Malte-Brun - la France illustrée/0/5/1/6

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Constitution géognostique et productions minérales de la France. — La constitution géognostique de la France présente l’ensemble le plus complet et le plus varié des diverses formations. Le terrain primitif se montre surtout au centre de la France, où il forme le plateau central ; les terrains de transition se montrent dans les Pyrénées, la Bretagne et l’Alsace. Le terrain triasique se montre dans la Lorraine, au sud-ouest du plateau central et au nord-ouest des montagnes des Maures. Le terrain jurassique occupe à lui seul un cinquième de la superficie de la France ; il entoure le plateau central, se montre dans les montagnes du Jura, dans les Alpes et au nord de Boulogne ; les terrains crétacés constituent la Champagne et forment, dans la Normandie et le Languedoc, plusieurs bandes parallèles. Les terrains tertiaires forment presque toutes les grandes plaines de la France et sont autant de remplissages déposés entre les plateaux et les chaînes de montagnes. Les terrains d’alluvion se trouvent dans toutes les vallées ; mais ils ne forment des dépôts d’un peu d’étendue qu’autour de Dunkerque et sur le bord de la Méditerranée.

La France se divise d’ailleurs en un certain nombre de régions naturelles qui se distinguent les unes des autres par des caractères extérieurs bien tranchés, et qui sont constituées chacune par un terrain particulier ou par un groupe de terrains. En voici le tableau :

RÉGIONS MONTAGNEUSES
GRANITIQUES ET SCHISTEUSES
1. Alpes.
2. Pyrénées.
3. Vosges.
CALCAIRES
4. Maures.
5. Jura.
6. Provence.
RÉGIONS À PLATEAUX
GRANITIQUES ET SCHISTEUSES
7. Plateau central.
8. Ardennes.
9. Bretagne.
CALCAIRES
10. Causses.
11. Languedoc.
12. Quercy.
13. Haut Poitou.
14. Bourgogne.
15. Lorraine.
RÉGIONS DE PLAINES
16. Champagne.
17. Neustrie.
18. Aquitaine.
19. Limagne.
20. Bresse.
21. Alsace.

Voici maintenant quelle est approximativement l’étendue respective des terrains en France, en centièmes de sa superficie totale d’une part, et en hectares de l’autre, en prenant pour unité de la superficie de la France le nombre rond de 52 millions d’hectares :

Terrains d’alluvion
0.01 520.000
Roches volcaniques
0.01 520.000
Terrains tertiaires
0.30 15.600.000
Terrains crétacés
0.12 6.240.000
Terrains jurassiques
0.20 10.400.000
Terrains triasique et pénéen
0.05 2.600.000
Porphyres et terres carbonifères
0.01 520.000
Terrains de transition
0.10 5.200.000
Terrain primitif
0.20 10.400.000
1.00 52.000.000

Déjà la variété de ces terrains fait préjuger celle des substances que l’on doit y recueillir ; commençons par les roches employées dans les arts et recherchées pour l’ornement de nos habitations et de nos monuments. Des granites gris, roses et verdâtres ; des syénites variées en couleurs et confondues longtemps avec les granites, mais plus utiles dans les arts par le beau poli qu’elles reçoivent ; des porphyres bruns ou d’un beau vert ; des variolites tachées de blanc, de brun ou de noirâtre, sur un fond vert ou violet ; des serpentines grises, vertes, brunes, jaspées de diverses nuances, se trouvent en assez grande abondance dans le département des Hautes-Alpes. On a reconnu, il y a quelques années, que les environs de Fréjus fournissaient aux Romains un beau porphyre bleu, dont plusieurs colonnes, que l’on croyait apportées d’Égypte, ornent la basilique de Saint-Pierre de Rome. Dans la Corse, on connaît aussi les mêmes roches, mais avec des variétés plus nombreuses. C’est dans cette île que l’on trouve cette belle diorite, appelée granite orbiculaire, dont on fait des vases précieux. Les Vosges renferment beaucoup de porphyres ; d’autres départements, tels que ceux de la Loire-Inférieure, de la Manche et de la Sarthe, fournissent des granites dont quelques-uns sont employés à garnir les trottoirs de Paris ; mais, depuis plusieurs années, les laves de l’Auvergne sont utilisées pour le même usage. Nous avons longtemps envié à l’Italie la richesse de ses carrières de marbre, tandis que notre sol en possède qui peuvent rivaliser avec les plus renommées. Aujourd’hui, l’on compte une quarantaine de départements qui en exploitent : les plus connus sont ceux des Hautes, des Basses-Pyrénées, de la Haute-Garonne et des Pyrénées-Orientales, surtout ces marbres schisteux de Campan, tantôt rouges, tantôt verts ou d’un rose tendre, et dont Louis XIV fit la réputation en les employant à décorer les châteaux de Versailles et de Trianon ; le marbre dit sarancolin, qui a l’apparence d’une brèche ; des marbres statuaires, et vingt autres espèces qu’il serait trop long de citer. Quelques autres ne sont pas moins connus : ce sont les marbres rouges et blancs de l’Aude, dont on peut prendre une idée par les huit colonnes de l’arc de triomphe de la place du Carrousel, à Paris ; le bleu turquin et la brèche violette de l’Ariège ; les deux brèches des Bouches-du-Rhône, dont l’une est improprement appelée brèche d’Alep, et l’autre de Memphis ; les marbres blancs et griottes de l’Hérault, qui ornent plusieurs édifices de la capitale ; les marbres statuaires, cipolins et autres de la Corse ; ceux non moins nombreux de l’Isère et de l’Ardèche ; ceux du Jura et du Lot, utilisés dans ces deux départements ; le portor et le jaune isabelle du Var ; les marbres blancs, roses et verts des Hautes-Alpes ; la lumachelle gris-perle du Puy-de-Dôme ; le marbre coquillier de la Charente-Inférieure ; le blanc à grain fin de la Vienne ; le noir veiné et coquillier de Saône-et-Loire ; les brèches et les marbres variés de la Côte-d’Or et de l’Aube ; les gris ou jaunâtres de la Haute-Marne ; les marbres veinés de Maine-et-Loire et de la Sarthe ; les noirs et les jaspés de la Mayenne, ceux du Finistère, et les marbres variés du Pas-de-Calais, dont l’un, exploité près de Boulogne, qui a reçu le nom de marbre Napoléon, et qui a été employé à la confection de la colonne de la Grande-Armée, près de cette ville, est reconnaissable à sa couleur café au lait veiné de blanc.

D’autres roches, d’un usage plus modeste, mais aussi plus utile, forment un des produits les plus considérables du territoire français. De vastes ardoisières sont exploitées au pied des Pyrénées et dans les départements de Maine-et-Loire, de la Meuse et des Ardennes. Ceux de la Dordogne et de l’Hérault, de la Loire, de la Côte-d’Or, de l’Yonne, de la Meuse, de Meurthe-et-Moselle, de l’Oise et de la Seine ; ceux de Seine-et-Marne, de Seine-et-Marne, de Seine-et-Oise, du Calvados et de la Manche, renferment les meilleurs calcaires à bâtir ; le calcaire d’eau douce de Château-Landon prend un poli qui lui donne l’aspect du marbre : c’est de cette pierre que sont construits les quatre piédestaux du pont d’Iéna et les bords du bassin du château d’eau sur la place Daumesnil, à Paris. Les environs de Belley, de Dijon et de Châteauroux, fournissent aux dessinateurs d’excellentes pierres lithographiques. Les anciennes provinces de la Bourgogne, de la Champagne, de la Flandre et de l’Île-de-France possèdent la meilleure terre argileuse pour la fabrication des briques et des tuiles ; près de Limoges et de Saint-Yrieix, la décomposition du feldspath contenu dans les roches granitiques fournit cette substance appelée kaolin, si utile à la fabrication de la porcelaine ; dans le département de la Seine-Inférieure, on exploite, près de Forges-les-Eaux, la meilleure argile employée à faire les pipes ; et près d’Elbeuf, celle qui passe pour être la plus propre au terrage du sucre ; celle des environs de Beauvais et de Montereau est employée dans les fabriques de faïence fine ; les départements de l’Yonne, du Cher et de la Charente-Inférieure, abondants en silex, exportaient jadis à l’étranger leurs pierres à fusil ; la petite ville de La Ferté-sous-Jouarre envoie dans l’intérieur, et jusque dans le nouveau monde, ses meules formées de silex-meulière ; les grès des environs de Versailles et de Fontainebleau sont d’une grande utilité pour le pavage de Paris et des routes qui avoisinent cette capitale ; la craie tendre des départements de la Marne, de la Seine et de Seine-et-Oise, est façonnée en pains, qui s’emploient sous le nom de blanc d’Espagne ; enfin, le gypse des environs de Paris fournit l’excellent plâtre dont cette capitale consomme une si grande quantité ; et les carrières d’où on le tire en expédient à des distances considérables.

Les produits qui constituent la richesse minérale de la France ont éprouvé depuis plusieurs années un accroissement sensible et laissent entrevoir dans l’avenir de nouvelles causes d’augmentation. Le fer est le métal qui occupe le plus grand nombre d’usines : en 1880, on en comptait près de 2,500 dont la fabrication donnait une valeur de plus de 150 millions de francs.

Le territoire français est assez riche en minerais de plomb. Ce sont les mines de plomb argentifère que l’on exploite dans les départements du Puy-de-Dôme, du Finistère, de la Lozère et des Vosges, qui produisent la quantité d’argent que l’on recueille en France. Il en existe de semblables, mais qui ne sont point encore exploitées, dans l’Ariège, la Haute-Vienne, les Deux-Sèvres et la Manche. Des montagnards de l’Isère, qui vendent souvent aux orfèvres de Grenoble des morceaux de minerai d’argent, donnent lieu de présumer que la mine d’Allemont, et probablement d’autres des environs, seraient d’un produit important. Le manganèse est tellement abondant en France qu’elle pourrait en approvisionner toute l’Europe. Les alluvions de plusieurs cours d’eau renferment des parcelles d’or. Le Salat, qui sort des Pyrénées, la Cèze et le Gardon, qui prennent leur source dans les Cévennes, l’Ariège et la Garonne, auprès de Toulouse, le Rhône, à la limite du département de l’Ain, et le Rhin, au-dessous de Strasbourg, voyaient jadis sur leurs rives un grand nombre d’individus qui faisaient métier de recueillir ce métal mais, aujourd’hui, le bénéfice d’un orpailleur surpasse à peine ce qu’il gagnerait à un travail plus utile ; et sur les bords du Rhin, où l’on en compte le plus, la récolte du précieux métal, depuis Bâle jusqu’aux environs de Mayence, ne produit pas, année commune, plus de 15,000 francs. Les mines d’or de la Gardette, dans le département de l’Isère, pourraient donner d’importants résultats, si leur exploitation était mieux dirigée.

Voici, d’après la moyenne de ces dernières années, la récapitulation de la quantité moyenne annuelle de métaux que la France a retirée de ses mines :

Quintaux.
Fonte
3.589.996
Gros fer
2.444.197
Acier
69.000
Plomb
2.628
Litharge
3.397
Alquifoux
516
Argent
1.908
Cuivre
900
Antimoine
617
Sulfure d’antimoine
973
Manganèse
65.757

Les autres substances minérales exploitées en France forment une partie considérable de sa richesse territoriale : 32 départements possèdent des houillères ; quelques-uns renferment un autre combustible appelé lignite[1], du sulfate de fer, de l’alun, de la poix minérale et du pétrole. Un seul, celui de la Meurthe, possède des sources salées et une mine de sel gemme.

La houille est obtenue en France de 71 bassins houillers, comprenant près de 600 concessions dont les plus considérables sont, suivant l’importance de leurs produits, ceux de la Loire, où il y a 59 mines concédées (c’est le plus abondant de tous, et qui fournit la meilleure qualité connue de houille collante) ; de Valenciennes ou du Nord, 38 mines concédées ; du Creuzot et de Blanzy, 13 mines concédées ; d’Alais, 22 mines concédées ; d’Aubin, 11 mines concédées ; d’Épinac ou d’Autun, 4 mines concédées ; de Brassac, 8 mines concédées ; de Littry, une mine concédée ; de la basse Loire, 8 mines concédées ; etc. Toutes ces exploitations : de Montceau-les-Mines, de Graissessac, de Carmaux, d’Alais, de La Grand-Combe, etc., etc., produisent annuellement environ 25 millions de tonnes de houille. La lignite est obtenue de 20 bassins, dont les principaux sont ceux d’Aix, de La Tour-du-Pin, de Bagnols, Orange, etc. Ils produisent 993,651 quintaux métriques de charbon. L’anthracite est obtenue dans 5 bassins ; le nombre des mines exploitées est de 30, et elles produisent près d’un million de quintaux métriques de charbon. Les tourbières sont très nombreuses : on en compte 3,027, principalement dans les départements de la Somme, de la Loire-Inférieure, du Pas-de-Calais, de l’Oise, de Seine-et-Oise, de l’Aisne, du Nord, de la Marne, etc. ; elles produisent 4,184,585 quintaux métriques de tourbe.

La valeur des substances minérales non métalliques, estimées à leur prix moyen, s’élève à plus de 48 millions. L’exploitation de ces substances comprend plus de 2,270 mines ou minières, et occupe plus de 80,000 ouvriers.

Si nous ajoutons au produit des substances métalliques et non métalliques ceux des diverses carrières exploitées en France, nous y trouverons encore un élément de richesse d’une grande importance, car ils dépassent aujourd’hui 60 millions de francs.

Pour compléter le tableau des diverses branches d’industrie qu’alimentent les substances minérales du sol français, il faut ajouter une production de 200 millions provenant des différentes fabrications dont les matières premières sont d’origine minérale.

En considérant l’ensemble de toutes les industries dont nous venons de présenter le tableau, on voit qu’elles constituent plus de 60,000 établissements, qu’elles emploient plus de 300,000 ouvriers, et qu’elles livrent au commerce une valeur de près de 400 millions.

La France est plus riche à elle seule en eaux minérales que tout le continent européen. La valeur créée aujourd’hui par leur exploitation dépasse vingt-cinq millions. La France, en dehors du groupe de l’Algérie, ne compte pas moins de 1,027 sources minérales exploitées, dont 318 sulfureuses, 357 alcalines, 136 ferrugineuses et 215 salines. 386 de ces sources sont froides jusqu’à 15°, 641 sont thermales au-dessus de 15°.

Les départements qui renferment le plus grand nombre de sources exploitées sont les suivants :

Puy-de-Dôme, 94 ; Ardèche, 77 ; Vosges, 76 ; Ariège et Pyrénées-Orientales, 69 ; Hautes-Pyrénées, 64.

Est-on curieux de savoir combien de malades sont allés demander, en 1882, à ces sources la guérison de leurs affections ?

Ce sont les Hautes-Pyrénées qui en ont attiré le plus grand nombre. Ce département, à lui seul, a reçu 44,476 visites. Viennent ensuite le Puy-de-Dôme, 18,619 ; l’Allier, 16,430 ; la Haute-Garonne, 14.230 ; les Landes, 12,954.

Le débit de toutes les sources de France est de 46.412 litres par minute.

  1. Végétal fossile qui a conservé son tissu ligneux et qui est d’une formation moins ancienne que la houille.