Manuel des expressions vicieuses les plus fréquentes/C

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Imprimerie MacLean, Roger et Cie (p. 11-20).


C


CAFIÈRE. — Corruption de cafetière.

CAGE. — L’on appelle à tort cage le train de bois.

CAILLE. — Pour signifier tacheté de blanc et de noir, en parlant des bestiaux, etc. ; ce mot n’est pas français.

CALÈCHE. — Voiture riche à quatre roues, fort légère, ordinairement découverte et traînée par deux chevaux. Nous faisons, par conséquent, erreur en appelant calèche la voiture légère à deux roues, dont se servent nos cochers de place. Cabriolet est le nom de cette voiture.

CALOTTE. — S’emploie au lieu de casquette, et bien à tort, vu que calotte est un petit bonnet sans visière qui ne recouvre que le dessus de la tête.

CAMBRIC. — Sorte de tissu de coton et dont percale est le nom français.

CAN. — Mettre sur le can. Ce mot n’est pas français et doit être remplacé par l’adverbe de champ, qui signifie poser horizontalement une chose sur le côté le plus étroit. Exemple : placer une brique, des solives de champ.

CANAPÉ, SOFA. — L’on donne toujours le nom de sofas aux canapés qui parent les salons. Le sofa est un lit de repos qui sert de siége, et le canapé un long siége à dossier.

CANISTRE. — Ce mot n’étant pas français, il serait sage de le remplacer par boîte et bidon, dans les cas suivants : boîte de homard ; boîte à thé, à café, au lait ; bidon à l’huile, etc.

CANTHOOK. — Espèce de crochet muni d’un manche et dont on se sert pour déplacer des pièces de bois. Renard est le nom français.

CAPITAL POLITIQUE. — Faire du capital politique. Cette acception du mot capital est anglaise. Dites : faire du prosélytisme ou de la propagande politique.

CARIOLE. — Petite charrette couverte et ordinairement suspendue. C’est donc une faute de désigner ainsi la voiture d’hiver qui, aujourd’hui, fait place à un traîneau plus élégant, plus élevé de terre, et que l’anglais nomme sleigh et cutter. Ces voitures d’hiver existent aussi en France, mais elles ne portent pas, même celles qui servent au transport de charges, etc., d’autre nom que celui de traîneau ; c’est pourquoi nous ferions bien de ne les désigner que par ce terme, auquel, sans déroger, nous pourrions ajouter au besoin les qualificatif suivants : traîneau de place ; traîneau de luxe ; traîneau de charroi.

CARREAUTÉ. — Mot créé dans le pays pour désigner les étoffes à carreaux. On va même jusqu’à dire des carreautés ! Enfin, quand on prend du galon… !

CASSEROLE. — Ustensile de cuisine ; mais par ce mot nous voulons désigner, nous, le vase de fonte attaché au devant d’un poële pour en recevoir les cendres qui s’en échappent. Inutile de dire que nous nous trompons en nommant casserole ce vase, dont le véritable nom est cendrier.

CASTONADE. — Corruption de cassonade.

CASTOR (Huile de). — D’après cette désignation, on ne peut qu’être porté à croire que l’huile employée d’ordinaire comme laxatif vient du castor même, tandis qu’elle est extraite d’une graine et que son vrai nom est huile de ricin.

CATIN. — Ainsi que dans quelques provinces françaises, nos petites filles appellent ainsi leurs poupées ; mais catin signifiant aussi femme ou fille de mauvaises mœurs, il serait sage de lui préférer le terme qui ne peut prêter à l’équivoque.

CATINER. — Verbe auquel nul dictionnaire ne donne le droit de bourgeoisie, mais très-usité en ce pays ; or, comme il prête trop à l’équivoque, nous ferions bien de le laisser tomber dans l’oubli en enseignant à nos bambins à ne se servir que de la locution « jouer à la poupée. »

CATSUP. — Sauce piquante faite de champignons ou de brou de noix : Sauce de champignons.

CAVEAU. — Petite cave. Par ce mot nous désignons cette espèce d’armoire ménagée dans les murs ou sous un escalier, et dont le nom français est placard.

CENTIN. — Ce mot figure dans la plupart de nos lois depuis que nous avons adopté le cours décimal ; mais il serait logique de le remplacer par centime, lequel désigne la centième partie de la piastre, qui est notre unité monétaire, aussi bien que celle du franc, qui est l’unité monétaire de la France.

CHALLENGE (TO). — Signifie provoquer ou récuser, selon le cas ; mais le verbe anglais est fréquemment employé par un grand nombre, voire même par certains de nos hommes de loi, qui ne se gênent pas pour dire : je challenge ou j’ai challengé ces jurés.

CHAMPLURE. — Trou pratiqué au bas d’un tonneau ou baril, pour en faire écouler le contenu. C’est donc à tort qu’on emploie ce mot pour celui de robinet.

CHANDELLE. — Ne dites pas : tuez la chandelle ; la chandelle va mourir. Cette manière de parler est on ne peut plus ridicule. Dites : Éteignez la chandelle ; éteignez le feu ; la chandelle, le feu va s’éteindre.

CHANGE. — Ne dites pas : avez-vous du change pour cinq piastres ? mais : avez-vous la monnaie de cinq piastres.

CHARBON (Huile de). — C’est encore à la traduction littérale des mots anglais coal oil que l’on doit de mal désigner l’huile de pétrole.

CHARGE. — S’emploie dans ce cas-ci, dans nos palais de justice : « La charge du juge au jury. » Pas n’est besoin de dire que c’est là une fausse acception que nos hommes de loi pourraient éviter facilement. Si charge est parfois synonyme de caricature, ils deviennent certainement un sujet de charge lorsqu’ils se servent de ce mot au lieu de résumé.

CHARGER. — On charge, on m’a chargé tant pour cette marchandise. Ces deux expressions sont anglaises. Pour être exact, il faut dire : « On demande tant, on m’a pris tant pour cette marchandise. »

CHARRETIER. — Ce mot ne désigne que la personne qui gagne sa vie à voiturer diverses choses dans une charrette. Ainsi, nous faisons erreur en appelant charretier au lieu de cocher celui qui mène un carosse, ou toute autre voiture servant au transport des personnes.

CHARS. — Improprement employé pour désigner toutes les voitures en usage sur les chemins de fer. D’après les Annales des Ponts et Chaussées, voitures désignent les véhicules affectés aux voyageurs, wagons ceux servant au transport des marchandises et bestiaux, et wagons-tombereaux ceux employés aux travaux de terrassement, de ballastage, etc.

CHÂSSIS. — L’on dit d’ordinaire, mais à tort, châssis pour fenêtre ou croisée.

CHENIQUER. — Ce mot, calqué sans doute sur le verbe anglais to sneak, s’emploie par un grand nombre dans le sens de renoncer, de céder, et d’avoir peur.

CHÈQUER. — C’est encore un verbe de création canadienne, et dont la classe marchande se sert dans les cas suivant : chèquer un compte, un livre de comptes, et cela quoique la comptabilité française ait déjà deux verbes analogues à son service : vérifier ou contrôler un compte, etc. Sur les chemins de fer et les bateaux à vapeur, les garde-bagage disent aussi chèquer ; mais, pour eux, cela signifie marquer ou numéroter les colis qu’on leur remet, et en échange desquels ils donnent des jetons de cuivre numérotés (aussi appelés checks en anglais), jetons que l’on présente ensuite au terme du voyage pour ravoir les objets qu’on leur a confiés.

CHEVAL. — On appelle ici cheval ce cadre de bois léger sur lequel on met sécher le linge. Séchoir est le nom français de ce cadre.

CHEVAL À CHEVAL. — Se dit entre joueurs lorsqu’ils ont gagné chacun une partie à un jeu quelconque, et qu’il s’agit de jouer la partie décisive. Cette expression vient de l’anglais horse and, mais dans notre langue, manche à manche est l’expression voulue.

CLAIR (Je suis). — Expression imitée de l’anglais, I am clear, et qui s’emploie souvent, mais à tort, pour indiquer qu’on a fini une tâche, un travail, que l’on est sorti victorieux d’une lutte ou d’une partie à un jeu quelconque.

CLAIRER. — Mot anglais vicié, qu’on emploie impérativement. Exemple : clairez le chemin, clairez la maison, et cela à la place de ces expressions plus correctes : livrez le chemin, videz la maison.

CLARET. — Les Anglais donnent ce nom au bordeaux ; mais il y a aussi le clairet, vin léger et qui est un peu clair. Entre ces deux espèces la différence est assez sensible pour que, sans peine, chacun les désigne par leur propre nom.

CLERC. — On fait erreur en disant : clerc notaire, clerc avocat. Pour être exact, dites : clerc de notaire, et étudiant en droit.

CLERC DE POLL (Poll Clerk). — Greffier de bureau de votation. C’est ainsi que la loi désigne cet officier.

CLINCHING. — En terme de construction, ce verbe signifie river. Dans nos chantiers de navires les ouvriers ont francisé ce mot, et ils disent maintenant clincher au lieu de river un boulon, une cheville.

COLLECTER. — Ce verbe n’est pas français, mais il n’est pas moins usité parmi nous dans ces cas-ci : collecter des comptes, de l’argent. Pour être exact, dites : recouvrer des créances, de l’argent.

COLLECTEUR. — Percepteur de douane. Ou se trompe en donnant ce nom à ceux qui font métier de recouvrer des créances de particuliers ou de maisons de commerce. Ces hommes d’affaires se nomment en France agents de recouvrement. Ainsi, ces phrases trop communes chez nous : « Je vais en collection, » ou « Je fais la collection, » peuvent être avantageusement remplacées par celle-ci : « Je vais faire ou je fais des recouvrements. » Inutile d’ajouter que, dans le cas présent, c’est encore à la traduction trop littérale les mots collector et to collect, qu’est due la faute signalée ici.

COMMIS. — C’est à tort que l’on donne ce nom aux employés des bureaux de poste. Buralistes est le terme propre.

COMMISSIONED OFFICERS.Officiers. Non-commissioned officers, sous-officiers.

CONNÉTABLE. — Ce mot désignait jadis un haut dignitaire en France ; mais, par lui nous ne voulons désigner que l’agent de police ou le constable.

CONNEXION. — Il y a connexion entre ces deux chemins de fer ; Correspondance est le terme consacré en ce cas.

CONSISTANT, INCONSISTANT. — Être consistant ou inconsistant à soi-même, à ses principes. Ce sont là deux fautes souvent commises par les journaux français de ce pays. C’est conséquent ou inconséquent qu’il faut dire.

CONSTITUANTS. — La signification de ce mot est souvent faussée. Exemple : faire selon la volonté de ses constituants ; rendre compte à ses constituants, etc. En pareils cas, c’est commettants, électeurs ou mandants qu’il faut employer. Le constituant est celui qui donne une terre ou un terrain à constitut.

CONTEMPLATION. — Ce substantif est souvent employé à tort et dans les cas suivants : L’objet en contemplation, au lieu de l’objet en vue ; l’entreprise en contemplation, au lieu l’entreprise projetée.

CONTRACTEUR. — Ce mot qui vient de l’anglais contractor, est aussi presque toujours employé de préférence au mot français entrepreneur.

CONTRAT. — En anglais, et dans une de ses acceptions, ce mot signifie entreprise, De là vient que, parlant de travaux dont l’exécution a été adjugée à quelque entrepreneur, beaucoup disent : le contrat a été donné ou adjugé à un tel, tandis que ce sont les travaux ou l’entreprise qui ont été ainsi donnés ou adjugés, le contrat n’étant que la conséquence naturelle de ladite adjudication. La traduction littérale de l’anglais donne presque toujours lieu à de semblables méprises.

COPIE, EXEMPLAIRE. — Le premier de ces mots signifie une expédition ou un écrit. C’est donc à tort que l’on dit copie d’un livre ou d’un imprimé quelconque ; exemplaire est le mot dont il faut se servir en ce cas.

COQUERELLE. — Nom qui était donné dans certaines abbayes à des femmes dont la fonction était de garder les chanoinesses depuis le moment de l’extrême-onction jusqu’à leur enterrement. Par ce mot, le Canadien désigne un insecte très commun dans beaucoup d’habitations du Bas-Canada et qu’en France l’on appelle blatte.

CORDEAUX. — Se dit à tort au lieu de guides ou rênes servant à conduire un cheval attelé à une voiture.

CORDER. — Signifie mesurer du bois à la corde. On se trompe donc lorsqu’on se sert de ce mot pour désigner l’action d’empiler du bois.

CORDON. — C’est toujours par ce terme impropre que l’on désigne le quart de la corde de bois. On devrait offrir une récompense honnête à celui qui pourrait justifier cette appellation.

CORN STARCH.Amidon de maïs.

CORPORATION. — Institution quelconque existant légalement en vertu d’une charte émanant de la couronne ou de nos législatures ; mais, par ce terme, la population anglaise du pays désigne principalement la municipalité d’une ville, village, etc., et comme eux, nous nous plaisons à lui donner cette acception arbitraire. C’est pousser trop loin l’imitation.

COTI. — Signifie meurtri et ne doit se dire qu’en parlant des fruits. Exemple : la grêle a coti les pommes, les melons, etc. C’est donc à tort que nous l’employons pour désigner le bois vicié ou carié.

COTON. — Se dit presque toujours au lieu de nervures de feuilles, de troncs de blé-d’Inde, de trognons de chou, etc.

COURIR. — On donne à Ottawa une signification toute particulière à ce verbe. S’agit-il d’une élection municipale, provinciale ou fédérale, ceux qui parlent l’anglais disent : Peter will run against Paul, et nos compatriotes de traduire littéralement : Pierre va courir contre Paul, au lieu de : va opposer sa candidature. La première fois que l’on s’est ainsi exprimé devant nous, nous avons tout bonnement compris que Pierre et Paul étaient deux bons chevaux trotteurs, bien qu’il nous parût étrange que des noms de saints fussent donnés à des bêtes !

COUVERTE. — Se dit erronément pour couverture de laine.

CRAB. — Les charpentiers de navires appellent ainsi un engin dont cabestan volant est le nom français.

CRACKER.Craquelin. Espèce de biscuit sec.

CRÉATURE. — On ne saurait trop s’élever contre la signification que la classe ouvrière donne à ce mot, car toujours par ce terme elle entend désigner les personnes du sexe. Il ne serait donc que juste que chacun l’aidât à se corriger de cette faute, qui est trop grossière pour ne pas jeter du ridicule tant sur elle que sur ceux qui la laissent se perpétuer.

CRÉDIT (Donner). — Se dit trop souvent au lieu de donner ou reconnaître à quelqu’un le mérite d’une chose. C’est tout simplement la traduction trop littérale des mots anglais ; « I give you credit for it. »

CRIB. — Le mot français correspondant est généralement inconnu, et tous nos compatriotes employés à la fabrication ou au flottage des bois disent toujours crib pour désigner le coupon d’un train de bois.

CROCHI. — C’est sans doute une corruption de crochu ; mais nos travailleurs qualifient d’ordinaire ainsi le morceau de bois courbé, l’outil faussé, etc.

CROÛTE. — Se dit à tort au lieu de dosse pour désigner la première et la dernière planche qu’on lève en refendant des bols en grume ou troncs d’arbres. Voir Slab.

CRUEL. — Un enfant cruel, se dit souvent du bébé, lorsque, par indisposition, il est la cause de grandes fatigues pour sa mère. malingre est le qualificatif propre.

CULLER. — C’est par ce mot — qu’ils prononcent à la française, colleur — que les mesureurs-inspecteurs de bois désignent leur profession. Il en est même qui disent : J’ai collé, pour j’ai inspecté du bois ; aussi, est-il impossible à une personne qui ne sait pas l’anglais de les comprendre. Veulent-ils dire : j’ai livré tant de pièces de bois pour un chargement, ils se servent de ces mots : j’ai chipé tant de pièces de bois. Ils ne savent pas, assurément, que chiper veut dire voler, dans l’argot des écoliers !

CUSTARD. — Œufs au lait.