Maison rustique du XIXe siècle/éd. 1844/Livre 1/ch. 7

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Texte établi par Jacques Alexandre BixioLibrairie agricole (Tome premierp. 209-222).
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CHAPITRE VII. — des ensemencemens et plantations.

* Sommaire des sections de ce chapitre *
Sect. Ire. Des ensemencemens. 
 ib.
Art. Ier. Choix des semences. 
 ib.
Art. II. Époque et profondeur des semailles. 
 210
§ Ier. Époques des semailles. 
 ib.
§ 2. Profondeur des semences. 
 211
§ 3. Quantité de semences à employer. 
 ib.
Art. III. Des procédés de semination. 
 212
§ Ier. Semoirs (Drills des Anglais) 
 ib.
§ 2. Semailles à la volée. 
 217
Art. IV. Procédés employés pour recouvrir la semence, et plombage du terrain. 
 218
Sect. II. Des plantations et repiquages
 219
§ Ier. Préparation du terrain. 
 ib.
§ 2. Choix du plant. 
 221
§ 3. Exécution des plantations. 
 ib.


Section ire. — Des ensemencemens.

Le succès des récoltes dépend beaucoup sans doute de la préparation que l’on a donnée au terrain, mais l’homme qui a bien labouré n’a encore accompli que la première partie de sa tâche. L’agriculture est une œuvre de patience ; si la constance, l’activité et la vigilance ne sont pas les compagnes habituelles de celui qui cultive le sol, il lui faudra, pour réussir, un concours de circonstances que le hasard amène rarement. C’est surtout relativement à la semaine que ce que je viens de dire trouve son application. C’est devant cette opération que viennent souvent échouer l’ignorance et l’impéritie ; c’est ici, ou jamais, que l’homme observateur montre sa supériorité sur celui devant lequel ont passées inaperçues les leçons de l’expérience. — Les connaissances qu’exige cette opération peuvent se résumer au choix des semences, époque et profondeur, procédés de sémination, moyens employés pour recouvrir la semence.

Art. ier. — Choix des semences.

Celui qui procéderait sans règle et sans méthode au choix de sa semence débuterait par une faute. Ce n’est pas à l’époque de la semaille que l’on doit chercher à se procurer celles dont on a besoin, c’est à l’époque même de la récolte précédente, parce que c’est alors qu’on peut déterminer quelles sont les variétés les plus productives, les plus rustiques, les plus appropriées à la nature du sol. Ecartez la semence provenant d’un individu chétif, rabougri, elle donnerait naissance à des plantes faibles et débiles. Pour les céréales surtout, gardez-vous d’employer les grains produits par une récolte roulée, venue sur un terrain ombragé ou dans un sol fumé avec excès. Arrêtez-vous à une pièce dont tous les épis soient parfaitement développés, où les herbes parasites soient rares : laissez ce grain arriver à une complète maturité, et vous serez certain qu’après l’avoir serré et battu séparément, vous aurez une semence nette, propre, bien disposée à produire des plantes vigoureuses. Pour battre le grain destiné à la reproduction, on se sert du procédé qu’on nomme chaubage et qu’on trouvera décrit à l’article Battage.

Dans la petite culture et dans les pays où l’on connaît le prix d’une semence bien conditionnée, on se contente de faire couper par des enfans les plus beaux épis dans les plus belles pièces ; on est assuré par ce moyen d’avoir un grain de premier choix : cependant, lorsqu’on opère sur une grande échelle, ce procédé est long et trop dispendieux. Celui que j’ai proposé suffit dans la majorité des circonstances.

A la question que je viens d’examiner se rattache subsidiairement celle du changement de semence. Les avantages et les inconvéniens d’un renouvellement périodique ont été soutenus par des hommes de talent ; la solution du problème s’est fait long-temps attendre ; mais on a fini par comprendre qu’il est impossible de le résoudre d’une manière absolue. Les diverses variétés de plantes que nous cultivons peuvent-elles dégénérer ? La différence dans le climat, le changement de culture, un sol d’une composition différente peuvent-ils avoir sur les produits une influence assez puissante pour leur faire perdre quelques-unes de leurs propriétés ? On ne peut en douter, si l’on examine ce qui se passe dans une foule de localités sur un grand nombre de plantes cultivées.

Dans les campagnes on attribue à un changement de sol ou de climature ce qui est le résultat du mélange de la poussière fécondante, mélange qui s’opère quelquefois à des distances assez grandes. On cultive dans les environs de Grenoble un blé barbu très-estimé par l’abondance de ses produits. Ce froment n’a pas tardé à perdre sa physionomie dans une autre contrée, parce qu’il avait été semé à côté d’un blé barbu ordinaire. Sous ce rapport il ne peut être douteux qu’un renouvellement de semence ne soit utile dans quelques circonstances. Un avantage du changement de semence, quand il est fait avec connaissance de cause, c’est la disparition de quelques herbes parasites. Il n’est pas de cultivateur qui n’ait remarqué que la plupart de ces végétaux se cantonnent chacun sur un sol d’une nature particulière. Il est évident que les semences de ces plantes qui se trouveraient dans le grain destiné à la reproduction, viendront mal ou ne viendront pas du tout si on les répand sur un terrain d’une nature différente de celle où ils croissent spontanément.

Si l’on excepte les circonstances que je viens d’énumérer, croire qu’un changement de semence est indispensable, c’est s’abuser ; c’est dépenser un temps et un argent inutiles, et s’exposer même à remplacer une variété excellente par une autre qui n’offre en compensation aucun genre de mérite. Est-ce à dire qu’il faille s’en tenir à la variété qu’on cultive et qu’on a toujours cultivée ? non certainement. Le cultivateur prudent et ami du perfectionnement saura ne pas rester en arrière du progrès, concilier les enseignements de l’expérience et les révélations de la science. Il essaiera les variétés nouvelles et préconisées, mais sur une petite étendue, et ne se prononcera qu’en face de faits positifs et de résultats concluant.

On a discuté la question de savoir si les semences nouvelles sont préférables à celles qui ont été récoltées depuis plusieurs années. Il est des graines qui conservent leurs facultés germinatives pendant plusieurs années, il en est d’autres qui la perdent après quelques mois. Cependant la plupart des plantes agricoles, possèdent cette propriété pendant 2 années au moins. L’inconvénient que l’on trouve à se servir de semences vieilles et surannées, c’est que le germe racorni par le temps et une longue dessiccation est plus long-temps à lever, et que la graine court par conséquent plus de chances d’être détruite par les animaux avant que la plante soit à l’abri de leurs atteintes. On a remarqué encore que les semences nouvelles fournissent de plus belles tiges, et que les vieilles produisent un grain mieux développé.

[7:1:2]
Art. ii. — Époque et profondeur des semailles.
[7:1:2:1]
§ ier. — Époque des semailles.

Nous ne parlerons pas ici des préparations auxquelles on a proposé de soumettre les plantes avant de les confier à la terre ; nous aurons soin de les indiquer lorsque nous traiterons de la culture spéciale. L’époque où l’on doit semer est subordonnée au climat, à la rusticité de la plante, au temps où l’on se propose d’en récolter les produits. On tomberait dans une grave erreur si l’on croyait qu’il y a pour chaque contrée une époque fixe pour la semaille. Les Anglais, qui ont sur ce sujet des idées très-saines, possèdent un adage qui devrait être répété par tous les cultivateurs : « Soyez plutôt hors du temps que de la température. » A l’époque ordinaire des semailles, l’inclémence de la saison ne laisse souvent aucun espoir de succès : alors, malheur au cultivateur qui, ne sachant pas se plier aux circonstances, s’obstine à exécuter cette opération dans un temps peu opportun. — Le moment des semailles d’automne est indiqué par des signes naturels qui sont les mêmes pour tous les climats. Je rapporte les paroles d’Olivier de Serre sur cet objet : « Les premières feuilles des arbres tombant d’elles-mêmes nous donnent avis de l’arrivée de la saison des semences. Les araignées de terre aussi par leurs ouvrages nous sollicitent à jeter nos blés en terre ; car jamais elles ne filent en automne que le ciel ne soit bien disposé à faire germer nos blés de nouveau semés, ce qu’on connaît aisément à la lueur du soleil qui fait voir les filets et toiles de ces bestioles traverser les terres en rampant sur les guérets. Instructions générales qui peuvent servir et être communiquées à toutes nations, propres à chaque climat, et indiquées par la nature qui, par ces choses abjectes, sollicite les paresseux à mettre la dernière main à leur ouvrage, sans user d’aucune remise ni longueur. » Ces préceptes sont excellents pour déterminer l’époque la plus favorable à la semaille des plantes hivernales. — Celles qui sont semées en une autre saison courent beaucoup plus de chances, et le cultivateur habile saisira aux cheveux l’occasion qui se présentera favorable. Il n’y a souvent au printemps qu’une semaine, qu’un jour propice, et il faut être préparé d’avance à en profiter. Il est même des circonstances où il vaut mieux semer en temps convenable, au risque de ne pas donner à la terre les préparations d’usage. Je ne connais pas de céréales qui exige un sol plus meuble que l’orge ; cependant il arrive souvent que pour procurer à la terre cette pulvérisation si utile, l’époque de la sémination se trouve ajournée indéfiniment ; les chaleurs de l’été surprennent la jeune plante dans son enfance, et sa végétation se trouve arrêtée instantanément. Ainsi, toutes les fois que pour donner au sol une meilleure façon on sera obligé d’outre-passer de beaucoup l’époque reconnue la plus convenable, on pourra être assuré d’une diminution notable dans les produits.

Si nous examinons la question dans ses rapports avec l’économie rurale et la chimie agricole, nous verrons : 1o que, pour les semailles d’automne, les terres argileuses doivent être ensemencées avant celles dont la nature est calcaire ou siliceuse. Les terrains de ce dernier genre se laissent encore travailler à l’arrière-saison, même lorsque les pluies ne laissent entre elles que de courts intervalles, parce qu’ils laissent abondamment échapper l’humidité dont ils se sont emparés. L’argile, au contraire, où l’évaporation est beaucoup plus lente, devient plastique, boueuse et difficile à cultiver. Les hommes, les animaux sont excédés de fatigue, les instrumens fonctionnent mal ou se brisent, et il n’est que trop commun de voir une semaille, ainsi exécutée, anéantir toute espèce de succès ; 2o Qu’on doit encore semer les premières les terres les plus éloignées des bâtimens d’exploitation, afin de pouvoir saisir, pour celles qui sont plus rapprochées, les courts intervalles de beau temps que l’arrière-automne permet d’utiliser ;

3o Que le contraire arrive précisément pour les semailles exécutées au printemps. Les terres argileuses, humides des pluies de l’hiver, ne peuvent encore laisser marcher la charrue ou la herse, que déjà les terres siliceuses et calcaires sont ressuyées. C’est donc par celles-ci qu’il convient de commencer. Les jours se dépenseraient inutilement en voyages si les animaux allaient, au commencement du printemps, travailler les parties les plus reculées du domaine ; c’est donc à celles qui sont plus rapprochées que l’on devra donner les premiers soins.

C’est en faisant une étude sérieuse de la nature de son terrain et de l’exigence du climat que le cultivateur parviendra à distribuer ses travaux d’une manière régulière, et à exécuter la semaille de chaque pièce dans le temps le plus opportun.

[7:1:2:2]
§ ii. — Profondeur des semences.

Quand on songe au grand nombre de semences que produisent les plantes des champs, les arbres des forêts, on est étonné de la petite quantité de végétaux qui croissent spontanément sur le sol ; mais l’étonnement cesse lorsqu’on voit que la plupart de ces semences, abandonnées au hasard, n’ont pas été placées dans les conditions indispensables à la germination. La principale de ces conditions, c’est d'être recouvertes d’une couche de terre suffisante. Les expériences des physiologistes nous apprennent que les phénomènes qui accompagnent la germination dans ses phases diverses ne s’accomplissent qu’imparfaitement sous l’influence de la lumière. Il faut donc que la semence soit enterrée à une certaine profondeur, afin qu’elle soit dans la plus complète obscurité. D’après d’autres expériences, la présence de l’oxigène est indispensable pour que l’embryon se développe. Il faut donc, en second lieu, que la couche de terre qui recouvre la semence soit assez peu épaisse pour ne pas intercepter la communication de l’oxigène de l’air avec la graine.

Le cultivateur qui a étudié les vœux des plantes sous ce double rapport ne sera jamais embarrassé pour déterminer la profondeur à laquelle il doit enterrer la graine. Cette profondeur n’est point absolue, elle varie avec la nature du sol, l’époque de la semaille et la grosseur de la semence. Plus la graine est grosse, plus elle veut être enterrée profondément. Cet axiome est général, mais pas universel. Plus le sol est argileux, plus il faut enterrer superficiellement, et la raison en est tirée de ce que nous avons dit tout-à-l’heure ; l’argile est une terre tenace, peu perméable aux influences extérieures ; et il est impossible à l’oxigène de pénétrer une couche qui ne lui laisse aucun passage. Ce sol, par sa ténacité, offre également, à la sortie de la jeune plante, des obstacles qu’elle ne peut souvent surmonter.

Il est certaines terres qui sont sujettes au déchaussement ; pour celles-là, on enterre également la semence à une plus grande profondeur qu’à l’ordinaire, afin que les racines, fortement implantées dans le sol, ne puissent être soulevées par le gonflement du terrain.

Nous allons indiquer ici les diverses profondeurs auxquelles il convient d’enterrer la semence des principales plantes agricoles. Il est reconnu, en général, qu’aucune graine ne germe enfouie a plus de 5 à 6 pouces. Ce que nous allons dire suppose un sol de consistance moyenne.

La féverole est de tous les végétaux cultivés celui qui supporte la plus forte couverture de terre ; même dans un sol tenace, elle lève très-bien à 3 ou 4 pouces.

Pour l'orge et l’avoine, 2 pouces à 2 pouces 1/2.

Les vesces, les lentilles, les betteraves, les pois, le seigle et le froment, de 1 à 2 pouces.

Les haricots, le maïs et le colza, 1 pouce et demi.

Les autres graines oléagineuses, le lin, le rutabaga, 1/2 pouce.

Les navets et les carottes, 1/2 pouce au plus.

Enfin les semences des prairies artificielles, la gaude, le pavot et la chicorée demandent à peine à être recouvertes.

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§ iii. — Quantité de semences à employer.

Si toutes les graines que l’on confie à la terre germaient et donnaient naissance à une plante bien développée, il n’y a aucun doute que la proportion ordinairement employée ne soit trop forte. Mais, quelque soin que l’on ait pris pour choisir la semence, il y en a toujours une petite partie qui a perdu la faculté germinative ; avec quelque précaution que l’on ait préparé le terrain, il y a toujours un certain nombre de graines qui ne sont pas enterrées à la profondeur convenable. Les oiseaux, les insectes en détruisent souvent une grande partie. Ceux qui n’ont pas calculé toutes ces causes de diminution peuvent bien soutenir qu’on répand trop de semence d’après les exemples étonnans de la fécondité de la plupart des végétaux cultivés ; ainsi, Miller, jardinier anglais, en semant un seul grain de froment, en obtint plusieurs milliers. Mais combien de cultivateurs se sont repentis d’avoir mis en application les conseils des hommes qui ne raisonnaient que d’après les essais tentés dans un sol de premier choix !

Nous indiquerons en traitant de chaque plante la quantité de semence que l’on doit employer dans un sol de fertilité et de consistance ordinaires.

Ici nous ferons seulement observer que cette quantité doit être diminuée dans un sol riche, parce que, dans cette circonstance, les plantes culmifères ont beaucoup de disposition à produire des talles ou pousses latérales ; parce que les autres végétaux y acquièrent de grandes dimensions. Leur développement serait contrarié par la multiplicité des plantes qui se trouveraient agglomérées sur un même point. Au lieu de donner des produits plus abondans, une semaille épaisse n’aurait dans ce cas d’autre résultat que d’empêcher la circulation libre de l’air, d’intercepter la lumière et en définitive d’étioler la majeure partie des végétaux. Il convient encore de diminuer la quantité de semence quand la semaille s’exécute de bonne heure, parce qu’alors le terrain est ordinairement mieux préparé, que la terre, encore échauffée par les rayons du soleil, hâte la germination des grains et les soustrait à tous les accidens qui les détruiraient.

Au contraire, la quantité de semence doit être augmentée dans les sols pauvres, dans les semailles tardives. Généralement parlant, les variétés de printemps veulent être semées plus drues que les variétés d’automne. Le blé d’hiver, par exemple, a le temps de taller avant et après l’hiver ; tandis que celui du printemps est à peine germé, que les pluies douces de la saison et le soleil concourent à donner à la végétation une grande activité : les tiges montent rapidement, mais elles ne peuvent produire de pousses latérales.

[7:1:3]
art. iii. — Des procédés de sémination.

Jusqu’à présent on ne connaît que trois moyens pour distribuer la semence sur le sol : à la volée, au semoir, au plantoir. Le dernier procédé est abandonné presque partout pour les céréales, et restreint pour les autres plantes à un très-petit nombre de circonstances qui ne se rencontrent que dans la petite culture et dans les exploitations maraîchères. Le second, peu usité pour la semaille des plantes culmifères, commence à être utilisé pour les végétaux qu’on sème en lignes. Enfin, le premier procédé est le seul connu dans les contrées où l’art agricole est demeuré stationnaire : il est aussi celui qui jusqu’à présent offre le plus d’avantages pour la sémination des céréales. — Nous renvoyons à la section suivante, qui est celle des plantations, ce que nous avons à dire des plantes qui se multiplient par le moyen de tubercules, de drageons, comme la pomme-de-terre, la garance, le houblon, etc. Nous ne nous étendrons pas sur la dernière méthode, pour donner plus de développement à la description des deux autres.

[7:1:3:1]
§ ier. — Des semoirs. (Drills des Anglais.)

Patullo en Espagne, Tull en Angleterre, Duhamel en France, de Fellemberg en Suisse, ont cherché à introduire l’usage des semoirs pour les céréales. Tous ces noms font autorité en agriculture, et puisque des hommes de talent n’ont pas douté de la possibilité, nous devons encourager ceux qui s’occupent à perfectionner ces instrumens, à en imaginer de nouveaux. Les inventeurs des semoirs à céréales, découragés eux-mêmes par l’insuccès de leurs tentatives, ruinés par des dépenses énormes, n’avaient plus d’imitateurs ou du moins leurs rares partisans se contentaient de suivre leur système dans le silence, quand M. Hugues, avocat à Bordeaux, après avoir brillé au barreau, voulut encore couvrir son nom d’un autre genre de célébrité. Les suffrages qu’il a obtenus de tous côtés ont été unanimes et sans restriction.

Si nous mettons de côté la question de nom pour n’envisager que la chose en elle-même, nous voyons que les avantages qu’offrent les semoirs sont compensés par de nombreux inconvéniens.

On peut résumer ainsi les avantages des semoirs : ils distribuent le grain aussi également que possible sans le déposer avec la main et aussi dru qu’on le désire ; — ils introduisent le grain en terre à une profondeur réglée et qui dépend également du vouloir de celui qui dirige l’instrument ; — ils permettent, dans la plupart des cas, d’économiser une partie de la semence. — Quant à la disposition des plantes par rangées parallèles, nous verrons plus tard que ce n’est pas toujours un avantage.

Leurs inconvéniens se bornent à ceux-ci : — Ils exigent plus de temps pour l’accomplissement des semailles, et forcent quelquefois à semer par un temps peu opportun. Ils demandent une certaine sagacité de la part de celui qui dirige l’instrument, qualité qu’on ne rencontre pas toujours aujourd’hui dans les agens inférieurs de la culture. — D’ailleurs ces instrumens sont coûteux et quelquefois d’un entretien dispendieux. Il faut non seulement un mécanicien habile pour les construire, mais encore un ouvrier exercé pour les réparer, hommes difficiles à trouver dans les campagnes.

Cependant, les Chinois ont de temps immémorial employé les semoirs pour la semaille des grainières, et il est certain que quelques personnes en ont exagéré les inconvéniens. Celui de Patullo a été imité par Coke en Angleterre et singulièrement perfectionné dans ces derniers temps par M. de Valcourt, à Paris et dans l’établissement de Grignon. Nous regrettons beaucoup de ne pouvoir donner la figure de cet instrument qu’en l’absence de M. de Valcourt nous avons inutilement demandé à l’Institut agricole de Grignon. Il est composé de cuillères en cuivre, qui sont placées à l’extrémité d’une série de petits embranchemens qui sont comme les rayons d’un cylindre. Ce cylindre porte à l’une de ses extrémités une poulie fixe, qui reçoit son mouvement de rotation au moyen d’une chaîne. Cette chaîne entoure également une poulie fixée sur l’essieu de la roue, lequel forme l’axe de celle seconde partie.

Le semoir de Tull (fig. 287) a été prôné

Fig. 287


par tous les partisans de ses idées. Il se compose d’une caisse divisée en plusieurs compartimens. Dans chacun de ceux-ci se trouve un cylindre en bois percé de deux rangées de trous, comme on le voit dans la (fig. 287). Une chaîne sans fin communique à ce cylindre le mouvement qu’elle-même reçoit de l’avant-train. Pendant le mouvement de rotation, les semences se logent dans les cavités pratiquées à la périphérie, et, quand le cylindre a fait sa révolution, elles descendent par un tube (fig. 288) dans le rayon qui a été tracé par sa partie inférieure, et sont immédiatement recouvertes par les dents d’un râteau. L’inspection des figures suffit pour démontrer le mécanisme de cet instrument. Partout où on l’a essayé il a été trouvé d’une manœuvre trop compliquée et d’une construction trop fragile et trop délicate. D’ailleurs, par la disposition adoptée, on ne peut remplir de semence qu’une partie de la caisse ; aujourd’hui on a remédié à ce désavantage au moyen des brosses.

Un autre genre de semoir employé avec succès par M. Arbuthnot, est celui qui, au lieu de trémie fixe, supporte un baril mobile (fig. 289) soutenu par deux roulettes. Les semences qui y sont contenues trouvent une issue par les trous qu’on a pratiqués sur la circonférence. Les deux dents qui se trouvent enchâssées dans la traverse postérieure, font l’office de herse ou de râteau pour recouvrir et enterrer. C’est surtout pour les turneps ou graines fines qu’il est usité.

Au baril en bois on a substitué dans ces derniers temps une capsule ou lanterne en fer-blanc, formée de 2 cônes tronqués, assemblés par leur base et présentant la forme de la figure 290. Le milieu est une bande percée d’une série de trous, dont les diamètres sont proportionnés au calibre des semences qu’on répand. Lorsqu’elles sont très-fines, on ne laisse ouverts que les trous v v et on ferme tous les autres avec des lièges. — Mais ce moyen est sujet à plusieurs inconvéniens ; c’est ce qui a fait imaginer un autre expédient (fig. 291). La partie supérieure ou le sommet de la lanterne est muni de 2 rebords à charnières, dans lesquelles glissent autant d’oreillettes qu’il y a de trous, et échancrées dans la partie qui est destinée à s’aboucher avec l’ouverture. La partie à gauche représente l’oreillette éloignée du trou. Avec cette disposition, l’instrument sème très-épais, ou des semences qui ont certain volume. Si l’on veut semer moins dru ou des semences ténues, on rapproche la charnière comme on le voit dans la partie à droite, où la capacité de l’ouverture est amoindrie et ne laisse plus échapper que des graines très-fines. M. de Fellemberg, je crois, est un des premiers qui aient appliqué cette disposition aux semoirs de son invention. M. de Dombasle l’emploie également pour ses semoirs à graines fines ; enfin, le beau semoir de M. Crespel Delisse est composé d’une série de lanternes posées les unes à côté des autres.

Le mécanisme de ces semoirs est très-simple. Leur direction exige cependant quelques données pratiques. Ils se remplissent de graines au moyen du tube supérieur portant à son extrémité un couvercle qu’on enlève et qu’on replace à volonté. La capsule ne doit pas être remplie à plus de 2/3 de sa capacité, soit parce que la graine sort mal si l’on n’a cette précaution, soit parce qu’elle est alors trop pesante pour tourner avec facilité. Le dernier inconvénient est sensible surtout lorsque le semoir n’a pas plusieurs capsules. La graine devra être préalablement purgée de toutes les substances étrangères qui fermeraient l’ouverture, et dégagée de toutes les aspérités qui l’empêcheraient de passer.

Le semoir que les Anglais emploient le plus généralement (fig. 292 et 293 ), se compose d’une trémie fixée sur le montant c au moyen de brides et contenant un cylindre d qui reçoit, à l’extérieur de la trémie, un mouvement de rotation par le moyen de la manivelle f. Le corps du semoir proprement dit est précédé d’un brancard avec un encadrement supportant l’essieu i des 2 cylindres concaves kk. L’addition de ces 2 rouleaux annonce que le terrain est préparé en billons. Le cheval de tir marche entre la crête des 2 billons L M (fig. 294), dont les arêtes abattues et plombées par les rouleaux présentent la configuration représentée à côté. Les tubes n ouvrent le sol sur l’ados ainsi comprimé, et laissent en même temps tomber la semence dans la rigole qu’il a ouverte ; les chaînes oo entraînent dans leur marche la terre déplacée par le tube rayonneur et en recouvrent la semence. Ce semoir est regardé généralement comme trop compliqué. Il a cependant l’avantage de communiquer au cylindre alimentaire son mouvement de rotation par une verge en fer qui n’est point sujette à s’alonger ou à se rétrécir par l’effet des variations atmosphériques, comme la corde et le cuir qui sont les matières généralement employées dans les autres instrumens de ce genre.

Le semoir de Norfolk (fig. 295 ), est un appareil très-ingénieux, mais encore plus compliqué, inventé par les Anglais pour semer le blé. Il est principalement employé dans les sols légers du Norfolk et du Suffolk, où on le préfère à celui de M. Cooke, quoiqu’il coûte le double, parce qu’il est beaucoup plus expéditif, semant une largeur de 9 pieds à la fois.

Le semoir de M. Hugues (fig. 296 et 297), tel qu’il a figuré à l’exposition des produits de l’industrie en 1834, nous paraît l’instrument de ce genre le plus satisfaisant et le plus généralement applicable de tous ceux proposés jusqu’à ce jour. Ce semoir fait en même temps fonctions de herse et de semoir. Sa largeur totale est de 56 pouces, son poids de 220 livres ; il est composé de deux trémies dans lesquelles on dépose la semence ; dans l’une sont 4 ouvertures, dans l’autre 3, qui se ferment à volonté, quoiqu’en action, et en pressant un bouton. Ces ouvertures ont chacune 7 trous d’une dimension différente ; on ouvre celui qui est nécessaire à la grosseur du grain que l’on veut semer, ce qui permet d’admettre toutes espèces de graines, menues ou grosses, légères ou pesantes. Ces trous aboutissent à un cylindre qui, par sa rotation, porte la semence en autant de tuyaux descendant au niveau du sol ; ces tuyaux sont espacés entre eux de 8 pouces. 7 coutres qui les précèdent ouvrent les raies dans lesquelles tombent les grains, et, par le plus ou moins d’entrure qu’on leur donne, la semence peut être plus ou moins profondément enterrée. Les tuyaux sont suivis d’une petite chaîne traînante terminée par une bride en fer, qui sert à recouvrir les raies ouvertes par les coutres. Les raies sont espacées de 8 pouces. En fermant trois ouvertures intermédiaires, on ne sème plus que 4 raies à 16 pouces d’intervalle. Il en est de même si l’on veut semer à 24, 32 ou 40 pouces, en fermant les ouvertures par où s’échappent les semences, qui peuvent être répandues avec cet instrument sur 4 hectares par jour. Sur le devant se trouve une autre trémie qui est de la largeur entière du semoir : elle sert à recevoir de l’engrais en poudre qui se répand à volonté sur la portion du terrain qui doit être ensemencé. Les tuyaux de cette trémie ont le même écartement que ceux qui distribuent la semence. Entre les deux trémies supérieures, et un peu en avant, est une roue de 30 pouces de diamètre, dont le mouvement de rotation sert, par le moyen d’engrenages, à faire tourner le cylindre qui est au fond des deux trémies. La rotation de l’axe de cette roue étant le mobile du cylindre qui reçoit et distribue les grains, il s’ensuit que la semence est toujours également répandue, que le cheval aille vite ou lentement. À chaque extrémité de la traverse qui supporte cet instrument, sont deux roues d’un pied de diamètre qui en facilitent la marche. En arrière sont deux mancherons tenus par le cultivateur dirigeant la machine, traînée par un cheval, que doit guider un enfant. L’auteur attribue à l’emploi de son instrument une économie des 2/3 de la semence des céréales, en sorte que pour un ensemencement de 10 hectares, cette économie couvrira dès la première année le prix d’acquisition du semoir, qui est de 400 ou 425 fr. De plus petits semoirs à 4 ou à 5 tubes sont d’un prix moins élevé.

Ce serait sortir des bornes que nous nous sommes prescrites, que de donner la figure et la description d’une foule d’autres semoirs, tels que ceux de Thaer, de Fellemberg, ou tous ceux figurés par M. Loudon. Tous les instrumens dont nous venons de donner un aperçu succinct, se ressemblent sous plusieurs rapports : ils sèment en lignes ; ils réunissent un appareil pour ouvrir le sein de la terre, et un autre pour recouvrir la semence. Cette dernière propriété est sans doute avantageuse en ce qu’elle permet d’économiser le temps qu’on emploierait à rayonner et à herser. Mais n’est-il pas à craindre que pour donner à ces diverses parties toute la solidité convenable, on ne fasse une machine énorme et très-pesante ? et si on sacrifie la solidité à la légèreté, ne court-on pas les risques de voir briser contre un faible obstacle un instrument dispendieux ? ne doit-on pas trembler de confier un semoir fragile à des valets habitués à faire abnégation de leur intelligence pour ne développer que leur force matérielle ? Il faudrait, pour que de tels instrumens fonctionnassent avec une certaine régularité, que le sol fût parfaitement ameubli. Mais a-t-on toujours le moment de lui donner cette préparation ? La complète pulvérisation de la terre est-elle toujours indispensable ? non sans doute. L’expérience nous apprend que les céréales d’hiver demandent à être semées dans un sol dont la surface soit couverte de mottes de moyenne dimension, soit pour arrêter la neige pendant la saison rigoureuse, soit pour donner, en se délitant au printemps, une terre meuble aux jeunes tiges qui les avoisinent. Toutes les plantes hivernales sont dans le même cas. On leur nuit donc lorsque, pour faciliter la marche des semoirs délicats, le sol reçoit à cette époque une pulvérisation complète.

L’avantage de la disposition des plantes par rangées parallèles est mis hors de doute aujourd’hui pour une certaine classe de végétaux. Mais des agriculteurs habiles, MM. de Dombasle et de Valcourt, se croient autorisés à penser qu’il n’en est pas de même pour les céréales. M. de Vogt s’est assuré, par des expériences nombreuses, que la distance la plus convenable à laisser entre chaque tige est de 2 pouces dans tous les sens. Et ce dont a été convaincu par des faits directs l’habile agronome que nous venons de citer, n’avait pas échappé aux plus simples laboureurs. Rien de plus facile que de semer en lignes, même sans semoirs. Lorsqu’un guéret a été labouré avec régularité, il présente une suite d’ondulations parallèles formées par les arêtes des sillons. Si l’on répand de la semence sur un sol ainsi ondulé, elle roule en totalité dans la partie creusée qui est entre chaque tranche. Le hersage, au lieu de nuire à ce mode de dispersion, ne fait que le régulariser et les plantes se trouvent en ligues. Cependant, soit par instinct, soit par le résultat d’observations multipliées, les cultivateurs augurent moins favorablement des céréales ainsi distribuées que de celles qui le sont d’une manière moins régulière mais plus égale.

Voilà donc plusieurs inconvéniens assez graves que l’on trouve dans les semoirs pour la culture des céréales. Le dernier que nous avons signalé n’est pas cependant inhérent aux instrumens de ce genre, car celui qu’on nomme semoir Polonais ne sème pas en ligne. Il se compose (fig. 298) d’un brancard, et d’une trémie au fond de laquelle se trouve un cylindre criblé de trous dans lesquels se logent les semences. Il fait corps et tourne avec l’essieu des roues, qui lui communique un mouvement de rotation.

Il ne faut pas croire du reste que les divers semoirs dont nous avons parlé ne puissent que semer en lignes. Au moyen d’une modification qui en simplifie le mécanisme, on distribue la semence d’une manière très-uniforme. Cette modification consiste à remplacer le tube qui dépose les graines dans la terre, par une planche sur laquelle elles tombent et se répandent sur le sol aussi également que le ferait un bon semeur.

Pour obvier à la fragilité qui résulte dans ces instrumens de la réunion du semoir, du rayonneur et de la herse, ou a imaginé les semoirs à brouettes qui sont conduits par un homme, et qui même peuvent être confiés à un enfant. De tous les semoirs de ce genre qui ont paru jusqu’à présent, ceux qui sont fabriqués dans les ateliers de M. de Dombasle à Roville, sont ceux qui réunissent le plus grand nombre d’avantages à la solidité et à la simplicité. Il y en a de 2 sortes, l’un (fig. 299) est destiné aux graines fines. La figure montre clairement sur quels principes il est construit. Ce semoir coûte 48 fr., pris à Roville. Il pèse 49 kil. : ainsi les personnes qui ne voudraient pas se donner la peine de le faire construire, pourront estimer ce qu’il leur coûtera approximativement, en ajoutant 7 fr. pour l’emballage. L’autre semoir (fig. 300) est pour les graines qui sont plus grosses, comme pois, fèves, maïs. Il se compose d’une trémie dans laquelle tourne un cylindre. Ce cylindre est percé, à la circonférence, de trous dont la capacité est proportionnée à la grosseur des semences. Il faut par conséquent qu’on puisse le démonter à volonté afin de le changer lorsqu’on sème une graine d’une autre dimension. 2 brosses servent à empêcher la semence de s’écouler entre le cylindre et la paroi intérieure de la trémie. Ce dernier semoir coûte 56 fr. et pèse 53 kilog.

On pense bien que ces semoirs ne peuvent servir à la sémination des céréales, parce que, ne répandant la graine que sur une seule ligne, il faudrait trop de temps pour exécuter cette opération sur une certaine étendue. Mais ils sont employés avec succès pour les plantes qui doivent être semées par rangées et qui exigent des binages plus fréquens. Un jeune homme peut les faire manœuvrer sur une surface de 2 hectares en un jour, lorsque les lignes sont à la distance de 27 pouces, et 1 hectare 1/2 lorsqu’elles le sont à 18.

À cette section des semoirs appartient le semoir du docteur Hunter (fig. 301), consistant : 1o en un sac a qui contient la semence ; 2o en un réservoir en fer-blanc ou en tôle b ; 3o en un cylindre alimentaire c ; 4o enfin, en un tube d, qui donne passage au grain. Au cylindre alimentaire est adaptée une manivelle destinée à être mise en mouvement par le semeur qui porte le sac suspendu à son cou par le moyen de courroies. On empêche la semence de passer ailleurs que dans les trous pratiqués à la surface du cylindre, au moyen de brosses ou de peaux non tannées qui puissent en faire l’office. La manivelle se tourne avec la main droite, tandis que la gauche guide le tube conducteur.

Le semoir Barrault (fig. 302) ne paraît être qu’une imitation du semoir de M. Hunter. Il a sur ce dernier l’avantage de ne pas autant fatiguer le semeur, à cause de la roulette qui sert de point d’appui ; il est à 1, 3 ou 5 tubes et coûte 25, 35 ou 45 fr.

On range également dans la catégorie des semoirs à bras celui qui est usité quelquefois en Angleterre pour la semaille des turneps (fig. 303). Il répand la semence sur 2 rangées à la fois au moyen de 2 barils attachés à une traverse sur laquelle ils glissent librement afin de pouvoir les éloigner et les rapprocher à volonté. On pourrait remplacer avec avantage les barils par des lanternes en fer-blanc. Cette construction rendrait l’instrument plus léger. On a proposé d’ajouter à ces semoirs des accessoires qui économisent les frais ultérieurs, il est vrai, ainsi que la dépense du rayonneur, mais toujours au détriment de la simplicité et de la solidité. Ainsi, en Allemagne, on a adapté en avant du tube conducteur un rayonneur. D’autres ont mis derrière ce même tube un petit rouleau destiné à serrer contre la terre la semence qui vient d’être répandue (fig. 304 A et B). Mais, je le répète, ces accessoires, qui peuvent sourire à l’inventeur et plaire à une certaine classe d’amateurs, rendent la manœuvre très-embarrassante, augmentent le prix et la fragilité des instrumens. Car il faut bien se persuader que plus la charpente reçoit d’entailles et de mortaises, moins elle offre de résistance aux obstacles que la machine rencontre dans sa marche. Il est donc préférable pour les semoirs à bras de les faire précéder du rayonneur isolé et suivre par la herse ou le rouleau afin de recouvrir la graine.

Une conséquence générale et pratique à tirer de ce que nous avons dit, c’est que pour les céréales il est rarement avantageux de semer en lignes et par conséquent d’employer les semoirs qui distribuent la semence par rangées parallèles. Une autre cause encore milite en faveur de cette opinion, c’est que l’usage des semoirs est très-difficile lorsque les semences des granifères ont été soumises préalablement à l’opération du chaulage. La poussière de la chaux imprègne les brosses ou obstrue les ouvertures des lanternes au point d’empêcher l’instrument de fonctionner d’une manière tant soit peu satisfaisante.

Quant aux autres plantes, les avantages des semoirs sont incontestables, et si, jusqu’à présent, on ne les a pas introduits dans les fermes où on les cultive, il ne faut l’attribuer qu’au charlatanisme avec lequel on a préconisé des machines défectueuses et au prix élevé de celles qui ont approché le plus près de la perfection.

Les personnes qui ne voudraient pas faire la dépense d’un de ces instrumens, et qui ont le désir de semer en ligne les plantes pour lesquelles cette disposition est préférable, pourront se servir d’un moyen que j’ai vu pratiquer avec succès pour les graines fines. On remplit de semence une bouteille dont on forme l’orifice avec un bouchon ordinaire traversé par un tuyau de plume ouvert à chacune de ses extrémités et destiné à donner passage à la semence. On le promène ensuite le long des rigoles (fig. 305) qu’on aura eu soin d’ouvrir auparavant. Ce procédé est expéditif et moins fatigant que de répandre la semence à la main.

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§ ii. — Semailles à la volée.

C’est le procédé le plus généralement employé et celui qui, dans la réalité, présente le moins d’inconvéniens pour les céréales et pour les prairies artificielles.

On sème à la volée sur raies et sous raies. Nous allons parler d’abord de la 1re méthode. Il est impossible de donner, pour exécuter cette opération, des indications suffisantes pour mettre au fait ceux qui ne sont pas familiarisés par la pratique avec les précautions qu’elle exige. D’ailleurs, chaque contrée a une manière différente de semer ; chaque semeur possède un procédé différent pour prendre le jet et, le disperser, et lorsqu’on a examiné attentivement les usages de plusieurs localités, on est convaincu qu’aucun ne mérite la préférence. Il est toujours dangereux de forcer un semeur à changer sa méthode pour en prendre une nouvelle que l’on croit meilleure ou plus expéditive. Pour bien semer il ne suffit pas de répandre la semence uniformément. La grande difficulté, dans cette opération, consiste à distribuer uniformément et à volonté une quantité de grains déterminée sur une surface donnée. Aussi les hommes qui possèdent ce talent sont-ils rares à rencontrer ; et le cultivateur qui croirait faire une économie en employant un semeur qui n’exige qu’un médiocre salaire, préférablement à un autre qui a la conscience de son mérite, compromettrait gravement le succès de ses récoltes. Il ne faut pas contrarier le semeur ni l’engager à se hâter ; en pressant le pas il peut manquer l’opération. Pour n’être point trompé par l’homme qu’on emploie, il suffit de savoir qu’un semeur ordinaire peut en un jour répandre de la semence sur une superficie de 6 à 7 hectares. Pour faciliter le travail, il convient de diviser la pièce à semer en plusieurs compartimens devant lesquels on dépose la quantité de semence déterminée à l’avance. Lorsque la première partie est semée, s’il reste du grain, le semeur s’apercevra qu’il a trop alongé le jet ; si, au contraire, la quantité est insuffisante, il verra qu’il a semé trop dru, et, dans l’un ou l’autre cas, il sera à même de se rectifier pour le deuxième compartiment.

Le semeur est un homme qu’il ne faut pas confondre avec les autres agens de la culture : des encouragemens donnés à propos lui inspirant une sorte de fierté, et s’il cherche à mériter la confiance qu’on parait lui accorder, il mérite bien quelque distinction. C’est un ouvrier qui, chargé d’un lourd fardeau, les pieds dans une terre boueuse ou pulvérulente, parcourt les guérets en respirant la poussière de la chaux et des autres substances qui ont servi à la préparation de la semence.

Si les procédés de sémination ont peu d’avantages les uns sur les autres ; il n’en est pas de même des instrument qu’emploie le semeur pour porter la graine qu’il répand. Dans beaucoup de contrées on se sert d’un sac de toile comme le font les jardiniers pour la récolte des fruits des vergers ; cette méthode est assez embarrassante et accable l’ouvrier. Nous croyons devoir proposer ici 2 moyens que l’on emploie dans quelques contrées septentrionales de la France. Le premier (fig. 306) consiste en une toile arrangée de la manière la plus propre à ne pas gêner l’action des bras. Qu’on se figure une blouse de paysan dont on a retranché les manches et la partie postérieure jusqu’à la hauteur des aisselles, et on aura une idée assez exacte de ce semoir. Le semeur endosse cette espèce de vêtement, met le grain dans la partie antérieure qui fait tablier, et, tenant de la main gauche la partie inférieure, il se sert de sa droite pour répandre le grain.

Ailleurs, on emploie un panier (fig. 307) qui offre encore plus de commodité. Il est muni de 2 anses auxquelles sont liées les deux extrémités d’une lanière de cuir ou d’une autre matière analogue. Le semeur passe cette lanière autour de son cou comme un collier. Il est avantageux surtout dans les localités où l’on a l’habitude de semer alternativement des deux mains.

Dans la plupart des exploitations on répand la semence sur guéret, c’est-à-dire le sol labouré mais non hersé. Cette manière a l’inconvénient de forcer la semence à rouler dans les intervalles que laissent entre eux les crêtes des sillons. Les grains se trouvent agglomérés sur un point, tandis qu’il y a de grands espaces où il n’y en a pas un. Avec quelque perfection qu’ait été exécuté le labour antécédent, il est impossible que le terrain n’offre pas des inégalités, des crevasses, où se loge la semence, qui alors se trouve enterrée trop profondément. Pour y remédier, les meilleurs agronomes, à Roville et à Grignon, donnent un coup de herse avant le passage du semeur ; la surface se trouve nivelée, la semence se distribue partout d’une manière uniforme. Il est vrai que cette précaution exige un hersage de plus ; mais une dépense de 3 f. par hectare est peu de chose pour l’homme qui veut être payé de ses sueurs.

La difficulté que je viens de signaler se présente surtout dans la semaille sous raies, méthode qui est usitée dans beaucoup de cantons, et qui consiste à répandre la semence sur la superficie du guéret qu’on peut labourer en un jour. Quand la charrue ouvre le sol, le grain, qui était à la superficie, se trouve au fond de la raie et recouvert de toute l’épaisseur de la bande de terre retournée.

D’autres fois le semeur suit la charrue pour couvrir de semence la raie qui vient d’être ouverte ; le sillon suivant tombe sur le grain et l’enterre. Enfin, il est des contrées où l’on sème moitié du grain sous raies et l’autre moitié à la manière ordinaire.

Si l’on interroge les cultivateurs qui suivent l’une ou l’autre de ces méthodes, si on leur demande la raison de pratiques si diverses, tous diront qu’ainsi firent leurs devanciers, tous répondront qu’ils ne connaissent pas d’autre usage, que d’ailleurs un autre procédé ne réussirait pas sur leurs terres, et c’est ainsi que la routine se perpétue.

La semaille sous raies ne serait pas toujours désapprouvée par la saine théorie si elle était économique. Mais, quand on songe qu’en un jour on ne peut semer que la 6e partie de ce qu’on ferait au moyen du hersage, et quand on réfléchit combien les jours propices sont rares à l’époque des semailles, on s’étonne à bon droit que cette méthode soit encore pratiquée dans les pays où l’on connaît l’usage de la herse et de l’extirpateur. Ce n’est pas là néanmoins le seul désavantage de ce procédé. La terre, retournée et chassée par le versoir, communique aux grains un mouvement centrifuge qui réunit en une même ligne tous ceux qui se trouvent sur la bande ; il y a perte de terrain d’un côté et agglomération nuisible de l’autre.

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Art. iv. — Procédés employés pour recouvrir la semence et plombage du terrain.

Ce que nous allons dire ne peut s’appliquer qu’à la semaille exécutée au semoir ou à la volée. Nous avons déjà fait connaître à quelle profondeur il convient d’enterrer les diverses espèces de graines. On choisit l’instrument qui pour chaque espèce remplit le mieux le but qu’on désire obtenir.

Pour les graines fines et qui veulent à peine être couvertes de terre, on les répand sur le sol, et on y fait ensuite passer un troupeau de moutons. On emploie cette méthode principalement pour les prairies artificielles et la chicorée. Dans une terre siliceuse ce piétinement recouvre la semence et tasse le terrain. On peut, du reste, mieux exécuter la même besogne avec un rouleau. Si le sol est de consistance moyenne et que l’action du rouleau ne promette pas de bons résultats, on fera bien d’introduire dans son exploitation un instrument connu en Belgique sous le nom de rabot, brise-mottes (fig. 308). Ce n’est autre chose qu’un encadrement en bois auquel on attache des planches dans la moitié de sa longueur, afin qu’aucune aspérité n’échappe à son action. Enfin, si le sol est très-compacte, de manière que le moindre tassement dût être pernicieux, on se servira d’une herse en bois très-légère, et qu’on promène les dents inclinées en arrière (fig. 309). Dans les semences très-fines, comme la gaude, la navette, il est à craindre que ce hersage n’enterre trop profondément : on se sert dans ce cas d’une traverse en bois, sur laquelle on fixe des branchages (fig. 310). On nomme cet instrument herse milanaise parce qu’on s’en sert en Italie pour recouvrir les semences de prairies naturelles.

Pour les semences qui demandent à être enterrées à une plus grande profondeur, on se sert de la herse à dents de fer qu’on fait tirer les dents inclinées en avant, de l’extirpateur et de la rite. Le premier de ces instrumens est employé avec avantage toutes les fois qu’on a procuré au sol un ameublissement suffisant et que le labour est récent. — Si le sol est couvert de mottes dures, elles enlèvent la herse qui ne remplit plus son office ; si le labour est ancien et qu’il y ait une croûte superficielle, la herse ne mord pas. Dans ces cas, on se sert avec avantage de l’extirpateur. Ce dernier instrument est même employé à Roville et à Grignon pour suppléer au labour qui suit quelques récoltes sarclées. Après l’extraction de la récolte on sème sous labour et on enfouit à l’extirpateur. Cette méthode convient au céréales qui n’exigent pas une terre remuée à une grande profondeur. — La rite (fig. 311) est un instrument malheureusement trop peu connu et usité seulement dans quelques cantons de la Lorraine. Elle remplace avantageusement l’extirpateur toutes les fois que le sol est trop humide pour en permettre l’emploi. Ce n’est autre chose qu’une charrue ordinaire dont on a retranché le versoir, et à laquelle on ajoute une tige en fer, dirigée horizontalement dans le plan du soc dont elle continue la courbe latérale.

Lorsqu’on a semé à la volée, il convient que l’instrument qui enfouit la semence marche en travers de la direction qu’a prise la marche du hersage ou du labourage précédent. Lorsqu’on a semé en ligne, il faut, au contraire, que l’instrument qui recouvre marche dans le sens des rangées, afin qu’il n’en dérange pas le parallélisme. Ce serait, d’ailleurs, une erreur que de croire qu’il y a économie à employer un instrument conduit par un cheval, pour exécuter cette opération dans une culture par rangées. En effet, supposons qu’on emploie la herse : tout l’espace compris entre chaque rangée sera hersé inutilement ; car, à la rigueur, il n’est pas indispensable que l’instrument exerce son action ailleurs que dans la place où se trouvent les semences Un hersage, exécuté avec soin, coûte 3 francs par hectare. Or, comme dans le cas dont il s’agit deux femmes, armées de râteaux, peuvent recouvrir de terre meuble les lignes tracées sur une égale superficie, il résulte de l’emploi de ces dernières une économie de 1 fr. 50 cent, par hectare si on les paie à raison de 75 cent, par jour ; et le travail est fait avec beaucoup plus de soin et de perfection. Antoine, de Roville.

Section ii. — Des plantations et repiquages.

Nous ne parlerons ici de ces opérations que dans leurs rapports avec la culture rurale : ce qui concerne les plantations d’arbres forestiers, de clôtures, de vignes, etc., trouve sa place dans d’autres chapitres de cet ouvrage.

Ce que nous avons à dire peut se classer sous trois articles principaux : préparation du terrain, — choix du plant, — exécution.

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Art. ier. — Préparation du terrain.

Lorsqu’on sème en pépinière une plante qui, dans la suite, sera transportée ailleurs, on a prévu que ses racines ne s’étendront pas profondément, puisqu’on se propose de la déplacer au commencement de sa croissance. Lors, au contraire, qu’on destine un terrain à recevoir le produit de la pépinière, on doit prévoir que les racines pénétreront à une grande profondeur, et on ne négligera rien pour faciliter leur extension et leur développement dans toutes les directions. Pour les plantes annuelles, des labours profonds et multipliés qui brassent le sol dans toutes les directions, sont d’une nécessité absolue ; et presque toujours pour les plantes qui occupent la terre plusieurs années consécutives, comme le houblon, la garance, un défonçage à bras sera pavé largement par l’augmentation des produits obtenus, sans compter l’accroissement indéfini de la fertilité du sol.

Il est des terrains dont la couche arable a si peu de profondeur qu’il serait impossible d’y cultiver avec succès des plantes repiquées, si la pratique ne fournissait pas le moyen de leur donner un exhaussement artificiel par le billonage. Je crois utile d’entrer ici dans quelques détails relatifs à cette opération, qui a été trop négligée, jusqu’à ce jour, et qui me parait être appelée à changer la face de l’agriculture des contrées dont le sol a trop peu de profondeur pour permettre la culture ordinaire des plantes sarclées.

Quand le sol a été labouré à plat, on le billonne, c’est-à-dire qu’on jette l’une contre l’autre, deux bandes de terre, soulevées par le tour et le retour de la charrue, comme si on couvrait la surface d’une foule de petits ados (fig. 312). Le terrain ainsi disposé, on conduit le fumier au moyen d’un chariot dont les roues passent dans les intervalles A et B. Le fumier se décharge en C. Des ouvriers, armés de fourches, prennent 1/3 de l’engrais et le répandent dans la raie A : le second tiers se distribue dans la rigole B ; et le reste est pour l’intervalle C, où il a été déposé. Le chariot, dans sa seconde allée, engage ses roues dans les intervalles D, F. Le fumier se dépose en G pour être, comme précédemment, distribué à droite et à gauche. Alors le sol présente cette configuration (fig. 313). Les intervalles ombrés représentent le fumier après qu’il a été répandu. Au moyen d’un second labour, la charrue prend la moitié de la terre qui se trouve sur l’ados i et la rejette en A ; à la seconde allée, l’autre moitié se rejette en C, et ainsi de suite. Alors, comme précédemment, le sol se trouve billonné, et le fumier recouvert de terre au centre des billons (fig. 314).

Il est évident que si l’épaisseur de la couche arable AB est de 4 pouces ou toute autre quantité, cette couche sera approfondie de toute l’épaisseur qui se trouve entre C et o. Telle est la méthode écossaise, décrite par Sinclair. Elle est assez compliquée ; elle exige des laboureurs très - exercés. On pourrait beaucoup la simplifier en employant, au lieu de la charrue simple, la charrue à buter ou à 2 versoirs.

Avant que nous eussions connaissance du procédé que je viens de décrire, M. de Valcourt était arrivé au même but par un moyen beaucoup plus simple et plus économique. Cet habile agronome s’était aperçu que le fumier, déposé au fond de la raie, est placé trop bas pour que les racines de la jeune plante repiquée puissent en saisir les élémens et se les approprier. C’est cependant à cette époque critique qu’elle en a le plus pressant besoin. Cette pensée lui suggéra l’idée de placer le fumier, non au fond de la raie, mais dans le milieu de la terre labourée. Laissons M. de Valcourt décrire lui-même sa méthode ; ses paroles révèlent l’observateur judicieux et le praticien consommé : « Je fis conduire et étendre le fumier à la manière ordinaire. Alors, avec la charrue Dombasle, attelée de 2 chevaux, mais au versoir de laquelle j’avais ajouté une rehausse, je mis le cheval de gauche dans la raie extérieure à la gauche du champ, j’ouvris la raie 1-2 (fig. 315). La charrue renversa le fumier qui était de 1 à 2 sur celui qui était de 2 à 3 et le recouvrit par la terre tirée du fond de la raie. Au 2e tour, je mis le cheval de gauche dans la raie 1-2, le cheval de droite marchant sur la terre de 3 à 4, et laissant à gauche de la charrue le billon 2-3 , j’ouvris la raie 3-4 en rejetant le fumier qui était de 3 à 4 sur celui de 4-5 qui fut doublé et fut également recouvert par la terre tirée de la raie 3-4. J’opérai de même pour tout le reste du champ. Je fis alors passer dans les raies le butoir, attelé d’un seul cheval, ce qui les nettoya bien et redressa parfaitement les billons qui ressemblaient à un A majuscule, dont le trait-d’union était formé par le fumier. On voit que, par cette méthode, le billon est fait et le fumier recouvert par un seul trait de charrue, tandis que dans la manière anglaise il en faut 4. »

Il ne faut pas se dissimuler, néanmoins, que ces procédés présentent dans la pratique plusieurs inconvéniens. Ainsi, les plants repiqués de cette manière au sommet des billons ne peuvent être binés au moyen de la houe à cheval. Cette seule difficulté est assez grave pour faire adopter la méthode ordinaire toutes les fois que le sol n’aura pas besoin d’elle artificiellement exhaussé.

Voici comment on procède dans la méthode qui est usitée généralement : Lorsque le sol est bien ameubli et le fumier enfoui à une profondeur suffisante, on donne un hersage pour niveler la superficie. On passe ensuite le rayonneur qui trace des lignes parallèles, mais peu profondes, le long desquelles on repique le plant. Lorsqu’on se sert du rayonneur pour creuser les rangées où le semoir doit déposer des graines, les traces seront plus approfondies, chose qu’il est facile d’obtenir, soit que le rayonneur s’appuie sur un avant-train, soit qu’il repose sur une roulette. Le rayonneur est construit en pieds de bois ou de fer selon la nature de la terre dans laquelle on le fait fonctionner. Les pieds ne s’attachent pas d’une manière fixe sur la traverse horizontale ; on les étreint contre celle-ci au moyen de brides qui se serrent à volonté par un écrou et permettent de rapprocher les pieds les uns des autres ou de les éloigner.

On a agité la question de savoir s’il convient de placer les rangées à égale distance les unes des autres (fig. 316), ou s’il est plus avantageux d’en mettre deux plus rapprochées en laissant entre chaque série binaire (fig. 317) un intervalle suffisant pour permettre l’emploi de la houe à cheval. Cette dernière disposition a été reconnue la plus favorable pour les féverolles ; mais je ne connais pas d’expérience qui constate ses avantages ou ses inconvéniens à l’égard des autres plantes sarclées. Il serait utile qu’on s’en assurât par des faits directs.

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Art. ii. — Choix du plant.

Il est presque impossible d’entrer sur ce sujet dans quelques détails pratiques sans anticiper sur l’article spécial que nous consacrons à la culture de chaque plante. La première règle qu’il ne faut pas négliger, c’est de ne sortir le plant de la pépinière qu’à l’époque où les racines ont acquis une certaine grosseur. Plus les racines ont de volume et mieux elles sont développées et garnies de chevelu, plus elles ont de facilité pour reprendre.

On ne doit pas craindre d’habiller le plant. Cette opération consiste à retrancher la partie supérieure des feuilles. C’est par les feuilles que l’évaporation s’exécute ; si on diminue la surface évaporatoire, la plante éprouvera une déperdition moindre et résistera plus longtemps à l’influence d’une sécheresse continue.

Plusieurs personnes ont avancé que le retranchement de l’extrémité de la radicule nuit au développement ultérieur du végétal. Si la soustraction se fait jusqu’au vif, cette opinion parait fondée ; mais si on n’enlève que la partie inférieure sans léser le tissu parenchymateux, il n’y a pas de doute qu’on ne fasse une opération utile dans la plupart des cas. Quelle que soit en effet la manière dont on procède au repiquage, il est bien difficile que le filet qui termine chaque plante ne se replie sur lui-même, ne force la sève à dévier et à déformer la racine. Cet inconvénient est moins à redouter pour les végétaux qu’on ne cultive pas pour leurs racines, que pour ceux dont cette partie du végétal forme le produit principal.

On a proposé de tremper les racines dans diverses préparations, dans le but de les préserver des suites de la sécheresse. En application, cette méthode est embarrassante, coûteuse, et en définitive peu profitable. Cependant, lorsqu’un plant délicat doit être transporté à une grande distance, cette précaution diminue les chances qu’il court dans le trajet. Cette préparation consiste à tremper les racines dans une bouillie composée d’un mélange de terre, de purin et de fiente de bêtes à cornes.

Une précaution qu’on ne néglige jamais impunément, c’est de repiquer le jour même où l’on a donné le dernier labour. Un auteur anglais s’est assuré qu’une terre récemment labourée laisse échapper une très-grande quantité d’eau à l’état de vapeur. Les feuilles, par les pores dont elles sont criblées, s’emparent d’une partie de cette eau et récupèrent ainsi les pertes qu’elles subissent. Le même observateur a reconnu que sur un ancien labour l’évaporation est presque nulle.

Un défaut général chez les cultivateurs qui établissent des pépinières, c’est de semer trop dru. Les plantes serrées à l’excès s’étiolent, montent en tiges grêles et qui, transportées en plein champ, souffrent d’un changement brusque. Il vaut mieux demander un moindre nombre de végétaux à la terre et avoir du plant vigoureux et bien développé.

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Art. iii. — Exécution des plantations.

Il y a 2 méthodes générales de plantation et de repiquage : à la charrue, — au plantoir. La première convient aux plantes tubéreuses, comme la pomme-de-terre, le topinambour, et aux plantes qui ne sont pas cultivées pour leurs racines, comme le colza, les choux. Des cultivateurs ont avancé qu’on peut également se servir de la charrue pour repiquer les végétaux dont la racine forme le principal produit. Je puis affirmer, par expérience, que l’opération n’aura qu’un faible succès si des ouvriers ne suivent l’instrument pour rechausser les plantes qui n’ont pas été assez recouvertes de terre, et pour dégager celles qui ont été enfouies. Si l’on met en compte la dépense qu’exige cette opération supplémentaire, on se convaincra que le repiquage à la main eut été plus parfait et non moins économique. Les plantes oléagineuses n’exigent pas autant d’attention, elles reprennent quand même elles ne tiendraient à la terre que par un filet.

On obtiendra pour cette opération une grande économie en adoptant la division du travail. Une partie des ouvriers sera occupée à arracher le plant, une autre à l’habiller ; quelques-uns le transporteront de distance en distance sur la pièce destinée à le recevoir ; les autres suivront la charrue, prendront la plante avec précaution et la coucheront contre la bande qui vient d’être retournée. C’est à la sagacité du cultivateur à déterminer s’il faut planter chaque 2e ou chaque 3e raie. C’est à l’intelligence de l’ouvrier à voir s’il place le plant trop haut ou trop bas.

Si l’on ne se sert pas de la charrue, le sol aura dû être auparavant rayonné ou disposé en crêtes saillantes par le labour. Le plant est transporté sur toute la superficie comme nous venons de le dire. Des ouvriers armés de plantoirs (fig. 318) forment des trous où ils déposent une plante en suivant la ligne tracée par le rayonneur ; puis, à l’aide du même plantoir, ils serrent la terre contre la racine en le plongeant 2 ou 3 fois autour de la première ouverture. L’essentiel, pour cette opération, n’est pas de presser la terre contre le collet, mais bien contre la partie inférieure de la racine. Le collet de la plante doit être de niveau avec la superficie du sol ; s’il s’élevait au-dessus, la partie qui serait en dehors ne produirait pas de chevelu et se dessécherait ; si on le mettait au dessous, la terre couvrirait les feuilles du centre, la pluie et la rosée y séjourneraient et amèneraient la pourriture.

Le plantoir des jardiniers offre plusieurs inconvéniens lorsqu’on le met entre les mains de personnes peu habituées à s’en servir ; c’est ce qui a fait imaginer le plantoir-truelle dont parle Thaer (fig. 319). Il ressemble un peu à une houe qui se terminerait en pointe triangulaire alongée. L’ouvrier le plonge dans la terre, et, sans le sortir, il l’attire vers lui et forme l’ouverture (fig. 320 ) dans laquelle il dépose le plant ; repoussant ensuite la terre avec son pied, il le rechausse à la hauteur convenable.

Enfin, les Flamands, qui se servent souvent de la méthode du repiquage, ont un plantoir à deux branches (fig. 321) que nous représentons en A vu de face, en B vu de côté. Un ouvrier saisit cet instrument, le plonge en terre en appuyant avec son pied sur la traverse horizontale ; puis, faisant un pas à reculons, il ouvre 2 trous en ligne droite avec les premiers ; des femmes viennent pour disposer le plant et fermer les ouvertures.

Antoine, de Roville.