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Malte-Brun - la France illustrée/1/3/25

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Jules Rouff (1p. 25-26).
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Gex (lat. 46° 20’ 9" ; long. 3° 43’ 23" E.). — Gex (Gesium, Gestum), à 83 kilomètres au nord-est de Bourg, chef-lieu de sous-préfecture, peuplé de 2,719 habitants, avec tribunal de première instance et société d’agriculture, autrefois capitale du pays de Gex, baronnie, châtellenie royale, était le siège d’un gouvernement particulier, d’une prévôté de maréchaussée et relevait du diocèse de Genève.

L’origine de cette ville se perd dans la nuit du moyen âge. La baronnie de Gex relevait du comté de Genève, c’était l’apanage des cadets de cette maison ; la barbarie des temps féodaux se révèle à chaque page de son histoire. Au XIIIe siècle, un comte de Genève fait construire au-dessus de la ville de Gex un château fort pour servir de retraite aux bandes de pillards qu’il lançait sur les terres de Savoie ; Amé IV, de son côté, élève sur les marches du pays de Gex une citadelle, appelée Marnalz, qui menace les possessions de son dangereux voisin. Celui-ci, ne pouvant assouvir sa colère sur la personne de son ennemi, fait saisir l’architecte et les maçons qui ont bâti Marnalz et les massacre impitoyablement. Par représailles, les gens de Savoie s’emparent d’un gentilhomme nommé Foucigny, qui passait pour le favori du comte de Genève ; ils le décapitent et pendant la nuit vont clouer sa tête, comme une hure de sanglier, à la porte du fort de Gex, nouvellement construit, et qui s’appelait le fort Gaillard.

La vengeance appelle la vengeance ; quelque temps après on célébrait à Marnalz une de ces fêtes ou vogues, auxquelles venaient prendre part, comme dit un vieil historien, gens de toute sorte qui faisoient mille insolences et ivrogneries ; dans la foule, on n’avait pas remarqué certains groupes de paysans suspects qui, à un signal donné, se réunirent, montrèrent les armes qu’ils avaient tenues cachées sous leurs vêtements, se précipitèrent tous ensemble vers la citadelle, surprirent les sentinelles, pénétrèrent dans la place et passèrent la garnison au fil de l’épée. C’étaient des habitants de Gex et des Genevois, leurs alliés, qui, pour venger la mort de Foucigny, coupèrent la tête du commandant assailli pendant son sommeil et l’attachèrent à la porte du château avec deux flèches plantées dans le front, en façon de cornes, disant que, si les Savoyards avaient tué le sanglier, ils avaient, eux, pris le cerf. À peine informé du succès de l’expédition, le seigneur de Gex arriva pour présider à la démolition de Marnalz, mais peu s’en fallut qu’il ne fût surpris par le comte de Savoie, accouru au secours des siens ; il ne dut son salut qu’à la rapidité de son cheval et perdit dans le combat presque tous les soldats qui l’accompagnaient.

C’est vers cette époque, en 1353, que la baronnie de Gex fut conquise par Amé le Vert à la maison de Savoie. Hugard, seigneur de Gex et homme lige du dauphin de Viennois, ayant eu à se plaindre de son suzerain, promit au comte de Savoie de lui faire, après sa mort, hommage de sa baronnie ; il s’en repentit sans doute, car à son lit de mort il institua pour son héritier Hugues de Genève, à la condition que celui-ci se reconnaîtrait vassal du dauphin de Viennois ; le legs et ses clauses avaient été acceptés, lorsque Amé le Vert réclama du nouveau seigneur de Gex l’hommage promis par Hugard ; le refus de Hugues amena la guerre ; Amé envahit le pays, assiégea Gex qui, après une vaillante résistance, dut ouvrir ses portes à son nouveau maître ; la garnison avait obtenu la vie sauve et défilait devant le vainqueur, lorsque Amé IV aperçut le commandant de la place : « Mon gentilhomme, lui cria-t-il, allez dire à votre maître qu’il n’a plus rien à faire avec moi pour la baronnie de Gex, et que son seigneur le dauphin. ne sera cette fois assez puissant pour la lui maintenir. »

Gex, en effet, resta jusqu’en 1601 annexé aux États de Savoie. Les seuls faits à signaler pendant cette période sont l’enlèvement, près de la ville, par Charles de Bourgogne, de la duchesse de Savoie, Yolande, et de ses deux enfants ; le duc, en usurpant la tutelle du jeune Philippe, voulait s’immiscer dans les affaires de Savoie ; mais Olivier de La Marche, son gouverneur, ému de pitié par l’âge de cet enfant, le conduisit lui-même à Genève. À deux reprises, en 1536 et quelques années après, la république de Genève, dans ses démêlés avec les princes de Savoie, s’empara de la ville de Gex ; mais elle ne garda de cette conquête que quelques villages si évidemment désignés par la nature des lieux comme annexes de son territoire, que depuis cette époque ils ont continué à en faire partie. La ville de Gex et tout le pays de ce nom fut compris dans la cession faite à la France en 1601. Son histoire semble terminée à cette époque, tant a été profonde la paix dont la contrée a joui depuis.

Cette ville, qui se compose presque uniquement d’une rue assez large, mais d’une pente rapide, est située dans la position la plus pittoresque ; le voyageur, placé sur une petite terrasse ombragée de beaux arbres qui domine la ville, peut du regard embrasser le lac Léman, Genève et les montagnes de Savoie, couronnées par le mont Blanc. De l’ancienne distribution de Gex, divisé jadis en trois parties du château fort, des couvents, des murailles, il reste à peine quelques vestiges ; l’ouvrage des hommes a péri au milieu de l’éternelle jeunesse des œuvres de Dieu, sans que rien ait pu altérer l’aspect majestueux des cimes verdoyantes du Jura et du mont Saint-Claude, la grâce des rives toujours fleuries du rapide et harmonieux torrent le Jornant.

La principale industrie des habitants de Gex consiste dans la fabrication de fromages, façon gruyère, qui rivalisent avec ceux de la Suisse, dans la préparation des cuirs, dans un commerce assez étendu de vins et de charbon.

C’est la patrie du théologien Émery et de M. Girod de l’Ain, député et pair de France sous le roi Louis-Philippe.

Les armes de la ville sont : coupé d’argent et de gueules, à un geai naturel couronné d’une couronne de côté d’or. Alias : d’azur à trois morailles d’or, liées d’argent l’une sur l’autre, au chef de même, chargé d’un lion issant de gueules.