Manuel de la parole/15/67

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J.-P. Garneau (p. 268-270).

LE PETIT NOMBRE DES ÉLUS


Je m’arrête à vous, mes frères, qui êtes ici assemblés. Je ne parle plus du reste des hommes. Je vous regarde comme si vous étiez seuls sur la terre : et voici la pensée qui m’occupe et qui m’épouvante. Je suppose que c’est ici votre dernière heure et la fin de l’univers ; que les cieux vont s’ouvrir sur vos têtes ; que Jésus-Christ va paraître dans sa gloire au milieu de ce temple, et que vous n’y êtes assemblés que pour l’attendre, comme des criminels tremblants, à qui l’on va prononcer, ou une sentence de grâce, ou un arrêt de mort éternelle. Car vous avez beau vous flatter, vous mourrez tels que vous êtes aujourd’hui. Tous ces désirs de changement qui vous amusent, vous amuseront jusqu’au lit de la mort : c’est l’expérience de tous les siècles. Tout ce que vous trouverez alors en vous de nouveau, sera peut-être un compte un peu plus grand que celui que vous auriez aujourd’hui à rendre ; et sur ce que vous seriez, si l’on venait vous juger dans ce moment, vous pouvez presque décider de ce qui vous arrivera au sortir de la vie. Or, je vous le demande, et je vous le demande frappé de terreur, ne séparant pas en ce point mon sort du vôtre, et me mettant dans la disposition où je souhaite que vous entriez. Je vous demande donc : Si Jésus-Christ paraissait dans ce temple, au milieu de cette assemblée, la plus auguste de l’univers, pour nous juger, pour faire le terrible discernement des boucs et des brebis, croyez-vous que le plus grand nombre de tout ce que nous sommes ici fût placé à la droite ? Croyez-vous que les choses, du moins, fussent égales ? Croyez-vous qu’il s’y trouvât seulement dix justes, que le Seigneur ne put trouver autrefois en cinq villes tout entières ? Je vous le demande. Vous l’ignorez, et je l’ignore moi-même. Vous seul, ô mon Dieu ! connaissez ceux qui vous appartiennent. Mais si nous ne connaissons pas ceux qui lui appartiennent, nous savons, du moins, que les pécheurs ne lui appartiennent pas. Or, qui sont les fidèles ici assemblés ? Les titres et les dignités ne doivent être comptés pour rien : vous en serez dépouillés devant Jésus-Christ. Qui sont-ils ? Beaucoup de pécheurs qui ne veulent pas se convertir ; encore plus qui le voudraient, mais qui différent leur conversion ; plusieurs autres qui ne se convertissent jamais que pour retomber ; enfin un grand nombre qui croient n’avoir pas besoin de conversion : voilà le parti des réprouvés. Retranchez ces quatre sortes de pécheurs de cette assemblée sainte : car ils en seront retranchés au grand jour. Paraissez maintenant, Justes. Où êtes-vous ? Restes d’Israël, passez à la droite ! Froment de Jésus-Christ, démêlez-vous de cette paille destinée au feu ! Ô Dieu, où sont vos élus ? Et que reste-t-il pour votre partage ?

Massillon.