Malgrétout (RDDM)/01

La bibliothèque libre.


MALGRÉTOUT


À MON AMI EDMOND PLAUCHUT


Nous avons parcouru ensemble le curieux et charmant pays où nous cherchions à retrouver les traces d’Abel et de miss Owen, modestes héros de la véridique histoire que je te dédie. Nous n’avons trouvé qu’un beau fleuve, des rochers, des fleurs et des arbres. Devons-nous croire que Sarah Owen a précisément voulu dépayser ses lecteurs en donnant cette région pour cadre à son récit ? Il me paraît certain du moins qu’elle l’a vue, car ses descriptions sont assez fidèles.

J’ai fort peu modifié le style contenu et terre à terre de la narratrice, expression logique de son caractère et de sa situation. En publiant cette très simple histoire, je la considère comme une étude qui a son intérêt et porte son enseignement.

Nous n’avons pas trouvé la villa de Malgrétout, mais nous avons vu la montagne qui porte ce nom audacieux, devise de quelque chevalier oublié du moyen âge. Je remercierai l’érudit qui rétablira la légende. Nous nous en sommes passés en explorant ces gorges sauvages des Ardennes et ces délicieuses oasis de la Meuse. Tu me les avais découvertes, cher enfant, et je t’en remercie.

J’ai saisi avec plaisir, pour te dédier mon petit travail, ce jour de Noël, anniversaire de ton naufrage aux îles du Cap-Vert. Quand, il y a dix-neuf ans à pareil jour, tu sombrais avec le Rubens, et qu’attaché à la tâche suprême de tenir le gouvernail pour empêcher le navire de pirouetter, tu voyais se remplir, grâce à toi, les barques de sauvetage condamnées peut-être à s’éloigner sans toi, tu envoyas, m’as-tu dit, un adieu désespéré à ta mère et à moi. Tu fus pourtant miraculeusement sauvé : une barque put te prendre au niveau de la dunette déjà inondée et n’être pas entraînée dans le gouffre que creusait le navire en s’abîmant. — Depuis, tu as connu des situations non moins dramatiques et plus poignantes encore par leur durée ; après cette vie terrible, voilà que tu viens faire réveillon avec nous, à la même heure où tu touchas l’écueil. Quel contraste ! Une famille sédentaire rassemblée la nuit dans une vieille maison, au milieu des plaines couvertes de neige, le silence solennel du dehors, le feu qui pétille au dedans pour accompagner les rires des enfans, jeunes oiseaux qui n’ont pas encore quitté le duvet du nid, — comme te voilà loin des terribles archipels de la côte d’Afrique et des pirates féroces de la mer des Indes !

Laissons le passé douloureux sombrer dans l’abîme, et que les naufrages de l’âme nous soient épargnés ! Des voix aigres et chagrines crient, autour des horizons voilés, que le monde périt, que les pouvoirs s’effondrent, que les flots montent et que le navire social ne sera bientôt plus qu’une épave ; mais ceux dont le cœur ne s’est pas éteint dans la crainte sentent la vitalité universelle, dont le souffle puissant les soutient et les porte. La rive est-elle loin ? Pourquoi le demander ? Nul ne le sait ; mais tous peuvent agir, et ceux-là agiront bien qui aiment toujours la patrie et croient encore à la perfectibilité humaine.

Amitié et bénédiction sur toi.

George Sand.
Nohant, décembre 1869.


PREMIÈRE PARTIE



Malgrétout, février 1864.


Ma chère Mary, puisque vous l’exigez, je vous ferai le récit fidèle de l’unique roman de ma vie. Cette vie aujourd’hui solitaire, exempte, hélas ! des doux soins et des chers devoirs de la famille, me laisse de tristes loisirs pour la rédaction de cette pénible aventure, vraiment fatale pour moi, quoiqu’il vous plaise d’y voir pour votre amie les élémens d’un meilleur avenir. Vous perdrez cette illusion et vous renoncerez à me la suggérer quand vous saurez quelles amertumes ont à jamais brisé mon cœur.

Je ne sais pas si je vous raconterai bien les faits, si je saurai y donner les développemens convenables, ou si je n’en donnerai pas trop. Je ne suis pas un bas-bleu. Je n’ai cultivé en moi avec plaisir que le sens musical, et je crois que je me suis habituée à penser et à souffrir en musique. Fille d’un Anglais et d’une Française, élevée en France avec des idées anglaises persistantes, si, comme on le dit, je parle purement et facilement les deux langues, c’est peut-être que je manque de nationalité et que je n’ai le génie d’aucune. Vous croyez que l’étude d’analyse à laquelle vous me conviez apportera dans mon esprit, une lumière qui fera cesser mes irrésolutions. Puissiez-vous avoir raison ! Pour moi, il ne me semble pas que je sois irrésolue, puisque aucun projet ne me sollicite et ne me sourit. Je crois bien plutôt que je suis découragée, et quand j’aurai contraint ma pensée à rechercher toutes les causes de mon abattement, peut-être bien serai-je encore plus dégoûtée de ma vie, qui n’a servi à rien et qui n’est plus assez intense et assez fraîche pour servir a quelque chose. Quoi qu’il en soit, je vais essayer. Si je ne me sens pas la force de continuer, du moins j’aurai eu la volonté de vous satisfaire.

Vous voyez, par la date de mon début, que je suis toujours dans cette retraite où mon habitation porte le nom de la montagne qui l’abrite. C’est à peu de distance de mon parc que la Meuse s’encaisse profondément dans les grands rochers appelés les Dames de la Meuse. Je ne sais quelle légende a donné ces noms colorés aux objets qui m’environnent et au lieu que j’habite. Je sais que c’est là que mon douloureux roman a commencé et fini. C’est là que j’ai fixé et que peut-être je finirai mes jours, vaincue et soumise comme… J’ai souvent comparé le cours de ma vie à celui de cette Meuse qui coule rapide et silencieuse à mes pieds. Elle n’est ni large, ni imposante, quoique bordée d’âpres rochers ; elle n’a pas reçu d’écroulemens dans son sein, elle n’est pas encombrée de débris : elle marche pure, sans colère et sans lutte ; ses hautes falaises boisées, étrangement solides et compactes, sont comme des destinées inexorables qui l’enferment, la poussent et la tordent sans lui permettre d’avoir un caprice, une échappée. Ses marges sont tapissées d’herbes et de fleurs ; mais une pente insensible et ininterrompue la force à passer vite, à ne rien embrasser, à ne refléter rien que le bleu du ciel, éteint et comme métallisé par le plissement de ses ondes muettes. Plus loin, elle trouve des travaux humains non moins rigides que ses rives de schiste, des canaux, des écluses qui la brisent et la précipitent. Je ne la vois libre et maîtresse nulle part ; c’est une captive toujours en course forcée et qui n’a pas seulement le temps de gémir. Mon Dieu ! c’est bien là mon histoire !

Vous en savez tout le commencement, vous, élevée avec moi jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Lorsque mon père, votre tuteur, vous eut mariée à l’excellent M. Clymer, j’éprouvai mon premier chagrin. Il fallait me séparer de vous, et je fis de grands efforts pour vous cacher mes larmes. Vous étiez heureuse, vous aimiez votre fiancé, je ne devais pas troubler votre bonheur par d’inutiles regrets. Ma sœur en prit moins bien son parti. La chère Adda, plus jeune que nous de deux ans, ne comprenait pas qu’un étranger fût venu, un beau malin, nous prendre votre cœur. Elle se courrouçait comme un enfant mutin contre M. Clymer, elle le haïssait. Elle prit en horreur le mot de fiancé, qui, pour elle, eut dès lors la signification de ravisseur et de brigand. Vous nous avez écrit pendant deux ans des lettres excellentes, mais un peu rares. Je les savourais ; Adda ne voulait pas seulement les voir. Je ne vous l’ai jamais dit, j’ai trouvé mille excuses à son silence ; mais jusqu’au moment où, à son tour, elle a aimé quelqu’un, elle n’a cessé de dire que vous n’étiez plus rien pour elle, puisque nous avions cessé d’être tout pour vous.

Lorsque M. de Rémonville nous fut présenté à Montmorency, où nous avions loué une villa pour la saison, c’est moi qu’il comptait demander en mariage, mon père nous le fit entendre clairement. Adalric de Rémonville ne me fut pas sympathique à première vue, et j’avoue, puisque je ne dois plus avoir de restrictions, qu’il m’a toujours inspiré une sorte d’invincible éloignement. Vous savez que je ne suis pas une femme nerveuse, et qu’il m’est facile de renfermer ma première impression. Je me promis bien de ne jamais appartenir à ce gentilhomme, dont les opinions faussement libérales contrastaient désagréablement avec un air et un ton d’impertinence faussement aristocratiques ; mais le respect que je devais à une première ouverture faite par mon père m’empêcha de me prononcer brusquement. Je répondis que j’examinerais le personnage, c’est tout ce que me demandait mon père.

Le soir qui suivit ce court entretien, Adda me fit beaucoup de peine. — Je vois bien, me dit-elle, que tu vas te marier, que tu en as le désir et l’intention, et qu’il en sera de toi comme de Mary Clymer. Aujourd’hui tu as vu M. de Rémonville, demain tu l’examineras, après-demain tu l’aimeras, et tu n’aimeras plus ni père, ni sœur. Tu seras toute à l’étranger, au fiancé, au ravisseur, à l’ennemi de la famille. Tu t’en iras, tu ne nous écriras plus que pour nous parler de ce monsieur, et des enfans et des nourrices, ou des voyages et des plaisirs pris avec délices loin de nous et sans nous. Enfin te voilà perdue, morte pour moi ; je vais me trouver seule au monde, car notre père est encore jeune, et Dieu sait s’il ne songera pas à se remarier. — En disant cela et bien d’autres paroles exaltées et injustes, ma pauvre Adda fondit en larmes, brisa son peigne d’écaille en le jetant sur la toilette, et, toute couverte de ses beaux cheveux dorés, vint enlacer ses bras à mon cou en me jurant que, si je me mariais, elle se donnerait la mort ou deviendrait folle.

Quand j’eus réussi à la calmer en lui déclarant que M. de Rémonville ne me plaisait pas et que j’avais la ferme intention de le refuser, elle reprit : — Soit pour celui-ci, je veux te croire, bien que tu aies tenu un autre langage à papa ; mais il est certain qu’au premier jour tu rencontreras le maudit fiancé de tes rêves, et que tu ne m’aimeras plus. Tu as tant excusé les oublis et l’indifférence de Mary, que j’ai bien vu poindre ton désir de faire comme elle ; ne me le cache pas, c’est inutile, je sens ce désir-là dans toutes tes paroles et encore plus dans ton silence.

J’avais alors dix-neuf ans accomplis, et j’aurais menti, si j’avais juré que depuis un certain temps, depuis votre mariage surtout, je n’avais pas rêvé le mariage pour moi-même. Quand vous m’écriviez les joies de votre première maternité et les douces espérances de votre seconde grossesse, j’avais toujours senti battre mon cœur à l’idée de tenir aussi dans mes bras un cher baby, vivante image d’un époux chéri et respecté. Je ne m’arrêtais pas à la vaine fantaisie de composer ce type d’époux à ma guise. Je ne croyais pas voir ses traits, entendre le son de sa voix. Il ne m’apparaissait pas comme une personne, mais je le portais dans mon âme comme une vérité sainte. Je me rappelais la tendresse de mon père pour notre pauvre mère, morte dans ses bras après tant de soins, tant de dévoûmens délicats et infatigables, tant de consolations et d’encouragemens exquis dont il avait su la bercer pour lui cacher la gravité de son mal, tant de courage héroïque pour lui sourire en refoulant ses larmes. Je revoyais sa noble figure atterrée et pourtant victorieuse de foi et d’amour à l’heure suprême. Je n’ai jamais songé à me demander si mon père était beau ou seulement passable ; je sais que dans l’expression de son honnête visage j’ai toujours puisé le sentiment, le besoin du vrai, et je sais aussi qu’au moment où ma chère mère expira, il me parut sublime. J’avais douze ans. J’étais en âge de comprendre beaucoup de choses, et j’avais compris qu’il ne fallait ni sangloter ni faiblir au chevet de ma mère mourante. Quand je la vis froide et pâle, je sentis que tout était fini et que je m’affaissais dans une sorte de mort, l’absence de facultés ; mais je rencontrai le regard clair et profond de mon père, et ce regard me tint debout. Le ciel y était ; sa bouche ne put prononcer une parole, mais l’œil éloquent me disait : il faut aimer après la séparation comme auparavant. La mort a des yeux et des oreilles. Il faut respecter son mystérieux silence, ne pas faiblir, savoir souffrir beaucoup et regretter toujours.

Je n’avais donc pas d’autre idéal que l’homme fort, doux et sage dont mon père était la réalisation dans ma vie d’enfant et de jeune fille. Je ne demandais à Dieu que de rencontrer un époux comme celui qu’il avait donné à ma mère : j’étais bien sûre qu’un tel homme contrer, serait un père incomparable.

Aussi, quand ma jeune sœur me demanda impétueusement si je comptais me marier, je lui répondis sans hésiter que j’y avais songé sérieusement ; mais je pus ajouter avec sincérité que je n’avais encore rencontré aucune personne qui m’inspirât la confiance nécessaire, et que je n’éprouvais pas une ardente impatience de la rencontrer, puisque mon état présent était heureux et calme.

Au lieu de rassurer ma pauvre sœur, mes paroles augmentèrent son irritation ; vous l’avez connue enfant, vous la jugiez sévèrement, vous disiez qu’elle était d’un naturel jaloux et que je la gâtais. Pourtant vous faisiez comme moi, vous la gâtiez aussi, vous subissiez le charme irrésistible de ses caresses victorieuses et de ses grâces mignonnes. N’a-t-elle pas toujours été une merveille de séduction ? Si délicate, si jolie, si craintive, si impétueuse et si tendre ! J’étais devenue sa mère, je l’adorais ;… elle m’a bien fait souffrir, et je l’adore toujours.

Je ne pus la consoler ce soir-là qu’en lui promettant presque une chose assez risible, à savoir : de n’aimer personne sans qu’elle y consentît, et je me promis à moi-même, pour n’avoir pas à me parjurer, de résister à toute affection naissante, tant que mon enfant terrible ne serait pas devenue raisonnable ou éprise pour son compte.

J’ignorais, hélas ! que le mal, car c’était un mal, était déjà fait. Elle aimait, sans le savoir, M. de Rémonville. Il était joli garçon, habillé à la dernière mode et très spirituel, comme on l’entend dans le monde, c’est-à-dire tranchant, paradoxal, prompt à la réplique, railleur dans la discussion, hautain et doucereux dans ce qu’il croyait être la victoire de ses idées. Certes Adda, à dix-sept ans, avait déjà du jugement, et elle a toujours eu de l’intelligence. Je ne m’explique donc pas comment elle fut charmée à première vue par une supériorité de si mauvais aloi.

Je ne m’aperçus de ce penchant qu’au bout de quelques semaines. Nous recevions tous les Jeudis, et M. de Rémonville continuait à nous offrir son cœur ; je dis nous, car il était difficile de savoir à laquelle des deux sœurs il s’adressait. Je pense bien que ses hommages étaient pour la dot. Il ne paraissait s’apercevoir ni de mon antipathie, ni de la sympathie d’Adda ; il attendait que l’une de nous tombât dans le piège qu’il essayait de tendre à toutes deux.

Mon père, qui le jugeait avec plus de bienveillance que moi, ne me blâma pourtant pas lorsque je lui déclarai, en présence de ma sœur, que je n’avais pas bonne opinion de sou caractère. — Vous vous trompez peut-être, me dit-il, mais il importe peu. Je respecte absolument votre liberté d’esprit, et je ne vous reparlerai pas de ce jeune homme. Dès demain, je lui ferai comprendre qu’il ne doit plus songer à vous.

— Est-ce donc une raison, s’écria ma sœur, pour que nous ne le voyions plus ?

Mon père répondit : — Je présume qu’en connaissant son sort il se retirera de lui-même.

— Et moi, reprit vivement Adda, dont les yeux brillaient comme deux saphirs, je présume qu’il en sera autrement !

Je pensai qu’elle le croyait très vivement épris de moi et ]e cherchai à la dissuader ; mais, à ma grande surprise, elle se prit à rire et à dire que je me flattais d’inspirer une passion dont M. de Rémonville ne mourrait certainement pas. Le lendemain, il reparut plus brillant que jamais et plus âpre au succès. On dit que j’ai la voix douce et que je chante purement, et comme on me priait toujours de chanter, je me mis au piano comme les autres fois sans me faire implorer. Tout à coup Adda se pencha sur moi, et, me saisissant par les deux épaules, elle me dit à l’oreille : — Je te défends de chanter ! — Je compris tout, et, feignant de chercher la musique sur le piano et de ne pas trouver le morceau que je voulais, je sortis comme pour l’aller prendre dans ma chambre. Adda vint aussitôt m’y rejoindre. Elle était fort animée. — Tu ne chanteras pas, me dit-elle, jure-moi que tu ne chanteras pas I Je vais dire que tu es un peu indisposée.

— J’y consens, répondis-je ; mais laisse-moi te dire…

— Du mal de lui ? reprit-elle en fondant en larmes. Je ne veux pas ! Je sais que tu le hais, et, à présent surtout qu’il renonce à toi sans regret échevelé, tu vas me dire qu’il est sans cœur et sans conscience. Je ne t’écouterai pas, ne me dis rien. C’est atroce de se trouver en rivalité avec sa sœur 1

J’étais confondue, désolée de voir naître une inclination inspirée peut-être par un premier instinct de jalousie dans une jeune âme sans lumière. J’essayai vainement de l’éclairer, elle me ferma la bouche en me disant que je n’avais pas le droit de juger M. de Rémonville et que je ne pouvais pas être impartiale pour lui.

Cette funeste passion lit en elle des progrès rapides, et bien que mon père n’eût pas une confiance illimitée dans le caractère de M. de Rémonville, il dut céder et remettre l’avenir aux mains de la Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/558 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/559 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/560 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/561 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/562 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/563 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/564 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/565 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/566 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/567 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/568 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/569 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/570 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/571 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/572 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/573 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/574 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/575 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/576 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/577 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/578 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/579 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/580 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/581 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/582 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/583 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/584 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/585 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/586 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/587 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/588 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/589 Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 85.djvu/590 bien… mais cela s’est dissipé en route. J’ai craint d’être grondé, et je vais bien docilement prendre mon bain ferrugineux, puisque le médecin l’a commandé ; mais le meilleur bain pour moi serait encore un thème de Mozart ou un motif de Beethoven interprété par ces deux maîtres que je viens d’entendre. Ah ! ma chère Sarah, je me reprochais d’entendre cela tout seul !

— Et sans doute, dit Adda en me lançant un regard malicieux, mon cher papa, qui n’est pas un égoïste, a fait promettre à ces deux anges de venir, avant de s’envoler à Charleville, nous donner quelque avant-goût du ciel sous forme de sérénade.

— Point du tout, répondit mon père ; ils ont juré d’eux-mêmes qu’ils y viendraient, et je vais envoyer Giron pour chercher les précieux instrumens, qui ne doivent pas être confiés au premier venu. Faites ajouter quelque chose de bon au dîner, ma chère Sarah, ces messieurs se connaissent en vins… J’irai moi-même à la cave.

Je demandai à mon père et à Adda s’il ne serait pas convenable d’inviter quelqu’un du voisinage, notre voisin le docteur, ou notre ami le pasteur Clinton, pour ne point paraître si vite favorisés de l’intimité de deux artistes célèbres. A coup sûr, la seconde visite de M. Abel, si rapprochée de la première, serait remarquée et commentée dès que le bruit de sa présence dans le pays se répandrait avec l’annonce du concert. On pourrait s’en entretenir jusqu’à Paris, et peut-être M. de Rémonville serait-il un peu intrigué de notre liaison subite avec cet artiste.

— Ah ! laisse-nous donc tranquilles avec tes scrupules ! s’écria ma sœur en riant. Mon mari se moque bien, là où il est, de ce qui se passe ici ! S’il était homme à s’en inquiéter, il y resterait. Allons donc ! il a une qualité, c’est de n’être ni soupçonneux ni jaloux. Quant à inviter les vieux voisins pour sanctionner nos rapports avec des artistes, la belle idée ! Là où notre père est avec nous, nous sommes à l’abri de tout commentaire impertinent.

— Et d’ailleurs, ajouta mon père, la musique ne sanctionne pas seulement, elle sanctifie tout !

Je dus céder et mettre tous mes soins à rendre agréable la petite fête que mon père nous avait ménagée.

(La seconde partie au prochain numéro.)

George Sand.