Manuel des expressions vicieuses les plus fréquentes/P

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Imprimerie MacLean, Roger et Cie (p. 38-44).


P


PAGÉE. — Adj. des 2 g. Droit coutumier. Qui tient de la roture. C’est la seule définition que donne Bescherelle de ce mot, qui ne se trouve dans aucun autre dictionnaire ; mais en ce pays il sert à désigner une longueur de clôture entre deux pieux. Quand nous aurons le Dictionnaire de l’Ancien Langage actuellement en voie de publication en France, il est probable qu’il nous permettra de juger si ce terme est bien ou mal employé ici.

PAIE-MAÎTRE. — Traduction littérale de paymaster, Payeur est le terme français correspondant.

PAILLASSE À RESSORTS. — Mauvaise traduction des mots anglais spring mattress. Dites sommier élastique.

PALETTE. — Beaucoup disent ici palette au lieu de visière de shako ou de casquette.

PANTRY. — Sur un navire, pantry signifie soute aux provisions, et dans une maison la dépense, c’est-à-dire, le lieu où l’on met toutes les provisions de table.

PARAPEL. — Corruption de parapet, qui signifie élévation en terre ou en maçonnerie, qui couronne la partie supérieure d’un rampart. Nous avons donc deux fois tort de dire parapel pour trottoir, chemin réservé aux piétons.

PAR ARGENT. — Traduction littérale de by cash. Dans la tenue des comptes, cette locution vicieuse devrait être remplacée par le simple mot encaisse.

PARCEL-POST. — Poste aux menus articles.

PARÉ. — Je suis paré, se dit à tort au lieu de : je suis prêt.

PART. — « Prendre la part de quelqu’un, » mauvaise traduction de l’anglais, to take one’s part. Beaucoup se servent de cette locution dans le sens de prendre le parti, la défense de quelqu’un. L’anglicisme est bien, en effet, notre ennemi !

PARTISANNERIE. — Barbarisme de création assez récente et que plusieurs écrivains emploient comme signifiant esprit de parti. Espérons qu’il n’aura jamais droit de bourgeoisie.

PATATE. — C’est abusivement que l’on se sert de ce mot au lieu de pomme de terre, la patate étant une plante que nous ne possédons pas et qui ne vient qu’entre les deux Tropiques.

PATRONISER. — Verbe anglais francisé. Patrôner est le verbe français correspondant.

PATTÉ. — Corruption de pattu, terme usité seulement pour désigner les volatiles qui ont de la plume jusque sur les pattes.

PATTES. — Se dit souvent à tort pour pieds. Pour tous les quadrupèdes qui ont des doigts, des ongles ou des griffes, et aussi pour les oiseaux, c’est pattes qu’il faut dire ; mais pour les organes de locomotion du cheval, du bœuf, du cochon, et des autres animaux qui ont ces parties enveloppées de corne, pieds est le terme propre.

PAYER.Payer une visite, payer des compliments. C’est la traduction littérale des locutions anglaises to pay a visit, to pay compliments. C’est rendre une visite, et faire des compliments qu’il faut dire. — En disant : cette entreprise, cette industrie paie bien, on fait encore un anglicisme. Dites : cette entreprise, cette industrie rapporte beaucoup.

PEG-AWL. — Les cordonniers désignent par ce mot anglais le perçoir dont ils se servent lorsqu’ils font des chaussures à la cheville. Broche est le nom français de cet outil.

PEINTRE. — Artiste qui exerce l’art de la peinture. Peintre en bâtiment ou peintureur désigne l’ouvrier qui met en couleur les bois, les fers, les murs, etc.

PELOTE. — Jouer à la pelote, jeu de pelote, sont des expressions vicieuses, attendu que le jouet employé n’est pas une pelote, mais bien une balle. Dites : Jeu de paume, jouer à la paume ou à la balle.

PENSIONNER. — On dit fréquemment : je pensionne, au lieu de : je suis en pension ou dans telle pension. Il suffit de réfléchir un seul instant pour savoir que je pensionne ne peut se dire que dans le cas où l’on fait une pension à quelqu’un.

PEPPERMINT.Menthe poivrée est le nom français de cette plante ou de l’essence qu’on en extrait.

PEPPERMINT LOZENGES.Pastilles de menthe.

PERCEPTION, PERCEVOIR. — Ces deux mots ne doivent s’employer que lorsqu’il s’agit de taxes, d’impôts, etc. Ne pas dire percevoir des comptes. — Voir Collecter et Collecteur.

PERCHE DE LIGNE. — Se dit généralement, mais à tort, au lieu de canne à pêche.

PERLAS. — Corruption de prélart.

PICKLES.Conserves au vinaigre et non pas marinades, mot que nous employons toujours et qui ne s’applique qu’aux viandes. Voir Marinades.

PICKLES (Mixed).Variantes.

PILER. — Il est inexact de dire : piler sur les pieds de quelqu’un, pour lui marcher sur les pieds.

PILOTE BRANCHÉ. — C’est là une traduction de branch pilot qui peut à bon droit prendre rang parmi les plus grosses âneries. Pilote lamaneur est le nom par lequel devrait être désigné le marin reçu et commissionné, après des études spéciales, pour entrer dans notre fleuve et en sortir toute espèce de bâtiments.

PIPE. — Tube de cuivre qui termine le boyau extincteur d’une pompe à incendie. Lance à incendie, ou lance, tout simplement, est complètement inconnu dans le pays.

PLANER.Taquoir. Morceau de bois avec lequel on applanit les formes dans les imprimeries.

PLASTER. — L’on désigne rarement en français cette toile gommée qui sert à panser les blessures. C’est toujours plasteur que l’on dit au lieu d’emplâtre.

PLASTERER.Plâtrier. Il est rare que nos ouvriers ne disent pas plastereur au lieu de plâtrier.

PLATPORM. — S’emploie quelquefois comme synonyme de programme ou profession de foi politique d’un candidat à la représentation. Ce mot n’est pas même anglais dans le sens indiqué. C’est un américanisme.

PLUG (To).Taponner. Terme de construction navale. Ce verbe signifie recouvrir les têtes de clou du pont d’un navire au moyen de petits tapons de bois. Les charpentiers paraissent ignorer le verbe et le substantif correspondants de to plug et de plug, car ils disent ploguer au lieu de taponner un pont de navire, et plug au lieu de tapon.

PLUMER. — Arracher les plumes à un oiseau ; mais beaucoup, à tort bien entendu, emploient ce mot à la place d’écorcher, — dépouiller un animal de sa peau.

POCHE, EMPOCHER. — Au jeu de billard on traduit littéralement l’anglais pocket quand l’on dit poche au lieu de blouse, et empocher au lieu de blouser une bille.

POIGNÉE, BOUTON DE PORTE. — L’on ne se sert toujours que du mot poignée, et pourtant, lorsqu’une poignée de porte est ronde, il serait plus exact de dire bouton.

POLITIQUE SECTIONNELLE. — Expression copiée de l’anglais - sectional policy. C’est, selon le cas, politique de clocher, locale ou égoïste qu’il faut dire.

POLL et MAISON DE POLL. — Rien de plus ridicule que le baragouin formé de mots anglais et français, et au lieu de travailler à réformer notre langage il semble que nous prenons à tâche de faire le contraire, témoin la désignation vicieuse qui figure en tête de cet article, et que tout le monde emploie comme étant de bon aloi. Il ne serait pourtant pas plus difficile de dire votation, bureau de votation.

POSTAGE. — Se dit souvent et à tort au lieu de port de lettre.

POST-OFFICE. — Poste ou poste aux lettres.

POUDRERIE. — S’emploie dans ce cas-ci pour signifier que la neige voltige : il poudre ; il fait une grosse poudrerie. On ne pouvait donner une plus mauvaise acception à ces deux mots, dont il faut éviter de se servir en les remplaçant par l’une ou l’autre de ces locutions : il poudroie, la neige voltige, tourbillonne ; ou bien encore : le vent soulève la neige.

PRIVÉE. — Ce mot s’écrit souvent au coin d’une lettre lorsqu’elle est tout à-fait particulière au destinataire ; mais, dans notre langue le terme propre à cette sorte de suscription est le substantif personnelle.

PRIX DE DÉPART. — Ridicule traduction de l’anglais upset price, termes usités dans le cas de ventes à l’enchère, et qui signifient Déclaration du prix d’un objet par le vendeur. Il est à croire que les premiers coupables de cette locution vicieuse ne sont plus ; mais comme il est grand le nombre de ceux qui ont été à leur école, faisons voir ici qu’on les a induits en erreur, mise à prix étant l’expression consacrée en pareil cas.

PROGRAMME. — Les Anglais désignent ainsi le petit cahier dans lequel danseurs et danseuses inscrivent le nom des personnes avec lesquelles ils ont promis de danser ; mais, dans notre langue, ce cahier porte le nom de carnet de bal.

PROMISSOIRE (Billet) — Ce qualificatif n’est pas usité en France en pareil cas, et nos hommes d’affaires, — ce sont eux qui s’en servent le plus souvent, — pourraient facilement s’en passer, attendu que billet rend à lui seul l’idée de promissory note.

PROCÉDÉS. — S’emploie dans les cas suivants : user de bons, de mauvais procédés envers quelqu’un. Il est aussi synonyme de recette. C’est donc erronément que l’on dit les procédés d’une assemblée, d’une cour de Justice, etc., ou bien encore, faire lecture des procédés d’une séance. Dans le premier cas, il faut dire : les actes d’une assemblée, d’une cour de Justice, et dans le second, faire lecture du procès-verbal d’une séance.

PROPOSEUR. — Corruption de proposant. Voir Moteur.

PUISSANCE. — C’est par ce vocable que la version française de notre acte constitutionnel désigne la confédération des provinces de l’Amérique du Nord. L’on comprend qu’il arrive à un traducteur, — disons dans un moment d’indisposition — de rendre mal un mot, une phrase ; mais nous nous flattons de n’en pas connaître un seul capable d’une ineptie comme celle que comporte le terme puissance employé comme équivalent de Dominion. Appliqué à un pays, puissance ne convient que si ce pays est indépendant et assez considérable pour pouvoir, le cas échéant, être partie aux concerts de nations ; or, puisque nous ne sommes encore qu’une colonie, ce n’est guère faire preuve de modestie de se qualifier soi-même de puissance. Cela dénote plutôt une faiblesse découlant d’un mal. — dont il est peut-être à propos de taire ici le nom, — auquel il faut apporter un remède énergique, beaucoup étant d’avis que depuis trop longtemps déjà il prête au ridicule.

PUMPS. — Escarpins. Souliers à semelle mince et à oreilles. C’est la chaussure de bal.

PUNCH. — C’est par ce mot anglais que les menuisiers désignent souvent le repoussoir, instrument qui sert à chasser les clous plus loin que ne le peut faire le marteau seul.

PURSER. — C’est tout bonnement le commis d’un bateau ou navire à vapeur.

PUTTY. — Les plâtriers appellent putty la préparation de chaux et de plâtre avec laquelle ils poussent les moulures et les corniches. Potée est le nom français de cette préparation.