Manuel des expressions vicieuses les plus fréquentes/B

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Imprimerie MacLean, Roger et Cie (p. 5-11).


B


BACHELIER. — Par ce mot, l’on désigne souvent, mais à tort, le garçon ou le célibataire.

BADRER. — C’est encore un mot anglais francisé, et assurément il n’est pas un des moins ridicules, surtout lorsqu’on dit : c’est badrant ! Nous avons les épithètes d’ennuyeux, de fatigant, voire même de scieur, qui rendent parfaitement l’idée de badrer ; pourquoi donc ne pas nous en servir ?

BAILLER. — Vieux mot qui signifiait Donner et qui n’est plus usité qu’au palais, et encore l’est-il rarement ; mais dans nos campagnes il est encore d’un emploi journalier, bien qu’il soit difficile de le reconnaître, tant il est aujourd’hui corrompu. Dans toutes leurs transactions, nos paysans disent : Je vous barerai tant pour telle chose, au lieu de baillerai.

BAKING POWDER. — Poudre à levain.

BALANCINE. Cordes qui suspendent par leurs extrémités les barres de bois transversales auxquelles sont attachées les voiles d’un navire. C’est donc erronément que l’on se sert de ce mot pour celui de balançoire.

BALLIER. — Corruption du verbe balayer.

BANC. — Par le mot bench, l’homme de loi anglais désigne la magistrature de l’ordre judiciaire. Notre barreau franco-canadien, lui, a tout bonnement pris le mot banc, et il semble croire qu’il signifie la même chose, car pas un de ses membres ne qualifie autrement l’honorable corps des juges ! L’expression consacrée en France étant à la fois beaucoup plus respectueuse et plus logique, messieurs les avocats feraient bien de l’adopter, sinon, lorsqu’il sera question de leurs visées, force sera de dire qu’ils aspirent à monter sur le banc, au lieu de : à entrer dans la magistrature, — manière de parler beaucoup plus digne !

BANC. — Mot improprement employé à la place de gradin, meuble fait pour y placer des pots de fleurs.

BANDE — Bande de musique, bande militaire. — Désignations empruntées de l’anglais par nous, tandis que nous avons celles-ci, qui valent beaucoup mieux : corps de musiciens, musique militaire ou de régiment.

BARDOT VOLANT. — Terme impropre dont beaucoup se servent pour designer le hanneton.

BARBOT. — On appelle ainsi, mais à tort, l’insecte de la famille des coléoptères. Escarbot est le nom français de cet insecte.

BARBOT. — Presque tous les écoliers disent barbot pour pâté, lorsqu’ils laissent tomber une goutte d’encre sur du papier.

BARDA. — Les classes ouvrières, particulièrement les femmes, se servent de ce terme au lieu de ranger, nettoyer ou faire le ménage. La disparition de ce barbarisme est grandement à désirer.

BARDEAU. — Terme d’imprimerie synonyme de casseau. C’est une réserve, distribuée comme la casse, dans laquelle on survide les sortes surabondantes. C’est ce que nos typographes appellent erronément la casse de fonte.

BARGAIN. — Dans le petit commerce on ne se sert pas seulement de ce terme, on en a même fait un verbe, car l’on dit : J’ai bargané ou je barganerai tels effets, et cela bien que tous sachent qu’échanger ou entrer en marché sont les bons termes correspondants.

BARLEY. — Rarement l’on désigne ce grain par son nom français, et pourtant le mot orge est bien connu. Peeled barley, orge mondée, pearl barley, orge perlée.

BARRE. — Ce mot est mal appliqué, lorsque par lui nous voulons désigner le comptoir ou la buvette d’une auberge.

BARRENE. — Jeu d’enfants qui consiste en une manière d’échelle tracée avec de la craie, dans laquelle on marche à cloche-pied, en poussant avec le pied une espèce de palet. Le nom français de ce jeu est mérelle ou marelle.

BARRER.Barrer une porte se dire lorsque cette porte se ferme au moyen d’une barre ; mais si elle se ferme à la clé, il est plus logique de dire porte fermée à clé que porte barrée.

BATISSE. — Tout ce qui concerne la maçonnerie d’un bâtiment ou édifice. C’est donc à tort qu’on emploie ce terme pour designer un bâtiment ou édifice dans son entier.

BED. — L’on apelle bed, à Québec, le meuble qui sert à la fois de lit et de banc ; banc-lit est le nom français de ce meuble.

BELT.Ceinturon de cuir ou d’étoffe.

BER. — Mot très français, mais nullement usité aujourd’hui, et que l’on ferait bien de laisser dormir à son tour, puisque partout en France berceau l’a remplacé.

BEURRÉE. — Tranche de pain sur laquelle on a étendu du beurre. Dire tartine et non beurrée de confitures lorsque la tranche de pain est recouverte de confitures.

BIEN ? (VOUS ÊTES). — Traduction littérale de l’anglais You are well ? et que beaucoup substituent à la bonne locution : « Vous vous portez bien ? »

BILLET COMPLÉMENTAIRE. — Se dit souvent et à tort pour billet de faveur, billet qui permet d’assister gratuitement à un spectacle, à une exposition, etc. Cette erreur est encore due à la traduction littérale de l’anglais complimentary ticket.

BILL OF LADING.Connaissement. Ce mot est assez connu, mais nos marchands se servent de préférence de l’anglais. Inutile d’ajouter qu’ils ont tort.

BILLOTS. — On donne a tort ce nom aux bois coupés d’une certaine longueur, mais non dégrossis ou equarris et qui doivent être sciés en planches ou madriers. Grumes ou bois en grume sont les termes servant à les désigner.

BITTERS. — Pour bien des gens bitters et absinthe sont deux choses tout-à-fait différentes, tandis qu’il n’y a de différence réelle que dans les noms. Il n’est pas besoin de dire qu’absinthe est le mot dont on devrait toujours se servir.

BITTERS (MIXED). — Absinthe composée.

BLACK BALL. — Autrefois, peu de temps, sans doute, après la cession du pays aux Anglais, le cirage qu’il y avait sur notre marché était en boule ; de là le nom de black ball ; mais plus tard, la maison Day et Martin, de Londres, en fit cesser la vogue, en introduisant ici son célèbre cirage liquide — en cruches par conséquent — ce qui n’empêcha pas nos bons Canadiens de toujours désigner cet article sous le nom de black ball. La vogue de ce cirage cessa à son tour, et notre marché en eut cette fois en tablettes, qui nos bons Canadiens continuèrent d’appeler black ball. Le cirage en tablettes fit place au cirage en boîtes, et nos bons Canadiens l’appelèrent encore black ball ! La tradition est chose qu’il faut respecter, d’ordinaire ; mais, dans le cas présent nous pouvons, je crois, en rire, jusqu’à ce que le cirage nous revienne en boule.

BLACK-EYE.Œil poché. Bien qu’il soit connu, il est rare qu’on se serve du terme français.

BLOWER. — Peu de gens connaissent le terme français correspondant : bouchoir, boîte affectant la forme d’un porte-ordure profond, munie d’une poignée et servant à boucher la partie supérieure d’une grille lorsqu’on veut activer le tirage de la cheminée.

BOIS FRANC. — C’est bois dur que l’on devrait dire.

BOIS DE SCIAGE. — C’est par ces mots que pendant longtemps l’on a traduit l’expression américaine saw logs, expression synonyme de round timber, laquelle signifie bois en grume ou troncs d’arbres coupés d’une certaine longueur. Il était impossible de rendre plus mal l’idée que comportent saw logs, bois de sciage signifiant celui qui provient d’une pièce refendue avec la scie.

BOÎTE. — Beaucoup d’avocats sont dans une complète ignorance de la nomenclature de leur profession, ignorance à laquelle ils suppléent en se servant, soit du mot anglais même, soit en le traduisant. Toujours ils disent : la boîte des témoins, la boîte des jurés, et pourtant, s’ils s’étaient donné la peine, ou plutôt l’agrément de lire le code français, ils sauraient qu’au lieu de boîte il faut dire : banc des témoins, banc des jurés, etc.

BOMBE. — À Québec, l’on dit presque toujours bombe, et à Montréal, canard, au lieu de bouilloire, et cependant, ce dernier mot désigne assurément mieux que les deux autres l’objet dont il est question.

BOOM. — Ce mot est employé par nous, car l’on dit bôme pour désigner une estacade flottante ou barrage en dedans duquel l’on tient du bois en flotte.

BOOT-TREE.Embouchoir. Instrument formé de quatre pièces de bois et servant aux cordonniers pour élargir les chaussures trop étroites. Ce nom est ignoré par le grand nombre dans cette classe d’ouvriers.

BOSS. — Mot hollandais, qui signifie maître, bourgeois ou patron, et très usité en ce sens aux États-Unis. Nos ouvriers s’en servent aussi parfois dans cette acception. Le Vocabulaire de l’abbé C. fait donc erreur en donnant chef d’atelier comme étant le terme qui doit remplacer boss.

BOUCHARDE. — Outil d’acier par le bas et fait en plusieurs pointes à diamant, à l’usage des tailleurs de pierres et désigné par eux sous le nom de ciseau à dents ; mais ils se trompent davantage lorsqu’ils appellent boucharde le marteau dentelé ou brételé, vu que laie est le véritable nom de ce marteau.

BOUILLOIRE. — Un grand nombre emploient improprement ce terme pour chaudière de machine à vapeur.

BOW-SAW.Scie à chantourner. Les menuisiers et ébénistes désignent presque toujours cette scie par son nom anglais.

BRACE (TO). — Poser des bandages de fer en dedans de l’avant d’un navire. C’est ce que les charpentiers appellent à tort brécer.

BRAID. — Bordures de robes de femmes. Milleret est le nom français de cette bordure, que nous appelons indifféremment braid ou miret ; mais il est facile de voir que ce dernier mot est la corruption de milleret.

BRAN, MOULÉE DE SCIE.Sciure de bois est le mot usité aujourd’hui en France.

BRANCARD. — Nous donnons d’ordinaire à ce substantif une acception que le dictionnaire ne lui reconnaît pas, lorsque par lui nous voulons désigner ce qui reste de cartes après qu’on a donné à chacun des joueurs le nombre qui lui en revient. Talon est le mot dont il faut se servir en ce cas.

BRANCH. — Les employés publics, et bien d’autres après eux, disent : la branche des douanes, au ministère des finances ; la branche des arpentages, au ministère des terres, — et cela parce que l’anglais dit branch, — tandis que division est le terme français correspondant. Cette mauvaise habitude qu’on a de toujours traduire le mot anglais au lieu d’en chercher l’équivalent, finira bientôt par corrompre tout à fait notre langue, surtout si ceux qui devraient la bien parler ne travaillent pas à s’en corriger.

BRANCH-MAN.Porte-lance. Pompier qui, aux incendies, tient le tube de cuivre d’où s’échappe le jet. Voir Pipe.

BRANDY. — Tout le monde sait qu’eau-de-vie est le nom français de ce spiritueux ; mais non content de le désigner par le nom anglais, l’on dit encore : du pale, du dark brandy et c’est là le comble du ridicule, car si l’on veut du dark, il ne s’agit que de demander de l’eau-de-vie colorée : l’autre qualité de cette boisson se désigne sans qualificatif.

BRASSER LES CARTES. — C’est battre les cartes qu’il faut dire.

BREAST HOOK. — Fortes pièces de bois courbes que l’on applique en dedans de l’avant du vaisseau pour le lier et le renforcer, pièces que l’on désigne en français sous le nom de guirlande.

BRICKLAYER.Maçon-briqueteur.

BRIN et GRAIN. — En disant : il tombe des brins, des grains de pluie, l’on commet une faute. Pour l’éviter, dites : gouttes de pluie.

BROCHES. — Se dit à tort pour aiguilles à tricoter. On se méprend de même en disant de la broche pour du fil d’archal.

BROU. — Partie verte la plus extérieure des fruits à coquille et dont on tire une matière colorante qui s’emploie en teinture ; mais lorsque le peuple se sert de ce terme, il lui donne une toute autre signification, car il le substitue toujours au mot mousse dans les locutions suivantes : de la brou de savon ; de la brou de bière, etc.

BUN.Brioche, sorte de gâteau, dans lequel il entre d’ordinaire des raisins de Corinthe.

BUTIN. — Par ce mot, les classes laborieuses désignent le linge et tous les articles d’habillement. Si elles savaient que butin veut dire objets volés, ou tout ce qui peut être pris à l’ennemi, nous pensons bien qu’elles cesseraient de le mal appliquer ; mais sa mauvaise application ne disparaîtra qu’à la longue, si dans les écoles on ne corrige les élèves des expressions erronées dont fourmille notre langage.

BUTT (TO). — Les charpentiers de navire disent botter au lieu de rogner des pièces de bois. Ils appellent aussi botteur celui qui est chargé de cette besogne.