relevé par elle à son extrémité postérieure, ni recouvert sur aucun point par le versoir B. — Le côté inférieur du versoir est une ligne droite également distante du centre de la machine sur toute sa longueur, tandis que le côté supérieur forme un angle de 36 degrés à peu près aussi dans sa longueur ; de manière que le côté droit de la bande de terre ne change pas de place, tandis que le côté gauche se soulève, se dresse, et enfin se renverse toujours progressivement, sous un même angle, depuis le commencement jusqu’à la fin.

En adoptant cette nouvelle disposition, M. Châtelain a encore eu en vue que le versoir ne saisît la terre que quand elle est entièrement coupée horizontalement et verticalement par le soc-coutre. — La haye C est attachée à l’endroit de l’assemblage des mancherons par un boulon, tandis qu’une barre de fer D, qui glisse dans une coulisse fixée sur la face droite de cette même haye par deux écrous, empêche la charrue de s’écarter à droite ou à gauche. — Enfin, ce qui caractérise plus particulièrement encore cette charrue, c’est le moyen de régler sa marche et de la maintenir en équilibre à l’aide d’un triple régulateur ; une vis E, qui vient s’appuyer sur un mentonnet adapté à la coulisse dont nous venons de parler, sert à prendre plus ou moins de profondeur. En descendant la vis, on oblige le sep à descendre, et on occasione une pression sur les roues ; en l’élevant on fait remonter le talon et on soulève les roues. La charrue est d’aplomb quand la semelle ne tend pas à quitter le sol et qu’elle n’exerce aucune pression au fond de la raie en même temps que les roues ne font qu’effleurer la terre. — Pour que cette condition puisse subsister dans tous les cas, les divisions de la vis E et celles du régulateur vertical F doivent être en rapport entre elles et indiquer des mesures relatives et exactes de profondeur. Il est de plus nécessaire que le constructeur fasse connaître, d’après les dimensions des diverses pièces de l’instrument, la longueur des traits des chevaux ; et, cette longueur devenant fautive avec des chevaux de taille plus ou moins haute, il donnera avec la charrue un barème qui indiquera la longueur du trait pour chaque centimètre de différence en hauteur des chevaux ; ces traits devenant plus courts à mesure que les chevaux sont moins élevés. — À l’aide du régulateur et de la vis, non seulement il est facile de conserver à la charrue son aplomb de l’avant à l’arrière, de manière que, sauf les obstacles accidentels, on peut la faire marcher sans la tenir ; mais on peut encore, et c’est un point fort important, faire toujours passer la puissance sur le régulateur en ligne parfaitement droite avec le centre de la résistance, de manière à utiliser pour la traction toute la force de l’attelage. — La sellette s’inclinant à droite ou à gauche, on obtient une raie plus ou moins large à l’aide d’une vis H et du régulateur horizontal.

Quoique la charrue Châtelain, d’invention toute récente, n’ait encore, pensons-nous, été exécutée qu’en modèle, nous croyons que ce qui précède est de nature à intéresser, à certains égards, les agriculteurs, qui s’occupent de nos jours, plus qu’on ne l’a fait depuis bien long-temps, des perfectionnements dont est encore susceptible le premier de nos instrumens aratoires.

[6:2:5]
Art. v. — Des charrues à avant-train.

Autant au moins que les araires, les charrues à avant-train ont été perfectionnées dans les temps modernes. On pouvait croire qu’à mesure que les premières se répandraient sur divers points de la France, les autres, délaissées de proche en proche, attireraient de moins en moins l’attention des cultivateurs et des fabricans. Cependant, si l’on en juge par les faits, notamment d’après les concours qui ont eu lieu récemment dans les départemens voisins de celui de la Seine, il n’en est pas ainsi. — La nécessité presque absolue de recourir aux charrues à avant-train en des circonstances assez nombreuses ; — la facilité plus grande qu’elles présentent pour le travail à la généralité des laboureurs, et l’espérance de parer, par une meilleure construction, à la plupart des inconvéniens qui les avaient fait condamner en théorie, ont tourné de ce côté les vues des agronomes et des mécaniciens. Mieux éclairés qu’autrefois sur la direction qu’ils devaient suivre, ils ont cherché, tout en conservant à ces charrues leurs avantages, à les rapprocher le plus possible des araires sous le point de vue d’un moindre tirage, et nous verrons, dans ce qui va suivre, que leurs efforts n’ont pas été sans succès.

Dans sa composition la plus simple, l’avant-train d’une charrue comprend ordinairement deux roues de diamètre égal ou inégal et l’essieu qui les unit ;— un support quelconque attaché à ce même essieu, et qui est destiné à recevoir et à maintenir plus ou moins fixement l’age ou la haye ; — enfin un timon presque toujours prolongé postérieurement à l’essieu. Il reçoit d’un côté la chaîne qui unit l’arrière à l’avant-train, et sert antérieurement d’intermédiaire entre la charrue et le point d’attache des animaux de trait. Mais la plupart de ces parties varient tellement de forme et de nom, que nous nous réservons de parler de leurs principales modifications en traitant de chacune des meilleures charrues à avant-train en particulier.

Donner une description de toutes les charrues des divers départemens de la France ; — de celles seulement que nous avons été à même d’apprécier dans la pratique de différentes localités, ou dont nous avons distingué les modèles dans nos collections, ce serait entreprendre un travail plus curieux qu’utile, et beaucoup trop vaste pour un ouvrage de la nature de celui-ci. Ce n’est pas que, chemin faisant, nous ne dussions trouver çà et là de bonnes choses ; mais, dans l’impossibilité de dire tout ce qui est bien, nous chercherons à résumer ce que nous regardons comme le mieux.

C’est ainsi que, remontant d’abord aux charrues déjà anciennes qui ont à juste titre conservé leur réputation au milieu d’innovations récentes, nous citerons la charrue Guillaume, celle de Brie perfectionnée, la charrue champenoise, etc.; que, passant ensuite aux charrues plus modernes, nous ferons connaître celles de MM. Mathieu de Dombasle, Pluchet, Grangé, etc., réservant pour la fin de ce paragraphe les charrues à deux versoirs, les charrues tourne-oreilles, et les charrues, trop peu répandues peut-être, à plusieurs socs.

[6:2:5:1]
§ ier. — Des charrues à avant-train à versoir fixe.

La charrue Guillaume, représentée ci-dessous (fig. 242), se fait distinguer des anciennes charrues à avant-train, principalement par la direction donnée à la ligne de tirage.
Fig. 242
Elle a obtenu, en 1807, de la Société centrale de Paris, un prix de 3,000 fr., comme la plus parfaite qui existât alors en France ; car, disaient les commissaires, ce qui constitue une excellente charrue, c’est que sa construction soit simple, solide ; qu’elle soit facile à mener ; qu’elle tienne bien dans le sol ; que le soc coupe toute la terre retournée par le versoir ; qu’on puisse labourer à volonté à grosses ou à petites raies, profondément ou légèrement, et qu’elle exige le moins de force possible pour la tirer. Or, la charrue Guillaume a paru remplir toutes ces conditions.

A (fig. 242), chignon de fer d’une forme convenable pour être fixé le plus près possible du point de résistance, et à l’extrémité antérieure duquel est attachée la chaîne de tirage. Il est maintenu sur l’age, à sa partie postérieure, par un boulon à écrous ; — B, soc emboîtant le sep et la gorge sur laquelle il est boulonné ; — C, versoir tenu à écartement fixe par une traverse indiquée en D ; — EEE, origine des étançons et de la barre qui joignent le sep à la haye ; celui de derrière reçoit et consolide les manches à l’aide du boulon à écrou F, et de 2 chevilles GG ; — H, age ou haye ; — I, timon sur lequel on peut disposer l’attelage des animaux à volonté ; — J, corps d’essieu au-dessous duquel est fixé un essieu en fer, dont le bout, qui se trouve du côté de la terre non labourée, à 6 po. (0m 162) de plus que l’autre, pour que les mouvemens de la pointe du soc soient moins sensibles et le train moins versant (voy. pour les détails p. 175, fig. 214) ; — K, sellette destinée à supporter le bout de la haye, et dans laquelle on a pratiqué 2 mortaises pour y passer les 2 régulateurs sur lesquels des trous sont disposés de manière qu’on puisse modifier à volonté l’entrure du soc (voy. de nouveau la fig. précitée, p. 175 ) ; — L, arc-boutant ; — M, point d’attache des traits ; — N, emplacement d’un palonnier.

La charrue de Brie perfectionnée différerait fort peu de celle de Small si on ne lui avait donné un avant-train, et si on n’avait cherché à la rendre plus légère en simplifiant sa construction. — Elle convient particulièrement au labour des terres fortes.

Le corps de la charrue A (fig. 243) est prolongé en col de cygne de manière à recevoir un coutre en fer F, forgé et aciéré, fixé par une vis de pression dans une coutelière en fer. — Le soc G, en fer forgé, est adapté, au moyen d’un boulon, sur le prolongement de la semelle et du sep ; une cavité H (voy. le détail) sert à recevoir l’écrou dudit boulon ; — le versoir, de la forme de celui de Small, dont on ne voit en I que l’extrémité postérieure, est fixé sur le corps de la charrue par deux boulons à écrou jj et maintenu dans son écartement par un boulon en fer, rivé sur le versoir, d’une part, et boulonné en K ; — l’age ou la flèche L est réunie au
Fig. 243
corps de la charrue par 3 boulons M M M ; — le mancheron de droite est assujetti sur le versoir par 2 boulons ; celui de gauche est maintenu, comme on le voit, à l’aide des boulons N N et de mentonnets O.

L’avant-train se compose de 2 roues, dont les moyeux sont en fonte, le cercle et les raies en fer forgé ; — d’un essieu en bois revêtu en dessous de deux lames de fer qui, à leurs extrémités, lui servent de frête ; — d’une sellette en plan incliné P sur laquelle on a pratiqué des trous destinés à recevoir la bride Q qui maintient la direction de la flèche ; — d’une chaîne de tirage R qui détermine l’entrure ; — d’une chaînette S qui maintient le timon dans une position horizontale ; — enfin d’une volée d’attelage indiquée de profil en T, et terminée par un crochet U qui peut servir au besoin à atteler un troisième cheval.

La charrue dite Champenoise diffère surtout de celle de Brie par l’inégalité des roues de son avant-train. Celle de droite, destinée à tourner dans le fond du sillon, doit avoir un diamètre plus grand que celle de gauche, parce que, sur les terrains labourés en hauts billons, s’il en était autrement, chargée de presque tout le poids de la charrue, elle risquerait à chaque instant de culbuter. — Une disposition analogue se retrouve dans la charrue anglaise de Norfolk et dans diverses charrues modernes. — Enfin, dans la fort bonne charrue de M. Rosé, que nous avons dû placer dans le § précédent, les deux roues, de même diamètre, mais indépendantes l’une de l’autre, peuvent s’élever ou s’abaisser tour-à-tour.

La charrue de Roville à avant-train n’étant autre que l’araire Dombasle dont nous avons parlé ailleurs, nous nous bornerons à la description de l’avant-train, qui permet de régler l’entrure du soc et la largeur de la raie avec une très-grande précision, quoique par un moyen différent de ceux qui ont été mis en usage jusqu’à ce jour.

Fig. 244
Avec cet avant-train (fig. 244), on augmente ou l’on diminue la largeur de la raie en faisant varier, à droite ou à gauche, au moyen d’une boîte à coulisse, l’extrémité antérieure de l’age sur l’avant-train ; en sorte qu’on peut obtenir toutes les largeurs possibles dans la tranche, sans cesser de faire marcher la roue au milieu de la raie ouverte. La boîte à coulisse dont je viens de parler glisse sur une traverse horizontale où elle se fixe au moyen d’une vis de pression, et cette traverse elle-même s’élève ou s’abaisse à volonté pour régler l’entrure de la charrue. On a néanmoins conservé la chape du têtard, mais c’est uniquement dans le but de donner au laboureur le moyen de maintenir la direction de l’avant-train, lorsqu’on laboure en travers sur une pente rapide ; dans tous les autres cas, la chape reste libre sur son axe, et c’est dans la boîte à coulisse et la traverse qui la porte que l’on doit trouver les moyens d’obtenir toutes les combinaisons possibles pour l’entrure de la charrue et la largeur de la tranche.

J, crochet fixé à l’extrémité d’une bande de fer qui garnit la face inférieure de l’age. À ce crochet s’adapte la chaîne k liant l’avant-train à la charrue, et sur laquelle se fait le tirage ; — b, goujon faisant partie de l’avant-train ; m m, piton placés sur l’age. – Dans ces pilons s’emmanche le goujon b qui y glisse et tourne librement ; – n, boîte à coulisse glissant sur la traverse o, et se fixant sur cette dernière au moyen d’une vis de pression a : la boîte à coulisse n est liée au goujon b de manière à former, avec ce dernier, un genou, pouvant se plier dans tous les sens, ce qui permet de faire subir facilement à la charrue tous les mouvemens nécessaires ; — o, traverse supportant la boîte à coulisse. Cette traverse glisse dans un sens vertical le long des montans pp, et se fixe à volonté sur ces derniers au moyen de chevilles en fer ; — z, traverse consolidant les montans pp ; — ss, deux branches formant la chape ; — t, boulon formant l’axe de la chape ; — u, boulon formant l’axe du crochet ; — v, crochet qui reçoit la volée ; — x, broche en fer servant à fixer la chape à gauche ou à droite, selon le besoin ; — y, les armons liés à la chape au moyen de l’axe t ; — z, traverse consolidant les branches d’armons ; — q, rouelles en fer ; — r, essieu aussi en fer. (Annales de Roville, dernière liv.)

Le prix de l’avant-train seul de la charrue Dombasle, qui peut s’adapter à toutes les charrues du modèle de 1832, est de 65 fr.

La charrue Pluchet (fig. 245 et 246) est, parmi les charrues qui ont concouru depuis quelques années aux environs de la capitale, et notamment à la ferme-modèle de Grignon, une de celles qui ont le plus fixé l’attention des cultivateurs et mérité le plus de prix par la bonté et la facilité du labour.

Le sep (fig. 246) est en fonte. Il affleure à sa partie gauche un bâtis en bois B qui est, ainsi que lui, fixé aux 2 étançons C C. — A la partie antérieure de ce bâtis se trouve le soc D, retenu à frottement sur le versoir et le sep, et à l’aide d’un crochet E à la partie supérieure de la gorge. — Le coutre F est maintenu dans une coutelière ; — les mancherons sont boulonnés l’un et l’autre à l’extrémité antérieure de l’age et sur l’étançon de derrière. — L’age G n’offre aucune particularité.

Le versoir H (fig. 245) est en fonte et se distingue par sa longueur proportionnelle.

L’avant-train, d’une forme toute nouvelle, se compose d’un cadre O servant de support à la sellette I ; — d’une verge J boulonnée dans la sellette d’une part, et retenue par une sorte de collier ou d’écrou K sur la traverse antérieure du cadre susdit. Cette verge étant à vis sur une partie de son étendue, lorsqu’on la fait agir en K, attire ou repousse la sellette sur l’avant-train, de manière à augmenter ou à diminuer l’obliquité de l’age avec le sol, et, par conséquent, à soulever le soc ou à le faire piquer davantage.

Les entailles au moyen desquelles la sellette glisse et est retenue sur les 2 branches du cadre, devenant trop larges à mesure qu’elle se approche des roues, pour la maintenir fixement M. Pluchet a ajouté un coin qui s’interpose entre elle et la branche droite. — Ce coin, ainsi que la partie correspondante de la sellette, sont percés de trous propres à recevoir une clavette qui les unit invariablement.

La bride de fer L (V. les détails) qui embrasse l’age, se termine par une tige de même métal, mobile latéralement dans une mortaise pratiquée sur la branche gauche du cadre O. Cette tige, percée de trous, sert à entraîner l’age et a le fixer, à l’aide de la cheville M, plus à droite ou plus à gauche, ou, en d’autres termes, à déterminer le plus ou moins de largeur de la raie. La tige N, vue de trois quarts dans le détail N, sert à maintenir les traits à une certaine hauteur, pour la plus grande commodité du laboureur.

Cette charrue, que nous avons vue fonctionner avec succès dans des terres difficiles et compactes, construite avec plus de légèreté, quoique d’après les mêmes principes, est particulièrement propre aux labours des sols de moyenne consistance. Parmi les six charrues dont M. Pluchet fait un usage journalier chez lui, à Trappes, il en est une qui, depuis trois semaines, à l’aide d’un seul cheval, et sans que celui-ci paraisse nullement fatigué, retourne chaque jour un demi-hectare, en prenant une bande de terre de faible profondeur. La charrue Pluchet, depuis un an, se répand de plus en plus dans le département de Seine-et-Oise. — Son prix est de 130 fr. avec des balances pour la conduire aux champs, et de 125 fr. avec un seul palonnier.

La charrue Grangé (fig. 247) se distingue et d’une manière tranchée de toutes les autres charrues à avant-train :

Fig. 247

1o Par le levier A, attaché d’une part à l’avant-train en B, et de l’autre au mancheron gauche en C, au moyen de deux chaînettes que l’on peut serrer de manière que ledit levier appuie fortement sous l’essieu en D. Dans l’état de repos, les choses étant ainsi disposées, le levier, en pesant sur l’armon, tend à en abaisser la partie antérieure. — Dès que les animaux de trait sont en marche, le contraire arrive : c’est-à-dire qu’ils relèvent, avec cette partie de l’avant-train, l’extrémité B de la perche ; que celle-ci, maintenue sous l’essieu, abaisse par conséquent le mancheron, faisant ainsi l’office du laboureur pour maintenir la charrue à sa profondeur dans la raie.

2o Par le levier E, attaché antérieurement à droite du timon, postérieurement à la traverse du versoir ou à la droite de l’age, et maintenu le long du montant droit de la sellette. Ce levier, qui n’agit que lorsque les animaux de trait ne marchent pas, équilibre alors l’action de la perche et empêche le palonnier de toucher la terre lorsque la charrue s’arrête pour tourner à la fin de chaque sillon. Dès qu’elle a repris la direction voulue et que les chevaux relèvent de nouveau les armons, la chaînette F se détend et le premier levier agit seul. — Plus tard on a rendu inutile ce second levier, en prolongeant cette chaînette et en la fixant directement à l’age.

3o Par un troisième levier G, dont l’action, indépendante des deux premiers, n’a pour but que de soulever la pointe du soc lorsqu’on tourne la charrue au bout de chaque raie. Il est fixé sur le devant à la partie antérieure de l’age, et disposé de manière à basculer au point H des montans de la sellette. — Pour obtenir l’effet voulu, il suffit donc d’accrocher ce levier en I.

De cette triple addition résultent évidemment deux grands avantages : — Le travail de l’homme qui tient la charrue est sensiblement diminué, parfois nul ; — le levier A, en liant d’une manière fixe les deux parties de cette charrue et en rejetant presque tout le poids de l’avant sur l’arrière-train, la transforme en une araire véritable à roues modératrices, dont il devient l’age, et la résistance se trouve ainsi sensiblement diminuée. Aussi, d’après les expériences dynamométriques faites à Grignon, la charrue Grangé n’a-t-elle donné que 6 à 8 kilog. de plus de tirage que les araires de cet établissement.

Ce n’est pas tout : enhardi par ses premiers succès, M. Grangé a voulu obtenir encore plus. Non content d’avoir simplifié beaucoup le travail du laboureur, il a cherché à le rendre inutile partout ailleurs qu’à l’extrémité des sillons, ou, en d’autres termes, à obtenir une charrue qui se maintint seule dans la raie. — En théorie, il ne fallait pour cela, une fois l’entrure réglée, que maintenir le soc dans son horizontalité et sa direction première, et le moyen d’y arriver c’était de fixer invariablement l’age à son point de jonction sur la sellette. Il le fit donc carré à cet endroit, le plaça entre deux forts montans, également carrés, et le lia de plus à l’aide de deux chaînes au lieu d’une, de sorte qu’il ne pût s’incliner ni à droite ni à gauche qu’avec l’avant-train. Toutefois cette dernière innovation, dont il serait injuste de ne pas reconnaître le mérite, présenta aussi en pratique d’assez graves inconvéniens.

Si la charrue labourait dans un terrain parfaitement plane à sa surface et homogène dans sa composition, de manière qu’aucune butte, aucune sinuosité ne pût élever ou abaisser une des roues plus que l’autre, et qu’aucune racine, aucune pierre ne vînt déranger la direction du soc, il n’est pas douteux que le but de l’inventeur eût été parfaitement et complètement rempli. Malheureusement, il en arrive assez souvent autrement, et alors, non seulement cette charrue ne peut marcher régulièrement seule, mais l’homme qui veut la maintenir éprouve autant, au moins, de difficultés qu’avec une charrue ordinaire. Cette difficulté augmente en raison de la légèreté du sol et du peu de profondeur du labour ; car alors, ainsi que l’attestent trop bien les essais faits aux environs de Paris, la charrue Grangé, n’étant pas maintenue en terre par la cohésion ou l’épaisseur de la bande, dévie d’un côté sur l’autre au moindre obstacle et peut à peine tenir en raie. — Dans les sols plus consistans, un pareil inconvénient est moins sensible et moins fréquent. Là il est certain que le laboureur peut souvent marcher, les bras croisés, derrière la charrue ; mais, à moins de circonstances particulièrement favorables ; encore faut-il qu’il soit là tout prêt à la redresser au besoin ; et dès-lors il est permis de se demander si la fixité de l’age qui entrave l’action des mancherons, est une chose heureuse, et si la difficulté plus grande de remédier en certains momens à l’imperfection du travail, ne compense pas un peu la facilité remarquable qu’il présente dans beaucoup d’autres. — Du reste, cet inconvénient a été si bien senti, que M. Grangé lui-même a dû rendre ultérieurement l’age légèrement mobile entre les deux montans de la sellette.

Voici, d’après lui, les deux moyens à employer pour obtenir la profondeur et la largeur de raie désirées : — C’est d’incliner le corps de la charrue à droite pour avoir une plus grande largeur, à gauche pour l’obtenir moindre. Cette inclinaison se donne à droite, en élevant la sellette d’un ou plusieurs trous, au moyen du régulateur en fer qui se trouve placé perpendiculairement sur l’essieu ; elle se donne à gauche, en abaissant plus ou moins cette sellette vers l’essieu. Pour régler la profondeur du labour, il faut abaisser ou élever la broche en fer qui traverse horizontalement les deux jumelles et soutient la haye ; en élevant cette broche on a moins de profondeur, en l’abaissant on en obtient davantage. — La charrue Grangé, fabriquée sous ses yeux à Monthureux-sur-Saône, arrondissement de Mirecourt (Vosges), ou chez le sieur Mathon, charron à Épinal, est du prix de 115 à 120 fr.

La charrue Grangé modifiée par M. Mathieu de Dombasle diffère particulièrement de celle qui vient d’être décrite : 1o par une pièce en fer fixée sous l’age, dite régulateur des chaînes, et à laquelle celles-ci sont en effet attachées. On égalise leur longueur en portant à droite ou à gauche la queue du régulateur, qui est percée de trous au moyen desquels on peut la fixer à l’aide d’une goupille. Cette queue est également fixée à l’aide d’une chaînette qui s’oppose à de trop grands écarts, lorsque la goupille n’est pas mise ; de sorte qu’on peut, dans la plupart des circonstances, se dispenser démettre cette goupille, et laisser libre la queue du régulateur ; — 2o par la vis de rappel, qui sert à incliner le corps de la charrue à droite ou à gauche et qui unit le manchon à l’age ; — 3o par la disposition du levier de pression, qui entre à son extrémité antérieure dans un anneau ou collier fixé sur un des armons ; ce collier s’élève ou s’abaisse à volonté à l’aide de deux écrous, afin qu’on puisse toujours le placer au point convenable pour que le levier exerce par-derrière une pression suffisante sur les mancherons, et qu’il soutienne par devant les armons. Lorsqu’on tourne à l’extrémité du billon, l’extrémité postérieure du levier est engagée dans un autre collier mobile sur une barre de fer placée en forme de traverse entre les mancherons ; — 4o et ensuite par la suppression du second levier rendu inutile par suite du double emploi du premier.

À l’aide d’un tel arrangement, on peut employer la charrue directement à la manière de M. Grangé, ou si l’on trouve que l’immobilité de l’age sur la sellette soit, ainsi que nous le disions plus haut, un obstacle à sa facile direction en cas de dérangement, il devient facile de la transformer en charrue à avant-train maniable, en faisant tourner la vis de rappel du manchon jusqu’à ce qu’elle sorte de son écrou. — L’age peut alors se mouvoir librement au gré du laboureur. — Cette charrue, prise à Roville, vaut 160 fr.

Lors d’un concours qui a eu lieu en 1834, sous les auspices de la Société industrielle d’Angers, cette charrue, que la commission a jugée digne par sa perfection de la réputation de M. de Dombasle, a été essayée comparativement avec une autre charrue également modifiée d’après l’invention Grangé, celle de M. Laurent (fig. 248), que sa simplicité et l’approbation d’hommes dont nous apprécions le savoir et la consciencieuse sévérité, nous ont engagé à reproduire ici, bien que nous ne puissions en parler que d’après un dessin.

Long-temps avant de connaître les modifications apportées par M. de Dombasle, M. Laurent avait, comme lui, supprimé le second levier. — Le court mancheron A, qu’il a réservé, est percé de trous, disposés de manière à permettre d’élever ou d’abaisser le point d’attache du levier de pression qui prend son point d’appui en B au lieu de le prendre sous l’essieu ; — une seule chaînette C unit l’arrière-train à l’avant-train. Du reste, l’age est maintenu de même immobile entre les jumelles. « Bonté dans le travail, modicité dans le prix de l’instrument, tels sont, dit le rapporteur, les avantages de la charrue Grangé simplifiée par M. Laurent. » Ajoutons que deux mécaniciens, MM. Hofmann de Nancy et Albert ont eu l’un et l’autre l’idée déplacer le levier de pression de Grangé, non plus sous la charrue, mais dessus, et de le faire servir en même temps à soutenir les armons, ce qui rend inutile le levier de ceux-ci. « A cet effet, M. Hoffmann a imaginé de soutenir le levier en question en le faisant passer dans les colliers de deux tiges de fer placées, l’une sous l’armon de droite en avant de l’essieu des roues, l’autre sur le prolongement de cet armon en arrière de l’essieu. À son extrémité postérieure, cette perche est embrassée par une chaîne fixée à la traverse des mancherons, de manière que quand les armons tendent à se relever, il se fait une pression de haut en bas sur cette chaîne. — M. Albert, de son côté, place son levier de pression à gauche, et non à droite ; il lui donne pour point d’appui un collier adapté au montant de la sellette, et il engage l’extrémité postérieure dans une sorte de bride de fer appliquée le long du mancheron. La perche, quand elle est soulevée par l’avant-train, fait pression sur la partie inférieure de la bride ; une vis qui traverse le mancheron l’empêche de s’élever au-delà d’une certaine limite et maintient ainsi les armons dans une positio horizontale. C’est aussi au moyen de vis que M. Albert porte à droite ou à gauche la chape de ceux-ci, et qu’il augmente ou diminue la longueur des deux chaînes qui lient l’avant-train à l’age.

[6:2:5:2]
§ ii. — Des charrues à tourne-oreille.

Les charrues à tourne-oreille ordinaires ont le grand avantage de pouvoir tracer en allant et en revenant des sillons contigus, puisqu’elles versent la terre toujours du même côté de l’horizon. Elles abrégent ainsi le travail en évitant les allées et venues indispensables, avec les charrues à versoir fixe, pour passer d’un sillon à l’autre dans les labours en planches. — Mais, d’un autre côté, elles présentent deux inconvéniens fort graves aux yeux de tous ceux qui savent apprécier les conditions d’un bon labour. D’une part, la forme de leur soc, qui soulève moins bien le sol, et qui perd une partie de sa puissance en le soulevant inutilement du côté opposé au versoir ; — de l’autre, la disposition et la forme de la planchette qui leur sert de versoir et qui retourne incomplètement la terre.

Fig. 249

La charrue tourne-oreille, telle qu’on l’emploie encore dans beaucoup de pays, se compose d’un avant-train A (fig. 249), qui ne diffère pas essentiellement de ceux qui ont été précédemment décrits, et d’un arrière-train B. — Le soc, de forme triangulaire, est en fer aciéré ; il est boulonné sur le sep. — La semelle est fixée à la gorge et à l’étançon C, ainsi qu’à l’arrière-montant ou plot D, et maintenue de plus par la verge E. — Le versoir se compose d’une partie supérieure F qui porte en avant une plaque de tôle, et d’une partie inférieure mobile et qui peut s’attacher tantôt à droite, tantôt à gauche, à l’aide d’une petite verge de fer courbée H (V. les détails) qui s’accroche dans un anneau au point I de la semelle, et d’une cheville J qui s’implante dans un trou creusé pour la recevoir, de manière à régler l’écartement voulu. La 2e cheville L sert à saisir l’oreille quand on veut la mettre ou l’ôter. Cette oreille est en bois, ainsi que la partie fixe du versoir. — Le coutre M devant être changé de direction chaque fois qu’on transporte l’oreille d’un côté sur l’autre, on a fixé sur l’age le ployon N dont un des bouts passe dans l’arcade O, et dont l’autre bout est maintenu par le tenon P, tandis qu’à son milieu il presse, tantôt à droite, tantôt à gauche, sur le manche du coutre, dont il dirige par conséquent la pointe dans le sens opposé. — L’age, un peu courbé à son origine postérieure, s’implante dans le plot D portant les manches, et fixé à sa partie supérieure par une traverse. On voit en R le porte-fouet. — Le tirage se fait au moyen de la bride S mobile sur son axe, et de la chaîne qui va s’attacher à l’avant-train. — Le régulateur T ressemble beaucoup à celui de la charrue Guillaume.

On a cherché divers moyens de remédier aux inconvéniens, bien connus, de cette charrue. — M. Hugonet, le premier, pensons-nous, a donné l’exemple d’un soc servant en même temps de contre, et tournant sur lui-même de manière à opérer, selon le besoin, à droite ou à gauche (voy. page 171 fig. 198).

La charrue Hugonet (fig. 250), dont nous avons décrit le soc-coutre et expliqué le mécanisme qui lui fait prendre à volonté deux positions différentes, page 171, fig. 198, diffère fort peu du reste des charrues légères à tourne-oreille, en usage dans les pays de montagnes : A, soc-coutre ; — B, montant ou
Fig. 250

épée dans lequel tourne le porte-soc, placé au-dessus d’une semelle C en fer fondu qui tient lieu de sep ; — L’oreille plane mobile qui se fixe dans une cavité du soc-coutre et contre les mancherons E de la manière ordinaire ; — F, age ; — G, avant-train avec son timon d’attelage, ses deux roues de diamètre égal et sa sellette.

[6 :2 :5 :3]
§ iii. — Charrues à versoirs mobiles.

M. de Beaupré, propriétaire à Fontaines, près Lyon, a adapté à l’une de ses charrues deux versoirs mobiles en fer, l’un appelé de droite et l’autre de gauche, qui se fixent alternativement par une tringle en fer, tournant sur un pivot entre le sep et la flèche ; cette tringle est armée de deux bras recourbés ; ils servent à fixer par leur extrémité l’ouverture du versoir, qui ensuite reçoit un crochet qui achève de lui donner toute solidité. M. Gariot, l’un des membres les plus éclairés de la Société d’agriculture de Lyon, qui s’en est servi assez récemment sur un sol argilo-caillouteux, a fait connaître les résultats suivans : l’entrure avait 12 po., le timon avait 7 pieds de long du joug à la chaîne du régulateur ; l’attelage se composait de deux vaches de moyenne taille et d’une force ordinaire ; elles ont marché avec facilité en traçant des sillons de 7 à 8 po. de profondeur, et tournant complètement une tranche de terre de 5 à 6 po. de large, qui a toujours laissé une raie bien nette et bien égale. « Cependant, dit-il, cette charrue, qui me fit le plus grand plaisir par la bonté de son labour, en raison du faible attelage, me fit éprouver quelque peine par la seule manœuvre de ses deux versoirs mobiles, attendu que, pendant que je traçais le sillon de droite, il fallait que le versoir de gauche fût placé et arrêté par un crochet à l’age de la charrue, et quand je revenais sur le sillon de droite pour tracer celui de gauche, il fallait mettre sur la charrue le versoir de droite, et ainsi de suite, ce qui ne laisse pas, après trois ou quatre heures de travail, de fatiguer le laboureur et de lui faire perdre du temps. » Le soc, qui est tranchant, se retourne aussi à chaque sillon. Malgré ces légers inconvéniens, qui sont bien loin d’entraîner une perte de temps équivalente à celle que nécessite, pour certains labours, l’emploi des charrues à oreilles fixes, la charrue Beaupré paraît être une fort heureuse innovation.

L’un de nous (M. Molard), qui avait été souvent à même d’apprécier les avantages de la petite charrue Hugonet dans les terrains montueux et rocailleux du Jura, malgré l’imperfection bien sentie de son versoir, a cherché à lui en substituer un autre, ou plutôt deux autres, d’une forme meilleure, et tellement disposés qu’on put éviter le déplacement à la main de l’oreille, déplacement indispensable dans les exemples précédens.

Fig. 251

La charrue Hugonet modifiée (fig. 251) diffère donc de la précédente, en ce qu’elle porte deux versoirs concavo-convexes, fixés par un boulon leur servant d’axe près du soc, de manière qu’aussitôt que l’un des versoirs est abaissé pour fonctionner, l’autre se trouve élevé au moyen d’une chaîne passant sur une roue dentée, dont l’axe porte un coude de manivelle ; — chaque bout de la chaîne est fixé au bord inférieur et postérieur du versoir. Ce moyen serait également applicable, avec quelques modifications, à la charrue Grangé, pour la rendre propre à labourer en allant et en revenant dans la même raie.

M. Dessaux de Courset a adapté à une charrue modifiée par lui, un double versoir qui paraît fort ingénieux. Voici, à défaut de renseignemens qui nous soient personnels, ceux que nous procure l’Annotateur de Boulogne-sur-Mer : « Figurez-vous deux plaques de fer ou oreillons légèrement recourbés, placés sur le soc de manière à former par leur rencontre un angle dont le sommet est vers la pointe du soc, et qui est traversé par un boulon de fer partant de la haye au sep, et sur lequel tournent ces deux plaques, réunies par cette extrémité et écartées par l’autre au moyen d’une verge de fer recourbée en crochet. L’effet de la mobilité de ce double versoir sur le boulon de fer formant son axe vertical, consiste à pouvoir, au moyen d’un taquet de bois, faire saillir tantôt l’oreillon ou versoir de droite, tantôt oreillon ou versoir de gauche, ou de pouvoir, au moyen de deux taquets moins larges, placés de chaque côté du support du soc, maintenir les deux oreillons ou versoirs dans une demi-saillie. Il résulte de ces dispositions du double versoir que, lorsque les deux ailes sont maintenues égales et peu saillantes de chaque côté, la charrue fait fonction de binot. Si au contraire un des oreillons est disposé pour saillir exclusivement, il fait l’effet du versoir de la charrue ordinaire. »

Fig. 252

Enfin, M. Rosé a trouvé tout récemment le moyen d’entraîner de droite à gauche et de gauche à droite, selon la direction du labour, une pièce mobile A (fig. 252), qui sert à la fois de soc, de coutre et de versoir. La nouvelle araire Rosé à tourne-soc-oreille avec petit avant-train sous l’age, peut donc être considérée, comme le complément des diverses améliorations dont nous venons de parler. — A, tourne-soc oreille en fer battu, aciéré sur la pointe et les deux tranchans, qui servent alternativement de soc et de coutre.

Ajoutons encore, par anticipation, ce que nous aurons bientôt à dire en traitant des bisocs, que M.de Dombasle a inventé une charrue jumelle, propre à labourer alternativement à droite et à gauche, et que M. de Valcourt, notre collaborateur, en a inventé une autre, dite dos-à-dos, dont nous donnerons une description détaillée, et que nous regardons comme la meilleure jusqu’à présent connue, pour remplacer la charrue tourne-oreille, principalement sur les coteaux, pour les labours profonds et dans les terrains qui offrent de la résistance. — Elle a été adoptée à Grignon et à Roville.

[6:2:5:4]
§ iv. — Des charrues à deux versoirs.

Les charrues à deux versoirs ou plutôt à deux épaules ou oreillons (car nous ne devons pas nous occuper ici de celles qui, sous le nom de cultivateurs, bineurs, etc., sont employées exclusivement aux labours d’entretien des cultures) sont utilisées dans l’Ouest et dans diverses autres parties de la France et de l’Europe, à peu près exclusivement, pour donner la dernière façon aux terres disposées en billons, et pour recouvrir les semis sous raies.

Leur soc, en fer de lance, est fixé sur le sep au moyen d’une douille qui l’embrasse à frottement ; il a ordinairement, de l’extrémité postérieure d’une aile à l’autre, un peu plus de largeur que le talon du sep, de manière à rendre plus facile la marche de ce dernier ; — les deux planchettes qui forment les épaules sont légèrement envoilées du haut pour mieux renverser la terre. — Quand on ajoute un coutre, ce qui a rarement lieu, pour le retenir, on lui adapte une bande plate de fer ou coutriau, terminée inférieurement par un crochet qui entre dans un trou pratiqué vers le milieu du soc, et qui est percée de trous à son autre extrémité, de manière à pouvoir être fixée au-dessus de l’age, qu’elle traverse, par une cheville ou un simple clou. — Le reste de ces sortes de charrues n’offre aucune particularité remarquable.

Ce qui les caractérise dans la pratique, c’est que, selon qu’on les dirige horizontalement, ou qu’on les incline à droite ou à gauche, on rejette la terre, dans le premier cas, également des deux côtés, et dans le second, en entier du côté de l’inclinaison, de sorte qu’on peut obtenir alternativement avec un de ces instrumens, le travail du buttoir et de la charrue tourne-oreille.

Partout où l’on emploie en France les charrues à épaules, ce n’est, avons-nous dit, que pour les derniers labours et pour les semis sous raies. Là se borne en effet leur véritable mérite ; car, quoique, lorsqu’elles sont convenablement construites, elles divisent assez bien le sol et arrachent complètement les mauvaises herbes, elles ne renversent qu’imparfaitement la bande, et, si elles ramènent cependant à la surface une partie de la terre du fond, il n’est pas rare qu’elles laissent entre chaque raie une côte non labourée.

[6:2:6]
Art. vi. — Des araires et charrues à plusieurs socs.

Les araires ou charrues à plusieurs socs sont connues en France depuis un grand nombre d’années. Jacques Besson, mathématicien du 16e siècle, avait fait décrire, en 1578, par Beroalde, dans son Théâtre des machines, un artifice non vulgaire d’un merveilleux abrègement pour labourer la terre avec trois socs. — Depuis cette époque, malgré les perfectionnemens de tous genres qu’on a apportés à ces sortes de charrues, leur usage ne semble pas être devenu beaucoup plus fréquent, d’où l’on pourrait induire qu’elles n’acquerront probablement jamais dans la grande culture qu’une importance accidentelle. En effet, leur prix élevé, — la difficulté plus grande de leur construction, — leur usage en général restreint aux labours d’une faible ou d’une moyenne profondeur, — leur marche doublement entravée sur les terrains pierreux ou enracinés, — dans les localités difficiles, le défaut d’habitude des garçons de charrue, sont autant, au moins que l’augmentation indispensable de force de tirage, de motifs qui assurent aux charrues ordinaires une préférence méritée dans le plus grand nombre de cas. Cependant, dans quelques autres, il est incontestable que la rapidité du travail des charrues à plusieurs socs peut coïncider avec sa qualité ; il serait donc aussi nuisible de condamner que d’approuver d’une manière absolue leur emploi, et les faits prouvent qu’il n’est pas permis, dans un ouvrage de pratique, de ne pas faire connaître au moins quelques-uns de ces instrumens compliqués. — Nous ne parlerons que de ceux dont la pratique a sanctionné le mérite.

Les charrues à socs multiples n’ont pas d’ailleurs toujours pour but d’ouvrir deux sillons côte à côte. Parfois, comme on a pu le voir à l’article Défoncement, elles sont disposées de manière à creuser au lieu d’élargir la raie ; — d’autres fois, leur principale destination est de remplacer la charrue tourne-oreille. — L’irrégularité du travail de celle-ci (voy. ci-devant) et l’inconvénient d’employer les charrues à versoir fixe sur les terrains en pente, parce qu’il est fort difficile de rejeter la bande en haut avec quelque perfection, ont donné lieu à diverses inventions dont il a été parlé précédemment, mais parmi lesquelles il en est que nous n’avons dû indiquer ailleurs que par anticipation. M. de Dombasle a fait construire une charrue portant deux corps, c’est-à-dire deux seps, deux socs et deux versoirs ; l’un de ces corps verse à droite et l’autre à gauche. Lorsque l’un de ces deux corps de charrue est placé de manière à travailler, l’autre se trouve en-dessus de l’age, et l’on n’a besoin que de retourner la charrue à chaque extrémité de sillon. — Cet instrument forme absolument deux charrues jumelles n’ayant qu’un seul age et une paire de mancherons. Ces derniers sont mobiles de manière à pouvoir se placer alternativement dans la direction convenable pour celui des deux corps de charrue qui est en action. (Ann. de Roville, 1825.)

La charrue, ou plutôt l’araire jumelle, ainsi construite, travaillait fort bien ; mais elle avait cependant, outre quelques autres inconvéniens, celui d’être très-difficile à retourner au bout de chaque sillon, surtout dans les terres tenaces et humides.

Fig. 253

L’araire dos-a-dos de M. de Valcourt (fig. 253) est une de ces innovations heureuses qui a eu tout d’abord la sanction de la pratique. Nous laissons parler M. Bella, dont le nom se rattache si honorablement à la création d’un des plus utiles établissemens d’instruction agricole de la France. « La charrue double que M. L. de Valcourt a fait exécuter à Grignon a parfaitement rempli l’objet que l’auteur avait en vue ; elle remplace très-bien la charrue tourne-oreille et opère plus efficacement ; elle a aussi l’avantage et la force de défoncer le terrain le plus dur à une profondeur de 10 pouces. Deux forts chevaux la traînent bien dans les labours ordinaires, quatre bœufs suffisent pour les défoncemens les plus difficiles. Cet instrument a été très-utile pour labourer dans les pentes où il n’est pas possible de faire des billons, pour niveler la terre et la pousser dans les fonds ; il a l’avantage de pouvoir suivre les sinuosités, et opère avec promptitude et facilité. Il faut moins de temps pour décrocher la volée, faire tourner les chevaux et replacer la volée, que pour tourner la charrue et les chevaux ensemble, etc. »

La seule vue du dessin (fig. 253), ajoute M. de Valcourt, montre qu’on ne retourne jamais la charrue, elle marche comme la navette d’un tisserand. Arrivé au bout du sillon, on arrête les chevaux, on tire la clavette, alors la volée I abandonne le régulateur H ; on fait retourner les chevaux et on fixe la volée I au second régulateur H’.

Si on ôte les quatre mancherons E, on verra que cette charrue est exactement l’avant de deux charrues Dombasle (mais dont l’une jette la terre à droite et l’autre à gauche), qui sont mises dos-à-dos sur une ligne XY. — Le versoir, en fonte, n’est pas aussi long que dans la charrue Dombasle ; il ressemble davantage au versoir américain ou à celui de l’araire du Brabant (voy. page 183, fig. 235, et page 184, fig. 236). On lui avait primitivement donné 15 po. de hauteur (0m406) ; mais M. Bella a labouré si profondément, quelquefois à plus d’un pied, que la terre passait par-dessus les versoirs et retombait entre les deux socs. Il a fait alors clouer sur les deux versoirs une plaque triangulaire en tôle qui a obvié à cet inconvénient. — On aurait pu également ajouter une rehausse. — La haye A a 2 po. (0m054) de moins que celle de la charrue de Roville ; on lui a donné 8 pi. 6 po. (2m760) de longueur, et 4 sur 3 po. (0m108 sur 0m081) d’équarrissage. — Le sep B a 4 po. ¾ de largeur sur 3 ½ de haut (0m128 sur 0m095) — Les socs CC ont 10 po. (0m271) de leur origine à leur pointe. D’une pointe d’un soc à l’autre on trouve 4 pi. 10 po. (1m570). — Du côté de terre on a mis une planche J qui remplit tout l’intervalle entre la haye A, le sep B et les deux gendarmes FF. — Les étançons DD, de 4 sur 3 po. (0m108 sur 0m081 ), sont fixés à 10 po. (0m271) d’intervalle. — Les 4 mancherons EE ont 2 pi. (0m650) d’ouverture ; à 2 pi. 8 po. (0m866) de terre, ils dépassent la haye de 15 po. (0m406). — Les régulateurs HH sont à la Dombasle.

Charrue Plaideux à double soc horizontal. Ce ne sont, à proprement parler, que deux charrues de Brie réunies sur un seul age coudé et porté sur un avant-train. — A la place du double manche on a substitué deux mentonnets ou bras latéraux, l’un sur la queue et l’autre dans la tête de l’étançon. Ces deux mentonnets portent chacun un etrier ou collet de fer à vis et écrous ; c’est dans ces étriers que passe l’age du soc ; enfin, ces deux étriers ont chacun une vis de pression pour serrer l’age et le fixer solidement sur les deux mentonnets. On voit combien est simple un pareil assemblage.

La charrue Plaideux, adoptée dès 1809 par divers cultivateurs de l’Oise, et perfectionnée depuis par son inventeur, s’est répandue assez rapidement dans les départemens voisins. — En 1821, d’après l’attestation d’un grand nombre de cultivateurs qui en faisaient un usage particulier, et sur le rapport de M. Héricart de Thury, la Société centrale d’agriculture accorda une médaille à M. Plaideux. Nous laissons parler notre confrère. « Les expériences réitérées que nous avons fait faire devant nous, entièrement d’accord avec la correspondance de M. le sous-préfet de Senlis et des cultivateurs de son arrondissement qui se servent de la charrue à deux socs, nous ont prouvé : 1o qu’avec la même puissance on doit généralement compter, dans les longues raies, le double d’ouvrage qu’avec la charrue de Brie pour les petits labours, tels que les binages, les découennages, les enfouissages de parc et de grains, dans les terres légères, et le tiers dans les terres fortes et compactes pour lesquelles il convient d’ajouter un troisième cheval au têtard, si on veut des labours profonds, tels que les défonçages et les gros retaillages ; — 2o que les deux raies qu’elle ouvre, lorsqu’elle est bien conduite, sont parallèles, bien suivies et parfaitement égales en largeur comme en profondeur ; — 3o qu’on peut donner aux raies telle dimension qu’on veut, attendu que la charrue se braque et se débraque à volonté ; — 4o qu’elle se maintient très-bien en raie ; — 5o que la manœuvre est simple et facile une fois qu’on est parvenu au degré d’entrure que l’on veut donner ; — enfin, que tout charron de village peut la monter, démonter et réparer facilement. »

D’un autre côté, il faut reconnaître que dans les labours profonds elle est sujette à s’engorger ; — elle présente quelque embarras pour l’enfouissement des fumiers longs, et elle demande beaucoup d’application de la part du conducteur, attendu qu’elle pourrait ouvrir une raie plus haute que l’autre, si on n’avait l’attention de bien fixer à sa place la haye du second soc, de manière à lui faire prendre autant de terre qu’à celui de devant ; — elle éprouve plus de difficultés qu’une autre dans les terrains qui contiennent des blocs de pierre.

Fig. 254

La charrue à double soc et à pied (fig. 254), ainsi nommée à cause du pied M qui sert à régler l’entrure du soc, a été introduite en Flandre, il y a une douzaine d’années, par M. le baron Dewal de Barouville. — Elle se distingue particulièrement de la charrue belge ou brabançonne ordinaire par un second coutre L et un second soc I. — A, mancheron ; — BB, queue de la charrue emmortaisée dans le sep et dans la haye ; — C, haye ou flèche ; — D, montant emmortaisé par le haut dans la haye et par le bas dans le sep ; — E, sep à semelle de fer ; — F, grand coutre ; — G, grand versoir ; — H, soc en fer, forgé comme le versoir, dans lequel entre le sep, où il est retenu par une cheville implantée de bas en haut devant une traverse qui réunit ces deux parties au-dessous du dit sep ; — I, second soc ayant en petit la même courbure que le grand et dont la partie postérieure est courbée en forme de versoir et est portée par une branche de fer qui traverse la haye ; — L, petit coutre ; — M, pied en fer, courbé à sa partie inférieure pour glisser sur la terre, et élargi dans le sens du travers de la haye d’environ 9 centimètres, pour porter sur plus de terrain et ne pas enfoncer ; — N, crémaillère ; — O, anneau de fer sur lequel tirent les chevaux et qui sert à régler la profondeur ; — P, boulon fait, à sa partie supérieure, en forme de marteau pour pouvoir s’en servir au besoin : en le changeant de trou (voy. fig. 255 ), on fait prendre à la charrue des raies plus ou moins larges ; — Q, lien de fer qui ne peut se voir que dans la fig. 255 : il est rivé solidement par deux pattes sur le versoir et traverse la queue B pour la fixer ; la partie qui traverse ladite queue étant à vis et garnie de deux écrous, sert à régler l’écartement du versoir ; — R, boulon de fer qui contribue à unir plus solidement le sep à la haye ; — des brides de fer sont destinées à retenir la queue B et le montant D sur la haye. — La tige du soc I est garnie de crans qui entrent dans la plaque supérieure de la haye, et qui, étant serrés par le coin qui se voit derrière, font que cette pièce ne peut ni monter ni descendre quand elle est fixée à la hauteur convenable ; même remarque pour la pièce M.

Cette charrue, établie d’après les principes qui ont dirigé la construction de l’araire Dombasle, de la charrue de Small et de la charrue américaine, présente, comme on le voit, l’avantage de pouvoir, au gré du laboureur, servir soit comme une forte araire simple à pied, soit comme araire à pied à 2 socs. — Dans ce dernier cas elle doit être particulièrement propre aux labours ou aux défoncemens profonds.

M. Dewal de Barouville a reçu en 1823, pour cette machine, la grande médaille d’or de la Société centrale d’agriculture de Paris.

Fig. 256
La charrue Guillaume à double soc ou à deux raies, ou bisoc (fig. 256), dont chacun des corps ne diffère pas essentiellement, dans les parties constituantes, de la charrue Guillaume dont nous avons donné la description et la figure (page 188 ), est unie et consolidée en une seule pièce par les boulons à écrou D, D, D ; la haye de l’arrière-corps A est coudée obliquement à droite, antérieurement au coutre C, et jusqu’aux abords de l’étançon de l’avant-corps ; — les coutres CC, au lieu d’être placés au milieu de l’age, sont retenus sur le côté dans des coutelières ; on peut modifier à volonté la direction de leur pointe au moyen de deux vis de pression.

À l’instant où le charretier se disposera, dit M. Guillaume, à labourer avec cette charrue, comme elle est montée sur un train de devant semblable à celui de la charrue ordinaire (voy. fig. 242), il réglera l’entrure des socs par la sellette comme il a été dit… ; en se plaçant entre les deux mancherons, il observera la charrue de devant pour la maintenir dans la même largeur de raie que celle de derrière. Toutes deux étant accouplées pour retourner une bande de 10 po. (0m 271) de large, s’il arrivait que celle de devant en prît une moindre, il est clair que le sillon unique, résultat du double trait, donnerait par son irrégularité un mauvais labour. Si donc le charretier s’aperçoit qu’une des deux charrues prend une raie plus ou moins large, plus ou moins profonde que l’autre, il devra parer à cet inconvénient par le moyen de deux écrous des boulons d’assemblage E, F ; en desserrant le premier et en serrant le second, il relèvera la pointe du soc ; en faisant le contraire, il lui donnera plus d’entrure.

Le bisoc Guillaume, après plusieurs années d’expériences et divers essais comparatifs, a mérité à son auteur la médaille d’or de la Société centrale d’agriculture.

Le bisoc de lord Sommerville, fort célèbre en Angleterre, et dont nous reproduisons la figure d’après M. Loudon (fig. 257), se fait remarquer par ses versoirs brisés, dont la partie postérieure, mobile au point de section, peut prendre plus ou moins d’écartement à l’aide d’une vis à écrou qui l’unit au corps de la charrue. — Cette disposition, vantée par sa seigneurie, est en effet avantageuse
Fig. 257
lorsqu’on peut, en raison de la nature du terrain, augmenter la largeur de la raie ; mais l’angle qui se forme à l’endroit où la partie mobile du versoir pivote, et qui détruit nécessairement l’harmonie première de la courbure du versoir entier, nous semble un inconvénient qu’il serait facile d’éviter en adoptant la disposition du versoir de la grande charrue écossaise.
Fig. 258
Le trisoc de Bedfort (fig. 258) se compose de trois socs AAA, de trois versoirs BBB de trois ages CCC, maintenus par une traverse D et fixés sur la sellette E au moyen d’entailles et d’écrous. — L’un des mancherons F prend appui à droite sur le premier corps, le second G, sur le troisième. L’un et l’autre sont retenus à distance convenable et consolidés par une verge H. — L’avant-train est à roues inégales. — Le régulateur à écrous I sert à recevoir la chaîne du tirage.

La fig. 259 représente la même machine, vue de profil du côté gauche.

Fig. 259

Il existe aussi des charrues à quatre socs ; M. Guillaume en a construit une qui paraît théoriquement assez bien conçue. — Amos en a inventé une autre dans les principes du trisoc que nous avons figuré ; mais si les bisocs peuvent être parfois utilisés, on conçoit que les reproches qu’on leur fait en pratique deviennent plus graves encore, à mesure que le nombre des socs augmente. — Il nous paraît douteux que, même pour de simples déchaumages, on se trouve bien de l’emploi de ces lourdes et dispendieuses machine. Molard, de l’Institut,

et O. Leclerc-Thouin

Section iii.Des labours à l’aide de machines aratoires autres que les charrues.

[6:3:1]
Art. ier. — Des labours à l’extirpateur.

Ces labours diffèrent essentiellement des labours à la charrue : 1o parce qu’au moyen des socs de l’instrument, ils soulèvent, mêlent et divisent la terre sans la retourner ; — 2o parce qu’en général ils ne la pénètrent qu’à de faibles profondeurs ; — 3o et parce qu’ils ne sont pas propres, comme les autres, à donner à sa surface, par le sillonnage, telle ou telle disposition particulière.

Leurs principaux avantages sont : de pulvériser énergiquement le sol et de le mélanger complètement à 3 ou 4 po. (0m 081 à 0m 108) de profondeur ; — de diminuer le nombre des herbes annuelles en ramenant une partie de leurs graines près de la surface pour les faire germer, et en les déracinant bientôt après par les façons suivantes ; — de faire périr les plantes adventices vivaces, en les arrachant ou en mutilant fréquemment leurs racines ; — d’offrir un des moyens les plus simples de redresser ou ravaler progressivement le sol, lorsque les inégalités qui le couvrent ne sont pas considérables ; — enfin de présenter sur le travail à la charrue une économie très-grande.

L'emploi de l’extirpateur en France ne remonte pas à une date fort ancienne, et son usage est loin d’être aussi répandu qu’il devrait l’être. — Lorsque le sol a été suffisamment et assez profondément ameubli par un ou deux labours à la charrue, il est presque toujours avantageux de se servir de cet instrument pour donner les façons préparatoires aux semis d’automne, non seulement à cause de l’économie du travail, de fatigues et de temps, mais parce que la terre se trouve plus également divisée, plus propre à sa surface, mieux disposée pour recevoir les semences, et parce qu’on a remarqué que le blé est moins sujet à être déchaussé par les gelées de l’hiver, lorsqu’il se trouve dans un sol qui n’a pas été tout nouvellement remué à une grande profondeur. — Dans certains cas, on préfère aussi l’extirpateur à la herse pour recouvrir la graine après les semis ; mais ce n’est pas ici le lieu de nous occuper des avantages ou des inconvéniens que présente une telle pratique.

Pour les semis du printemps, le travail de l’extirpateur est plus souvent substitué à celui de la charrue.

Enfin, en des circonstances assez fréquentes, pour les semailles tardives d’été, un simple trait d’extirpateur, donné sur un terrain dont on vient d’enlever les produits, est une préparation suffisante.

En Angleterre, le général Beatson, dont le nom a acquis depuis quelques années une certaine célébrité, plus encore peut-être chez nous que parmi ses concitoyens, a proposé de remplacer entièrement les charrues par les extirpateurs. Dans son Nouveau système de culture (New system of cultivation), partant de ce principe que, dans tout le labour, la résistance qu’éprouve la charrue est en rapport direct avec le carré de la profondeur à laquelle pénètre le soc, il pose en fait que si quatre chevaux, pour labourer en une seule fois à 8 po. (0m 217), éprouvent une résistance représentée par 8 × 8 ou 64, deux de ces chevaux, en ne labourant qu’à 4 po. (0m 108) chaque fois, éprouveront une résistance moitié moindre, puisqu’elle pourra se traduire, pour un seul labour, par 4 × 4 = 16, c’est-à-dire en tout 32 au lieu de 64. En poussant plus loin cette comparaison, on trouvera, supposant que chacun des chevaux attelé séparément à un léger extirpateur, laboure seulement 2 po. (0m 054) et qu’il revienne sur le même champ 4 fois de suite, que la somme de résistance éprouvée par lui diminue encore de moitié, puisque le carré de 2 est 4 qui, multipliés par les 4 labours, donnent 16 ou le quart seulement de la force nécessaire pour atteindre d’un seul coup à 8 po. (0m 217). De sorte que, si, pour traîner une charrue labourant à cette dernière profondeur, chaque cheval doit éprouver une résistance égale à 80 kilog., celle qu’éprouveront les quatre chevaux équivaudra nécessairement à 320 kilogr., tandis que, si le labour quatre fois répété pénètre progressivement : la 1re fois à 2 po. (0m 054), la 2e à 4 (0m 108), la 3e à 6 (0m 162), la 4e à 8 (0m 217), la somme totale de la résistance ne sera plus que 80, et celle qu’aura à vaincre chaque cheval de 20. C’est d’après une semblable théorie que M. Beatson a conçu son extirpateur et calculé les avantages qu’il espérait en retirer dans la pratique. Cette machine, sous le nom impropre de scarificateur Beatson, a été trop vantée pour ne pas trouver ici sa place.

Fig. 260.

La fig. 260 le représente en A, vu de profil ; — en B, vu en-dessus ; — et en C, vu par-derrière. On voit qu’il se compose de 7 pieds à socs étroits, dont les tiges ont la forme et la courbure des coutres ordinaires. On leur a donné plus de longueur qu’on ne leur en donne généralement, parce que, d’après la méthode du général, ils doivent pouvoir suppléer le soc de la charrue et pénétrer par conséquent à une grande profondeur. Cet extirpateur est à une seule roue, ainsi que l’indiquent les fig. A et B. Ou le dirige à l’aide de deux mancherons emmortaisés à droite et à gauche dans un châssis disposé de manière à recevoir la double chaîne du tirage. — Attelé d’un seul cheval, soit qu’on l’emploie à arracher le chaume, à pulvériser la terre, ou à houer entre les rayons du blé, il parcourt, terme moyen, trois acres anglais par jour (l’acre est à l’arpent de 48,400 pi. de France comme 1000 à 1262).

À l’aide de ce léger instrument, M. Beatson arrive, dit-il, depuis plusieurs années, à de fort bons résultats sur ses propriétés. Toutefois, sans vouloir attaquer en rien sa théorie, bien qu’elle semble pécher à son point de départ, au moins par exagération ; sans révoquer en doute le succès obtenu dans une localité particulière, il resterait à savoir si, partout, les mêmes expériences seraient suivies des mêmes résultats, et c’est ce dont il est permis de douter quand on songe, d’une part, que le labour de l’extirpateur ne peut ouvrir la terre aux influences atmosphériques, ni aussi complètement, ni, en général, aussi profondément que celui de la charrue, et, de l’autre, comme l’ont déjà prévu la plupart de ceux qui ont fait un usage suivi d’un tel instrument, que son emploi est assez souvent ou très-difficile ou à peu près impossible sans labour préalable ; — difficile, par exemple, lorsqu’un sol qui offre une certaine ténacité est seulement un peu sec ou un peu humide, parce que, dans le premier cas, les socs, même les plus étroits, ne peuvent bien pénétrer dans la masse, et, dans le second, parce que l’instrument s’engorge à chaque instant ; — impossible lorsque le terrain contient en quantités appréciables des pierres ou des cailloux de quelque grosseur.

Il serait donc déraisonnable de prétendre remplacer la charrue par l’extirpateur, ou même de vouloir établir une lutte d’importance entre elle et lui ; mais il n’en est pas moins vrai que la part d’importance de ce dernier, ainsi que j’ai cherché à le faire voir peut être en trop peu de mots, est encore assez belle pour attirer l’attention des laboureurs, comme elle a attiré, depuis une vingtaine d’années surtout, celle des agronomes les plus distingués de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la France.

Les extirpateurs diffèrent des scarificateurs et des herses, parce qu’ils portent des espèces de socs horizontaux comme ceux des charrues, à la place des coutres verticaux ou des dents qui caractérisent ces deux dernières sortes d’instrumens.

Le nombre et la forme des socs varient en raison de la nature du sol. — Dans un terrain facile et uni, il est évident qu’on peut, afin d’obtenir un travail plus rapide, donner à l’extirpateur des dimensions plus grandes et multiplier davantage le nombre de ses pieds ; mais si le terrain est inégal, le contraire arrive, et il faut alors, sous peine de voir l’instrument ne pénétrer que partiellement dans la couche labourable, le réduire à de moindres dimensions.

Plus le sol est tenace, plus les socs doivent être pointus et étroits. Cependant on ne doit pas perdre de vue que cette disposition exige aussi qu’ils soient plus rapprochés, puisque la première condition est que la terre soit remuée sur tous les points, et, dès-lors, l’instrument est plus disposé à s’engorger. — Il ne faut donc pas outrer le principe.

Quelquefois on donne aux socs de devant, c’est-à-dire à ceux qui doivent pénétrer les premiers dans le sol et commencer à l’ouvrir, une forme plus aiguë et une longueur de tige un peu plus grande qu’aux autres, afin de faciliter leur action et d’empêcher que, durant le labour, le soulèvement plus ou moins fréquent de l’age ne les empêche de pénétrer à la même profondeur que ceux de derrière. On a cherché dans quelques circonstances à joindre aux socs des extirpateurs de petits versoirs pour approcher le plus possible des effets produits par la charrue ; mais on a ainsi rendu le travail beaucoup plus difficile, sans atteindre convenablement le but désiré. — On a en conséquence renoncé partout à cette disposition.

L’addition de coutres dirigés obliquement, du point de jonction de la tige de support jusqu’à l’extrémité antérieure de chaque soc, de manière à fendre la couche arable avec plus de facilité, est au contraire une innovation fort heureuse, puisqu’elle diminue incontestablement la résistance. Aussi, quoiqu’elle ait l’inconvénient de compliquer la construction et par conséquent d’augmenter la valeur pécuniaire de la machine, a-t-elle été adoptée en divers lieux.

Ainsi que les charrues et les araires, les extirpateurs marchent avec ou sans avant-train. — Tantôt ils portent sur trois roues fixées à chacun de leurs angles ; — tantôt sur une seule roue adaptée sous l’âge. Cette dernière méthode est aujourd’hui la plus fréquente.

Fig. 261
L’extirpateur à socs mobiles de Roville (fig. 261, 1, 2 et 3) est fort simple. Son châssis est armé de cinq socs ou pieds, 3 sur la traverse de derrière et deux sur celle de devant. — Les tiges cc no 1 qui les supportent, se ramifient, comme on le voit, de manière à s’assembler sur le soc par deux rivures. — Ces mêmes tiges sont fixées sur les traverses au moyen de brides en fer no 3 serrées par des vis et des écrous, de sorte qu’on peut faire varier à volonté la distance des pieds entre eux. Sur la traverse postérieure, sont boulonnés deux mancherons qui, en se prolongeant jusqu’à celle de devant, ajoutent encore à la force de l’instrument. L’age E est également maintenu sur les deux traverses. Il est percé en F n°2 pour recevoir le support à roulette G n°1, et terminé sur le devant par un régulateur vertical H n°1 et horizontal n°2.

Dans ces derniers temps, M. de Dombasle ayant reconnu qu’en pratique les extirpateurs à pieds mobiles présentaient l’inconvénient d’être assez difficiles à ajuster de manière à fonctionner avec une régularité parfaite, bien qu’ils eussent d’ailleurs de véritables avantages, il crut devoir en construire de nouveaux à pieds fixes, assemblés dans les traverses au moyen d’écrous, comme cela se pratique généralement en Angleterre. — Cette construction présente moins d’inconvéniens depuis que l’on construit les socs entièrement en acier, parce qu’ils s’usent beaucoup moins promptement, de sorte que, par le fait, on n’éprouve presque jamais le besoin de les rapprocher.

L’extirpateur à cinq pieds mobiles et à socs en fer, à établir sur un avant-train ordinaire de charrue, coûtait 105 fr. — Le même, avec roue sous l’age pour remplacer l’avant-train, 120 fr. — À pieds fixes et à socs entièrement en acier, il ne coûte dans le premier cas que 87 fr. ; — dans le second que 105 fr. — Chaque pied de rechange est du prix de 11 fr.

Fig. 262
Fig. 262
L’extirpateur de M. de Valcourt (fig. 262), qui a été adopté à Grignon, où on le fabrique, est à cinq socs. Il pourrait en avoir deux de plus dans les terres légères. — Dans l’origine il était sans support sous l’age, mais, depuis quelques années, on lui a ajusté une roulette qui facilite sa marche sans augmenter le tirage ; car elle ne sert, à proprement parler, de point d’appui lorsqu’elle est bien réglée, que pour tourner la machine quand il en est besoin, et pour la rétablir dans sa position première si elle venait à en dévier, cas assez rare, puisque, une fois entrée en raie, elle peut marcher à peu près seule.

A, age ou haye ; — B, régulateur ; — C, roulette ; — JJ coutres scarificateurs droits placés devant les pieds et remplacés, dans les terrains pierreux, par des coutres courbes, P, R ; — HH, pieds des socs ; — OO, clavettes quelquefois remplacées par des brides ; — K, pointe des coutres-scarificateurs emboîtant l’extrémité du soc ; — L, ailes du soc ; — N, mancherons ; — M, point d’attache de la volée ; — G, socs vus isolément et leurs ailes ; — PR, coutre-scarificateur ; — Q, scarificateur.

Fig.263
Fig.263
Deux des extirpateurs anglais les plus estimés, sont ceux de Wilkie et de Hayward. Le 1er (fig. 263), dont le bâtis est entièrement en fer, est à trois roues et à un seul manche. Il porte en tout neuf socs solidement boulonnés, de manière qu’il soit néanmoins facile de les enlever lorsqu’ils ont besoin de réparation, et de les remettre en place. Il paraît qu’à ces socs on substitue parfois des roues coupantes pour préparer les labours des terrains engazonnés, ou des coutres auxquels l’inventeur a donné l’une des formes indiquées dans les détails de la figure, afin d’ajouter la force de tension à celle de la simple résistance. En effet, on doit considérer un pied d’extirpateur ou de scarificateur comme un levier dont le point d’appui est en A, la puissance en B et la résistance en C. Dès-lors on comprend combien sa position plus ou moins inclinée à l’horizon, peut et doit modifier son action dans le sol.
Fig. 264
Fig. 264
L’extirpateur de Hayward (fig. 264) se compose d’un châssis en bois A, sur lequel sont fixés, à l’aide d’écrous, onze socs à pied, six sur le derrière et cinq sur le devant ; — de deux mancherons BB ; — d’un age C adapté à un avant-train D, sur lequel on peut, à volonté, l’enlever ou l’abaisser pour régler l’entrure des socs ; — de deux petites roues à jantes très-larges CC, dont les pivots tournent dans les deux branches d’un bras en fer qui peut glisser verticalement dans la traverse postérieure du châssis, également dans le but de permettre de modifier la profondeur du labour ; — enfin, de deux chaînes FF servant à tirer le cadre carrément, bien qu’elles lui permettent néanmoins de s’incliner un peu plus d’un côté que de l’autre, selon que l’exige l’inégalité du terrain. Les roues de l’avant-train sont portées sur des bouts d’essieux en fer fixés par des boulons aux extrémités de l’essieu en bois.

À l’aide de cette machine disposée de manière qu’on puisse enlever, pour la conduire dans les terrains argileux, deux des socs de chaque extrémité, ce qui réduit le nombre des autres à 7, on donne, en des terres précédemment remuées à la charrue, de légers labours qui peuvent toutefois augmenter progressivement de profondeur assez pour atteindre le fond de la raie.

De ces divers extirpateurs, le plus parfait, celui qui peut se prêter le mieux à tous les travaux qu’on est en droit d’attendre de ces sortes d’instrumens, est évidemment celui de M. de Valcourt ; mais sa complication le rend dispendieux. Celui de Roville, tel que je l’ai décrit, avec la tige antérieure du pied du soc qu’il serait facile de transformer en un véritable coutre, me paraît, à cause de sa simplicité même, devoir être généralement préféré dans la pratique.

[6:3:2]
Art. ii. — Des labours à la ratissoire.

Quoique les ratissoires soient plutôt des instrumens de jardinage que de grande culture, cependant on a pu parfois les introduire avec avantage dans cette dernière. En Allemagne, il n’est pas sans exemple qu’on se serve de ratissoires à cheval, de préférence à la charrue, pour déchaumer les champs de blé et pour donner les labours de jachère. On les emploie aussi pour aplanir ou régaler le terrain dans lequel se trouvaient précédemment des plantes butées. — Dans le comté de Kent, au dire d’Young, on s’en sert habituellement pour donner, après la récolte des fèves, une culture destinée à empêcher les mauvaises herbes d’envahir le sol jusqu’au moment où il peut être labouré et ensemencé en froment ; — pour préparer les semailles de spergule, de raves, de sarrazin, maïs, etc., etc. — Ce travail, sur les terrains légers ou encore ameublis profondément, donne des résultats satisfaisans, et se fait avec promptitude sans exiger une très-grande force de tirage.

Il est évident que plus la lame des ratissoires a de longueur, plus la quantité de terre labourée à la fois est considérable, mais aussi plus le tirage augmente et plus les inconvéniens qui résultent ou peuvent résulter de la disposition et de la nature du terrain, sont sensibles. — Ces lames ordinairement sont ajustées plus ou moins obliquement sur une monture, selon quelles doivent pénétrer plus ou moins en terre. — Deux manches servent, conjointement avec un age portant sur un avant-train ou sur une simple roue, à maintenir la direction et à régler la profondeur du labour.

Fig. 265
Dans la ratissoire à cheval (fig. 265), la roue A est emmanchée comme la poulie d’un puit. Elle porte une tige mobile dans l’age, au moyen de laquelle on peut modifier l’entrure de la lame ; — celle-ci B est maintenue fixement par deux montans emmortaisés dans une traverse qui sert de point d’appui aux mancherons. — A l’extrémité antérieure de l’âge ou de la flèche C, se trouve un anneau destiné à recevoir les traits d’un cheval ou d’un âne.

La drague à claie, dont il a été parlé ailleurs, est un nouvel exemple du parti qu’on peut tirer des ratissoires dans la grande culture.

[6:3:3]
Art. iii. — Des labours au scarificateur.

Les scarificateurs diffèrent des extirpateurs et se rapprochent des herses par l’absence des socs qui caractérisent les premiers et la présence de coutres qui agissent à la manière des dents des dernières. Aussi, on les confond parfois avec elles. — On les emploie en des circonstances assez différentes : parfois ils précèdent la charrue dans les défrichemens pour faciliter son action ; — le plus souvent ils remplacent avantageusement la herse pour les façons qui suivent les labours. — Au printemps, on les emploie, comme les extirpateurs, sur les champs qui ont perdu leur guéret, et qui commencent à se couvrir de mauvaises herbes. — La même chose a lieu avant les semailles d’automne. — Sur des terrains profondément ameublis par d’anciens labours, tels, par exemple, que ceux qui ont donné l’année précédente une récolte de racines, et qui n’ont pas été travaillés depuis, les scarificateurs peuvent remplacer avec économie la charrue. — Ils le peuvent encore avec un avantage bien plus grand sur les jachères dont le principal but est la destruction des mauvaises herbes.

Les machines aratoires auxquelles on devrait réserver le nom de scarificateurs, sont tantôt à un seul support, comme certaines araires, ou à plusieurs roues fixées aux angles de leurs châssis ; tantôt à avant-train. — Elles ont des coutres tranchans, fixés de diverses manières sur un bâtis muni de mancherons, et portant un âge à l’aide duquel on peut modifier leur entrure.

Fig. 266
Le scarificateur Guillaume (fig. 266) est formé d’un plateau solide M, destiné à fixer les 5 coutres, dans chacun desquels on a pratiqué 3 trous propres à reçevoir une double clavette qui sert à le maintenir, et, selon la place qu’elle occupe, à lui donner plus ou moins de longueur en terre. — Le sabot N empêche le plateau de poser sur le sol. — Ce scarificateur est construit de manière à être adapté à un avant-train de charrue Guillaume ou de toute autre charrue, avec la seule précaution de tenir la haye bien droite en la fixant sur la sellette. La bride O maintient une chaîne qui doit être attachée au crochet des armons.

Dans les ateliers de M. Guillaume cet instrument coûtait 100 fr.

Fig. 267
Le scarificateur de Coke (fig. 267), décrit et figuré dans l’ouvrage de F. E. Molard, se distingue surtout des autres scarificateurs connus, par l’arc de cercle en fer F qui sert à maintenir, au moyen de chevilles en même métal, les côtés latéraux D à l’écartement voulu. — Ces mêmes côtés D sont fixés à charnière en E sur la pièce du milieu qui reçoit elle-même la bride de tirage à son extrémité antérieure et les mancherons à son extrémité postérieure. — Le nombre des coutres, auxquels on peut substituer des socs, est de 8.
Fig. 268
Le scarificateur Bataille (fig. 268) est une modification de l’extirpateur Beatson. Comme il est destiné à être traîné par 2 et 3 chevaux, on a pu lui donner un plus grand nombre de pieds ou plutôt de coutres, car il ne porte pas de socs. Au châssis en bois, sur lequel sont boulonnés les coutres, on a joint une sorte d’avant-train élevé sur 3 roues, dont celle de devant peut tourner en tous sens pour faciliter le travail du conducteur et des animaux à chaque changement de direction.

Depuis quelque temps l’usage de cette machine, vulgairement connue sous le nom de herse, s’est répandue chez plusieurs propriétaires qui en font un cas mérité. Son action réunit à l’énergie la promptitude d’exécution.

Fig. 269
Le scarificateur Geffroy (fig. 269) se rapproche encore davantage dans sa forme de l’extirpateur Beatson. Il en diffère cependant essentiellement, non seulement par l’absence de socs, mais par le mécanisme ingénieux qui permet de modifier la profondeur du labour à l’aide d’une simple vis modératrice, et par la disposition de la bride à laquelle s’adaptent les traits des animaux. Ce léger instrument, que deux chevaux peuvent conduire, est d’une très-grande solidité ; aussi exige-t-il très-peu de frais d’entretien. Il est du prix de 110 fr.

M. Geffroy a disposé son scarificateur de manière qu’il soit facile, en réduisant à trois le nombre de ses coutres, et mieux encore en substituant à ces trois coutres trois pieds d’extirpateur, de l’utiliser à la manière d’une houe à cheval pour biner entre les lignes.

L’usage du scarificateur est encore moins répandu en France que celui de l’extirpateur, et il faut avouer que le labour qu’on en obtient est en général moins bon ; mais il faut reconnaître aussi qu’on peut utiliser avantageusement le premier dans diverses circonstances où il serait difficile de recourir au second. Telles sont notamment celles où le sol est rocailleux, où il contient des gazons non découpés, des racines traçantes et liées entre elles ; par là les socs seraient à chaque instant brisés, dérangés ou arrêtés dans leur marche, tandis que les coutres résistent mieux aux pierres et se font jour à travers les herbes. À la vérité, lorsque les obstacles de ce dernier genre surabondent, les scarificateurs, comme les extirpateurs, sont sujets à l’engorgement, de sorte qu’il faut arrêter fréquemment les animaux pour nettoyer l’instrument, et alors l’opération devient plus lente, sans cependant offrir une grande perfection. Il faudrait pouvoir à la fois pulvériser et nettoyer le terrain. L’Anglais Morton est, je crois, l’un des premiers qui ait cherché à résoudre simultanément ce double problème. Son scarificateur rotatif et à râteau s’est répandu depuis une quinzaine d’années et conservé dans la pratique écossaise. Il existe même, dit-on, en France, sur plusieurs grandes exploitations, notamment aux environs d’Arpajon ; mais, n’ayant pas été à même d’apprécier les importans résultats qu’on lui attribue, je ne pourrai en parler que d’après les écrits des auteurs anglais et les excellens dessins de M. Leblanc.

Le scarificateur rotatif à râteau de Morton (fig. 270) se compose d’un corps d’essieu en bois A, dont les fusées sont en fer ; — de 2 roues B ; — d’un châssis en fer C, C, C boulonné contre l’essieu ; — d’un timon ou age en fer tenu au milieu du corps d’essieu par un pilon fourchu et à écrou qui lui permet de se mouvoir dans un plan vertical ; — d’une fourchette verticale E dans laquelle le timon peut être fixé à diverses hauteurs ; — d’une autre fourchette F dans laquelle passe également le timon, et qui va soutenir, par son prolongement inférieur, l’axe coudé des hérissons ; — de hérissons j, au nombre de huit ou dix
Fig. 270

tournant librement sur leur axe ; leurs dents recourbées uniformément vers la pointe sont prises dans des moyeux de fonte coulés sur les dents mêmes ; — d’un râteau L, à dents de fer, attachéé, au besoin, au corps d’essieu à l’aide de pitons à écrou qui lui permettent de se mouvoir dans le sens vertical ; — enfin, de mancherons en bois M qui servent à diriger et à soulever le râteau pour le dégager des herbes qu’il entraîne.

En général, dit-on, et cette affirmation ne paraît présenter aucune exagération, sur un seul labour, après quelques traits de ce scarificateur, le champ le plus infesté de racines de chiendent ou d’autres mauvaises herbes se trouve parfaitement préparé et nettoyé pour recevoir toute sorte de graines. — Ce n’est qu’au dernier tour qu’on fait usage de la herse.

Malheureusement, quelque parfaite qu’elle soit, cette machine compliquée est nécessairement d’un prix qui la met hors de l’atteinte de le plupart des cultivateurs. Elle a de plus l’inconvénient d’exiger un très-fort tirage, de sorte que l’on ne doit sagement en recommander l’usage qu’aux propriétaires de vastes domaines.

Il n’en est pas de même du léger scarificateur que M. Vilmorin a adopté dans ses belles exploitations des Barres. Cet instrument, que je regrette de ne pas avoir sous les yeux, est une imitation bien moins coûteuse d’un modèle anglais connu sous le nom de tormentor. C’est une sorte de grand râteau avec des dents longues d’environ 1 pied sur une seule rangée, adapté à un châssis triangulaire à trois roulettes. — La traverse de derrière, au lieu d’être d’une seule pièce, est composée de deux pièces ayant entre elles assez d’écartement pour laisser passer les dents du râteau. Le fût sur lequel sont montées celles-ci et auquel sont adaptés les mancherons, repose sur ces deux traverses ; il est mobile, de sorte que quand on veut débarrasser l’instrument, il n’y a qu’à soulever les mancherons, les dents frottent en remontant contre les deux traverses fixes, ce qui tait retomber le chiendent qu’elles portaient et les nettoie.

[6:3:3]
Art. iv. — De l’émottage à la herse.

Dans la pratique ordinaire cette opération est presque toujours le complément obligé des labours à la charrue. — Il importe qu’elle soit faite en temps opportun et de la manière la plus convenable.

Sur les terrains légers le hersage est moins nécessaire et beaucoup plus facile que sur les autres. Comme ils retiennent peu l’eau et qu’ils ne se durcissent pas comme les argiles, on trouve sans peine le moment favorable ; mais sur les terres fortes il n’en est pas de même. Lorsque les mottes sont trop humides, elles se pétrissent pour ainsi dire sous les pieds des animaux et fléchissent sous l’action des dents ; — lorsqu’elles sont trop sèches, elles roulent sans se briser, de manière que la herse ne fait que sautiller dans sa marche irrégulière. Il faut donc choisir l’instant où la terre est suffisamment ressuyée sans avoir perdu toute son humidité.

Tantôt le hersage se fait en long, c’est-à-dire dans le sens des sillons ; — tantôt on le pratique perpendiculairement à ces mêmes sillons ; — dans d’autres circonstances, il les coupe obliquement ; — enfin, très-souvent, et c’est un fort bon moyen, on donne un hersage croisé. — Dans le Mecklembourg et quelques autres parties de l’Allemagne, on herse encore en rond. Voici ce que dit Thaer de cette méthode que je n’ai vu pratiquer nulle part en France : « Le hersage en rond ne peut avoir lieu que sur des planches très-larges ou sur des champs labourés à plat. Les chevaux, ordinairement au nombre de quatre et quelquefois de six, sont attachés les uns au palonnier, les autres à la herse. Le conducteur tient par la longe le cheval de devant, le plus souvent celui de la gauche, et lui fait faire un tour sur lui même ; les chevaux qui sont à côté de lui doivent, comme on le conçoit, décrire un cercle d’autant plus grand qu’ils sont plus éloignés du centre. Lorsque le cercle est presque fini, il descend quelques pas plus bas et fait alors un second tour. On continue ainsi dans toute la largeur que les herses peuvent embrasser. On comprend facilement que le cheval qui est le plus éloigné du conducteur est celui qui a le plus de peine ; aussi met-on les chevaux les plus faibles et les plus petits en dedans, les plus forts et les plus grands en dehors, ou bien, s’ils sont à peu près égaux, on les fait alterner. Le plus souvent il faut que le cheval du dehors aille au trot assez allongé, quoique celui du centre ne fasse que quelques pas bien lents… Il n’est pas douteux que cette manière de herser ne prenne beaucoup de temps, parce que chaque partie de la surface est parcourue plusieurs fois ; mais aussi elle produit un effet qu’on ne peut atteindre d’aucune autre manière. Les hersages rapides de cette espèce ont ordinairement lieu avec des herses à dents de bois parce que les chevaux ne pourraient pas soutenir un tel travail avec des herses pesantes. Lorsque le champ a été complètement hersé de cette manière, on y passe alors la herse en long, et cela se fait également au plein trot. Pour cet effet, le conducteur monte sur le cheval de devant afin de le faire avancer plus rapidement… »

On peut distinguer les herses en légères, elles sont le plus souvent à dents de bois, et en pesantes ou à dents de fer. — Les premières suffisent aux travaux des terres sablonneuses ou peu compactes ; — les autres sont indispensables sur les sols argileux et tenaces.

Les dents de herse sont assez souvent quadrangulaires, plus souvent encore triangulaires. — Dans les herses modernes les plus perfectionnées, elles ont la forme de coutres. Cette disposition présente entre autres avantages celui de permettre de faire des hersages profonds ou des hersages légers, selon qu’on attache les traits de manière que les dents avancent la pointe la première ou dans le sens contraire.

Trop communément on place les dents à peu près au hasard sur les châssis qui les supportent ; cependant, en théorie, il faut non seulement que chacune fasse sa raie particulière et que cette raie ne soit pas parcourue par une autre dent, mais encore que toutes les raies soient équidistantes entre elles.

Les dimensions et la forme des herses varient nécessairement selon leur destination : — sur les terrains labourés à plat, elles peuvent être plus ou moins grandes selon les circonstances ; — on les construit tantôt en triangle, tantôt en carré.

Dans les localités où on laboure en billons et où l’on ne herse conséquemment qu’en long, on divise les herses en deux parties assez souvent concaves qu’on réunit l’une à l’autre par le moyen d’anneaux ou de toute autre manière.

Fig. 271.

La herse triangulaire dont nous donnons le dessin (fig. 271) n’a besoin d’aucune explication tant sa construction est simple. — On voit que ses dents, assez fortement inclinées en avant, sont placées de manière à remplir les conditions ci-dessus prescrites.

Fig. 272
La herse quadrangulaire de M. de Valcourt (fig. 272), qui a été adaptée à Roville, comme une des plus parfaites, et qui a fait dire au savant directeur de cet établissement que c’est seulement depuis qu’il en fait usage qu’il sait ce que vaut une bonne herse, est disposée comme celle du Berwickshire, dont je parlerai ci-après, et plusieurs autres, de manière à être utilisée seule ou accouplée à une autre de même forme.

La manière d’atteler les chevaux à la herse n’est pas indifférente, car lorsque, comme dans l’exemple précédent, le tirage se fait par une chaîne simple, la marche de l’instrument devient très-irrégulière par l’effet des balancemens que les mottes ou l’inclinaison du terrain lui impriment. C’est pour remédier à cet inconvénient que le crochet A se fixe à l’un des anneaux de la chaîne, non pas au milieu, mais à droite, ainsi qu’on le voit dans la figure, en cherchant, par le tâtonnement, à quel anneau on doit le fixer afin que la herse marche de biais justement autant qu’il est nécessaire pour que toutes les lignes tracées par les dents soient également espacées entre elles. On reconnaît que la herse marche bien lorsque les deux pièces de bois BB, placées diagonalement sur les timons, cheminent sensiblement à l’œil parallèlement à la ligne de direction de l’instrument, et non de biais. — Ces deux pièces ou chapeaux servent aussi à soutenir la herse que l’on renverse sur le dos lorsqu’on la conduit aux champs.

« On conçoit que le point de tirage doit varier selon l’inclinaison du sol, à droite ou à gauche, et aussi selon le plus ou le moins de résistance qu’éprouve l’instrument ; car, dans ces divers cas, la partie postérieure de la herse tend à se jeter d’un côté ou de l’autre. En changeant le point de tirage, c’est-à-dire en accrochant la volée d’un ou deux chaînons plus à droite ou plus à gauche, on force la herse à suivre une direction uniforme. — J’ai parfaitement réussi à faire varier avec une grande latitude les effets de la même herse par le moyen de quatre pitons percés chacun de trois ou quatre trous qui sont placés à chaque angle de l’instrument. Pour obtenir le plus fort degré d’entrure, on tourne la herse de manière que les dents marchent la pointe en avant, et l’on attache les deux extrémités de la chaîne aux trous supérieurs des pitons… Si au contraire on attache les bouts de la chaîne à la partie inférieure des pitons, la herse pénètre moins dans la terre. » (Annales de Roville.)

La herse à losange à dents de fer, pour une paire d’animaux, avec sa chaîne et ses crochets, coûte à Roville 45 fr. — La même, pour deux paires d’animaux, avec régulateur et crochets, est du prix de 75 fr.

Fig. 273.

La herse du Berwickshire (fig. 273), que l’on considère en Angleterre comme l’un des instrumens les meilleurs en ce genre, se compose de deux parties, réunies ensemble à l’aide de verges de fer fixées par des écrous, et attachées l’une à l’autre par deux crochets et deux pitons. — On voit que sa forme est rhomboïdale comme celle de la précédente, et que sa construction n’en diffère que par une moindre perfection.

La herse de Laponie (fig. 274 ), dont on
Fig. 274
trouve la description et la figure dans le Dictionnaire d’Agriculture de Deterville, est entièrement en fer. Elle est formée, dit le rédacteur, d’un palonnier garni en arrière de quatre boulons de fer, percés d’un trou à leur extrémité, et de dix morceaux de barre de fer de 8 à 9 po. (0m 217 à 0m 244) de longueur, percés également de trous à leurs extrémités et armés d’une forte dent recourbée dans leur milieu. Ces morceaux de barre de fer sont assemblés en quatre rangées ; savoir : de trois, de deux, de trois et de deux, au moyen de verges de fer qui passent par les trous indiqués. Il est évident, ajoute-t-on, que toutes les parties de cette herse étant mobiles en tous sens, elle embrassera mieux le terrain chargé de pierres, de taupinières, de mottes, etc., etc., et, par conséquent, arrachera mieux la mousse des prairies, les mauvaises herbes des champs, et brisera mieux les mottes sur lesquelles ses dents passeront successivement.

Sous quelques-uns de ces points de vue, il n’est pas douteux que la mobilité des diverses parties de la herse ne soit un avantage ; mais, quant à la propriété qu’on lui suppose, et qui serait en définitive une des plus importantes, de mieux briser les mottes, on aura sans doute quelque peine à y croire, si on fait attention que, dans une herse assemblée fixement, chaque dent reçoit quelque chose du poids de la machine entière, tandis que dans celle-ci il doit arriver, par suite de la mobilité des verges d’assemblage, que ce poids est disséminé de manière à produire un moindre effet.

Fig. 275, Fig. 276
La herse courbe (fig. 275) est employée dans le département d’Indre-et-Loire sur les labours en billons. Elle se compose de deux pièces de bois parallèles de 5 po. (0m 135) de courbure et d’une longueur proportionnée à la largeur du billonage. — Son manche est percé pour recevoir l’attache d’un palonnier.

La herse à double courbure (fig. 276) est utilisée dans les mêmes lieux que la précédente pour herser deux bilions à la fois. Sa construction serait, du reste, à peu près la même, si, à cause de sa plus grande étendue en largeur, il n’était nécessaire de la consolider par deux traverses.

Fig. 277
La herse double courbe (fig. 277) est encore destinée au hersage des billons. — On voit que ses deux parties sont réunies par deux anneaux en fer, l’un un peu plus grand que l’autre. Le nombre des dents varie sur chaque traverse de deux à quatre. — Les traits de tirage s’accrochent à deux anneaux, et, à la partie postérieure de l’instrument, sont deux cordes venant aboutir à un bâton servant de manche pour diriger les herses et les soulever, s’il y a lieu, afin de les débarrasser des herbes qu’elles entraînent [6:3:5]
Art. v. — De l’émottage au rouleau.

Dans les pays de bonne culture, le rouleau vient souvent à l’aide de la herse pour briser les mottes qui ont résisté à l’action de cette dernière, ou du moins pour les enfoncer dans le sol et les soumettre ainsi à l’effet d’un second hersage ; aussi voit-on souvent ces deux instrumens se succéder sur le même champ. Dans les localités argileuses, d’une culture difficile, les rouleaux peuvent donc être considérés comme instruments de labour, puisqu’ils servent à diviser la terre. Dans les contrées sablonneuses, au contraire, leur principal but est d’affermir le sol, de le plomber et d’unir sa surface, afin de diminuer les effets de l’évaporation et de faire en sorte que les semences puissent être réparties plus également. — De même que l’on herse avant et après les semailles, on doit donc rouler aussi, en des circonstances bien plus fréquentes qu’on ne le croit généralement, non seulement pour préparer la terre à recevoir les graines, mais encore pour la disposer favorablement après qu’elle les a découvertes.

Les rouleaux destinés à effectuer les plombages ont une surface unie. — On les construit tantôt en bois, tantôt en pierre, et tantôt en fonte. Leur poids doit augmenter proportionnellement à la légèreté ou à la porosité du sol.

Les rouleaux destinés à briser les mottes sont, au contraire, tantôt profondément cannelés, armés de pointes nombreuses ou de disques coupans ; et tantôt formés de liteaux métalliques angulaires, placés à quelque distance les uns des autres, parallèlement ou perpendiculairement à l’axe cylindrique dont ils forment la circonférence.

À poids égal, il est évident que plus un rouleau est court, plus son action est énergique, puisqu’il porte sur un moins grand nombre de points de la surface du sol. On commettrait donc une faute si, pour abréger la durée du travail, on augmentait la longueur d’un tel instrument aux dépens de son diamètre.

La plupart des rouleaux sont mis en mouvement à l’aide d’un châssis de bois ou de métal dans lequel les deux extrémités de leur axe sont emboîtées. — La forme de ce châssis, dont les figures suivantes donneront une idée, varie au gré du constructeur, sans que les modifications qu’on lui fait éprouver puissent exercer une influence notable sur l’action du cylindre. — Il est aussi des rouleaux qui ne portent aux deux bouts saillans de leur axe que deux anneaux tournans munis de crochets, auxquels on fixe les traits de tirage.

Les fig. 278 et 279 représentent deux de ces rouleaux ; le premier est en bois dur et pesant, le second est en fonte.
Fig. 279 & 278
Fig. 280
Le rouleau à demi-châssis (fig. 280), tel qu’on l’emploie dans plusieurs de nos départemens du nord, est le plus souvent en bois, quelquefois en pierre ou en fonte, ainsi que le suivant (fig. 281) qui est compris dans un châssis complet. — Lorsque ces rouleaux ont été fabriqués en bois, on leur donne des châssis en bois ; lorsqu’ils sont en pierre ou en fonte, on les monte en fer.
Fig. 281
Les rouleaux unis, très-pesans, peuvent servir, comme les autres, à briser les mottes. Cependant, on a remarqué, particulièrement sur des terres fortes qui contenaient encore un peu d’humidité, que la pression qu’ils exercent uniformément peut être excessive, puisqu’on s’est vu parfois contraint de les faire suivre par l’extirpateur, la herse étant insuffisante pour rendre au sol la légèreté suffisante. Les rouleaux à pointe ou à surface cannelée n’ont pas le même inconvénient.

Le rouleau dit brise-mottes de Guillaume (fig. 282), porte un grand nombre de dents en bois, carrées, longues de 5 po. (0m 135) environ, et de 2 po. (0m 054) d’équarrissage. Il se compose, du reste, de deux tirans AA, unis par deux traverses B, sur lesquelles est boulonnée la limonière DD, dont l’écartement est maintenu par la barre E. — Ce rouleau est du prix de 100 fr.

Fig. 282
Fig.283
Le rouleau à disques coupans (fig. 283) est formé d’un cylindre en bois, sur lequel se trouvent enfilés et fixés de diverses manières des anneaux lamellaires, tranchans à leur circonférence. — On l’emploie dans quelques localités de préférence au scarificateur pour faciliter un premier labour dans les friches ou les terres enherbées. — Ce rouleau a sur les scarificateurs l’avantage de moins fatiguer l’attelage et d’agir par sa propre pesanteur. Aussi, non seulement doit-on l’exécuter en bois très-lourd, mais a-t-on jugé nécessaire de le surmonter d’une boite, susceptible de recevoir divers objets d’un poids considérable, ainsi que l’indique la fig. 284.
Fig. 284
Le rouleau à pointes en fer (fig. 285) peut être employé non seulement pour briser énergiquement les mottes après un labour récent, mais encore pour ameublir des terres anciennement labourées, et les préparer à recevoir la semence, soit qu’elles aient été accidentellement plombées outre mesure par les pluies, soit que le temps les ait durcies. Comme dans l’exemple précédent, les dents doivent avoir de 4 à 5 po. (0m 108 à 0m 135) de longueur. Elles sont rangées par lignes parallèles équidistantes et disposées de manière à se trouver en quinconces. Le nombre des lignes varie nécessairement avec le diamètre du cylindre.
Fig. 285.

M. Molard, de l’Institut, a reçu autrefois de Suède, et perfectionné avec un grand succès, un rouleau auquel il a conservé le nom de son pays. Le rouleau suédois, dont on peut voir un modèle au Conservatoire, est armé de liteaux de fer qui sont fixés parallèlement entre eux et à l’axe du cylindre, de manière à pouvoir être déplacés et changés au besoin avec une grande facilité. Le châssis est surmonté d’un siège propre à recevoir le conducteur. — Cette machine excellente, considérée sous le seul point de vue des résultats qu’on peut en obtenir, est malheureusement trop chère pour se répandre dans la pratique ; elle vaudrait environ 400 fr.

Enfin, M. de Dombasle a aussi inventé un rouleau dit squelette (fig. 286), d’un prix bien moins élevé, quoique d’une grande puissance ; celui-là coûte 160 fr. et pèse 250 kilog. Il est entièrement en fonte, sauf le châssis en bois sur lequel sont fixés les coussinets de l’arbre du rouleau ; — la limonière est fixée sur le châssis au moyen de boulons ; — l’arbre sur lequel sont assemblés les disques composant les rouleaux est en fer ; parmi ces disques les uns sont en fonte et terminés à leur circonférence en forme de coin, et les autres plus petits servent à consolider l’assemblage et à maintenir les premiers à une distance convenable ; des boulons, traversant le rouleau dans toute sa longueur, servent encore à consolider le tout.

Fig. 286

  1. Tous ceux figurés dans cette section peuvent être mesurés sur une échelle de 17 lignes pour 3 pieds (0m 043 pour 1 mètre.)
  2. De la charrue, par C.-J.-A. Mathieu de Dombasle, Mémoire inséré parmi ceux de la Société centrale d’agriculture, année 1820.
  3. Rapports sur ce Mémoire, par MM. Yvart, Molard, Dailly, père et fils, Héricart de thury, rapporteur. —Rapports (faits dans les années postérieures) sur diverses charrues, par M. Hachette, de l’Institut, l’un de nos collaborateurs, du précieux concours duquel la mort nous a récemment privés.
  4. (1) Ce dessin et tous les suivans sont accompagnés d’une échelle relative d’un mètre qui facilitera aux yeux du lecteur l’appréciation assez rigoureuse des proportions des charrues dans leur ensemble et dans les détails de chacune de leurs parties.
  5. Dans le département de l’Aude, 1829
  6. Journ. de la Soc. d’agriculture de Carcassonne