Manuel du Spéculateur à la Bourse/Deuxième partie

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DEUXIÈME PARTIE.


MATIÈRE DE LA SPÉCULATION.




Nous avons exposé dans notre première partie la cause, l’objet, la police, les voies et moyens, les abus, délits et crimes de la spéculation boursière. Il nous reste à en faire connaître la matière.

Nous ne nous occuperons ici que des effets publics et privés dont le cours est coté au bulletin de la Bourse.

Les marchandises se pèsent ou se mesurent, et se vendent au prix de… pour une quantité de… Elles portent leur valeur et leur gage en elles-mêmes. Il n’en est pas ainsi des titres. La mesure de leur valeur, c’est le tant pour cent qu’ils rapportent ; leur gage, c’est la nature et les chances de succès de l’entreprise.

L’origine des effets négociables, les exploitations qui leur servent de base, leurs fluctuations, voilà ce qu’il nous reste à dire pour compléter notre cadre.

Afin de mettre un peu d’ordre dans cette revue, nous la diviserons en trois sections, correspondant à trois séries de titres bien distincts.

La première section comprendra les rentes et obligations de l’État et des municipalités, c’est-à-dire la dette publique, ayant pour hypothèque les revenus de l’impôt général et municipal.

Dans la seconde, nous traiterons des actions et obligations des compagnies industrielles, dont la garantie repose sur le succès de l’entreprise.

Enfin, dans la troisième, nous dirons un mot des fonds étrangers, qui sont matière de spéculations à la Bourse de Paris.


PREMIÈRE SECTION.


FONDS PUBLICS FRANÇAIS.


L’impôt se répartit en trois budgets : celui de l’État, celui des départements et celui des communes.

Le budget de l’État est le même pour toute la France ; le budget départemental varie suivant chaque circonscription territoriale, et n’est uniforme que dans un même département ; enfin le budget communal varie à chaque commune.

L’État, les départements, les communes, quand les dépenses excèdent les recettes, ont recours aux emprunts. Les titres d’emprunt, coupons de rente ou obligations, sont valeurs négociables et matière à spéculation. De toutes les créances municipales ou départementales, celles de la ville de Paris et de la ville de Marseille figurent seules au bulletin financier. Nous n’aurons pas à nous occuper des autres.




CHAPITRE PREMIER.


Dette de l’État.


Les budgets, à quelque chiffre qu’ils s’élèvent, ne suffisent jamais aux dépenses ; elles sont constamment en excédant sur les recettes. Nous n’avons point à rechercher ici les causes de cette anomalie ; il nous suffit d’enregistrer le fait et de voir quel rapport il a avec notre sujet.

Afin de couvrir le déficit, les gouvernements, de même que les fils de famille, s’adressent aux usuriers. C’est un moyen de se procurer de l’argent comptant, en engageant l’avenir. Les conditions du prêt varient suivant les garanties et la solvabilité du prodigue. L’État emprunte à fonds perdu, c’est-à-dire qu’il n’est jamais tenu au remboursement du capital. En revanche, il en doit perpétuellement l’intérêt. De 1814 à 1847, il a été payé 10 milliards 433 millions et demi de rente, pour une dette dont le capital n’atteignait pas tout à fait 6 milliards. Ces emprunts non remboursables forment ce qu’on appelle la dette consolidée.

Les emprunts sont contractés au pair, au-dessus ou au-dessous du pair.

Au-dessous du pair, les conditions sont mauvaises pour le gouvernement ; or, c’est le cas le plus fréquent, comme il résulte du tableau suivant des emprunts et de leur taux depuis 1816 :

5 0/0             6 millions de rentes vendus sur place à divers, du 1er mai 1810 au 1er avril 1817, au taux moyen[1] de 57 26
30 millions des années 1817 et 1818, taux moyen 57 55
14,225,500 fr., mai 1818, par souscription 66 50
12,313,433 fr., novembre 1818, adjugé à MM. Hope et Baring, au taux de 67 »
9,585,220 fr., août 1821, adjugé à MM. Hottinguer, Baguenaud et Delessert, au taux moyen de 88 55
23,114,516 fr., juillet 1823, adjugé à MM. de Rothschild, au taux de 89 55
4 0/0 3,134,950 fr., janvier 1830, adjugé à MM. de Rothschild frères, au taux de 102 07 1/2
5 0/0 7,142,858 fr., 1831, divers, à 84 »
7,614,213 fr., août 1832, adjugé à MM. de Rothschild frères, au taux de 98 50            
3 0/0 5,130659 fr., octobre 1841, adjugé à MM. Rothschild frères au taux de 78 50 1/2
7,079,646 fr., décembre 1844, adjugé à MM. de Rothschild, au taux de 84 75
Emprunt de 1847, de 250 millions en capital, adjugé à MM. de Rothschild, au mois de novembre, à 75 25
5 0/0 13,131,500 fr., 24 juillet 1848, avec jouissance du 22 mars précédent, négocié à divers, au maximum 75 25
3 et 4 1/2 0/0 Emprunt de 1854, de 250 millions de capital effectif, occasionné par la guerre d’Orient et couvert par souscription nationale :
              Le 3 0/0 au taux de 65 25
Le 4 1/2 0/0 au taux de 62 50
Emprunt de janvier 1855, de 500 millions, pour la même cause, souscrit de la même manière :            
Le 3 0/0 à 65 25
Le 4 1/2 à 92 »
Emprunt de juillet 1855, de 750 millions (780 millions en réalité), même origine, même mode d’émission :
Le 3 0/0 à 65 25
Le 4 1/2 à 92 25

[Ces trois derniers emprunts, les premiers de ce genre qui aient été contractés par le gouvernement français, aux applaudissements de la presse républicaine, ont révélé des faits curieux.

Sur le premier, 98,000 souscripteurs ont offert 467 millions, savoir : 26,000 souscripteurs à Paris, représentant 214 millions ; 72,000 dans les départements, représentant 253 millions. — Les souscriptions de 50 fr. de rente et au-dessous, au nombre de 60,000, se sont élevées à 49 millions, soit en moyenne 816 fr. 60 c ; les autres, au nombre de 38,000, ont monté à 418 millions, soit en moyenne 11,000 fr.

Sur le second emprunt, de 500 millions, 177,000 souscripteurs ont offert 2 milliards 175 millions, savoir : 51,000 souscripteurs à Paris, représentant 1,398 millions (dont 300 millions environ souscrits à l’étranger) ; 126,000 dans les départements, représentant 777 millions. — Les souscriptions de 500 fr. de rente et au-dessous se sont élevées à 836 millions, dépassant ainsi de 336 millions le chiffre de l’emprunt. Les souscriptions au-dessus de 500 fr. ont été refusées, et celles de 10 à 500 fr. ont subi une réduction de 40 à 42 0/0.

Sur le troisième emprunt, de 750 millions, 316,854 souscripteurs ont offert 3,652,591,985 fr., savoir : 80,000 souscripteurs, à Paris et à l’étranger, représentant 2 milliards 534 millions (dont 600 millions à l’étranger) ; 237,000 dans les départements, représentant 1,119 millions. — Les souscriptions de 50 fr. de rente et au-dessous se sont élevées à 231 920,155 fr.

Dans ces chiffres, il faut compter que les grandes maisons de banque et le Crédit mobilier ont grossi considérablement la quotité des offres. Ce dernier établissement, lors du deuxième emprunt de 1855, a souscrit pour son compte 250 millions, et, quelques jours plus tard, 375, tant en son nom qu’en celui de l’Angleterre et de plusieurs États de l’Allemagne : ce qui d’une part réduit notablement la moyenne, et prouve de l’autre que le gouvernement, en s’adressant directement, comme d’habitude, aux gros capitaux, en eût été quitte à meilleur marché.

Un fait curieux qui ressort de la comparaison des résultats de ces trois emprunts, c’est la faveur toujours croissante qu’acquiert le 3 0/0. On sait que cette espèce de fonds est le marché favori de la spéculation ; le 4 1/2 est l’objet de peu de transactions, quoique plus avantageux au point de vue du rendement.

Dans le premier emprunt, les demandes en 3 0/0 ne vont pas au double de celles en 4 1/2 : 308 millions contre 159. — Dans le second, elles dépassent le quintuple : 1,800 millions contre 369. — Dans le troisième, elles montent au septuple ; les rentes définitivement inscrites en 3 0/0 étant de 31.699.740 fr. contre 4,389,760 fr. en 4 1/2.

L’esprit de spéculation a donc gagné dans la proportion de 2 à 7 en seize mois. C’est qu’en effet le public n’est pas long à s’initier aux procédés de la finance quand il s’agit d’intérêts. Un emprunt émis en juillet, avec jouissance du 22 mars précédent pour le 4 1/2. du 22 juin pour le 3, une rente payée intégralement sur le taux du capital souscrit, qui ne sera versé qu’en dix-huit mois, c’est toute une série de bonifications telles, que le moins cher des trois emprunts, déduction faite des intérêts anticipés, s’est en réalité négocié : en 3 0/0 à 62 75 ; en 4 1/2 à 89 80. À la somme de 750 millions s’est ajoutée une somme supplémentaire de 30 millions, lors du dernier emprunt, afin de faciliter les liquidations et de couvrir les frais de l’escompte.

Les 316,000 souscripteurs ont pressenti qu’il y avait là matière à gros profits. Aussi le petit capitaliste qui n’avait que 1.000 fr. n’hésitait-il pas à souscrire pour 7 ou 8,000, persuadé qu’avant le second versement, il aurait vendu à prime et touché une différence. Voilà pourquoi il prenait du 3 0/0.

Cependant quand 316,000 spéculateurs se rangent d’un même côté, tous vendeurs, ils ne peuvent manquer de produire ce qu’un appelle en terme de Bourse écrasement des cours. Il n’y avait point d’acheteurs, et les bulletins financiers ne manquaient pas de répéter, à chaque liquidation : « Les titres du dernier emprunt ont beaucoup de peine à se classer. » Chaque échéance amenait des exécutions. La faveur accordée aux souscripteurs de 50 fr. de rente et au-dessous, de ne subir aucune réduction, en a ruiné plus d’un.

Les trois derniers emprunts ont fait inscrire au budget une somme totale de rentes annuelles de 71,709,380 fr.]


Il y a en tout cela, comme on voit, ample matière à spéculation, de beaux profits à faire, c’est le cas le plus fréquent ; parfois des risques à courir, comme le prouvent les détails suivants, que nous empruntons au Traité des Opérations de banque, de M. Courcelle-Seneuil.

« Le 10 novembre 1847, la maison Rothschild soumissionnait au gouvernement français un emprunt de 250 millions, moyennant délivrance d’inscriptions de 10 millions environ de rente 3 0/0, dont l’État payait par anticipation les arrérages, à dater du 22 décembre 1847. Le soumissionnaire s’engageait à verser au Trésor millions 1/2 le 22 novembre, 12 millions 1/2 le 22 décembre, 5 millions le 7 janvier 1848, et 10 millions le 7 de chaque mois jusques et compris le 7 novembre 1849. En faisant le décompte des arrérages, l’État, qui achetait alors par la Caisse d’amortissement le 3 0/0 au cours moyen de 76 fr. 71 c., le cédait à M. de Rothschild au prix de 72 fr. 48 c. Les 25 millions des deux premiers termes, payés par anticipation, sous escompte de 3 0/0, restaient affectés à la garantie du Trésor, jusqu’au payement du solde définitif.

« L’opération paraissait donc excellente, et le soumissionnaire la réalisa d’abord avec une grande facilité. Non-seulement il acquitta les premiers termes avec exactitude, mais il escompta une partie des suivants et les paya avant l’échéance. Il avait acheté à 4 fr. 56 c. au-dessous du cours du 10 novembre : si l’état du marché ne changeait pas, il pouvait donc espérer un bénéfice de 15 millions au moins.

« 85 millions environ avaient été payés et réalisés, lorsque survint la révolution de février. Le soumissionnaire de l’emprunt était donc libre d’engagements jusqu’au 6 juillet 1848 : mais à cette date, il devait verser au Trésor un peu plus de 5 millions, puis 10 millions de mois en mois jusqu’au 7 novembre 1849. Or, au 7 juillet 1848, le cours de la rente 3 0/0 était à 50 fr. 73. S’il ne se relevait pas, et si le soumissionnaire était forcé de réaliser, il avait en perspective une perte de plus de 60 millions, sur les 165 qui restaient à verser, ou l’abandon de son cautionnement de 25 millions. Le danger était d’autant plus grand pour lui, que le Trésor pouvait sans peine faire face à ses besoins, au moyen du crédit de 100 millions que lui avait ouvert la Banque de France, et du produit de l’impôt extraordinaire des 15 centimes.

« Heureusement pour le soumissionnaire de l’emprunt de novembre 1847, il trouva dans la personne de M. Goudchaux un ministre accommodant, qui consentit à le relever de ses engagements et à lui faire donner par l’État 13 millions de rentes 5 0/0, au taux même auquel il avait soumissionné la rente 3 0/0 en 1847. En admettant que les cours restassent, jusqu’à l’expiration des nouveaux engagements, à 77 fr. 25 c, taux du 24 juillet, jour où ils furent souscrits, le soumissionnaire, exposé la veille a une perte de 25 millions, avait le lendemain en perspective un bénéfice d’environ 11 millions, outre la chance presque certaine de voir les cours se relever.

« Telles sont les éventualités auxquelles les soumissions d’emprunt peuvent donner ouverture. Il a tenu à la volonté d’un ministre des finances que le banquier le plus puissant et le plus habile dans ces sortes d’opérations perdît 25 millions ou en gagnât 11. M. Goudchaux a préféré le deuxième terme de cette alternative ;mais un ministre plus méticuleux, plus timoré, aurait pu craindre d’imposer un sacrifice de tant de millions au Trésor, et alors par quelle perte ne se soldait pas la soumission, d’abord si avantageuse, du 10 novembre ! »

Mais d’où vient que les titres d’une rente, si exactement et si chèrement payée, ne sont pas toujours en hausse ? Comment peuvent-ils tomber à 50 0/0 au-dessous de leur valeur ? — Laissons de côté les prétextes, et venons au fait. Le fait est que quand il s’agit dans un gouvernement d’emprunter 100 millions, la concurrence est impossible et le taux légal impraticable. L’usure est maîtresse de la position, et la loi forcée de s’incliner respectueusement. Le résultat de l’emprunt national, ainsi que nous venons de le faire remarquer, le démontre péremptoirement.

Un gouvernement qui emprunte raisonne comme un particulier ; c’est un remède à la gêne du moment. Il s’en empare donc, parce qu’avant tout il faut sortir d’embarras ; mais il a la ferme résolution d’éteindre ses dettes par une rigoureuse économie. L’ouvrier prend un livret à la Caisse d’épargne ; le négociant se crée un fonds de réserve ; le gouvernement institue une Caisse d’amortissement.

La Caisse d’amortissement, dont la première idée remonte au consulat, fut organisée par la loi du 2 avril 1816, afin de racheter les rentes créées par les emprunts successifs. Sa dotation, fixée d’abord à 20 millions, fut portée à 40 par la loi du 23 mars 1817, qui y affecta en outre le produit des forêts de l’État. Elle est aujourd’hui de 75,018,903 fr. Les rentes rachetées par l’amortissement continuent de lui être servies jusqu’à ce qu’une loi en ait prononcé la radiation. La loi du 1er mars 1825 défendit d’amortir au-dessus du pair ; celle du 19 juin 1833 ordonna qu’à l’avenir tout emprunt serait doté d’un fonds d’amortissement qui ne pourrait être moindre de 1 0/0 du capital nominal des rentes créées.

Afin de donner à l’institution un caractère tout à fait sérieux, elle fut placée sous la surveillance d’une commission choisie en dehors de l’administration ordinaire. Cette commission se compose d’nn sénateur, de deux membres du Corps législatif, d’un président de la Cour des comptes, du gouverneur de la Banque et du président de la Chambre de commerce.

Les rachats de la Caisse d’amortissement doivent se faire avec concurrence et publicité : un tableau placé à la Bourse indique chaque jour la somme en capital qui doit être affectée à chaque nature de rentes.

La dotation de l’amortissement figure toujours au budget seulement aux époques de gêne, les rachats sont suspendus, et les sommes y affectées sont reportées à des dépenses extraordinaires : c’est ce qui a eu lieu depuis 1848. Toutefois ce n’est pas la bonne volonté qui manque au gouvernement de se libérer. Depuis 1816, il n’a pas dépensé moins de 2 milliards en rachats. Malheureusement les emprunts et les consolidations vont encore plus vite : en sorte que la dette consolidée, qui était en 1814 de 63,307,637 fr. de rentes 5 0/0, se décompose, au commencement de 1856, de la manière suivante :

3, 4 et 4 1/2 0/0 2663890,186 fr.
Emprunts spéciaux 10,306,000
Intérêts de capitaux remboursables à divers titres 33,500,000
Amortissements 75,608,903
----------------
Total 385,715,716
Dette viagère 68,735,716
---------------
Ensemble 454,450,751

Elle est portée au budget de 1857 pour 511,225,062 fr. C’est presque le tiers du budget.

Quand on a prélevé cette somme, il reste à payer tous les fonctionnaires publics, l’armée, la marine, les travaux, les dotations, en un mot, toutes les dépenses annuelles ; car les 511 millions sont absorbés par les dettes du passé, et ne produisent absolument rien.

À côté de la dette consolidée, qui monte, monte, sans qu’on puisse prévoir où et quand s’arrêtera sa marche ascensionnelle, la dette flottante s’enfle et grossit de son côté. La dette flottante qui ne comprend encore ni les dotations des grands pouvoirs de l’État, ni le service des ministères s’élevait, au 1er avril 1856, à 761,424,500 fr. ainsi repartis :

Fonds des caisses d’épargne 191,337,100 fr.
Fonds des communes et des établissements publics 135,770,900
Caisse des dépôts et consignations 6,472,000
Avances des receveurs généraux 100,425,000
Fonds des Cie de Paris-Lyon et du Grand-Central 8,122,300
Bons du Trésor 271,336,300
Divers 47,960,600
------------------
Total 761,424,500

Les principaux éléments de la dette flottante ne sont que des dépôts. Il semble dès lors qu’ils ne devraient pas être considérés comme dettes et charges au budget. Mais le gouvernement, en payant l’intérêt de ces dépôts, se réserve implicitement le droit de disposer des fonds : aussi en use-t-il comme d’une propriété. — C’est une consommation qui, en principe, peut être considérée comme illégale : mais l’abus est devenu usage, et l’usage est souverain en politique comme en grammaire.

La dette flottante devient-elle excessive et les créanciers viennent-ils en masse réclamer le remboursement : on en est quitte pour consolider : c’est une vraie banqueroute. On l’a vu en 1848.

Après la dette flottante et la dette consolidée viennent les découverts. Nous lisons dans le Budget des recettes et des dépenses de l’exercice de 1857, soumis au Corps législatif en 1856 :


« L’exposé des motifs du projet de loi qui vous est soumis relativement aux crédits supplémentaires et extraordinuires de la session 1856 porte le découvert de 1854 à 70 millions
« Et celui de 1855 à 50      —
----------------
« Ensemble 120 millions
« Découverts antérieurs 780      —
----------------
« Ce qui élève le découvert à 900 millions

Il n’est pas besoin de révolution pour amener une crise : l’accumulation des charges y suffit. L’expérience prouve, en effet, que, malgré tous les efforts de l’amortissement, la dette publique, flottante et consolidée, tend incessamment à absorber le budget. Où est alors la garantie promise aux rentiers ?… L’histoire se charge de répondre. Elle fournit de nombreux exemples de banqueroutes partielles. Sans remonter aux altérations des monnaies, sous Philippe le Bel, nous trouvons dans les temps modernes les faits suivants :

1° Sully réduisit les intérêts accordés aux prêteurs sous les règnes précédents, et affecta les à-comptes déjà payés au remboursement du capital.

2° Sur la fin du règne de Louis XIV, sous l’administration de Desmarest, on suspendit le payement du capital et des intérêts d’une foule de créances, notamment des fonds déposés à la caisse des emprunts.

3° À la chute de la banque de Law, on fit une réduction arbitraire des dettes de l’État.

4° L’abbé Terray, peu de temps après, refusa de payer un grand nombre de dettes, ainsi que les rescriptions du Trésor.

5° Les mandats et les assignats de la révolution subirent une dépréciation extrêmement préjudiciable aux porteurs.

6° Le ministre Ramel réduisit, en 1798, la dette des deux tiers.

7° En 1848, le gouvernement de la république, héritier du déficit creusé par la monarchie orléaniste, dut offrir aux déposants des Caisses d’épargne et aux porteurs de bons du Trésor des titres de rente au lieu d’espèces. C’était une transaction, lorsque de fort honnêtes gens conseillaient la banqueroute pure et simple.

Les hommes du gouvernement provisoire, en présence du déficit, eurent à se poser cette question :

« Dans l’impossibilité de solder toutes les créances, vaut-il mieux suspendre les payements de la dette flottante que ceux de la dette consolidée ? »

La solution fut favorable aux rentiers ; sans doute à la prochaine crise ce sera leur tour de payer le tribut.

Les créanciers porteurs de bons et de livrets reçurent, au lieu d’argent, des titres de rente perpétuelle négociable à leurs risques et périls ; les rentiers pourraient bien subir un jour, sous forme de conversion sans remboursement, un impôt, fort légitime au fond, dont par privilége ils ont été de tout temps affranchis.

L’exagération des charges, la peur, le manque de confiance dans le crédit public, les mouvements de la spéculation mercantile et industrielle, telles sont les causes de baisse et de dégringolade dans le cours des effets.

La peur, comme toutes les passions, a ses nuances : elle s’appelle au minimum inquiétude, au maximum panique ; d’où les grandes et les petites oscillations de la cote. Toutefois, pour le rentier sérieux, tant que les arrérages sont intégralement payés, tant que le numéraire conserve sa valeur relative, il n’y a lieu ni à la hausse ni à la baisse ; sa sécurité est complète. Les joueurs seuls se trouvent atteints par les fluctuations quotidiennes.



QUATRE ET DEMI POUR CENT NOUVEAU (ancien cinq).


Le 5 0/0 est le premier par ordre d’ancienneté et d’importance, des consolidés français. Ce fut le seul taux en usage jusqu’en 1825.

Les intérêts de l’ancienne dette publique avaient été arrêtés ainsi au 1er août 1793 :

Ancienne dette perpétuelle 78,810,000 fr.
Intérêts de la dette provenant d’effets au porteur et

d’actions

20,707,000
Intérêts de diverses charges remboursées 31,286,000

Elle s’accrut, jusqu’en 1798, de :

Emprunts forcés 8,650,000 fr.
Dettes des communes et départements 8,000,000
Dette des émigrés 7,500,000 46,913,000
Conversion des rentes viagères en perpétuelles 12,000,000
Payements en inscriptions 10,763,000
-----------------
Total en 1798 194,716,000 fr.

sans préjudice de 83,217,913 fr. de pensions viagères.

La loi des finances de cette année ordonna que toutes les dettes de l’État seraient remboursées, savoir : deux tiers en bons au porteur, qui perdirent en peu de temps 80 0/0 de leur valeur, et un tiers en inscriptions de rentes 5 0/0 au grand-livre. C’est ce qu’on appela la liquidation Ramel, du nom du ministre qui l’exécuta. La dette inscrite prit le nom de tiers consolidé, qu’elle conserva jusqu’en 1802, où elle le changea contre celui de 5 0/0.

De 1798 au 1er avril 1814, la dette se composa ainsi :

Tiers consolidé de la liquidation Ramel 40,219,000 fr.
Dette des pays réunis 6,086,000
Créances arriérées 11,254,000
Consolidation des gons de l’ancienne Caisse d’amortissement 5,000,000
Au profit du domaine extraordinaire 781,657
------------
Total 63,307,637

La Restauration créa, en 1825, le 3 et le 4 1/2, et en 18.30 le 4 0/0, qui enregistrèrent ensemble 54 millions et demi de rentes. Cela n’empêcha pas le 5 0/0 de monter, déduction faite des rachats opérés, à 127,123,386 fr.

Le gouvernement de Juillet légua aussi son contingent de charges : 40 millions environ, amortissement déduit. Le 5 0/0 en endossa la plus forte part, et il s’élevait, au commencement de 1848, à 146,752,523 fr.

La consolidation des livrets de Caisses d’épargne et les emprunts, après la révolution de Février, ont eu lieu en 5 0/0 ; de sorte qu’au 1er janvier 1849, le 5 figurait au budget pour 189,658,130 fr.

La conversion du 14 mars 1852, et des annulations successives l’ont réduit, à cette époque, de 33,591,918 francs. Au 1er janvier 1855, avant le classement des derniers emprunts, il figurait au budget pour 159,219,079 fr.

De 1798 à 1852, le 5 0/0 a subi deux conversions : l’une facultative, sous le ministère Villèle, en 1825 : l’autre forcée, — sauf faculté pour les porteurs de demander le remboursement, — le 14 mars 1852.

Le droit pour l’État de réduire l’intérêt de sa dette en offrant aux rentiers le remboursement du capital, s’ils n’accèdent à la conversion, est formellement consacré par le Code :

« Toute rente constituée en perpétuel est essentiellement rachetable. — Les parties peuvent seulement convenir que le rachat ne sera pas fait avant un délai qui ne pourra excéder dix ans, ou sans avoir averti le créancier au terme d’avance qu’elles auront déterminé. » (Art. 1911, Code civil.)

Donc, si le gouvernement trouve de l’argent à meilleur compte que celui dont il paye l’intérêt, il peut se libérer avec le premier prêteur.

C’est ainsi que l’Angleterre a exonéré de 2/5 en 22 ans la rente de sa dette inscrite. Elle a converti :

1822, le 5 0/0 en 4 ;
1830, le 4 en 3 1/2 ;
1844, le 3 1/2 en 3.

La Prusse, en 1842, a réduit son 4 0/0 à 3 1/2.

La Belgique, en 1844, a converti son 5 en 4 1/2.

Trois fois sous le règne de Louis-Philippe, en 1838, 1840 et 1845, la loi de conversion a passé à la Chambre des députés ; trois fois cette réforme est venue échouer contre le mauvais vouloir du gouvernement, protecteur des rentiers, sous prétexte d’inopportunité.

Enfin, le 14 mars 1852, le président de la république, sur le rapport du ministre des finances, M. Bineau, a décrété qu’à l’avenir l’État ne payerait plus que 4 1/2 0/0 par coupon de 5.

Le mode de conversion adopté en cette circonstance a été le plus simple, celui qui offre aux rentiers d’opter entre la réduction et le remboursement au pair.

Les demandes de remboursement devaient se produire dans les délais suivants : — vingt jours pour les personnes résidant en France ; — deux mois pour les personnes hors de France, mais en Europe ou en Algérie ; — un an pour les personnes hors d’Europe.

Afin de subvenir aux demandes de remboursement, la loi autorisait M. le ministre des finances : 1° à négocier des bons du Trésor ; 2°  à faire inscrire au grand-livre des rentes qui se vendraient avec publicité et concurrence.

Comme on l’avait prévu, l’immense majorité subit la réduction. Les remboursements ne s’élevèrent qu’à 3,685, 592 fr. de rentes, représentant un capital de 73,711,840 fr.

Pour que l’opération réussît, il fallait que les fonds fussent au-dessus du pair. Or, le 3 0/0, en mars et avril variait de 70 à 72, et le 3 avril, jour où le 5 disparut de la cote, le 4 1/2 fit 101. Le rentier qui voulait réaliser avait donc bénéfice à vendre au cours de 100 60, 101, puisque l’État ne donnait que 100.

S’il y avait quelque chose à reprocher à la loi du 14 mars, ce serait de n’avoir pas étendu la mesure à toute la dette. Les porteurs de 4 1/2 ancien, 4 et 3 0/0, se sont trouvés privilégiés par rapport aux rentiers du 5. Ces derniers, par le fait de leur acceptation, se trouvent imposés d’un dixième ; les premiers sont francs de toute retenue. Ceux qui ont demandé le remboursement ont reçu 100 fr. par coupon de 5, lorsque le vendeur de 3 0/0 recevait 70 fr. par coupon de 3[2]. Il y a eu inégalité de charges entre les créanciers du Trésor.

Ce serait une réforme importante que celle qui réduirait tous les consolidés à un taux unique. L’avenir sans doute la réalisera.

La loi de conversion garantit le nouveau 4 1/2 pendant dix ans contre le remboursement. — Le semestre de mars 1852 a été le dernier soldé à 5 0/0. — L’amortissement de l’ancien est transféré au nouveau 4 1/2. — La conversion a réduit les charges annuelles du budget de 17,839,240 fr.

Le mode adopté en 1825 par M. de Villèle est moins simple et moins efficace que celui dont nous venons d’exposer le mécanisme et les effets.

Le ministre offrait aux rentiers d’échanger leurs titres 5 0/0 contre du 3, qui leur serait délivré au taux de 75 fr., c’est-à-dire qu’il leur donnait, en échange de 5 fr. de rente 5 0/0, 4 fr. de rente 3 0/0, d’où résultait pour le Trésor une réduction de 1/5 dans l’intérêt, et une augmentation de 1/5 dans le capital de la dette[3]. C’est ce qu’on a nommé la conversion en un fonds au-dessous du pair.

La loi qui autorisait cet échange, purement facultatif, fut rendue le 1er mai 1825. Elle offrait aussi de convertir le 5 en 4 1/2 au pair. 24,459,035 fr. de rentes 3 0/0 remplacèrent 30,574,116 fr. de 5 ; et 1,149,840 fr. de 5 0/0 furent changés en 1,034,764 fr. de 4 1/2. Réduction annuelle dans les charges du Trésor : 6,230,157 fr.

Le résultat ne pouvait être considérable. Qu’importe en effet que le gouvernement reconnaisse à la rente un capital plus fort, puisqu’il ne doit jamais le payer, et qu’il l’amortit lui-même au-dessous de son titre nominal ? Du 3 0/0 à 75, c’est de l’argent au denier 25, comme du 4 à 100 fr., du 5 à 125 fr. Ce qu’il y avait de plus immédiat, c’était la réduction de 1 /5 dans les arrérages. Ceux qui acceptèrent l’échange proposé ne firent autre chose qu’une opération d’arbitrage analogue à celles que nous avons citées en exemple, page 99. Le 3 0/0 devant toujours se maintenir plus cher que le 5, c’était un appât offert à la spéculation.


Les intérêts du 4 1/2 se payent au 22 mars et au 22 septembre. Les négociations avec jouissance du semestre échu sont fermées 16 jours avant l’échéance, et les effets se vendent dès le 7 mars et le 7 septembre coupon détaché, c’est-à-dire avec jouissance du semestre suivant.

Le cours du 5 0/0 a toujours été au-dessous du pair de 1798 à 1824 ; on l’a vu tomber, en 1799, à 7 fr. — Il n’a jamais été aussi haut que dans les dernières années du règne de Louis-Philippe.


QUATRE ET DEMI POUR CENT ANCIEN.


L’ancien 4 1/2 est peu important. Il date de la conversion Villèle, dont nous venons de parler. La loi qui autorisait l’échange du 5 0/0 contre du 3 à 75 permettait aussi la conversion du 5 en 4 1/2 au pair, avec garantie contre le remboursement jusqu’au 22 décembre 1835. Il résulta de cette opération l’inscription de 1,034,764 fr. de 4 1/2 remplaçant un chiffre équivalent au 5 0/0 de 1,149,840 fr.

Ce fonds ne s’est jamais accru d’aucun emprunt ; il s’élevait, au 1er janvier 1855, à 884,560 fr. de rentes. La loi de conversion dernière, en garantissant le nouveau 4 1/2 contre le remboursement pendant dix ans, ne stipule point que la même mesure soit applicable à l’ancien. D’où résulte pour ce dernier une défaveur par rapport à l’autre. Cette différence de condition a déjà fourni matière à procès. — La spéculation s’inquiète peu de cette rente ; c’est une trop petite dette.

Les échéances sont aux mêmes époques que pour le 4 1/2 nouveau.


QUATRE POUR CENT.


Il est postérieur, par ordre de date, au 3 0/0, dont il nous reste à parler. Il provient d’un emprunt autorisé en 1828, et adjugé, le 12 janvier 1830, à MM. Rothschild, au taux de 102 fr. 07 c. 1/2. Le chiffre de cette partie de la dette s’élevait, lors de la révolution de juillet, à 3,134,950 fr. de rentes. La consolidation des bons du Trésor affectés à l’amortissement l’augmenta de 15,294,420 fr. en 1832, et la consolidation des dépôts de la Caisse d’épargne y ajouta depuis 8,092,647 fr. En 1848, le 4 0/0 figurait au budget pour 26,207,375 fr. Au 1er janvier 1855, il était de 2,354,227 fr. de rentes.

Les arrérages se payent aux mêmes échéances que le 4 1/2.


TROIS POUR CENT.


L’origine du 3 0/0, c’est le milliard des émigrés. Dès le début de la restauration, les royalistes, rentrés à la suite de l’invasion, n’aspiraient à rien de moins qu’à la reprise de possession de leurs anciens domaines. Ces forfanteries, si vaines qu’elles fussent, ne laissèrent pas que d’inquiéter un instant les propriétaires de biens nationaux. Pourtant la morgue nobiliaire dut s’humilier devant les faits accomplis : les nombreuses mutations, le morcellement, et aussi l’opinion publique, rendaient impossible la reconstitution des propriétés seigneuriales.

La noblesse dut renoncer à ses fiefs, mais non à une indemnité. L’issue favorable de la guerre d’Espagne, qui semblait devoir consolider à tout jamais les dynasties de Bourbon on Europe, l’avénement de Charles X, le chef du royalisme fougueux et aveugle, vinrent raviver les espérances de l’émigration, et, en 1825, on se trouva assez fort pour présenter la loi d’indemnité. La bourgeoisie, enrichie par la vente des biens nationaux, accepta sans trop murmurer cette espèce de cote mal taillée, dont le budget, c’est-à-dire le peuple, devait en définitive faire les frais[4].

Les réclamations admises s’élevèrent à 987,819,962 fr. 96 c, — un milliard, à une douzaine de millions près.

Un milliard ! les gros budgets et les emprunts ont fini par rendre ce mot très-familier en matière de finances. Un milliard ! qui a jamais cherché à se rendre compte de ce que représente ce chiffre ? Un milliard, qu’est-ce que cela ? les deux tiers de ce que coûte annuellement en France le gouvernement !…

Les législateurs de 1825 parlaient donc d’un milliard comme d’une affaire toute simple, qui ne se marchande même pas. Aussi le général Foy produisit-il une sensation profonde à la Chambre et dans le public en disant, pour donner une idée de l’énormité de la somme, qu’il ne s’était pas encore écoulé un milliard de minutes depuis la naissance de Jésus-Christ[5].

Ainsi, cette immense période qui embrasse la chute de l’empire romain, l’invasion des barbares, l’établissement du christianisme, la féodalité, la papauté, l’islamisme, les croisades, la réforme, la renaissance, les guerres de religion, l’absolutisme royal, la révolution française, le moyen âge et les temps modernes ; ce gigantesque panorama n’avait pas mis à se dérouler autant de minutes que le peuple français devait rembourser de francs à ses anciens maîtres en un tiers de siècle. Le travail est donc plus puissant que le temps : mais les révolutions sont encore plus puissantes que le travail.

Quoi qu’il en soit, la Chambre adopta le chiffre d’un milliard. Il ne fallait pas songer à payer un tel capital ; on se contenta d’en servir la rente, qu’on inscrivit à 3 0/0, pour 30 millions, au livre de la dette publique[6]. Dans la crainte qu’une trop grande émission simultanée ne dépréciât les titres, les inscriptions ne furent délivrées que par cinquièmes, d’année en année, du 22 juin 1825 au 22 juin 1829. — Au 22 septembre 1858 le milliard aura été intégralement payé, mais la dette ne sera pas éteinte : ce sera l’œuvre de quelque liquidation Ramel, ou d’une nuit du 4 août sur les rentes et dividendes.

Nous avons vu comment la conversion facultative de M. de Villèle fit inscrire au compte du 3 0/0, 24,459,035 fr. de rentes. À la révolution de juillet le chiffre de cette partie de la dette s’élevait à 50,454,345 francs. Mais l’indemnité n’était pas complètement liquidée. Il n’avait encore été délivré que 25,995,310 fr. Le gouvernement de Louis-Philippe, qui se fût gardé, et pour cause, de contester la légitimité de l’opération, s’empressa d’en parfaire les payements. Il remit à divers, en inscriptions 3 0/0, 2,948,650 fr., et en 5 0/0, 15,746 fr. ce qui porte le compte en rentes de l’émigration :

En 3 0/0 à 28,943,960 fr.
En 5 0/0 à 15,746
-----------------
ensemble       28,959,700 fr.

Le gouvernement de juillet a ajouté au compte du 3 0/0, outre les 2,948,650 fr. dont nous venons de parler : 15 millions 1/2 pour la consolidation de bons du Trésor affectés à l’amortissement ; — les deux emprunts de 1841 et 1844, mentionnés au tableau des emprunts, et l’emprunt de 1847, dont les versements ont été suspendus par la révolution de février, ainsi que nous l’avons dit précédemment.

Le total des rentes 3 0/0 s’élevait à l’avènement de la république, amortissement déduit à 68,114,883 fr.

La consolidation des bons du Trésor, en 1848, s’est faite en 3 0/0, et a porté cette rente pour 1849, à 91,445,044 fr.

Au 1er janvier 1855, avant le classement des derniers emprunts, elle absorbait une somme de 73,984,906 fr.

Les arrérages du 3 0/0 se payent au 22 juin et au 22 décembre. Les négociations avec jouissance du semestre échu sont fermées, comme pour les autres rentes, 16 jours avant l’échéance.

Le 3 0/0 s’est toujours coté assez ferme jusqu’en 1848, où il est tombé à 32 francs. Il a suivi depuis la marche ascensionnelle de toutes les valeurs.

Aujourd’hui, comme sous Louis-Philippe, la spéculation se porte de préférence sur le 3 0/0. La coulisse ne fait même pas d’autres valeurs. C’est pourquoi il est toujours plus cher que le 4 et le 4 1/2.


Notions et dispositions communes aux quatre espèces de fonds publics.


Sous le nom de Grand-Livre de la dette publique, on comprend l’ensemble de tous les registres qui servent à cette partie de la comptabilité. — Il y a autant de comptes que d’inscriptions, quoique beaucoup appartiennent au même individu.

Les établissements publics et les personnes possesseurs d’une grande quantité de rentes se font ouvrir des comptes courants au grand-livre.

Il n’y avait autrefois d’inscription qu’au ministère des finances. Dans le but de faciliter le développement du crédit public, la loi de 1819 créa les inscriptions départementales. Il est ouvert au grand-livre, à Paris, au nom de la recette générale de chaque département, celui de la Seine excepté, nn compte collectif comprenant, sur la demande des rentiers, les inscriptions individuelles dont ils sont propriétaires. Chaque rentier inscrit sur ce livre auxiliaire reçoit une inscription signée du receveur général et visée par le préfet. Ces titres sont négociables dans les départements et peuvent toujours se changer, sur la demande du porteur, en une inscription directe.

Les rentes sont nominatives ou au porteur. Les premières sont beaucoup plus nombreuses que les secondes. Au surplus, il est facultatif au propriétaire de faire opérer la conversion d’un titre nominatif en un titre au porteur et réciproquement. Dans le premier cas, il dépose au Trésor public l’inscription nominative accompagnée d’une déclaration de transfert, signée de lui et certifiée par un agent de change. Il doit indiquer le nombre et la quotité d’inscriptions au porteur qu’il désire, en se conformant toutefois aux coupures ci-après :

en 4 1/2. en 4. en 3.
10 10 10
20 20 20
30 30 30
50 50 50
100 100 100
300 300 300
500 500 500
1.000 1.000 1.000
2.250 2.000 1.500
4.500 4.000 3.000

Les extraits d’inscriptions au porteur sont à talon, et peuvent être à la volonté du prenant rapprochés de la souche. Chaque extrait est accompagné de dix coupons semestriels représentant cinq années d’arrérages. Ces coupons se détachent aux échéances à chaque payement. Quand ils sont épuisés, le Trésor en délivre de nouveaux.

Pour convertir les rentes au porteur en titres nominatifs, le propriétaire dépose au Trésor l’extrait d’inscription dont la conversion est réclamée, en indiquant les nom, prénoms, qualités et domicile de la personne qui doit devenir titulaire des effets.

Le minimum des inscriptions nominatives est de 9 fr. de rente. Mais quand on est propriétaire de cette somme, on peut acheter 1, 2, 3 fr., comme on peut détacher d’un titre plus fort, 1, 2, 3 fr., etc.

Le porteur de plusieurs inscriptions peut en obtenir la réunion en une seule en les déposant au Trésor, bureau des mutations.

Lorsqu’un titre a été perdu, on peut mettre opposition au payement des semestres, et s’en faire délivrer un duplicata.

Les arrérages sont payables au porteur, en telle ville qu’il lui plaît, et se prescrivent par cinq ans.

Le propriétaire peut aussi donner procuration notariée de toucher pour lui.

Le transfert se fait à la Bourse même, bureau des transferts. L’agent de change vendeur remet à cet effet à l’employé un bordereau contenant la nature et la quotité des rentes vendues, les noms, prénoms, qualités et domiciles des acquéreurs, ainsi que la part afférente à chacun. Le transfert doit être signé du vendeur ou de son fondé de pouvoir, et certifié par l’agent de change.

Pour les mutations autres que les ventes, telles que celles provenant de donations, legs, successions, le nouvel extrait d’inscription est délivré à l’ayant-droit sur le simple rapport de l’extrait ancien et d’un certificat constatant l’identité et les titres de propriété de l’héritier ou donataire.

Le transfert par suite de vente est dit transfert réel, dans les autres cas, on l’appelle transfert de forme.

Tout propriétaire d’inscriptions est libre d’en compenser les arrérages avec ses contributions directes ou avec celles d’un tiers. Il lui suffit d’en faire la déclaration au receveur général, qui se charge de la perception des intérêts et de leur application au payement des contributions, en quelque lieu qu’elles doivent être acquittées.

Les rentes sont réputées meubles ; elles sont insaisissables.


BONS DU TRÉSOR.


Les bons du Trésor sont des effets que le gouvernement délivre contre les sommes qu’on veut bien lui prêter à courte échéance. C’est une ressource qui lui permet d’escompter les revenus de l’impôt. Les Bons sont à échéance fixe, de trois mois, six mois, un an. Le taux de l’intérêt, indépendamment des variations inhérentes au crédit et au discrédit, de l’État, est différent selon les époques de remboursement : il est d’autant plus élevé que l’échéance est plus éloignée.

L’abondance des Bons du Trésor sur la place est un symptôme d’embarras dans les finances publiques. Les années où on en a le plus émis sont :

1831 : 608,772,510 fr. 608,772,510 fr. 1852 : 554,904,714 fr.
1849 : 440,972,926 1854 : 851,158,810

Nous n’avons pas le chiffre de 1855. De 1835 à 1840 l’émission annuelle n’a pas atteint 100 millions. Les années les plus favorables sont :

1836 : 42,080,872 fr. 608,772,510 fr. 1838 : 26,485,803 fr.
1837 : 27,485,642 1839 : 25,394,221

Le taux le plus bas a été de 2 0/0, et le plus élevé de 6. Les intérêts, en 1856, sont de :

4 1/2 de trois à cinq mois ;
5 1/2 de six mois à onze ;
5 1/2 à un an d’échéance.

Une consolidation de Bons du Trésor est un emprunt forcé.




CHAPITRE II.


Dettes départementales et municipales.


Les budgets départementaux et municipaux, de même que celui de l’État, s’aggravent chaque année sans que les dépenses arrivent jamais à s’équilibrer avec les recettes. La plus grande partie des sessions législatives est employée à accorder aux départements et aux communes l’autorisation de s’imposer extraordinairement. Ce qui n’empêche pas les quatre cinquièmes des municipalités, dans les grandes villes, d’être grevées d’emprunts.

À la différence de la dette publique, dont le capital n’est jamais exigible, ces emprunts se remboursent par annuités. Plusieurs grandes villes ont adopté le système des obligations à primes, depuis longtemps en usage à Paris. — Les obligations de Paris et de Marseille sont seules cotées à la Bourse ; c’est pourquoi nous ne pouvons mentionner les autres.


EMPRUNT DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE.


Une loi du 17 juillet 1856 a autorisé le département de la Seine à emprunter une somme de 50 millions, affectée, pour 10 millions, au payement de l’arriéré de la dépense des enfants trouvés et des aliénés, et pour 40 millions, au service de la Caisse de la boulangerie de Paris et des communes du département.

Par décrets, en date des 30 janvier dernier et 9 février présent mois, S. M. l’empereur a approuvé les conventions intervenues entre M. le préfet du département de la Seine et MM. Saint-Paul et Comp. (Union financière et industrielle) pour la réalisation de cet emprunt.

Le capital de 50 millions doit être versé, au compte du département, dans la caisse centrale du Trésor, savoir : un cinquième d’ici au 31 mars prochain, et le surplus en trois termes égaux, les 1er juillet 1857, 1er janvier et 1er juillet 1858.

Cet emprunt sera représenté par des obligations départementales au porteur constituées au capital de 225 fr., produisant un intérêt annuel de 9 fr., donnant droit à des lots et devenant successivement remboursables en trente ans, à partir du 1er juillet 1858, par voie de tirages au sort semestriels, qui auront lieu à la préfecture de la Seine les 1er mai et 1er novembre de chaque année.

Les huit premiers numéros sortants au tirage du 1er mai auront droit :

Le 1er à un lot de 100.000 fr.

Le 2e à un lot de. 10, 000

Le 3e à un lot de 10,000

Les 4e, 5e, 6e, 7e et 8e, chacun à un lot de 1,000, ci 5,000

Les intérêts échus, les obligations sorties et les lots gagnés seront payés à la caisse centrale du trésor public, les 1er janvier et 1er juillet.

Des titres provisoires seront délivrés à MM. Saint-Paul et Cie après le versement du premier terme de l’emprunt, dont ils sont tenus personnellement.

Les porteurs de ces titres provisoires auront droit à un intérêt de 4 1/2 p. 0/0 sur les sommes versées ; ils auront la faculté de se libérer par anticipation en versant tous les termes non échus, et, à compter de ce moment, ils auront droit à l’intérêt de l’obligation entière, à raison de  9 fr. pur an.

Ils jouiront immédiatement, dans tous les cas, du bénéfice éventuel des lots annuels, dont le premier tirage aura lieu en mai 1857.

La délivrance des titres définitifs sera faite après la libération de tous les titres provisoires, en juillet 1858.


DETTE DE LA VILLE DE PARIS.


EMPRUNT DE 1849.


Une loi du 1er août 1847 et un décret de l’Assemblée nationale du 24 août 1848 ont autorisé la ville de Paris à contracter un emprunt de 25 millions de francs qui a été adjugé, le 25 avril 1849, à MM. Béchet, Dethomas et Cie au taux de 1,105 fr. 40 cent, par obligation de 50 fr. d’intérêts. Les obligations sont remboursables à 1,000 fr. Elles portent 5 0/0 de rente, plus une prime de 1 0/0 l’an, en addition au capital. Cette prime se confond avec celles affectées, à chaque tirage, aux 34 premiers numéros sortants dans la proportion suivante :

1er numéro ................................. 30,000 fr.
2e ———— 15,000
3e ———— 10,000
4e ———— 7,000
5e, 6e, 7e, chacun 3,000 9,000
Du 8e au 11e, chacun 2,000 8,000
Du 12e au 17e, chacun 1,000 6,000
Du 18e au 33e, chacun 500 16,000
Le 34e, une somme variant de de 416 à 1.791

Les arrérages se payent le 1er avril et le 1er octobre ; les remboursements s’effectuent à la même époque ; les tirages ont lieu les 1er mars et 1er septembre.

Le remboursement doit être terminé au 1er mars 1859.


EMPRUNT DE 1852.


Cet emprunt a été autorisé par la loi du 4 août 1851 pour subvenir aux dépenses d’établissement des grandes halles et de leurs abords, et du prolongements de la rue de Rivoli. Il a été adjugé le 3 avril 1852 à MM. Béchet, Dethomas et Cie au cours de 1,227 fr. 82 cent, par obligation.

Les obligations, au nombre de 50,000, sont de 1,000 fr., portant intérêt à 5 0/0. Les arrérages se payent le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année.

Le tirage au sort des obligations remboursables a lieu le 1er mai et le 1er novembre. Les remboursements s’effectuent aux époques fixées pour le payement des intérêts. L’emprunt doit être complètement amorti en 1871.

1er numéro ................................. 50,000 fr.
2e ———— 20,000
3e ———— 15,000
4e ———— 10,000
5e et 6e, chacun 5,000 10,000
Du 7e au 12e, chacun 3,000 18,000
Du 13e au 20e, chacun 2,000 16,000
Du 21e au 34e, chacun 1,000 14,000
Du 35e au 59e, chacun 500 12,500
Le 60e, en moyenne 2,500


EMPRUNT DE 1855.


Cet emprunt a été réalisé au moyen de 150.000 obligations, émises à 400 fr., produisant 15 fr. d’intérêts payables le 1er mars et le 1er septembre ; elles sont remboursables à 500 fr. en quarante ans , à partir de 1858. Les tirages ont lieu le 1er février et le 1er août; ils ont commencé en août 1855. Les quinze premiers numéros sortants partagent 150,0001er fr. de lots, ainsi répartis :

1er numéro ................................. 100,000 fr.
Du 2e au 5e, chacun 10,000 40,000
Du 6e au 15e, chacun 1,000 10,000


ANNUITÉS DES PONTS.


Le péage sur les ponts de Paris fut supprimé après la révolution de février, et la ville dut prendre à cet effet tels arrangements que de droit avec les concessionnaires.

Au nombre des sociétés à indemniser se trouvait la compagnie dite des trois vieux ponts (pont d’Austerlitz, de la Cité et des Arts), déjà attaquée en 1847 pour perception illégale de péage. Comme elle avait gagné son procès, la ville dut reconnaître la prolongation du bail qui lui concédait le droit de taxe jusqu’en 1897, et c’est à titre d’indemnité qu’elle lui paye annuellement une somme de 77 fr. par action, en deux semestres de 38 fr. 50 cent, chacun, le 24 février et le 24 août. Le dernier payement doit avoir lieu le 24 février 1897. Le nombre des actions est de 3, 485 ; ce qui porte le total à payer chaque année à 268,345 fr.

Les trois nouveaux ponts (de l’Archevêché, d’Arcole et des Invalides) se remboursent au moyen de 1,166 annuités de 20 fr. et de 156 annuités de 500 fr. au porteur, payables du 1er janvier 1852 au 1er janvier 1876.

Les annuités du pont du Carrousel sont au nombre de 1,070, de 97 fr., payables du 1er septembre 1850 au 1er septembre 1867.

Celles du pont Louis-Philippe sont de 25 fr. ; 1,000 sont payables du 26 juillet 1855 au 26 juillet 1883, et 1,000 autres à partir seulement de 1872.


BONS DE LA CAISSE DU SERVICE DE LA BOULANGERIE.


Afin d’assurer l’approvisionnement de la capitale pendant la cherté et la taxation du pain au-dessous de la mercuriale, la Caisse de la boulangerie émet, sous la garantie de la ville de Paris, des bons à diverses échéances et portant intérêt. Ils sont par coupures de 100fr. à partir de 500 ; l’émission et le remboursement ont lieu à l’Hôtel de Ville. Cependant ils ne font pas partie de la dette municipale tant que la garantie de la ville reste à l’état de caution.


EMPRUNT DE LA VILLE DE MARSEILLE.


C’est un emprunt du genre de ceux que contracte la ville de Paris. Il a été autorisé par une loi du 9 août 1847 et un décret du 13 juillet 1848. Il se compose de 9,000 obligations de 1,000 fr. chacune, produisant 50 fr. d’intérêts, payables le 1er janvier et le 1er juillet. Les obligations sont remboursables en 29 tirages semestriels, qui ont lieu le 1er janvier et le 1er décembre ; les remboursements ont lieu aux mêmes époques que les payements d’intérêts. L’emprunt doit être complètement amorti en 1864.

Les dix premiers numéros ont droit aux lots suivants :

1er numéro ................................. 15,000 fr.
2e ———— 10,000
3e ———— 5,000
4e ———— 2,000
5e ———— 1,000
Du 6e au 9e, chacun 500 2,000
Le 10e, en moyenne 455 20


DEUXIÈME SECTION.


ACTIONS ET OBLIGATIONS DES COMPAGNIES.

DE L’ASSOCIATION.


I


Les grands travaux d’utilité publique, canaux, chemins de fer, docks ; les grosses entreprises, banques, mines, forges, assurances, ont donné au contrat de société, depuis ces trente dernières années surtout, un essor dont les rédacteurs du Code étaient certes loin de prévoir l’importance. Le champ de l’initiative individuelle se resserre chaque jour devant les envahissements de l’association. La transformation est rapide. Nous marchons à une vaste société anonyme, où les plus puissantes individualités s’appelleront simplement, comme les petites, un numéro.

Le fort, dit M. Troplong, n’accepte pas de société. — Hé ! qu’est-ce que le fort aujourd’hui ? Que pèsent les grandes fortunes dans le creusement de canaux reliant nos fleuves et nos ports, dans l’établissement de railways s’étendant de Bayonne à Dunkerque, de Marseille au Havre, de Nantes à Strasbourg ? Où en seraient ces travaux de géants avec le seul concours des rois de la finance ?

Le véritable fort, c’est celui qui, s’emparant du formidable levier de l’association, parvient à le diriger à son profit ; par là il centuple sa puissance ; et comme la loi permet une pareille usurpation, il y a encore des forts et des faibles. Mais qu’est-ce qu’un homme réduit à ses propres ressources ?

Le développement moderne de l’association est né de la situation même, et non des petits calculs de l’économiste et du spéculateur. L’humanité agit avant de raisonner son action : à demain les objections des sages.

Dans l’état actuel des choses, l’association, c’est de la solidarité, non point comme l’entendent les utopistes, mais comme la comprennent les gens de négoce. Considérez tour à tour ces deux éléments de toute société moderne, l’actionnaire et le travailleur.

L’actionnaire n’a, en fait, qu’un droit, le droit de payer, et, s’il y a lieu, d’être payé. La gestion de l’entreprise, la répartition des salaires, le contrôle de tout ce qui se fait avec ses écus, ne le regardent point. Les administrateurs peuvent disposer de sa chose, la compromettre, la ruiner ; il n’a rien à y voir. On lui fait la part large dans les risques, petite dans les profits. Il doit tenir des engagements qu’il n’a pas pris, solder des dettes qu’il n’a pas consenties. L’industrie sera bien vivace s’il en retire des bénéfices. Le résultat de toute société de commerce, c’est, avant tout, l’exploitation des actionnaires.

Le travailleur se trouve peut-être mieux traité ? Au contraire. Un patron, si dur qu’on le suppose, est après tout un homme, capable, comme un autre, de justice et de sensibilité. Placé entre son intérêt et une réclamation équitable, il peut n’écouter que les conseils de l’égoïsme ; mais il discute du moins avec le réclamant, et c’est déjà un point. La menace d’une grève, les dangers d’une désertion en masse sont des considérations dont il tiendra compte ; car c’est sa propre fortune qui est en jeu. Allez donc réclamer auprès d’une compagnie ! Où la prendre, où saisir cette impersonnalité despotique qui s’appelle Mines de la Loire, Chemin de fer du Nord, ou de tout autre nom ? Vous vous adresserez aux administrateurs ? Que sont-ils dans l’affaire ? Des salariés comme vous. Ils n’ont pas pouvoir de vous entendre. Vous abandonnerez les chantiers ? Que leur importe ? Les risques sont pour la société, non pour les gérants. Et puis, qu’est-ce que l’ouvrier d’une compagnie ? Un rouage de mécanique ; moins que cela, une dent d’engrenage ; moins que cela encore, car une dent brisée peut arrêter le mouvement, et l’on ne s’aperçoit pas de la disparition d’un homme. Plus il y a d’ouvriers engagés dans une même entreprise, moins leurs mutineries sont à craindre. Où iraient-ils ? La chair à machines ne manque pas plus que la chair à canon. Que deviennent, dans l’association ainsi faite, la responsabilité du travailleur, garantie d’une bonne et prompte exécution ? son individualité, stimulant qui le pousse à perfectionner son état ? sa liberté, conquête d’il y a soixante ans, qui laisse à l’apprenti l’espoir de devenir maître, ou tout au moins compagnon, et, dans tous les cas, la certitude de vivre indépendant du fruit de son labeur ?

Asservissement de l’ouvrier à la machine, du commanditaire à l’idée, voilà l’association telle que l’industrialisme l’a faite. Ce n’est plus l’union libre des volontés et des intelligences, comme l’avait rêvée le législateur civil, pour l’exploitation en commun d’une chose et le partage équitable des produits ; c’est la subalternisation des âmes au fatalisme de la spéculation et de ses machines, et malheur à qui n’aura pas su s’y réserver la belle place, la bonne part ! Il n’a rien à attendre, ni pour le corps ni pour l’âme, de ses prétendus associés : il sera dévoré par le monstre.

Contrairement à ce système, destitué de tout élément moral, qui ne s’adresse qu’au capital et à la main-d’œuvre, et dont le résultat invariable est de soumettre l’esprit à la matière, quelques-uns, exagérant encore le principe de la communauté et de l’indivision, prenant l’agglomération pour l’union, la promiscuité de l’atelier pour la fraternité, ont prétendu trouver, dans cette caricature de la famille, la loi de l’association. Pour eux, la solidarité a dû être non-seulement réelle, mais personnelle, universelle, absolue. Ils se sont épris d’une belle passion pour le travail en commun, et ils en ont voulu faire rien de moins qu’un culte, une religion. Quiconque s’isolait et s’obstinait à travailler seul était impie. Ce n’était même point assez de s’associer pour la vente et l’achat des matières et des produits : il fallait habiter l’atelier social, afin de rester constamment sous l’œil vigilant des frères. Nul ne devait plus se mêler d’affaires en son nom sous peine d’être flétri comme égoïste ; tout devait se faire par délégation.

Ce beau feu, toujours vivace chez les théoriciens, n’a pas tardé à s’éteindre chez les expérimentateurs. Il y a eu désillusion sur désenchantement ; et les prophètes de crier au vice originel, à l’imperfection humaine. Étranges réformateurs, à qui il faut une humanité tout exprès pour l’application de leurs idées, et qui rejettent comme vicieux ce qui n’entre pas dans leur cadre, sans se douter que le vice ne provient pas d’ailleurs que de leur conception !……

Quel parti prendre entre ces systèmes ? quel tempérament choisir ? — En principe, aucun. L’association des personnes, comme celle des capitaux et des forces, n’est, comme la division du travail, la concurrence, le crédit, comme les machines elles-mêmes, qu’un instrument économique : c’est un moyen, un procédé auquel dans la nécessité l’homme peut avoir recours, qui par conséquent appelle les déterminations de la justice, mais qui n’est pas par lui-même la justice, qui n’a rien en soi de libéral, rien de social.

Que ceux-là donc qui, par le cours naturel des choses, se trouvent dans le cas d’avoir recours à l’association, sous quelque forme et dans quelque mesure que ce soit, s’arrangent pour l’entourer de toutes les garanties et compensations possibles, comme une nation qui se donne un prince commence par lui imposer une constitution : à eux sage ! Mais que l’association soit recherchée pour elle-même, comme l’expression du droit et du progrès, comme une sorte de panacée contre la servitude et la misère ; que des êtres intelligents et libres s’éprennent d’amour pour une combinaison qui leur ôte la personnalité, l’initiative et l’indépendance ; où il ne peuvent être jamais que chefs ou soldats, exploiteurs ou exploités, tout au plus membres également participants d’un même organisme qui les entraîne, soumis à une même pensée qui les domine, c’est ce qui répugne à l’humanité, et que l’on ne verra jamais.

En toute association, il n’y a que les gérants, administrateurs, directeurs qui puissent trouver satisfaction entière : la nécessité seule y retient les autres.

Comment alors un système, marchant, à ce qu’il semble, au rebours du progrès et de la liberté, prend-il chaque jour des proportions plus grandes, au point de menacer de tout envahir ? — La force des choses nous mène, avons-nous dit. Le machinisme s’est mis partout. Là où la machine fait le gros et le fini de la besogne, l’homme n’est rien que son servant. Le moyen d’employer la machine sans le concours d’un grand nombre de bras et de capitaux ?

Et la raison d’être de la mécanique ?

Ah ! c’est qu’il faut produire vite et bien, beaucoup et à bon marché. Sans la rapidité des communications, une foule de valeurs resteraient stériles ; il y aurait disette ici et encombrement là, c’est-à-dire ici et là misère. Sans les machines, le ménage qui a du linge n’aurait que des loques, l’homme en haillons resterait nu. Certes les douleurs du paupérisme actuel sont poignantes ; mais qu’on lise les tableaux de Vauban et le portrait du paysan au temps de La Bruyère !…

Le producteur maudit les machines, le consommateur les bénit. Cependant tout consommateur est producteur, et réciproquement. C’est une des mille contradictions dont l’économie cherche la clef.

Ainsi en doit-il être de l’association, de plus en plus inévitable, fatale. Tous associés et tous libres : tel est le problème.


II.


Nous en sommes à l’apprentissage de l’association. Le contract de société, si ancien qu’on le suppose, n’a rien dans son passé d’analogue à ce qu’il produit aujourd’hui. C’est une révolution qu’il apporte. Nous assistons à la transition, en d’autres termes, aux tâtonnements, à l’expérience. Faut-il s’étonner que l’organisation en soit imparfaite ? La pratique n’a pas encore donné sa formule. Or, une loi ne s’invente pas, elle se découvre. Les prescriptions du Code sont lettre morte là où elles sont en opposition avec les faits et les besoins. Nous en citerons un exemple pris au cœur même de notre sujet.

Les sociétés qui nécessitent des mises de fonds considérables et des travaux de plusieurs années, comme les chemins de fer, payent aux commanditaires des intérêts à partir des versements. Or, tant que l’exploitation n’a pas produit de bénéfices, ces intérêts ne peuvent être pris que sur le capital.

Des jurisconsultes ont vu là une illégalité : « Il est dérisoire, ont-ils dit, qu’un associé donne d’une main et reprenne de l’autre ; c’est un détournement préjudiciable aux tiers ; en réalité, l’actionnaire ne verse pas ce à quoi il s’est engagé ; conventions contraires à l’article 1845 du Code civil, suivant lequel chaque associé est tenu de tout l’apport par lui promis ; contraires à l’article 26 du Code de commerce, qui déclare les bailleurs de fonds responsables jusqu’à concurrence de leur mise. »

Ç’a été la doctrine du conseil d’État, et elle est de tous points conforme au droit écrit.

Cependant le moyen d’attirer les capitalistes, en ce temps surtout où chacun vit au jour le jour et se montre pressé de réaliser ? le moyen d’amener le rentier qui a besoin de ses annuités pour vivre, quand il s’agit de renoncer à ses arrérages pendant cinq à dix ans ? Aussi le gouvernement a-t-il passé outre aux scrupules des légistes, et n’a-t-il fait aucune difficulté d’autoriser de pareilles stipulations.

Ne nous plaignons pas de l’insuffisance de la loi : elle saura se plier aux exigences.

Quoi qu’il en soit, comme il faut une sanction, une existence légale à toute société, nulle association ne peut se constituer en dehors des données du Code. Voyons ce qu’il dit à ce sujet.

La loi reconnaît deux genres de sociétés : la société civile et la société commerciale. Elle ne dit rien de leurs caractères distinctifs, de leur différence, du moyen de les reconnaître. Elle se borne à cette définition générale :

« La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personncs conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter. » (Art. 1832, Code civil.)

Les commentateurs considèrent comme sociétés commerciales celles qui ont pour but de faire des actes de commerce ; les autres sont sociétés civiles.

« La loi répute acte de commerce : — Tout achat de denrées et marchandises pour les revendre, soit en nature, soit après les avoir travaillées et mises en œuvre, ou même pour en louer simplement l’usage ; — Toute entreprise de manufactures, de commissions, de transport par terre et par eau ; — Toute entreprise de fourniture, d’agences, bureaux d’affaires, établissements de ventes à l’encan, de spectacles publics ; — Toutes opérations de banque, change et courtage ; — Toutes les opérations de banques publiques ; — Toutes obligations entre négociants, marchands et banquiers ; entre toutes personnes, les lettres de change ou remises d’argent faites de place en place. » (Art. 632, C. de comm.)

Est réputé également acte de commerce tout ce qui concerne les expéditions maritimes, depuis la construction du navire jusqu’aux engagements des matelots. (Art. 633.)

Qu’est-ce qui n’est pas acte de commerce ? Une société pour l’achat et la revente des immeubles est-elle commerciale ? La loi ne parle que de denrées et marchandises. Le Crédit foncier est-il société civile ? Ses prêts sont-ils affaire de banque ? Où classer les assurances ? Le Code ne parle que des assurances maritimes. Le commanditaire qui ne cherche qu’un placement de fonds fait-il acte de commerce en mettant ses capitaux dans une entreprise commerciale ?

On le voit, le Code n’est pas précis même sur les définitions. Cependant, comme il y a juridiction civile et juridiction commerciale, il est important d’être fixé en cas de litige.

La pratique est plus explicite ; elle ne connaît guère les sociétés civiles que de nom. Pour elle tout devient objet de commerce : immeuble, denrée, marchandise. Elle marche d’instinct à l’unité de codification des valeurs et de la propriété.

Le Code de commerce distingue : la société en nom collectif, la société en commandite et la société anonyme.

« La société en nom collectif existe sous une raison sociale, N. et Cie. Les associés sont solidaires indéfiniment pour tous les actes de la société, encore qu’un seul des gérants ait signé, pourvu que ce soit sous la raison sociale. » (Art. 22.)

« La société en commandite se contracte entre un ou plusieurs associés responsables et solidaires, et un ou plusieurs associés simples bailleurs de fonds. — L’associé commanditaire n’est passible des pertes que jusqu’à concurrence des fonds qu’il a mis ou dû mettre dans la société. » (Art. 23, 26.)

La différence capitale entre les deux sortes d’associés, c’est la différence de responsabilité. Ainsi, tandis que le commanditaire limite ses risques au montant de sa souscription, l’associé en nom collectif est responsable indéfiniment. Le gérant de la commandite n’est pas autre chose qu’un associé en nom collectif. C’est ainsi qu’il faut entendre l’art. 25, ainsi conçu :

« Le nom d’un associé commanditaire ne peut faire partie de la raison sociale. »

Cela ne veut pas dire que le gérant ne saurait être actionnaire, mais que, par le fait de sa gestion, il assume une responsabilité qui n’incombe pas au simple commanditaire.

Aussi toute société en commandite est en nom collectif pour le ou les gérants, et en commandite pour les simples bailleurs de fonds.

« L’associé commanditaire, dit l’article 27, ne peut faire aucun acte de gestion, ni être employé pour les affaires de la société, même en vertu de procuration. — Le contrevenant devient passible de tous les engagements et de toutes les dettes de la société. » (Art. 28.)

Le Code se tait sur le chapitre de la surveillance et des assemblées. La jurisprudence a suppléé au silence de la loi et reconnu au commanditaire le droit de contrôle, que lui déniait formellement le projet primitif du conseil d’État.

La nouvelle loi sur les commandites va plus loin. Elle fait à ces sortes de sociétés une obligation d’avoir un conseil de surveillance, composé de cinq membres au moins, et chargé de vérifier les livres, la masse, le portefeuille et les valeurs de la compagnie ; — de faire un rapport à l’assemblée générale sur les inventaires et les propositions de distribution de dividendes ; — de convoquer les assemblées, s’il y a lieu, et au besoin de provoquer la dissolution de la société. (Art. 5, 8 et 9.)

Elle déclare les membres du conseil responsables solidairement et par corps : 1° lorsque la société vient à être annulée pour vice de constitution ; 2° lorsque sciemment ils ont laissé commettre dans les inventaires des inexactitudes graves, préjudiciables à la société ou au tiers ; 3° lorsqu’ils ont, en connaissance de cause, consenti à la distribution de dividendes non justifiés par des inventaires sincères et réguliers. (Art. 7 et 10.)

Ces prescriptions sont-elles limitatives des cas de responsabilité ?

L’autorisation donnée par le conseil ou l’assemblée de contracter un emprunt, d’augmenter le capital ou d’affecter une part des bénéfices à l’extension des affaires ; la censure du mode d’administrer, la fixation des appointements du gérant et des employés, la mutation du personnel administratif, tous ces actes et tant d’autres semblables constituent-ils une immixtion dans les opérations ? ceux qui y participent encourent-ils la responsabilité de l’art. 28 du Code de commerce ? ou bien font-ils acte de simple surveillance ? Graves questions, dont les commanditaires ne soupçonnent pas même l’importance, et sur lesquelles il serait possible d’enter d’interminables procès.

La société anonyme est mieux définie. Là, personne n’est responsable !

« Elle n’existe point sous une raison sociale. — Est est qualifiée par la désignation de l’objet de son entreprise. — Elle est administrée par des mandataires à temps, révocables, associés ou non. — Les administrateurs ne sont responsables que de l’exécution du mandat qu’ils ont reçu. — Ils ne contractent, à raison de leur gestion, aucune obligation personnelle ni solidaire, relativement aux engagements de la société. — Les associés ne sont passibles que de la perte du montant de leur intérêt dans la société. » (Articles 29-33.)

La société anonyme ne peut exister sans l’autorisation du chef de l’État.

Comment la pratique s’arrange-t-elle de toutes ces prescriptions ?

Nous ne dirons rien de la société en nom collectif, dont les membres sont autant de patrons intéressés au même titre. Les tiers n’ont rien à voir ce qui se passe chez eux.

Dans la commandite, le gérant est de droit le maître de la maison, malgré les prescriptions de la nouvelle loi. Dans la société anonyme, les administrateurs sont des délégués révocables, dont les pouvoirs et les attributions émanent de l’assemblée générale.

« La commandite est une monarchie tempérée, dit M. Troplong ; la société anonyme est une véritable république élective. »

Ajoutons : Avec les empiétements traditionnels des deux espèces de gouvernement : envahissement de l’exécutif sur le législatif ; — asservissement de l’électeur par l’élu.

Il serait difficile de dire lequel des deux régimes vaut le mieux pour l’actionnaire. Sous l’un comme sous l’autre, il est la plèbe taillable et corvéable à merci et miséricorde.

L’usage, sans s’inquiéter des distinctions des légistes sur une question non élucidée, réserve la société anonyme aux grandes entreprises, aux grosses mises de fonds, et la commandite aux affaires moins importantes.

Il y a des commandites où le gérant n’apporte rien, ni en numéraire, ni en matériel. L’acte de société alors est généralement rédigé de façon à ne lui laisser que l’exécution des mesures dictées par un conseil de surveillance remplissant en réalité les fonctions d’administrateur, sans souci de la responsabilité qui incombe à une pareille immixtion.

Le gérant peut toujours, il est vrai, s’affranchir d’une pareille tutelle : le Code l’y autorise. Mais ni actionnaire ni gérant ne connaissent le Code ; et, sauf le cas de mauvaise foi, la commandite continue de cheminer avec une organisation empruntée à la société anonyme.

Aussi la nouvelle loi a-t-elle voulu parer à cet inconvénient en augmentant les pouvoirs et la responsabilité du conseil de surveillance, et en faisant intervenir les assemblées générales.

Il faut qu’un commanditaire soit bien malheureux pour envier le sort d’un actionnaire de compagnie anonyme. C’est là que l’exploitation du petit capitaliste par l’état-major se produit dans toute sa puissance, dans tout son cynisme.

Tant pis pour l’actionnaire ! direz-vous. N’est-il pas le mandant ? N’a-t-il pas le droit d’élection et de contrôle ? Qui l’empêche de destituer les forfaiteurs ?

En théorie, tout cela est superbe. Mais remarquez bien ceci : Pour faire partie de l’assemblée générale, il faut être possesseur d’un certain nombre d’actions ; les voix se comptent par actions et non par têtes ; la direction se compose des gros capitalistes ; leur prépondérance est d’autant mieux assurée, que l’insouciance des petits, leur ignorance en comptabilité et en administration les livrent pieds et poings liés. Ajoutez que la gent actionnaire en est encore à ce degré de béotisme, qu’il lui faut un homme, un nom illustre. — Une probité à l’épreuve, une expérience de longues années, l’esprit d’initiative, les plus éminentes qualités réunies en un individu sans renom dans le monde financier, n’attireront pas un écu. Le premier flibustier dont le nom, les titres et la fortune résonnent un peu haut, amènera jusqu’aux économies des portiers. Aussi y a-t-il des billets de banque pour les administrateurs, quand il n’y a pas seulement des centimes pour les actionnaires.

Demandez à un de ces prédestinés de la mystification anonyme, dont tout l’avoir, quelques maigres mille francs péniblement amassés, sont dans un chemin de fer, comment il se fait que sa compagnie, qui vient de payer 10 0/0 de dividende, soit obligée d’emprunter 20 millions. Il vous rira au nez. — Ha ! ha ! MM. X et Z qui sont à la tête s’y entendent ;puis ils sont trop riches pour être indélicats.

Où avions-nous lu que la confiance s’est retirée ?

De bons et candides rentiers vous disent, avec l’accent de la foi la plus béate : — Nous n’avons pas besoin de nous inquiéter ; ces messieurs du conseil sont plus gros actionnaires que nous ; ils ne manqueront pas de défendre leurs intérêts, et par conséquent les nôtres.

Braves gens qui raisonnez si juste, achetez un lopin de terre et plantez-y des choux ! mais ne mettez pas vos épargnes dans une société anonyme.

Écoutez cette parabole :

M. Grapinard, maître de forges, a accepté, par pure philanthropie, afin d’être agréable aux actionnaires, d’entrer au conseil d’administration d’un chemin de fer où il a quelques intérêts. L’entreprise a besoin de rails et de machines. Où prendre le tout ? — Chez Grapinard naturellement. Il est intéressé dans la société, il ne lui fera pas de conditions mauvaises. Mais quoi ! il a pour 100,000 fr. d’actions et 10 millions de fournitures à faire. Croyez-vous Grapinard l’administrateur capable de chicaner Grapinard le maître de forges sur le prix et la qualité des marchandises ? — Doucement ! Grapinard n’est pas seul au conseil ; M. Grippefranc ne fournit pas de fer, lui. — C’est vrai ; mais il a l’entreprise des traverses. — Du moins, M. Serrefort ne fournit rien. — Si son cousin fournit pour lui, qu’en savez-vous ?…

Ce n’est point là une hypothèse : nous avons cité assez de faits de cette nature dans notre chapitre VII.

Les administrateurs des sociétés anonymes sont irresponsables, à la différence des gérants de commandite qui sont garants, de tous leurs biens et de leur personne, pour les dettes sociales. Et de fait une responsabilité de ce genre serait illusoire dans le cas de faillite d’une compagnie anonyme au capital de 20 millions, plus ou moins. L’irresponsabilité nous semble de droit. C’est aux actionnaires d’exercer un contrôle plus sérieux ; c’est au gouvernement, dont l’autorisation est nécessaire pour la validation des statuts, d’armer le bailleur de fonds contre les états-majors, et d’user de son droit de surveillance.


III.


Le principe de la société anonyme semble appelé à prévaloir. La commandite n’est pas vraiment une association. C’est un prêt fait à un ou plusieurs industriels, dont les capacités ou un commencement d’établissement offrent des garanties. Seulement le prêt, au lieu d’être à un taux déterminé pour cent l’an, doit suivre les chances aléatoires de l’entreprise ; il participe aux profits et aux pertes. En réalité, le commandité, de même que l’emprunteur, reste maître de l’affaire : c’est de toute justice, puisqu’il est indéfiniment responsable. La nouvelle loi, du reste, ne tend pas à moins qu’à la suppression de cette forme d’association.

Dans la société anonyme, au contraire, tous les actionnaires sont égaux, du moins d’après la loi[7]. L’administration relève des assemblées générales, où tous ont voix délibérative. Nous ne la comparerons pas au pouvoir exécutif d’une monarchie constitutionnelle ou d’une république représentative ; car une administration n’est pas une autorité. C’est pourquoi, lorsqu’une direction a fait ses preuves, on doit se garder de la changer, bien qu’elle doive rester perpétuellement amovible.

Quand on sera revenu de l’engouement pour les célébrités financières, quand les notions de comptabilité seront plus répandues, quand la spéculation stérile, avide de réaliser des bénéfices avant la mise en valeur des travaux, aura fait place à de simples opérations de crédit, la forme anonyme offrira aux capitalistes toutes les sécurités désirables, et aux entreprises grandes et petites des ressources à l’infini.

Reste la question des travailleurs, dont l’association n’a point augmenté le bien-être, tant s’en faut.

Si le progrès n’a pas menti à lui-même, la position de l’ouvrier doit s’améliorer avec l’avenir. Or, l’avenir, c’est l’association comme forme du travail, ce qui signifie, dans les données actuelles, la dépendance, l’asservissement.

Nous croyons à l’infaillibilité du progrès : c’est donc la pratique actuelle qui est dans l’erreur. La formule du contrat de société n’est pas trouvée : voilà tout le mal ; il peut n’être pas de durée.

Il n’entre pas dans notre cadre de nous livrer à une recherche approfondie sur ce sujet. Nous n’en dirons qu’un mot.

Le point de départ d’une telle investigation doit être, selon nous, cet axiome : Moins l’homme est associé, plus il est libre ; plus il est heureux par conséquent. Le morcellement de l’association par groupes aussi petits, aussi indépendants que possible les uns des autres, voilà le principe de la liberté. C’est aussi celui de l’économie et du bon marché.

On croit généralement que la centralisation administrative et la réunion, sous une direction unique, d’industries fort disparates procure une réduction dans les frais généraux. C’est une erreur. Le morcellement n’a que faire de bureaucratie. Toute celle qu’emploie l’administration centrale est de trop.

Essayons d’un exemple de décentralisation dans l’entreprise la plus gouvernementale après le gouvernement, un chemin de fer[8].

1o Le service d’un railway exige d’abord l’entretien et la sécurité de la voie : c’est l’affaire des cantonniers. La compagnie rédige son cahier des charges, lui donne de la publicité, et invite les sociétés de cantonniers à traiter avec elle. Une fois les conventions arrêtées et la concession faite, l’organisation du service d’entretien et de sécurité ne regarde plus la société du chemin. C’est une section à rayer de l’administration centrale.

2o Une société de mécaniciens devient adjudicataire, soit directement, soit par soumissions au rabais, de l’entreprise de la traction, moyennant une somme de …, une quantité de coke de … et un matériel de … La compagnie du chemin de fer n’a plus qu’à veiller à l’exécution de son cahier des charges : quant au service, il ne la regarde pas.

3o Une autre société de mécaniciens devient adjudicataire des travaux de réparation à faire au matériel.

4o Le roulage ordinaire, c’est-à-dire l’industrie libre, reprend l’entreprise du transport des marchandises et du camionnage. La compagnie du chemin n’a rien de plus à faire que d’indiquer, comme pour les voyageurs, les heures de départ et le prix du parcours.

Bornons là nos exemples.

Qu’y a-t-il de commun entre les quatre branches d’industrie que nous venons de signaler ? Rien absolument. Les cantonniers n’ont point à voir aux affaires des mécaniciens, ni ces derniers à celles du roulage ; l’entreprise de la traction est complétement séparée et insolidaire de celle des réparations. À quoi bon une administration courbant sans aucune amélioration pour le service, avec une grande déperdition de fonds et de forces au contraire, toutes ces variétés de travail sous un joug commun ?

Économie d’argent, économie de chicane et d’oppression, voilà quel serait le résultat de la décentralisation administrative. La caisse, le contentieux, une comptabilité rendue plus simple que celle d’une banque au capital d’un million, vingt ou trente fonctionnaires formeraient toute l’administration d’un chemin de 200 kilomètres.

Chaque société particulière peut maintenant se dédoubler d’une manière analogue, de telle sorte que l’individu ait, comme la compagnie elle-même, sa tâche parfaitement définie, dont il garantit l’accomplissement à ses risques et périls.

Mais on tournera longtemps avant d’en arriver là. Le principe communiste, sous lequel tout le monde gémit, domine tout le monde, peuple, bourgeoisie, haute finance et gouvernement. On veut de la centralisation, de l’administration, de l’autorité quand même, en affaires comme en politique. Laissons donc faire l’expérience.

Nous avons exposé les différentes formes d’association, leur raison d’être, leurs avantages et leurs inconvénients. Ce préambule, un peu long peut-être, nous dispensera du moins d’entrer dans des détails qu’il eût fallu répéter à chaque société dont il nous reste à faire la monographie.





CHAPITRE PREMIER.


Institutions de crédit.


BANQUE DE FRANCE.


Nous définirons la banque de circulation : « Une institution ayant pour but de donner cours authentique aux effets de commerce souscrits par les particuliers. »

A, marchand de draps vend à B, confectionneur, 1,000 fr. d’étoffes, et reçoit en payement un billet à 90 jours.

En même temps, A achète de C, cultivateur, 1,000 fr. de laines, qu’il paye avec l’obligation souscrite par B.

De son côté, C achète à D 1,000 fr de bétail, et lui remet en acquit l’obligation de B, qu’il a reçue de A.

D s’est fourni chez B, pour lui et sa famille, de 1,000 fr. de vêtements ; il s’acquitte envers B en lui rendant son propre billet, souscrit primitivement au nom de A.

Ces quatre opérations, portant sur une valeur de 4,000 fr., n’ont pas nécessité un centime de numéraire.

Voilà, réduit à sa plus simple expression, le mécanisme du crédit.

Tout le monde vend et achète, soit de la main-d’œuvre, soit des produits. Seulement les échanges ne sont pas toujours de même valeur, comme dans notre hypothèse. De plus, C, ne connaissant pas la solvabilité de B, peut refuser son obligation, bien que A en soit endosseur et responsable.

En un mot, le billet personnel n’aura jamais qu’une circulation restreinte : 1° parce que les souscripteurs et endosseurs ne sont pas connus de tous les échangistes auxquels le papier peut être présenté ; 2° parce que les obligations particulières n’étant point, dans le plus grand nombre de cas, égales entre elles, il y a nécessité soit de les fractionner, soit de les compléter par appoint.

Pour obvier à ces inconvénients, A, B, C, D, E…. Z, — l’ensemble de tous les producteurs, — connaissent une institution de banque, dont les opérations méritent confiance. Chacun d’eux se repose sur elle du soin de vérifier la solvabilité des escompteurs. A, au lieu de remettre à C le billet souscrit par B, que C ne connaît pas, va à la Banque ; celle-ci, après information, trouvant la créance solide, garde l’obligation de B, dont elle poursuivra le remboursement à échéance, et y substitue un papier portant sa propre signature, accepté partout comme argent comptant. Les payements s’effectuent à l’aide du billet de banque remplaçant le billet personnel. Le mécanisme est plus simple, la circulation plus active, la garantie plus certaine, puisqu’il s’y ajoute celle de la banque ; mais le résultat est le même.

La Banque de France n’accepte que du papier solidement gagé ; elle n’a pas éprouvé une seule faillite en 1855 : les bénéfices de l’escompte sont à peine entamés par quelques non-valeurs annuelles. D’où peuvent donc venir les crises qui ont plus d’une fois ébranlé son crédit ?

Une baisse dans le chiffre des affaires, la déconfiture de grandes maisons de commerce, un nombre considérable d’effets en souffrance, doivent nécessairement réagir sur la Banque et lui créer des embarras. Mais, indépendamment de ces causes, qui lui sont extérieures, nous en trouvons deux autres dans le vice même de sa constitution, et qui sont : 1° l’obligation de rembourser les billets en numéraire ; 2° la dépendance où elle se trouve vis-à-vis de l’État, dont les emprunts peuvent la mettre à découvert.

Le remboursement des billets implique, selon nous, contradiction. S’ils doivent avoir sans cesse pour gage une valeur égale en métaux, à quoi servent-ils ? Pourquoi ne pas faire tout de suite les transactions en monnaie ? La raison d’être du billet de banque, c’est apparemment l’insuffisance des espèces. Et, en effet, la pratique, à qui il ne manque que de raisonner ses procédés, ne le comprend pas autrement. L’encaisse métallique ne va souvent pas au quart du papier en circulation ; cependant les porteurs n’en conçoivent aucune inquiétude.

Seulement il y a des moments de panique où tout le monde perd la tête ; les conseils de la prudence deviennent alors inutiles, car la peur n’écoute rien. En revanche, une mystification, rendue nécessaire, suffit à ramener le calme.

Ainsi, en 1846-47, la diminution de l’encaisse jette l’alarme dans le monde commerçant. Que fait la Banque ? Elle échange ses rentes contre des lingots et des espèces ; elle entasse à grands frais des métaux dans ses caves ; en un mot, elle change la nature de son capital sans verser un écu de plus dans la circulation, et la confiance renaît comme par enchantement.

En 1848, les demandes de remboursement affluent à la caisse ; le papier tombe en dépréciation ; tout le monde exige des espèces ? Qu’imagine la Banque ? Elle demande et obtient le cours forcé. Soudain, la peur se dissipe, les trembleurs se rassurent. Les billets s’acceptent partout au pair ; quelques mois après, on les recherche à prime. Les espèces rentrent dans les coffres avec une rapidité effrayante ; bientôt elles sont au niveau du papier en circulation ; encore un peu, elles le débordent.

Voilà la Banque dans la situation la plus favorable : elle est en mesure de rembourser tous ses billets ? — Point du tout, la position est détestable au contraire ; c’est une crise commerciale, une stagnation dans les affaires. Ce phénomène du moins trouve son explication. La quantité des échanges diminuant, le supplément de circulation offert par le crédit devient inutile. La banque de circulation n’est plus qu’une banque de dépôt.

Mais, sans la condition de remboursement, où se trouve le gage des billets ?

Il n’est ni dans l’encaisse métallique, ni dans le fonds de réserve, ni dans le capital meuble ou immeuble ; ce gage, c’est le portefeuille.

Toute émission de billets ou d’espèces est précédée de l’encaissement d’une valeur supérieure en effets de commerce. Nous disons d’une valeur supérieure, parce que les obligations particulières ont à payer l’escompte, dont une part sert à couvrir les frais de gestion et les chances très-rares de non-payement ; le surplus forme le bénéfice des actionnaires.

Les effets à trois mois qui viennent à l’escompte aujourd’hui garantissent ceux qui y viendront le trimestre prochain, et sont garantis eux-mêmes par ceux du trimestre passé. Le doit et l’avoir se balancent perpétuellement. Excepté dans les paniques, tout le monde comprend cela. La banqueroute d’une partie notable des souscripteurs ou endosseurs d’effets privés pourrait seule amener la faillite d’une banque bien administrée. Dans ce cas impossible, ni l’encaisse, ni le fonds de réserve, ni le capital ne sauveraient l’institution d’une déconfiture.

Qu’est-ce donc que le numéraire dans une banque de circulation ? La monnaie des billets, l’appoint et le dédoublement des coupures, rien de plus.

Quel doit être le capital d’une semblable entreprise ? Le gage des faillites dont la banque peut avoir à répondre, par suite de non-payement des effets de commerce admis à l’escompte. Au fond, une banque est une entreprise d’assurances qui, avec un capital de 50 millions, placés sur l’État, peut garantir trois ou quatre milliards de transactions annuelles.

À ce propos, nos lecteurs ne seront pas fâchés de retrouver ici, à l’appui de notre opinion, la note officielle du 29 mai 1810, reproduite par le Moniteur du 29 janvier 1857.


note expédiée du havre, le 20 mai 1810, à la banque de france par ordre de s. m. l’empereur, et par l’entremise de m. le comte mollien, ministre du trésor.


« Le capital de la Banque de France, c’est-à-dire la mise de fonds de ses actionnaires, des intéressés à l’exploitation de son privilége, a été fixé par la loi de l’an 8 à 30 millions, par la loi de l’an 11 à 45 millions, par celle de l’an 1806 à 90 millions.

« La destination de ce capital n’a pas été de donner à la Banque les moyens propres d’exploiter son privilége ; ce capital n’est pas l’instrument de ses escomptes, car ce n’est pas avec son capital qu’elle peut escompter ; son privilége consiste à créer, à fabriquer une monnaie particulière pour ses escomptes.

« Si une banque employait son capital à ses escomptes, elle n’aurait pas besoin de privilége ; elle serait dans la condition commune de tous les escompteurs, mais elle ne pourrait pas soutenir leur concurrence, car d’un côté elle fait nécessairement plus de dépenses pour escompter, et de l’autre elle doit faire moins de profits sur chaque escompte, puisqu’elle escompte à un taux plus modéré.

« C’est indépendamment de son capital qu’elle crée par ses billets son véritable et son unique moyen d’escompte.

« Son capital est et doit donc rester étranger à ses opérations d’escompte. La formation de ce capital est un acte préliminaire, aussi distinct de l’activité d’une banque comme machine privilégiée d’escompte, que la prestation du cautionnement d’un comptable est distincte de sa gestion proprement dite.

« La condition de fournir un capital n’est imposée aux entrepreneurs d’une banque que pour assurer à ceux qui admettent ses billets comme la monnaie réelle, un gage et une garantie contre les erreurs, les imprudences que cette banque pourrait commettre dans l’emploi de ses billets ; contre les pertes qu’elle essuierait, si elle avait admis des valeurs douteuses à ses escomptes ; en un mot (pour employer l’expression technique du commerce), contre les avaries de son portefeuille.

« Une banque n’émettant et ne pouvant émettre des billets qu’en échange de bonnes et valables lettres de change à deux et à trois mois de terme au plus, elle doit avoir constamment dans son portefeuille, en telles lettres de change, une somme au moins égale aux billets qu’elle a émis ; elle est donc en situation de retirer tous ses billets de la circulation dans un espace de trois mois par le seul effet de l’échéance successive de ses billets, sans avoir entamé aucune partie de son capital.

« Ainsi, après avoir établi que le capital d’une banque n’intervient pas dans ces escomptes comme moyen direct, on peut ajouter qu’il n’intervient pas plus dans sa liquidation si elle n’a fait que des escomptes réguliers, c’est-à-dire si elle n’a émis des billets qu’en échange de lettres de change véritables, nécessaires, représentées par des marchandises que le revenu des consommateurs payera, si c’est le besoin de consommation qui les a appelés.

« Le capital fourni par les actionnaires d’une banque n’étant, à proprement parler, qu’une espèce de cautionnement qu’ils donnent au public, on pourrait presque dire qu’une banque qui serait parvenue à se faire une réputation d’infaillibilité n’aurait pas même besoin de capital pour exploiter son privilége, c’est-à-dire pour escompter, avec les billets fabriqués par elle, les lettres de change qui lui seraient apportées par le commerce.

« Et un fait bien connu dans l’histoire des banques confirme cette assertion : la banque de Londres s’est formée, en 1692, avec un capital de 24 millions, et son premier acte a été de prêter la totalité de ce capital de 24 millions au trésor royal de Guillaume III, son fondateur. Cette banque n’en a pas plus mal exploité son privilége d’escompte dès la première année de son activité.

« L’escompte, tel que le pratique une banque sur toute la matière escomptable du lieu, est une opération si délicate et si capitale, cette opération exige tant d’attention, tant de soins, tant de prévoyance, une observation si minutieuse des combinaisons employées par chaque commerçant, des approvisionnements et des besoins de chaque lieu, des circonstances qui peuvent influer chaque jour sur le plus ou moins de crédit de chaque signataire de lettres de change, que cette opération n’admet le mélange d’aucune autre sollicitude ; ceux qui dirigent les escomptes sont les juges du commerce, ils ne doivent pas descendre dans l’arène des commerçants.

« Pour qu’ils jugent avec impartialité tous les actes des négociants, il faut qu’ils puissent s’abstenir d’y prendre une part active, même pour l’administration du capital de la Banque, et rien n’est plus inconciliable avec le haut arbitrage qu’ils exercent par l’escompte que cette recherche des profits qui accompagnent les placements temporaires.

« Si donc il a pu convenir aux finances de Guillaume III que la banque qu’il établissait lui prêtât à un intérêt modique alors (6 0/0) le capital ou le cautionnement fourni par ses actionnaires, il ne convenait pas moins à la Banque de Londres de le faire ; et ce premier acte, par quelque motif qu’il ait été inspiré, a peut-être eu une assez grande influence sur la bonne direction qu’elle a suivie pendant au moins un siècle.

« La banque de Londres, dès son origine, n’a plus connu qu’un seul devoir, qu’un seul intérêt, celui de bien diriger son escompte direct, qu’elle a constamment circonscrit dans la seule ville de Londres, d’autres banques s’étant successivement élevées dans les autres comtés pour l’escompte local de ces comtés.

« Si la Banque de France est appelée à donner une plus grande extension à ses escomptes directs, à établir pour son compte des comptoirs dans toutes les villes de l’empire qui peuvent produire une bonne matière escomptable, c’est assurément un motif de plus pour qu’elle s’épargne le surcroît de sollicitude que pourrait lui donner l’administration journalière de son capital, qu’elle écarte de ses actionnaires la pensée que ce capital pourrait, par la variation de ses placements, être jeté dans un mouvement en quelque sorte aléatoire, qu’elle écarte des porteurs de ses billets, dont le suffrage demande bien plus de ménagements encore que celui des actionnaires (c’est-à-dire du public tout entier, qui admet comme réelle la monnaie qu’elle fabrique), l’opinion que l’espèce de cautionnement qui réside dans ce capital, comme gage supplétif du portefeuille de la Banque, comme moyen d’indemnité des avaries que le portefeuille peut essuyer par les vices de l’escompte, pourrait lui-même éprouver quelques avaries.

« Le capital d’une banque doit, par la forme de son placement, rester en quelque sorte toujours immuable, pour que sa consistance ne soit jamais soupçonnée d’altération ; il doit en même temps rester dans un état immédiatement disponible, puisqu’il doit être toujours prêt à couvrir les pertes du portefeuille. Une partie de ce capital doit former une réserve en espèces ; cette partie est improductive d’intérêts. Le meilleur emploi qui puisse être fait du reste semble être la conversion en effets de la dette publique du pays, négociables sur la place, puisque ce placement joint à l’avantage d’assurer un intérêt favorable et régulièrement payé celui de la disponibilité libre, si le besoin de la Banque l’exigeait ; et quoique ce dernier cas ne puisse jamais arriver dans une banque qui n’a livré ses billets qu’en échange de la bonne matière escomptable, la prudence oblige toutefois de le prévoir.

« Il faut qu’une banque se maintienne en état de se liquider à tout moment, d’abord vis-à-vis des porteurs de ses billets, par la réalisation de son portefeuille ; et après les porteurs de ses billets, vis-à-vis de ses actionnaires, par la distribution à faire entre eux de la portion du capital fourni par chacun d’eux. Pour ne jamais finir, une banque doit être toujours prête à finir. »


Si quelqu’un nous eût dit en 1848 qu’il existait de l’empereur Napoléon 1er une pièce dans laquelle les principes de la Banque du Peuple et du Crédit gratuit étaient aussi explicitement formulés, nous ne l’eussions pas voulu croire.

Reprenons le raisonnement de M. Mollien :

Si le capital de la Banque de France est placé en rentes sur l’État, qui en paye à la Banque l’intérêt, cet intérêt ne doit plus être compté dans le prix que la Banque exige du commerce pour l’escompte du papier ; il ne reste, comme éléments constitutifs de ce prix, que deux choses : la commission du banquier et le risque couru.

Il y a, pour cette élimination de l’intérêt du montant de l’escompte, une autre raison :

Puisque le capital de la Banque ne sert que de garantie à ses opérations, sur quel capital opère-t-elle donc ? Sur son portefeuille, gage de ses billets, d’une part ; ensuite sur le crédit public, qui accepte ces mêmes billets, et livre en échange ses espèces qui vont s’accumuler dans la caisse de la Compagnie. La Compagnie doit donc tenir compte au public de son crédit, comme l’État lui tient compte à elle-même de son cautionnement : c’est-à-dire que dans le taux de l’escompte, l’intérêt ne figure plus.

Or, si la commission de banque et la prime d’assurance sont désormais les seuls éléments constitutifs du prix à percevoir par la Banque en rémunération de son service, il s’ensuit que dans une Banque bien administrée la condition du commerce s’améliorant à chaque renouvellement du privilége, le taux de l’escompte doit se rapprocher de plus en plus du montant des frais de l’administration, augmenté de la prime d’assurance.

Quels sont les frais, ordinaires, de l’administration de la Banque ? — 5 millions, environ, par année.

Quel est le risque ? — zéro, d’après le dernier inventaire.

La somme des escomptes ayant été en 1856 de 4,674,000,000, il suffisait, pour couvrir la dépense de la Banque, de percevoir une commission moyenne de 0 fr. 10 cent. p. 0/0.

D’où vient donc que la Banque continue de faire entrer l’intérêt de son capital dans la supputation de son escompte, de telle sorte qu’au lieu de 0 fr. 10 c. 7, elle retient, pour du papier à échéance moyenne de 45 jours, à raison de 4, 5 et 6 0/0 l’an, 0 fr. 44 c. 4 ; 55 c. 5 ; 66 c. 6 ?

Comment le pouvoir, en renouvelant le privilége de la Banque, n’a-t-il jamais songé à stipuler cette réduction ?

Pourquoi, contrairement à ses propres maximes, lui a-t-il imposé à plusieurs reprises l’obligation d’augmenter son capital, comme si l’augmentation de ce capital devait augmenter la masse des opérations ?

Les prévisions de l’empereur, relativement aux risques courus par une Banque opérant dans des conditions normales, ont-elles été trompées ?

Non, l’empereur ne s’était pas trompé. Les embarras qui peuvent assaillir une Banque publique, et déterminer une crise, ne proviennent pas de l’escompte ; ils ont pour cause l’intervention de l’État dans la Banque, comme administrateur, escompteur et emprunteur.

C’est ce qui résulte de l’historique ci-après.


La Banque, dont les fonctions sont essentiellement commerciales, fut fondée sous le consulat, complétement en dehors de l’initiative des intéressés, c’est-à-dire des commerçants et industriels, dont la circulation réclamait ses services. Sur son capital, fixé primitivement à 30 millions, l’État versa de suite 5 millions en échange de 5,000 actions inscrites au nom de la Caisse d’amortissement (18 janvier 1800) : Peu de temps après, elle se fusionna, ou plutôt absorba à son profit la caisse des comptes courants, qui lui apporta un portefeuille de 6 millions, 5 millions et demi d’espèces et un grand crédit sur la place. Elle commença ses opérations le 20 février 1800. Elle fut chargée la même année, par les consuls, du payement en numéraire des rentes et pensions du second semestre.

La somme des escomptes s’éleva en 1801 à 89 millions, et en 1802 à 182. La moitié des actions seulement était placée à cette époque. Le public ne se hâtait pas ; la confiance n’était pas faite.

La Banque subsista jusqu’en 1803, concurremment avec la Caisse du commerce, le Comptoir commercial et divers établissements de crédit ayant tous le droit d’émettre des billets au porteur.

Une loi du 14 avril vint mettre à bas les institutions rivales, et conférer à la Banque le monopole de l’émission des billets. Son capital était porté à 45 millions, le maximum des dividendes annuels fixé à 6 0/0, le surplus des bénéfices devant former un fonds de réserve. Aucune banque ne pouvait se créer dans les départements sans l’autorisation du gouvernement. Cependant le choix des administrateurs était encore laissé aux actionnaires. — Le privilége était concédé pour quinze ans.

Dès l’année suivante, l’administration se trouva en lutte avec le gouvernement.

Rendons-nous compte d’abord de ce qu’est un emprunt du gouvernement fait à la Banque.

Le capital de la Banque est placé en rentes sur l’État pour servir de garantie à ses opérations. Ce n’est pas avec son capital que la Banque fait l’escompte, mais avec ses billets, lesquels ont pour gage, d’une part son portefeuille, de l’autre le numéraire qu’ils tendent à remplacer peu à peu dans la circulation, et qui vient s’entasser dans les caves de la Banque.

Un emprunt du gouvernement à la Banque, que la somme soit livrée en écus ou en billets, est donc un emprunt subrepticement fait au pays, avec la complicité, mais sous la caution toutefois de la Banque, qui livre au Pouvoir les espèces dont elle n’est que dépositaire, ou souscrit en sa faveur des billets à ordre dont elle n’a pas reçu la contre-valeur.

On conçoit, d’après cela, la répugnance de la Banque à se prêter à de semblables manœuvres, qui compromettent à la fois son crédit et son capital ; comme aussi les complaisances du Pouvoir, qui, pour prix de services aussi irréguliers, ne manque jamais de proroger le privilége de la Compagnie, et de soutenir le taux de l’intérêt.

Napoléon, non content d’emprunter au nom de l’État, voulait que ses fournisseurs trouvassent à la Banque un crédit illimité. La garantie des fournisseurs, c’était encore le crédit de l’État. Or, le gouvernement n’a point de capital ; il ne fait point d’affaires ; ses dépenses sont essentiellement de l’espèce appelée par les économistes improductives. Ses ressources proviennent de l’impôt ; il est toujours en avance sur l’avenir au moyen des emprunts. Le découvert de la Banque rendait la crise d’autant plus inévitable qu’il lui fallait augmenter le nombre de ses billets en circulation, pour faire face aux exigences gouvernementales.

Les billets se déprécièrent ; ils perdirent jusqu’à 10 0/0. Les demandes de remboursement montèrent à un million et demi par jour. Le conseil dut en limiter le chiffre à 500,000 fr. Il réduisit en même temps les escomptes. La circulation descendit à 48,334,000 francs, et l’encaisse métallique à 1,136,000 francs. Heureusement les succès militaires vinrent relever le crédit public et arrêter la débâcle.

Napoléon se montra fort irrité de cette crise, qu’il attribuait au mauvais vouloir et à l’incapacité des administrateurs. Afin d’en prévenir le retour, il n’imagina rien de mieux que de placer la direction de la Banque aux mains de ses agents. La loi du 22 avril 1806 créa un gouverneur et deux sous-gouverneurs nommés par le pouvoir, régla les formes de l’administration et du contentieux, prorogea de vingt-cinq ans le privilége de l’établissement, porta à 90 millions le capital, qui n’était que de 45, et autorisa la répartition aux actionnaires de deux tiers des bénéfices affectés au fonds de réserve.

La Banque ne tarda pas à se trouver embarrassée d’un capital hors de proportion avec la somme de ses affaires. Elle sollicita et obtint l’autorisation de le réduire en rachetant ses propres actions. Elle le ramena ainsi à 67,900,000 fr.

La loi de 1803 admettait en principe la création de banques départementales indépendantes[9]. Celle de 1806 et le décret organique du 16 janvier 1808, ramenant tout à l’unité, ne reconnurent qu’une institution centrale et des comptoirs subordonnés. Trois essais de comptoirs furent tentés sans succès, en 1809 à Lyon et à Rouen, en 1810 à Lille.

La Banque parut, un instant, devoir suivre la destinée de l’empire. Au commencement de 1812, le portefeuille était à 15 millions ; il tomba à 10 dans le courant de l’année ; il remonta à 45 dans le courant de 1813. Enfin, au commencement de 1814, la Banque cessa pour ainsi dire de fonctionner. Elle brûla ses billets, et invita les comptes courants à retirer leurs fonds. Les réserves descendirent à 5 millions, la circulation à 10, les comptes courants à 1,300,000 fr.

Toutefois la crise passa comme tant d’autres ; la circulation remonta bientôt à 70 millions, et les réserves à 93. L’essor que prit l’industrie après l’invasion vint donner à la Banque un aliment dont elle avait besoin.

Les doctrines absolutistes en matière de crédit semblèrent un moment s’en aller avec le régime impérial. Il fut question à la chambre des députés et dans l’assemblée des actionnaires de rendre à la Banque son indépendance. Mais un pouvoir ne consent pas aisément à se dessaisir d’une institution de cette importance. Les projets de réforme ne tardèrent pas à être abandonnés.

Cependant la Banque n’eut pendant quatre ans qu’un gouverneur provisoire, M. Laffitte, choisi par l’administration dans les désastres de 1814 ; ce qui ne l’empêcha pas d’échapper à la crise de 1818, durant laquelle l’encaisse descendit à 34 millions. Le conseil, à cette occasion, réduisit à 15 jours le terme des effets admis à l’escompte.

La création des banques départementales fut une bien petite concession à l’esprit de liberté. Ainsi, tandis que les comptoirs annexes de la banque de Paris pouvaient admettre du papier sur plusieurs places, les banques de départements indépendantes ne pouvaient pas faire d’opérations hors des villes où elles étaient établies. Ces restrictions apportèrent une entrave considérable au développement du commerce et du crédit. Les réclamations éclatèrent de toutes parts, surtout en 1840, lorsque vint la discussion sur le renouvellement du privilége. Les chambres et le gouvernement ne voulurent rien entendre. La loi resta telle quelle jusqu’en 1848.

Quoi qu’il en soit, neuf banques départementales se fondèrent de 1817 à 1838, savoir :

Rouen, 1817. ---------- Lyon, 1835. ---------- Orléans, 1836.
Nantes, 1818. Marseille, 1835. Le Havre, 1837.
Bordeaux, 1818. Lille, 1836. Toulouse, 1838.

Encouragée par leur succès, la Banque de France se décida à renouveler l’expérience des comptoirs, et elle en créa successivement :

En 1836, à Reims et à Saint-Étienne.
En 1838, à Saint-Quentin et à Montpellier.
En 1840, à Angoulême et à Grenoble.
En 1842, à Besançon, Caen, Châteauroux et Clermont-Ferrand.
En 1844, à Mulhouse.
En 1846, à Strasbourg et au Mans.
En 1847, à Valenciennes.

Nous arrivons aux crises de 1846, 1847 et 1848.

L’augmentation inusitée des opérations de la Banque, en 1846, les excès de la spéculation, l’immense quantité de capitaux immobilisés dans les chemins de fer, l’exportation du numéraire pour l’achat de céréales à l’étranger, la menace d’une famine, la peur, compagne inséparable de tout ce qui est insolite : telles sont les causes principales où l’on a cru trouver l’explication de la crise de 1846-47.

Du 1er juillet 1846 à la fin de l’année, les réserves métalliques étaient tombées de 252 millions à 80, c’est-à-dire de 172 millions. Le conseil général prit l’alarme. Le 14 janvier 1847, il éleva à 5 0/0 le taux de l’escompte, qui était depuis vingt-sept ans à 4, et s’empressa d’acheter des lingots à l’étranger. Mais l’opération la plus importante fut la vente au gouvernement russe de 50 millions de rentes françaises, dans le courant du mois de mars.

La Russie avait livré à la France de très-grandes quantités de grains, qui ne pouvaient être soldés qu’en espèces ; c’était la menace d’une nouvelle exportation de numéraire. Le marché offert par le gouvernement russe parait à cet inconvénient, puisque l’on payait à l’aide d’une inscription de rentes une dette exigible en argent. Aussi le traité fut-il accepté avec empressement. La Banque livra donc au trésor impérial de Russie 2 millions de rentes 5 0/0 au cours de 115 fr. 75 c. formant une somme de 46,300,000 fr. et 142,000 fr. de rentes 3 0/0 au cours de 77 fr. 65 c. formant une somme de 3,689,633 33 fr. Total : 49,989,633 33 fr.

Cette vente privait les actionnaires d’un revenu annuel de plus de 2 millions. Afin de leur offrir une indemnité, le conseil s’empressa de souscrire pour 25 millions à l’emprunt 3 0/0, au cours de 75 25, du 10 novembre de la même année. Quelque temps après, il racheta 300,000 fr. de rentes 3 0/0 au taux de 73 81.

L’augmentation du taux de l’escompte avait eu pour but de diminuer le chiffre des effets ; il n’en fut rien. Les escomptes de 1846 s’étaient élevés à 1,618 millions ; ils montèrent, en 1847, à 1,808 millions. Le taux fut ramené à 4 0/0 le 27 décembre de la même année.

La révolution de février vint compliquer la situation au moment où on commençait à sortir d’embarras. Du 26 février au 15 mars, la réserve métallique tomba de 140 millions à 59. Afin de conjurer le péril d’une liquidation, le gouvernement provisoire décréta le cours forcé des billets et ordonna la création des coupures de 100 fr. Une loi de l’année précédente avait déjà autorisé celles de 200.

Le titre de monnaie légale fut également reconnu aux billets des banques départementales dans les localités où elles étaient situées. Il en résulta une perturbation facile à prévoir. Tel recevait en payement comme monnaie légale des billets de la banque de Marseille, dont il ne pouvait faire usage pour s’acquitter à Lyon. L’unique remède à une pareille situation, c’était l’unité des billets, ce qui conduisait à l’unité de la banque, à l’extension du privilége.

« Considérant, dit le décret du 27 avril, que les billets des banques départementales forment aujourd’hui pour certaines localités des signes monétaires spéciaux dont l’existence porte une perturbation déplorable dans les transactions ;

« Considérant que les plus grands intérêts du pays réclament impérieusement que tout billet de banque déclaré monnaie légale puisse circuler également sur tous les points du territoire ;

« Décrète :

« Art. 1er. — La Banque de France et les Banques de Rouen, de Lyon, du Havre, de Lille, de Toulouse, d’Orléans et de Marseille sont réunies. »

Les Banques de Nantes et de Bordeaux résistèrent d’abord ; mais elles durent céder devant la nécessité, et elles furent incorporées le 2 mai suivant.

L’unité des billets nous semble le complément naturel de l’unité monétaire. Le progrès devait amener un jour ou l’autre cette réforme. Était-elle possible sans l’annexion des banques départementales ? Non sans doute ; car interdire à celles-ci le droit d’émettre des billets, c’était les réduire au rôle des comptoirs d’escompte et changer la nature même de leur institution. Maintenant la centralisation administrative de toutes les institutions de crédit est-elle sans inconvénients ? Nous ne le croyons pas. Nous réservons cette question pour le chapitre suivant.

Quoi qu’il en soit, la fusion des banques fit immédiatement tomber les entraves auxquelles on avait assujetti celles des départements. Le résultat montra combien le commerce avait été gêné par ces restrictions. Les mandats des départements sur Paris et de Paris sur les départements, qui ne s’étaient élevés en 1847 qu’à 96 millions, montèrent en 1848, malgré l’atonie des affaires, à 436 millions.

L’activité de la Banque pendant la crise de 1848 fut prodigieuse. Le 31 mars elle prêta à l’État 50 millions sur bons du Trésor ; le 5 mai elle fit à la Caisse des dépôts un prêt de 30 millions sur dépôt de rentes ; le 3 juin elle ouvrit au ministre des finances un crédit de 150 millions, dont il n’usa que jusqu’à concurrence de 75 millions ; elle souscrivit pour 22 millions et demi à l’emprunt du 24 juin. Elle avança 10 millions à la ville de Paris, prêta 6 millions au département de la Seine, 13 millions à la ville de Marseille, 1 million aux hospices. Elle devait assez au gouvernement pour lui venir en aide. Heureusement ces découverts n’allèrent pas jusqu’à provoquer une panique.

La Banque vint également au secours de l’industrie. Elle prêta 34 millions sur hypothèque aux grandes usines métallurgiques, et 60 millions sur dépôts de marchandises. Les effets en souffrance s’élevèrent un moment à 84 millions : rien de tout cela n’ébranla son crédit. Les billets étaient recherchés de préférence aux espèces : aussi une loi dut-elle autoriser une augmentation d’émission. Sa circulation, limitée d’abord à 350 millions, portée à 452 par suite de la fusion, fut élevée à 525 par la loi du 22 décembre 1849.

Le cours forcé cessa le 6 août 1850 ; mais, dès l’année précédente, la Banque avait, de fait, repris ses payements en espèces. La faveur s’attachant toujours aux billets, l’encaisse ne cessait de s’accroître ; le 2 octobre 1851, il était de 626 millions, dépassant de 110 millions la somme des billets en circulation. Ce n’est pas, comme nous l’avons dit, l’indice d’une grande prospérité.

Les coupures de 50 et de 25 fr. amèneraient dans les caves de la Banque plus de la moitié du numéraire circulant. On comprendra sans doute un jour l’inutilité de pareilles réserves. C’est l’histoire de l’avare ayant perdu son trésor.

Mettez une pierre à la place :
Elle vous vaudra tout autant.

Le 3 mars 1852, l’escompte fut réduit à 3 0/0. La crise alimentaire et l’exportation des espèces le firent élever à 4 le 7 octobre 1853, et à 5 le 3 janvier 1854 ; il fut ramené à 4 le 12 mai suivant.

Le 4 octobre 1855, une nouvelle crise alimentaire fit porter le taux de l’escompte, d’abord à 5, puis à 6 0/0, et réduire à 75 jours le terme des effets admis à l’escompte.

Telles sont les nécessités qu’entraîne le principe des encaisses métalliques, qui, loin d’être une garantie, deviennent une source de crise, en plaçant l’établissement dans l’alternative ou de suspendre ses payements, ou de réclamer le cours forcé, ou de prendre des mesures restrictives juste au moment où le commerce a le plus besoin de circulation.

La Banque de France possède 39 succursales, dont 15 ont été créées depuis 1848 ; chaque année elle en établit de nouvelles dans les centres les plus importants. Elle est déjà la suprême régulatrice de l’escompte et de la circulation. Les chiffres suivants attestent l’importance croissante et le caractère d’envahissement de l’institution. Avant la révolution de février, l’année la plus favorable avait été 1847 : le total des opérations s’était élevé à 2 milliards 714 millions. Les exercices de 1848, 49, 50 et 51 se maintinrent de beaucoup au-dessous de ce chiffre. Mais les transactions s’élevèrent :

En 1853 à 3,964,000,000 608,772,510 fr. En 1855 à 4,863,000,000
En 1854 à 3,888,000,000 En 1856 à 5,809,000,000

L’escompte des effets de commerce est toujours la principale opération de la Banque et de ses succursales, et c’est à leur progression qu’est dû ce doublement du chiffre des opérations. Il était :

En 1847 de 2,659,845,309 608,772,510 fr. En 1854 de 2944,000,000
En 1852 de 1,824,469,428 En 1855 de 3,762,000,000
En 1853 de 2,842,930,285 En 1856 de 4,674,000,000

N’est-ce pas la réalisation de ce que nous disions : « Une banque est une entreprise d’assurances qui, avec 50 millions de capital placé sur l’État, peut garantir 3 ou 4 milliards de transactions annuelles ? » — Mais alors le principe que le capital de l’établissement sert de garantie à ses opérations devient une fiction ; la sécurité dont il jouit lui est tout extérieure ; la mutualité des échanges est démontrée. Ce sont les négociants, les producteurs qui servent se réciproquement de caution ; le gage des billets, ce n’est ni rencaisse, ni la réserve, ni le capital, mais le portefeuille.

Alors pourquoi le commerce est-il tributaire d’une poignée de capitalistes ? pourquoi la Banque reste-t-elle une institution privée ? pourquoi n’est-ce pas aux chambres de commerce ou aux tribunaux consulaires qu’appartient le droit de réglementer le taux de l’escompte et les échéances ? pourquoi enfin l’institution prélève-t-elle des bénéfices sur une encaisse qui ne lui appartient pas, sur des billets qui ne sont pas les siens ?

La loi de 1840 avait prorogé jusqu’en 1867 le privilége de la Banque, avec faculté pour l’État d’en changer les conditions en 1855. Le décret du 3 mars 1852 a maintenu la prorogation pure et simple.

Le privilége de la Banque est de ceux qui ne se révoquent pas. Trop d’intérêts sont en jeu dans une pareille organisation pour qu’on la brise. Mais l’institution devra, croyons-nous, se modifier considérablement. Elle ne rend pas au commerce tous les services qu’il a droit d’en attendre et que lui impose son monopole. La condition des trois signatures, le maximum des échéances fixées à 90 jours sont au premier rang parmi les entraves apportées à l’escompte. Les décisions prises par le conseil sur l’exhaussement du taux de l’intérêt, sur la limitation des échéances, sont de véritables coups d’État contre le monde des affaires, qui en supporte les frais sans compensation. Le commerce a droit, sous ce rapport, de demander des garanties, une charte constitutionnelle.

Le capital en actions de la Banque de France, avant la fusion, était de 67,900,000 fr.

L’annexion des Banques départementales l’a augmenté de 23,350,000.

Il se trouve donc porté à 91,260,000.

Les actions au pair sont de 1,000 fr., nominatives et transférables. La transmission s’opère par la déclaration du propriétaire ou de son fondé de pouvoir inscrite au registre des transferts, signée du vendeur et certifiée par un agent de change.

Le cours des actions est tombé, pendant la crise de 1814, à 470 fr.

Elles étaient au 1er février 1848 à 3,190 fr. ;

Au 1er mars, à 2,400 ;

Au 1er avril, à 1,175 ;

Au 1er avril 1849, elles étaient remontées à 2,400.

Leur plus haut cours avant l’empire avait été de 3,800, en 1840 ; depuis 1856 elles ont dépassé 4,000.

L’assemblée générale se compose des 200 actionnaires qui ont le plus d’actions, suivant une liste arrêtée six mois avant la convocation. Elle nomme 3 censeurs et 15 régents, dont 3 doivent être pris parmi les receveurs généraux. Ils doivent être propriétaires d’au moins 30 actions chacun.

Le gouverneur et les sous-gouverneurs sont nommés par l’État. Le premier doit avoir 100 actions, et chacun des deux autres 50.

Les actions des administrateurs sont inaliénables tout le temps de leurs fonctions.

La réunion de tous ces fonctionnaires forme le conseil général de la Banque. Le conseil détermine le taux de l’escompte, les sommes à employer et les échéances au delà desquelles les effets ne sont point admis.

Les fonctions des censeurs sont de simple surveillance. Ils peuvent empêcher, s’ils sont unanimes, une nouvelle émission de billets.

Les 15 régents et les 3 censeurs sont répartis en 5 comités, savoir :

Le comité d’escompte ;

Le comité des billets ;

Le comité des livres et portefeuilles ;

Le comité des caisses ;

Le comité des relations avec le Trésor.

La Banque peut établir des succursales dans tous les départements, avec l’autorisation du gouvernement. Elle a le privilége exclusif d’émettre des billets partout où elle possède un comptoir.

Les succursales sont régies par un directeur au choix du pouvoir, par des administrateurs dont le nombre peut varier de 6 à 16, et par 3 censeurs.

Les administrateurs sont nommés par le gouvernement sur une liste double que lui présente l’assemblée des 50 plus forts actionnaires de la localité. Les censeurs sont choisis par le conseil général. Les opérations des succursales sont surveillées par des inspecteurs à la nomination du gouverneur. C’est, comme on le voit, la centralisation administrative, avec sa bureaucratie et ses entraves. La Banque a des succursales dans les localités suivantes :

Amiens. Clermont Le Havre. Montpellier Nîmes.
Angers. La Rochelle. Orléans.
Angoulême. Lille. Poitiers.
Arras. Limoges. Rennes.
Avignon. Lyon. Reims.
Besançon. Le Mans. Rouen.
Bordeaux. Marseille. Saint-Étienne.
Caen. Metz. Saint-Quentin.
Châteauroux. Montpellier. Strasbourg.
Clermont-Ferrand. Mulhouse. Toulon.
Dijon. Nancy. Toulouse.
Dunkerque. Nantes. Troyes.
Grenoble. Nevers. Valenciennes.

La Banque ne peut faire d’autre commerce que celui des métaux précieux.

Ses opérations consistent :

1° À escompter les effets de commerce dont l’échéance n’excède pas trois mois, timbrés et revêtus de trois signatures de personnes notoirement solvables.

Un transfert d’effets publics, d’actions de la Banque, de récépissés de marchandises dans les magasins généraux, peut remplacer la troisième signature.

2° À se charger de l’encaissement des effets qui lui sont remis.

3° À recevoir en compte courant les sommes qui lui sont versées par les particuliers ou les compagnies.

Elle payait dans l’origine 5 0/0, et ensuite 4, sur ces dépôts ; elle ne les accepte plus qu’à titre gratuit.

4° À faire des avances sur dépôt d’actions des Quatre-Canaux et d’obligations de la ville de Paris (arrêté du 23 février 1833) ; — à escompter les actions des canaux et les obligations de la ville remboursables dans le délai de six mois (arrêté du 14 septembre 1833) ; — à lever ou livrer en liquidation, de l’ordre des propriétaires, les effets sur lesquels elle a fait des avances (arrêté du conseil général, 24 décembre 1834) ; — à prêter sur transfert de rentes, actions et obligations des chemins de fer français (décret du 3 mars 1852),

5° À tenir une caisse de dépôts volontaires de tous titres, tels que contrats, engagements, etc., moyennant un droit de garde de 1/4 0/0 l’an.

6° À faire des avances sur lingots d’or et d’argent.

7° À payer les dispositions faites sur elle jusqu’à concurrence de ses encaissements.

Les dividendes se payent au 1er janvier et au 1er juillet de chaque année. Ils ne peuvent être moindres de 30 fr. par semestre et par action. À cet effet, on prélève d’abord sur les bénéfices 6 0/0 du capital de 91,250,000 fr. Le surplus des profits est divisé en deux parts ; 2/3 sont répartis aux actionnaires ; 1/3 constitue un fonds de réserve dont la répartition ne peut être autorisée que par une loi. Ce fonds s’élève aujourd’hui à 13 millions environ.

La réserve a été distribuée déjà deux fois.

Loi du 4 juillet 1820 . . . . . . . 202 fr. par action.
—— — 6 décembre 1831 . . . . . . . 145 ———

Depuis la fondation jusqu’en 1836, le dividende est resté au-dessous de 100 fr., sauf sur trois exercices :

An IX : 100     An XI : 113 71      1828 : 111

Depuis 1836 jusqu’à ce jour, il s’est tenu au-dessus de 100 fr., sauf en 1848, où il a été de 75 fr.

Les exercices les plus favorables, sous le règne de Louis-Philippe, sont :

1839 : 144 fr. 608,7 1846 : 159 fr.
1840 : 139 1847 : 177

Et depuis le coup d’État :

1852 : 118 fr. 608,7 1854 : 194 fr. 608,7 1856 : 159 fr.
1853 : 154 1855 : 200

Les opérations, en 1855, ont été :

À Paris, de . . . . . . . 1,958,049,589 fr.
Dans les succursales, de . . . . . . . 2,745,505,028
------------------
Total . . . . . . . 4,703,554,417

Les mêmes opérations, en 1856, ont été :

À Paris (non compris les opérations avec l’État et montant à 174,500,00 fr.) 2,564,000,000 fr.
Dans les succursales, de . . . . . . . 2,745,505,028
------------------
Ensemble . . . . . . . 5,635,800,000

Les succursales les plus favorisées sont :

Marseille . . . . . 449,000,000 fr.             Lille . . . . . 209,000,000 fr.
Lyon . . . . . 360,000,000 Valenciennes . . . . . 150,000,000
Bordeaux . . . . . 225,000,000

Quatre succursales ont donné une perte de 312,009 fr., provenant des dépenses de premier établissement et d’appropriation de locaux.

Les dépenses de la Banque et des succursales ont été :

En 1854 de . . . . . . . . . . 5,007,000 fr.
En 1855 de . . . . . . . . . . 9,813,000
En 1856 de . . . . . . . . . . 11,327,800
------------
Différence avec 1854 . . . . . . . . . . 6,320,800

Mais cette différence est presque entièrement occasionnée par des dépenses extraordinaires. Le premier chiffre est, à peu de chose près, la véritable moyenne.

Ses produits bruts ont été :

En 1853 de . . . . . . . . 14,762,432 74 fr.
En 1854 de . . . . . . . . 18,663,228 10
En 1855 de . . . . . . . . 22,671,123 90
En 1856 de . . . . . . . . 37,179,226 30

Le mouvement général des caisses se compose, pour 1855, de la manière suivante :

Espèces . . . . . . . . 2,056682,000 fr.
Billets . . . . . . . . 9,149,379,500
Virements . . . . . . . . 10,153,828,600
--------------------
Ensemble . . . . . . . . 20,359,890,100


TABLEAU GÉNÉRAL


des opérations faites et des produits bruts perçus par la Banque de France


pendant l’année 1855.


PRODUITS VARIABLES
Opérations commerciales à Paris
montant
des opérations
produits bruts
des opérations
Escompte du papier de commerce 1,156,500,019 5,786,879 50
———— de bons du Trésor 43,470,906 186,356 60
———— de bons de la monnaie 211,780,791 82,414 04
———— de traites de coupes de bois 1,678,573 20,696 05
Avances sur actions des canaux 24,686,200 241,926 95
——— sur rentes 172,118,500 1,266,961 60
——— sur valeurs de chemin de fer 326,229,000 2,737,770 15
——— sur lingots 21,487,400 52,972, 10
Commission sur les billets à ordre 181,751 45
Primes sur matières d’or et d’argent
Droits de garde 83,981 55
------------- -------------
Total 1,958,049,389 10,641,718 99
Opérations commerciales des succursales 2,745,505,028 12,029,405
----------- -----------
Total de ces deux natures de produits 4,703,554,417 22,671,123 99
------------
---------------
------------
---------------
Opérations avec le Trésor 145,000,000 1,261,864 54
—— avec la ville (Caisse de la boulangerie). 14,860,000 155,250
produits accidentels ------------
---------------
------------
---------------
Recouvrements sur les effets en souffrance 342,861 98
Bénéfices divers 564 90
-------------
Total 343,426 88
produits fixes ------------
---------------
------------
---------------
Rentes appartenant à la Banque 3,710,194


COMPTOIR NATIONAL D’ESCOMPTE DE PARIS.
(Paris, 14, rue Bergère.)


Les Comptoirs d’escompte ont été institués, à la suite de la révolution de 1848, comme de simples expédients contre la crise.

À ce moment les premières maisons de banque parlaient de liquidation ; la caisse Gouin et la caisse Ganneron avaient suspendu leurs payements ; les autres ne voulaient plus recevoir de papier. Le commerce, frappé d’hébêtement, restait sans initiative, sans énergie. Il y avait pourtant dans chaque ville de quelque importance un corps de notables commerçants, une chambre élective de commerce, un tribunal de commerce. C’était aux membres de ces corporations de se réunir, de parler au public, de prendre des mesures pour rétablir la circulation. Eh quoi ! ne voulait-on plus, en France, ni manger, ni boire, ni se vêtir, ni se loger, ni échanger, ni produire ? Y avait-il un colis de marchandises, une usine de moins ? Non, jamais on ne vit panique plus niaise ni plus ridicule. Louis-Philippe semblait avoir emporté dans sa fuite la vie et les idées de tout ce monde. Ils se réunissaient volontiers pour gémir et crier misère ; mais ils demeuraient les bras pendants, la bouche béante, attendant quelque signe céleste, quelque miracle de la Providence, pour les sortir de ce mauvais pas.

La Providence en cette occasion, ce fut le gouvernement provisoire.

« Dans toutes les villes industrielles et commerciales, dit le décret du 7 mars, il sera créé un Comptoir national d’escompte dont le capital sera formé dans les proportions suivantes : 1° un tiers en argent par les associés souscripteurs ; 2° un tiers en obligations par les villes ; 3° un tiers en bons du Trésor par l’État.

« Les bénéfices appartiendront exclusivement aux actionnaires. »

Les obligations des villes et les bons du Trésor ne sont qu’une garantie, une promesse de payement en cas de déficit ; ce n’est pas de l’argent versé.

Le 8 mars, un autre décret organisa le Comptoir de la ville de Paris, au capital de 20 millions fournis dans la proportion sus-indiquée, soit pour la part des souscripteurs, 6,666,500 fr.

Un décret du 16 mars ouvrit un crédit de 60 millions pour venir en aide, à titre de prêt, aux nouveaux établissements.

Les premières actions furent prises comme par charité. Quelques commerçants, diverses corporations telles que la Banque, les agents de change, la Chambre de commerce, les avoués, les notaires, s’inscrivirent en tête de la liste philanthropique.

Le 18 mars, le Comptoir de Paris commença ses opérations avec 1,587,021 fr. 45 c. de réalisés, et un million d’emprunt au Trésor. Afin de créer des actionnaires, on imagina d’opérer une retenue sur les bordereaux présentés à l’escompte : les gens ne savaient plus marcher ; le repos, c’était la mort ; il fallait bien les pousser de force et les empêcher de périr. Ces retenues produisirent, pendant le premier semestre, 1,241,970 fr. 70 c, qui furent convertis en actions ; il restait en outre un autre solde de même origine de 290,901 fr.  88 c. Enfin, au 31 août 1848, le montant des actions réalisées, volontairement ou par retenues, était de 4,041,804 fr. 23 c.

Les Comptoirs nationaux sont affectés aux opérations des banques ordinaires du commerce : ils n’émettent point de billets. Aussi avaient-ils besoin que leur portefeuille fût réescompté à la Banque. Les réescomptes s’élevèrent, en 1848, à Paris et dans les succursales, à 131 millions.

« Le Comptoir n’admettra à l’escompte, dit l’art. 8 des Statuts, que des effets de commerce revêtus de deux signatures au moins, et dont l’échéance ne pourra pas excéder cent cinq jours, pour le papier payable à Paris, et soixante jours pour le papier payable dans les départements. — L’échéance pourra être étendue à quatre-vingt-dix-jours pour les effets payables sur les places où il y a une succursale de la Banque. »

Les nécessités de la situation vinrent bientôt modifier la première prescription de l’art. 8. Les fabricants, les manufacturiers, les négociants ne pouvaient ni vendre les marchandises dont leurs magasins étaient encombrés, ni emprunter sur ce gage. Le décret du 21 mars ordonna la création :

« À Paris et dans les autres villes où le besoin s’en ferait sentir, de magasins généraux placés sous la surveillance de l’État, et où les négociants et les industriels pourraient déposer les matières premières, les marchandises et les objets fabriqués dont ils seraient propriétaires. »

Le même décret ajoutait que :

« Les récépissés extraits des registres à souche, transférant la propriété des objets déposés, seraient transmissibles par voie d’endos ; »
dispositions qui, en simplifiant les formes prescrites par le Code, devait faciliter les prêts sur gages.

Afin de régulariser l’usage du nantissement, le décret du 24 mars organisa les Sous-Comptoirs de garantie, dont les opérations consistent :

« À procurer aux commerçants, industriels et agriculteurs, soit par engagement direct, soit par aval, soit par endossement, l’escompte de leurs titres et effets de commerce auprès du Comptoir principal, moyennant des sûretés données aux Sous-Comptoirs par voie de nantissement sur marchandises, récépissé des magasins de dépôt, titres et autres valeurs. » — « Les Sous-Comptoirs ne peuvent négocier les effets provenant du nantissement qu’auprès du Comptoir d’escompte, dans la caisse duquel est déposé leur capital. »

Les récépissés remplacent la seconde signature.

Le 19 avril 1850, le Comptoir de Paris fut prorogé pour six ans à partir du 18 mars 1852, et le capital porté à 33,333,500 francs, dont 20 millions à fournir par les souscripteurs, 6,667,000 en obligations de la ville de Paris, et 6,666,500 en un bon du Trésor par l’État. En conséquence, 26,667 actions nouvelles furent émises au cours de 550 fr.

Par les décrets des 24 mars et 23 août 1848, les Comptoirs et les Sous-Comptoirs étaient garantis pour une part de leurs opérations par l’État et par les villes. Mais en pratique, que signifiait cette garantie ? Rien du tout. Le jour où l’administration l’eût laissé entamer, elle eût été obligée de liquider. C’est ce que paraît avoir compris le gouvernement. Une loi, rendue le 26 mai 1853, porte :

« Art. 1er. Les Comptoirs et Sous-Comptoirs d’escompte pourront être établis ou prorogés avec les droits énoncés dans les articles 9 et 40 du décret du 23 août 1848, mais sans aucun recours ni aucune garantie de la part de l’État, des départements et des communes. »

À la bonne heure ! mais puisque le Corps législatif était en si beau chemin, qu’avait-il à faire de réserver à l’État, qui ne garantit rien, le droit de vie et de mort sur les Comptoirs ?

« Art. 2. Des décrets impériaux, rendus sur la proposition du ministre des finances, le Conseil d’État entendu, statueront sur l’établissement et la prorogation des Comptoirs et Sous-Comptoirs d’escompte, et sur la modification de leurs statuts. »

Ou garantissez les Comptoirs, ou laissez leur faire ce qu’ils voudront. Il est absurde, en pareille matière, de vouloir régenter sans financer.

Le 25 juillet 1854, un décret impérial reconstitua le Comptoir pour trente ans, à partir du 18 mars 1857. Les garanties de la Ville et de l’État étant supprimées, le capital se trouvait réduit à 20 millions ; le décret précité autorisa la Compagnie à l’élever à 40, et par décision du 21 février 1856, l’assemblée générale autorisa la direction à émettre 40,000 actions nouvelles au cours de 550 fr.

Ce qui manque en France, c’est, répétons-le, l’esprit d’initiative. Nul ne se dit en temps de crise : « C’est à nous de nous tirer d’embarras ; » ni en temps de calme : « Nous devons nous conduire nous-mêmes. » Chacun a les yeux fixés sur l’État, attendant son salut d’en haut et l’ordre du jour du gouvernement.

Certes l’occasion ne fut jamais plus belle qu’en 1848, pour l’industrie, l’agriculture et le commerce, de s’affranchir du patronage de l’État et de la finance. Les banquiers désertaient la place ; la Banque de France était menacée de liquider. C’était aux chambres de commerce de prendre la direction du mouvement. Elles n’avaient qu’à dire aux producteurs : « Tout travail, toute richesse vient de vous ; toute garantie, par conséquent. Les banques publiques et privées n’hésitent pas à s’engager pour l’échange de vos produits. C’est la source de leurs plus gros profits. Organisez spontanément entre vous et à votre bénéfice le crédit dont vous payez l’usage à vos patrons. »

C’était aux chambres de commerce de créer les Comptoirs d’escompte et les Sous-Comptoirs de garantie. Émanant d’une pareille origine, ces institutions, fondées dans tous les centres industriels et commerçants, auraient en peu d’années changé la face des affaires et éloigné à tout jamais l’influence des crises politiques, puisqu’elles eussent été complètement séparées du pouvoir.

Rappelons notre définition de la Banque : « Un établissement ayant pour but de donner cours authentique aux effets souscrits par les particuliers dont il connaît la solvabilité. » Ce n’est point une direction centrale ayant son siége à Paris, avec des mandataires dans les départements, qui peut remplir un pareil office. Une administration locale indépendante, agissant sous le contrôle des intéressés, est seule compétente en pareille matière.

Le taux de l’escompte doit couvrir les frais de gestion et les chances de non-payement ; 1/2 0/0 suffirait. Il serait absurde que la corporation des producteurs visât à réaliser des bénéfices sur elle-même.

Est-ce à dire que chaque Comptoir devrait avoir le droit d’émettre des billets ? Nous ne le pensons pas : ce serait retomber dans la multiplicité des signes d’échange et dans tous ses inconvénients. C’est pourquoi la Banque centrale doit rester. Mais que devient-elle dans cette nouvelle organisation ? — Un simple atelier de monnayage, sous le contrôle d’une haute chambre de commerce.

Les actions du Comptoir sont au porteur, de 500 fr. chacune. — L’assemblée générale se compose de tous les propriétaires d’au moins dix actions. — Les voix se comptent par série de 10 actions, mais on ne peut en avoir plus de 10.

L’administration se compose de 2 directeurs, 15 administrateurs et 3 censeurs.

À part la faculté d’émettre des billets, les comptoirs font à peu près les mêmes opérations que la Banque de France.

Voici le tableau des opérations du Comptoir de Paris depuis sa fondation.

Exercices. Nombre d’effets. Montant. Dividendes.
1848 (5 mois)       119,525       93,125,588 fr.       15 fr.
1849 (10 mois) 124,548 98,274,288 15
1850 (1 an) 237,559 145,630,577 35
1851 —— 319,781 215,195,904 40
1852 —— 382,521 273,473,902 40
1853 —— 576,758 502,670,434 31
1854 —— 837,809 628,521,792 36
1855 —— 877,995 276,943,888 42

Les fonds des Sous-Comptoirs sont déposés dans la caisse du Comptoir d’escompte, pour la garantie de leurs opérations. Ils sont constitués jusqu’au 18 mars 1857. Les actions sont de 100 fr. Les compagnies sont anonymes.


Sous-Comptoir des Entrepreneurs. — Rue Bergère, 14, capital social, 347,000 fr.


Sous-Comptoir des Métaux. — Rue Vivienne, 55, capital social, 5 millions.


Sous-Comptoir des Denrées coloniales. — Rue Grétry, 2, capital social, 500,000 fr.


Sous-Comptoir des Chemins de fer. — Rue Bergère, 14, capital social, 4 millions.


Il existe des Comptoirs dans les villes suivantes :

Alais. Caen Dôle. Mulhouse. Saint-Jean d’Angély.
Angoulême. Colmar. Lille. Sablé. Ste-Marie-aux-Mines


CRÉDIT FONCIER DE FRANCE.
(Paris, 10, rue Neuve-des-Capucines.)


Encore une institution née du besoin de mobiliser les valeurs. Nous l’avons dit plus haut, Ire partie, chapitre IV : rien de plus antipathique au mouvement que notre vieux régime hypothécaire ; il ne faut pas chercher ailleurs la défaveur et le haut prix des prêts sur hypothèque.

Voici les procédés et les conditions du nouveau système, d’après les dernières modifications aux statuts (28 juin 1856) :

« La Société fait deux sortes de prêts :

« Les uns sont remboursables à long terme, par annuités cumulées de manière à amortir la dette dans un délai de 10 ans au moins, de 60 ans au plus.

« Les autres sont remboursables à court terme, sans amortissement, conformément aux dispositions de l’article 8 du décret du 6 juillet 1834.

« Ces prêts peuvent être faits soit en numéraire, soit en obligations foncières ou lettres de gage.

« La Société ne prête que sur première hypothèque. — Sont considérés comme faits sur première hypothèque les prêts au moyen desquels tous les créanciers antérieurs doivent être remboursés en capital et intérêts.

« Les prêts ne peuvent excéder la moitié de la valeur de la propriété. Pour les bois, les vignes et toutes les propriétés plantées, ils ne vont qu’au tiers. Les bâtiments des usines et fabriques sont évalués sans tenir compte de leur affectation industrielle.

« Ne sont point admis aux bénéfices des prêts de la Société :

« 1° Les théâtres ; 2° les mines et les carrières ; 3° les immeubles indivis, si l’hypothèque n’est établie sur la totalité, du consentement de tous les co-propriétaires ; 4° ceux dont l’usufruit et la nue propriété ne sont pas réunis, à moins du consentement de tous les ayants droit à l’établissement de l’hypothèque.

« Le maximum des prêts est d’un million, à moins qu’il ne s’agisse d’associations syndicales, de sociétés anonymes, de communes ou de départements autorisés à cet effet par le gouvernement. Le minimum des prêts est de 300 fr.

« Le taux de l’intérêt est fixé par le conseil ; il ne peut dépasser le taux légal.

« L’annuité est payable en espèces, par semestre, aux époques déterminées par l’administration. Elle comprend : 1° l’intérêt ; 2° l’amortissement ; 3° un droit de commission qui ne peut excéder 60 centimes 0/0, si ce n’est en vertu d’un décret.

« Tout semestre non payé porte intérêt à 5 0/0, et rend exigible la totalité de la dette un mois après la mise en demeure.

« Les débiteurs ont droit de se libérer par anticipation en tout ou en partie, soit en numéraire, soit en obligations appartenant à l’émission indiquée par le contrat de prêt. Les remboursements anticipés donnent lieu, au profit de la Société, à une indemnité qui ne peut dépasser 3 0/0 du capital remboursé par anticipation.

« Tout emprunteur doit dénoncer à la Société les aliénations, détériorations et hypothèques légales modifiant les conditions du gage.

« Toutes les propriétés affectées à la garantie de la Société, qui sont susceptibles de périr par le feu, doivent être assurées. La Compagnie a privilége sur l’indemnité en cas de sinistre. »

Les conditions, comme on voit, surtout celle du remboursement par annuités, sont déjà plus favorables aux emprunteurs que celles offertes par l’ancien système anarchique de prêt ou usure sur hypothèque. Aussi le mode d’expropriation doit-il être en raison de ces avantages, c’est-à-dire très-expéditif.

« En cas de retard du débiteur, la Société peut, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal civil de première instance, quinze jours après une mise en demeure, se mettre en possession des immeubles hypothéqués, aux frais et risques du débiteur en retard.

« Pendant la durée du séquestre, la Société perçoit, nonobstant toute opposition ou saisie, le montant des revenus ou récoltes, et l’applique à l’acquittement des termes échus et des frais.

« Ce privilége prend rang immédiatement après ceux qui sont attachés aux frais faits pour la conservation de la chose, aux frais de labour et de semences, et aux droits du Trésor pour le recouvrement de l’impôt.

« Dans le même cas de non-payement d’une annuité, et toutes les fois que le capital intégral, par suite de détérioration du gage, est devenu exigible, la vente de l’immeuble peut être poursuivie.

« S’il y a contestation, il est statué par le tribunal de la situation des biens. Le jugement est sans appel.

« Pour parvenir à la vente de l’immeuble, la Société fait signifier au débiteur un commandement dans la forme prévue par l’art. 673 du Code de procédure.

« À défaut de payement dans la quinzaine, il est fait dans les six semaines qui suivent six insertions dans les journaux d’annonces et deux appositions d’affiches à quinze jours d’intervalle.

« Quinze jours après l’accomplissement de ces formalités, il est procédé à la vente aux enchères de l’immeuble hypothéqué, » (Décret du 28 février 1832.)

Nous voilà loin des lenteurs et du formalisme de la judicature. Cependant la réalisation du gage deviendra sans doute encore plus rapide dans l’avenir.

La Société du Crédit foncier de France n’était primitivement que la Banque foncière de Paris. Le gouvernement voulait la pluralité et l’indépendance de ces établissements. La multiplicité des titres parut devoir présenter des inconvénients, et le 18 novembre 1852, un décret transforma la société première et lui concéda le privilége d’étendre ses relations sur tout le territoire français. Cependant, comme d’autres Compagnies avaient été déjà formées avant cette transformation, à Nevers pour les départements du Cher, de la Nièvre et de l’Allier ; à Marseille, pour les Bouches-du-Rhône, le Var et les Basses-Alpes, réserve fut faite de leurs droits. Les négociations pour leur incorporation ont rencontré de vigoureuses résistances. Cependant le rapport du Crédit foncier de France du 30 avril 1856 annonce que les traités de fusion définitifs ont été passés.

La Société de Crédit foncier de Marseille, autorisée par décret du 12 septembre 1852, est au capital de 3 millions ; celle de Nevers, autorisée le 20 octobre de la même année, au capital de 2 millions.

Un instant on crut, dans le monde financier, qu’elles allaient prendre le pied sur celle de Paris.

Par suite d’une transaction intervenue entre ces Compagnies et M. Mirès, ce dernier s’était engagé à leur prêter à chacune, sur lettres de gage, 24 millions, soit 48 millions en tout. A cet effet, M. Mirès subdivisait la lettre de gage, primitivement de 1,000 fr., en coupures de 100 fr., portant 3 fr. 65 c. d’intérêt par an, ou 1 c. par jour, et remboursables annuellement avec prime par voie de tirage au sort.

Les primes trimestrielles étaient :

1er numéro 50,000 fr.
Les 4 numéros suivant, chacun 5,000….. 20,000
Les 20 suivants, chacun 1,000 20,000
------
Total par trimestre 90,000
Pour l’année 360,000

Les lettres de gage, au capital nominal de 100 fr., étaient émises à 110 fr., payables, savoir :

35 fr. au moment de la souscription.
25 fr. en janvier 1855.
25 fr. en jvier1856.
25 fr. en jvier1857, au plus tôt.

Le bénéfice de 10 fr. par obligation profitant à la Société Mirès, non aux Compagnies, le profit de l’opération devait être de 4,800,000 fr.

Déjà les prospectus annonçaient ces lettres de gage comme devant remplacer les billets de banque de 100 fr…… Tout à coup un ordre du gouvernement interdit de poursuivre l’opération, et prescrit à M. Mirès le remboursement des lettres de gage déjà placées !… Est-ce la combinaison qui était mauvaise, et le pouvoir n’a-t-il fait que venir au secours d’un spéculateur maladroit ? ou bien, comme d’autres l’affirment, est-ce à une influence jalouse qu’il faut attribuer l’interdiction subite du placement ? Dans l’un comme dans l’autre cas, le gouvernement, par son intervention officieuse ou officielle dans une transaction particulière, a, sans le vouloir, excédé la limite de sa juste influence, et ouvert la porte à une foule d’abus. Dès l’instant qu’il sera facultatif au pouvoir d’arrêter une opération, heureuse ou malheureuse, de relever un spéculateur de ses engagements ou de jeter l’interdit sur une entreprise, il n’y a plus de sécurité dans les affaires ; la bonne foi, tacitement subordonnée par des négociateurs pervers à la volonté éventuelle du prince, n’est plus qu’un mot ; la confiance commerciale est anéantie.

La fusion, annoncée comme un fait accompli, sanctionnée par décret du 28 juin 1856, rentre parfaitement dans l’esprit de centralisation du gouvernement et de la féodalité financière.

Nous comprenons l’unité des titres ; mais elle n’a pas pour conséquence forcée la centralisation administrative des opérations de la banque foncière. Il est alloué 60 cent. en maximum par 100 fr. pour frais d’administration, ne serait-ce point afin de doter mieux l’état-major bureaucratique central, qu’on lui confère, pour ainsi dire, le monopole de l’hypothèque ?

Aucune société n’a éprouvé plus de vicissitudes, subi plus de remaniements que le Crédit foncier. Nous avons déjà mentionné la transformation de la Banque foncière de Paris en Crédit foncier de France. Le 18 octobre 1852, le 10 décembre même année, le 22 mars et le 21 décembre 1853, le 6 juillet 1854, le 28 juin 1856, nouveaux remaniements des statuts.

Dans les prévisions du décret organique du 28 février 1852, l’annuité pour l’emprunteur devait être de 5 0/0, intérêts, frais d’administration et amortissement compris. Les circonstances politiques ne permettant pas à la Compagnie de se procurer des capitaux au taux de 3 65, fixé par le décret d’institution, une première fois l’annuité avait été élevée de 5 à 5 45 0/0. Cette augmentation fut bientôt trouvée insuffisante. Afin d’attirer les bailleurs de fonds, un décret impérial du 21 décembre 1853, assimilant l’annuité du Crédit foncier au taux variable de la rente 3 0/0, n’imposait plus à la Compagnie la limite de 5 45, que si le 3 0/0 s’élevait à 86 fr. Au-dessous, la Compagnie avait la faculté d’élever l’annuité jusqu’à concurrence de 1/2 0/0, c’est-à-dire jusqu’à 5 fr. 95 c. En conséquence, le Conseil d’administration, usant de la latitude qui lui était offerte par le nouveau décret, après avoir décidé, une seconde fois, que l’annuité serait portée à 5 65, l’éleva, au 1er avril 1854, à 5 95. Moyennant quoi, dit le Rapport, la Compagnie, se mettant à l’unisson de la Banque, peut offrir aujourd’hui aux preneurs de ses obligations jusqu’à 5 fr. de rente. Ainsi, après une année d’existence, le Crédit foncier, sous la pression des événements politiques, élève de 95 c, c’est-à-dire de près de 1 0/0 le taux de l’annuité : un établissement de crédit que plusieurs regardaient comme devant être le régulateur des cours et une force de résistance contre la hausse, est emporté à son tour par les caprices du capitalisme. Il ne fallait pas moins que la dissertation de M. Wolowski pour nous faire croire au progrès de l’institution.

Dans l’assemblée du 29 décembre 1853 ont été approuvés les traités passés entre les Sociétés de Marseille et de Nevers, à la disposition de chacune desquelles la Compagnie s’oblige d’émettre une somme de six millions par année, soit 500,000 francs par mois, mais avec faculté pour la Compagnie centrale, après avis préalable donné au commencement de chaque mois, de restreindre ce crédit au vingtième des prêts autorisés dans le mois précédent : ce qui ramènerait, le cas échéant, la subvention de 6 millions par an, d’abord à 25,000 fr. par mois, puis à 1,250, puis 65 50. Certes, une Société qui contracte de telles obligations ne se compromet pas ; mais on ne saurait dire non plus qu’elle ait une bien grande confiance en elle-même.

Le 6 juillet 1854, un décret ordonna la réunion du Crédit foncier à l’État.

La difficulté qu’éprouvait à marcher la nouvelle institution, et le désordre de ses affaires, paraissent avoir causé cette réunion. Ce qui ne pouvait vivre au grand air de la liberté viendra sans doute dans la serre chaude du gouvernement.

Le directeur, M. Wolowski, fut remplacé par M. de Germiny, aux appointements de 40,000 fr., avec deux sous-gouverneurs, aux appointements chacun de 20,000 fr.

Les dispositions des décrets du 21 décembre 1853 et avril 1854 sont abrogées. Dorénavant le Crédit foncier, qui ne devait prêter qu’à long terme, prêtera les sommes, en numéraire, qu’il aura en disponibilité, ou qu’il pourra se procurer par l’émission de ses obligations à tous les taux possibles, à longue ou courte échéance, avec ou sans amortissement, comme il l’entendra et comme il pourra. Plus tard, pense-t-on, les prêts pourront être faits aussi en simples lettres de gage, garanties par l’État : ce qui rentrerait tout à fait dans le système des banques de Pologne et d’Écosse.

De ce système à celui des assignats, il n’y a qu’un pas, le cours forcé. Mais il est peu probable que ce pas soit de sitôt franchi, attendu que les assignats de 89 étaient au moins remboursables en biens nationaux, tandis que le papier du Crédit foncier ne le serait littéralement en rien du tout. Or, sans cours forcé, pas de circulation, pas d’emprunteurs : on peut donc considérer la réunion de la Compagnie à l’État comme une dissolution pure et simple : à moins que les preneurs d’obligations ne lui viennent en aide.

En fait, le Crédit foncier n’est qu’un leurre philanthropique ; les financiers qui ont prêté leur concours l’ont plus fait par condescendance pour le chef de l’État que par conviction. Le chiffre officiel des inscriptions hypothécaires servant de base à la répartition, par ressorts de cours impériales, du premier prêt de 200 millions, s’élève, pour les 80 départements où la Société de Paris doit fonctionner, à 12,005,506,374 fr. Le département de la Seine est le plus obéré : sa dette monte à 1,159,732,000 fr.

Qu’est-ce que les 200 millions du Crédit foncier devant une pareille plaie ?

Au 29 avril 1854, la totalité des prêts consentis (expression du rapporteur) s’élevait à 56,239,000 fr. Mais nous croyons savoir que sur ce chiffre, il n’y en avait guère que 30 et quelques millions de réalisés, la plupart dans la ville de Paris, les fonds manquant pour le superflu des demandes.

D’après le rapport du 30 avril 1856, les emprunteurs étaient débiteurs de 62,218,931 fr. 65 c. Nous sommes loin des 12 milliards d’inscriptions hypothécaires.

La Compagnie ne prête que sur première hypothèque. Elle viendra par conséquent au secours de ceux qui ont le moins besoin d’elle : elle ne peut rien pour le petit propriétaire avec les usuriers.

Toute libération anticipée emporte au profit de la Compagnie un droit supplémentaire de 3 0/0. Ce qui signifie que si la Société parvenait, aux termes de ses statuts, à se substituer aux anciens prêteurs sur hypothèque pour une somme de 1,200 millions, ces 1,200 millions, remboursables par fractions minimes pour chaque emprunteur, mais en réalité placés en perpétuel, à cause des réemplois, pour la Société, produiraient à celle-ci, chaque année, une somme de plus de 60 millions, dont 44,040,000 fr. pour l’intérêt du capital et 15,960,000 à titre d’amortissement et de frais pour la Société.

À nos yeux, une semblable combinaison est insuffisante, timide et plus qu’usuraire. Avant de procéder à la constitution de la Société du Crédit foncier, il fallait, selon nous, se poser cette question : Si la propriété n’a pas encore plus besoin de crédit commercial que de crédit à long terme ; si par conséquent, au lieu de cumuler l’intérêt et l’amortissement, comme cela a lieu dans l’institution actuelle, il ne faut pas plutôt les fondre, de telle sorte que le remboursement du prêt représente simplement le prêt, augmenté d’une prime d’autant plus faible que la masse des affaires de la Société aurait été plus grande ? Les opérations d’une banque de circulation et de comptoirs d’escompte, appropriés à l’agriculture, seraient, croyons-nous, autrement efficaces que les annuités de la Banque foncière, et l’on n’aurait pas le déplaisir de voir une institution d’intérêt public, car tel est l’esprit du décret du 28 février 1852, servir, comme les mines, les assurances, les chemins de fer, la Banque et ses succursales, de vache à lait aux créatures du gouvernement.

Mais peut-être que pour arriver à une réforme efficace il fallait passer par là : ne sommes-nous pas dans le siècle des transitions ? Nous souhaitons à celle-ci tout le succès désirable. On sait d’où elle vient et où elle va, ce qu’elle peut et ce qu’elle vaut : telle qu’elle est déjà, l’agiotage et le jeu y auront peu de prise.

Et, il faut bien le dire, ce dédain de la spéculation pour le Crédit foncier sera sa cause la plus immédiate de ruine. Une combinaison qui n’offre que d’honnêtes profits à faire, quelles que soient ses garanties, n’a aucune chance de succès aujourd’hui.

La Société du Crédit foncier est fondée pour 99 ans à partir du 30 juillet 1852, au capital de 60 millions, divisé en 120,000 actions de 500 fr. chacune. Mais il n’a encore été émis qu’une série de 60,000 actions, dont 250 fr. versés.

Jusqu’au payement complet des actions, il n’est délivré que des certificats provisoires, négociables par voie de transfert. — Le souscripteur primitif et ses cessionnaires restent engagés jusqu’au payement complet de l’action. — les titres définitifs sont au porteur.

Les actionnaires ne sont pas tenus au delà du montant de leur souscription.

L’assemblée générale se compose des 200 plus forts actionnaires, dont la liste est arrêtée 20 jours avant la convocation. 40 actions donnent droit à une voix, sans qu’on puisse en avoir plus de 10.

Sur les bénéfices nets il est attribué : 1° 5 0/0 aux actionnaires, 2° 20 0/0 au Fonds de Réserve, jusqu’à ce qu’il atteigne la moitié du capital souscrit ; ce Fonds de Réserve est destiné à parer aux événements imprévus, et, en cas d’insuffisance des produits d’une année pour payer un dividende de 5 0/0, à fournir la différence ; 3° il est formé un Fonds de Prévoyance destiné à compenser entre plusieurs années les frais de premier établissement ; 4° le surplus est distribué à titre de dividende.

Le dividende de 1855, non compris l’intérêt, est de 2 0/0.

Une subvention de 10 millions de francs a été accordée à la Société par décret du 10 décembre 1852.

Le Crédit foncier s’engage à faire une première série de prêt sur hypothèque jusqu’à concurrence de 200 millions de francs. Cette somme est répartie entre les divers départements proportionnellement à la dette hypothécaire inscrite.

Après le placement des 200 millions ci-dessus, la Société continuera de prêter, lors même que pour se procurer les fonds nécessaires, elle serait obligée d’affecter au service de ses obligations émises un quart de ce qui lui est alloué à titre de frais d’administration.

Avec son capital de 60 millions, la Société pourra faire 1,200 millions de prêts. Il faut donc qu’elle emprunte elle-même. Son rôle est purement d’intermédiaire entre l’emprunteur hypothécaire et le capitaliste.

« Les emprunts de la Société se font au moyen d’une émission d’obligations, qui ne peut dépasser le montant des engagements hypothécaires souscrits par les propriétaires des immeubles en faveur de la Compagnie.

« Les obligations sont au porteur ; elles sont de 1,000  fr., et peuvent être divisées en coupures dont la moindre est de 100 fr. Elles portent un intérêt annuel, dont le taux est fixé par le conseil d’administration, à l’époque de leur création.

« Elles sont classées par séries, dont chacune comprend toutes les obligations créées au même taux d’intérêts.

« Elles sont appelées au remboursement par voie de tirage au sort ; des lots et primes peuvent être attachés aux obligations remboursées.

« Les produits sont appliqués en première ligne à payer les intérêts des obligations foncières, le capital de celles que le sort a désignées pour le remboursement, et les lots et primes. » (Extrait des Statuts.)

Les porteurs d’obligations[10] ont donc pour garantie les emprunts souscrits par les propriétaires d’immeubles, et le capital des actions versées. C’est un peu plus hardi que la Banque de France, à qui il faut pour gage, — indépendamment d’un portefeuille au pair ou au-dessus de ses billets, — une encaisse métallique, des rentes en réserve, un capital immeuble et un capital d’actions. Cependant la garantie du portefeuille est bien plus certaine et plus réalisable que celle offerte par les emprunteurs sur hypothèque. Ce n’est pas que les obligations foncières se trouvent à découvert, car les prêts hypothécaires, n’excédant jamais la moitié de la valeur de l’immeuble, garantissent suffisamment le remboursement.

Dans ces conditions, l’institution, si elle ne peut rendre de grands services à l’agriculture, offre du moins aux capitalistes un placement aussi sûr qu’on peut le désirer. Mais il n’y a point de primes à réaliser ; et le béotien de la Bourse préférera toujours perdre 100 fr. par action du Palais de l’industrie, achetée à 170 et tombée à 70, par cette considération que d’autres ont eu la chance de primer de 50 à 60 fr. sur la même valeur.

Les obligations du Crédit foncier sont de trois espèces : 1° en 3 0/0, remboursables avec prime et donnant droit à des tirages de lots ; — 2° en 4 0/0, remboursables sans primes, mais pouvant gagner des lots ; — 3° en 5 0/0, remboursables sans primes et sans droit au tirage des lots.

Les lots affectés aux tirages trimestriels sont un appât offert à l’esprit de spéculation aléatoire qui caractérise le monde financier. Ils se sont élevés, pour les deux premières années, à 1,200,000 fr. : ils sont de 800,000 fr. par an à partir de 1855, ainsi répartis :

TIRAGE DES TROIS PREMIERS TRIMESTRES
(22 mars, 22 juin, 22 septembre.)
1er numéro 100,000 fr.
2e —— 50,000
3e —— 20,000
------------
Total par trimestre 170,000
510,000 ci. 510,000 fr.
TIRAGE DU QUATRIÈME TRIMESTRE
(22 décembre.)
1er numéro 100,000
2e —— 50,000
3e —— 40,000
4e —— 30,000
5e —— 20,000
6e —— 10,000
Les 8 suivants, chacun 5,000 40,000
-------
Total du 4e trimestre 290,000 ci. 290,000
-------
Total pour l’année 800,000


Les lots s’élèveront pour les 50 années à        40,800,000 fr.
Les 200 fr. de prime alloués à chaque section représentent en outre 40,000,000 fr.
------------------
Les obligations percevront donc en 50 ans, en sus de l’intérêt à 3 0/0, un bénéfice exceptionnel de 80,800,000 fr.

Ce qui porte leur intérêt total à 3 fr. 80 c. 8 millièmes.

L’intérêt ayant été calculé, comme il a été dit, à 3 fr. 65 c, c’est un sacrifice de 13 c. 8, plus 2 c. pour frais de tirage, ensemble 15 c, 8 par chaque 100 fr. d’emprunt et par an, que la Société, d’après ses statuts, s’impose, pour attirer les capitalistes et gagner le large. Ce sacrifice devant être pris sur les frais d’administration, évalués à 60 c, lesdits frais, qui constituent le produit brut de l’entreprise, se trouvent ainsi ramenés à 45 c., ce qui, pour 50 ans et pour 200 millions de prêts, fait juste la somme de 45 millions, pour couverture des débours de la Compagnie et appointements de ses employés.

Le nombre des obligations émises ou à émettre de la première série est de 200,000, remboursables en 50 ans ; elles sont de 1,000 fr. au pair, avec coupures de 100, 200, 500 fr., ayant droit à 1/10e, 1/5e, 1/2 lot, si elles sont dans les deux premières catégories. — Les intérêts se payent le 1er mai et le 1er novembre ; les coupures de 100 fr. se règlent seulement à cette dernière époque.

Au 31 décembre 1855, la circulation de ces valeurs était, d’après le Rapport, de 210,473 titres, auxquels la société devait 61,148,250 fr. ; les emprunteurs devaient à la Compagnie, à la même époque, 62,218,931 fr. 65 c.

La Société a annoncé, dans le courant de juin 1856, qu’elle recevrait en compte courant les sommes qu’on voudrait lui confier, et qu’elle en payerait l’intérêt. On croit qu’elle veut, avec ces capitaux, soutenir par des reports le cours de ses obligations.

Toutes ces loteries, cet agiotage, ces variations de l’intérêt et de l’annuité nous semblent produire le plus mauvais effet dans un établissement de Crédit foncier. Mieux vaudrait pour lui se résigner à l’inaction, attendre que les circonstances ramènent la confiance, et avec la confiance les capitaux, que de se livrer à ces opérations de Bourse, qui ne peuvent que le déshonorer, sans lui valoir le moindre crédit.

Les fondateurs du Crédit foncier, disions-nous, se sont prêtés à son organisation moins par conviction que par déférence. Il ne faudrait pas croire qu’ils eussent pour cela consenti à un sacrifice. Les actions, de 500 fr. au pair, ont monté, sous l’influence des notabilités mises en avant, à 1,275 en 1852, pour retomber ensuite à 535 ; elles ont repris en 1853 jusqu’à 1,220. Le plus bas cours a été de 440, en 1854. Depuis 1855, elles ont pivoté autour du pair et ont même fait jusqu’à 150 fr. de prime.

S’il est une Société qui, par la nature de ses transactions, ait chance d’offrir, comme la Rente, des conditions d’intérêt à peu près invariables, c’est sans contredit le Crédit foncier. Que signifient alors ces oscillations ? Que ni acheteurs ni vendeurs n’entendent faire de placements sérieux. Dans ce cas, qu’on liquide la Compagnie et qu’on nous fasse grâce de tout le verbiage philanthropique qui se débite dans les journaux, dans les comices, après-boire, dans les circulaires du gouvernement et les discours académiques sur les encouragements à l’agriculture.


SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE CRÉDIT MOBILIER.
(Paris, 15, place Vendôme)


L’influence des notabilités financières sur le succès d’une entreprise ne s’est jamais mieux révélée qu’à la fondation du Crédit mobilier. Tout le monde se demandait : Que veut cette institution, quel est son but, sa garantie, sa raison d’être ? Et cependant, dès l’origine, ses promesses d’actions se recherchaient à prime ; un instant elles ont monté de 500 fr., dont 200 fr. versés, à 1,800 fr.

C’est qu’à la tête de la Compagnie figuraient, comme fondateurs, les sommités de la finance : MM. Émile Péreire, Isaac Péreire, Benoît Fould, Adolphe d’Eichtal, Ernest André, le baron Seillière, Henri de Noailles, le duc de Mouchy, le duc Raphaël de Galliera, José-Luis de Abaroa, Charles Mallet, Gédéon Marc des Arts, etc.

On tenait à ce sujet les propos les plus contradictoires :

« C’est un établissement de la plus haute importance. — Il mérite de fixer l’attention par le nom de ses fondateurs. — Il fera sensation dans le monde. — Il marquera sa place dans l’histoire. — Il liquidera avant peu. — C’est une machine de guerre à l’usage des administrateurs. — Les profits seront pour la direction, et les pertes pour les actionnaires… »

Aujourd’hui, après quatre ans d’expérience, l’opinion n’est pas encore faite. Est-ce, comme l’a dit un avocat célèbre, la plus grande maison de jeu du monde, dont les directeurs voient dans les cartes ? ou bien, suivant l’opinion de la partie adverse, est-ce une Société qui offre les garanties les plus considérables, dont les statuts ont été discutés au point de vue des intérêts publics ?

Nous avons eu l’occasion d’exprimer notre opinion sur la Compagnie générale lorsqu’elle en était à ses débuts, et bien que cette appréciation à cette époque pût paraître prématurée, présomptueuse, téméraire, nous ne nous sommes pas trompé d’un iota sur son compte. Le premier Rapport, fait à l’assemblée générale du 29 avril 1854, a même cru devoir combattre, sans nous citer, quelques-unes de nos conclusions. Nous n’avons qu’à compléter nos observations d’il y a trois ans.

La première pensée de la Société du Crédit mobilier fut conçue peu après la révolution de juillet par M. É. Péreire, alors l’un des membres les plus distingués de l’école saint-simonienne ; elle fut publiée dans le Journal du Commerce du 6 septembre 1830 sous le titre de Compagnie d’Assurances mutuelles pour l’escompte des effets, etc., et adressée à la commission du gouvernement, à tous les banquiers et négociants principaux de Paris, et à tous les membres de la chambre des députés. Nous avons sous les yeux ce projet, auquel les statuts de la Société du Crédit mobilier n’ont rien ajouté d’essentiel, et que son auteur présentait alors comme un échantillon de la valeur organisatrice de la doctrine saint-simonienne.

Ce souvenir ne constitue pas sans doute un renseignement pour les spéculateurs, qui, à l’époque dont nous parlons, ne connaissent du saint-simonisme que des caricatures, des pamphlets et un procès qui se termina par la condamnation des principaux membres de la secte. Il doit bien se trouver, parmi les courtisans de la nouvelle puissance, quelque magistrat, procureur, juré ou témoin, complice de cette condamnation. Pourvu que les fonds haussent, l’agioteur est toujours prêt, comme le barbare Sicambre, à brûler ce qu’il a adoré, et adorer ce qu’il a brûlé.

Consultons un oracle plus moderne, les statuts de la Compagnie.

« Les fondateurs,

« Considérant les services importants que pourrait rendre l’établissement d’une Société ayant pour but de favoriser le développement de l’industrie, des travaux publics, et d’opérer, par voie de consolidation en un fonds commun, la conversion des titres particuliers d’entreprises diverses, ont résolu de réaliser une œuvre si utile, et à cet effet, ils ont arrêté les bases et les statuts d’une Société anonyme sous la dénomination de Société générale de Crédit mobilier.

« La durée de la Société est de 99 ans à courir du 18 novembre 1852. — Le fonds social est fixé à 60 millions, divisés en 120, 000 actions de 500 fr. chacune.

« Les opérations de la Société consisteront :

« 1° À souscrire ou acquérir des effets publics, des actions ou des obligations dans les différentes entreprises industrielles ou de crédit, constituées en sociétés anonymes, et notamment dans celles de chemins de fer, de canaux, de mines, et d’autres travaux publics, déjà fondées et à fonder ;

« 2° À émettre pour une somme égale à celle employée à ces souscriptions et acquisitions, ses propres obligations ;

« 3° À vendre ou donner en nantissement d’emprunts, tous effets, actions et obligations acquis, et à les échanger contre d’autres valeurs ;

« 4° À soumissionner tous emprunts, à les céder et réaliser, ainsi que toutes entreprises de travaux publics ;

« 5° À prêter sur effets publics, sur dépôts d’actions et d’obligations, et à ouvrir des crédits en compte courant sur dépôt de ces diverses valeurs ;

« 6° À recevoir des sommes en compte courant ;

« 7° À opérer tous recouvrements pour le compte des compagnies sus-énoncées, à payer leurs coupons d’intérêts ou de dividendes et généralement toutes autres dispositions ;

« 8° À tenir une caisse de dépôts pour les titres de ces entreprises.

« Art. 6. — Toutes autres opérations sont interdites.

« Il est expressément entendu que la Société ne fera jamais de ventes à découvert ni d’achats à primes. »

Le Crédit mobilier est donc, au point de vue de la science économique, une banque industrielle, une vaste entreprise de commandites ; — au point de vue de la Bourse, une centralisation de l’agiotage.

Nous avons eu déjà l’occasion de constater combien le Crédit foncier, sans pourtant se mettre à découvert, dépasse en hardiesse la Banque de France, en émettant un nombre d’obligations égal à celui de ses prêts sur hypothèque.

Voici cette fois de la témérité :

« Après l’émission complète du fonds social, les obligations créées par la Société pourront atteindre une somme égale à dix fois le capital. »

C’est-à-dire qu’avec 60 millions de capital il pourra être émis 600 millions d’obligations. Quelle est la garantie de ces obligations ? C’est, avec le capital de fondation, « une somme égale employée à la souscription et acquisition d’effets publics et d’actions de compagnies. »

Une semblable garantie est tout à fait illusoire. Pour peu que la Bourse baisse, le gage en effets publics et actions des compagnies se déprécie, et le capital d’actions se trouve entamé. Que les titres subissent seulement une dépréciation d’un dixième, le capital d’actions se trouve absorbé, et la Société réellement en faillite.

Sans doute on ne viendra pas, à chaque déclin de la Bourse, demander une liquidation et compromettre la mise des actionnaires. Mais une crise beaucoup moins intense que celle de 1848, puisqu’il suffit d’une baisse de 10 0/0, pour peu qu’elle durât, mettant la Compagnie à découvert de la totalité de son capital, amènerait infailliblement une catastrophe.

Remarquons bien qu’il n’y a point ici d’analogie avec les banques de circulation, dont le portefeuille, suivant nous, garantit suffisamment les billets. Les effets de commerce ont une valeur certaine ; les actions sont susceptibles de dépréciation.

Une institution qui prêterait sur nantissement et sur hypothèque une somme égale à la valeur de l’expertise se mettrait à découvert ; car rien ne prouve qu’à la vente on retirera le prix de l’estimation. C’est précisément le cas du Crédit mobilier.

À la Banque de France, que les marchandises soient vendues au-dessus ou au-dessous du cours, du moment qu’un billet de x fr. est reconnu et souscrit par l’acheteur, il y a garantie suffisante. Elle n’est que l’intermédiaire d’une transaction. Le billet qu’elle accepte vaut juste la somme qui y est inscrite. Les matières objet du marché peuvent varier de prix : cela ne change rien au chiffre de la dette consentie par le souscripteur. Il n’y a point de dépréciation possible. Le débiteur est tenu, de sa personne et de ses biens, de tout le montant de son obligation ; en cas de non-payement, les poursuites et la saisie sont très-expéditives.

Le Crédit mobilier, lui, acquiert à ses risques et périls des actions et des titres : il en devient propriétaire. Il n’a aucun recours contre les vendeurs du moment où il a pris livraison. La dépréciation est à sa charge comme la plus-value est à son profit. Donc ses 600 millions d’effets acquis, s’il vient une baisse, ne garantissent plus ses 600 millions d’obligations émises ; et comme son capital ne va qu’au dixième de ses emprunts, et que les actionnaires ne sont engagés que jusqu’à concurrence de leur mise, une baisse d’un dixième détruit son avoir et le constitue en faillite.

Telles sont les objections que nous semble avoir eues en vue le rapporteur de 1854, lorsqu’il dit :

« La Société de Crédit mobilier est une institution semblable à celle du Crédit foncier. L’une prête sur immeubles par voie d’hypothèque, au moyen de son capital d’abord, puis à l’aide d’obligations qu’elle émet pour une somme égale à celle des prêts effectués. L’autre place ou prête sur valeurs mobilières ou industrielles, au moyen de son capital d’abord, puis à l’aide des fonds que lui procurent les obligations qu’elle est autorisée à émettre pour une somme égale à celle de ses placements et du montant de ses dépôts en comptes courants. La Société place ou prête d’un côté ce qu’elle emprunte de l’autre, jouant ainsi le rôle d’un intermédiaire entre les capitalistes et l’industrie, substituant son crédit, accru de toutes les forces qui tendent à s’agglomérer autour d’elle, au sujet de chaque entreprise isolée. »

Autre analogie.

« La création du billet de banque a été l’un des plus grands progrès, l’une des plus belles applications du crédit…… Mais, à côté du billet de banque, il reste une place vacante, que nos obligations sont appelées à remplir. Le principe de ces obligations étant de n’être remboursables qu’à une époque correspondant à celle des effets qu’elles représentent dans notre portefeuille, et de porter intérêt au profit du détenteur, leur émission se trouve exempte de tout inconvénient…… Suivant l’économie qui sert de base à notre Société, ces titres sont non-seulement gagés par une somme correspondante de valeurs acquises sous le contrôle du gouvernement et dont la réunion offrira, par l’application du principe de mutualité, les avantages de la compensation et de la division des risques ; mais ils auront de plus la garantie d’un capital (60 millions), que nous avons élevé dans ce but à un chiffre considérable. »

Nous n’avons, dans les pages qui précèdent, pas dit autre chose, et nous sommes heureux d’avoir si bien compris le double esprit et l’économie complète du Crédit mobilier. C’est pourquoi nous persistons à soutenir que 600 millions de valeurs industrielles sujettes à dépréciation, augmentées d’un capital espèce de 60 millions, ne sauraient gager et garantir 600 millions d’obligations ; et pour justifier cette assertion, nous n’irons pas chercher nos preuves dans la théorie ; nous les prendrons dans les faits.

À l’époque où fut fondée la Compagnie de Crédit mobilier, le 3 0/0 était à 86, toutes les valeurs industrielles à un taux proportionnel. Dix-huit mois après, le 3 avril 1854, le 3 0/0 descendait à 61 75, en baisse de 25 fr., soit 30 0/0 ; toutes les valeurs industrielles à proportion. Les actions du Crédit mobilier, entre autres, étaient cotées à 435 fr., en baisse de 1,440 sur la cote des premiers jours, et de 345 sur celle du 17 septembre 1853. Supposons donc qu’au 1er janvier 1853, le capital de 60 millions de la Compagnie étant entièrement versé, elle ait eu pour 600 millions de rentes, actions de chemins de fer, etc. Au 3 avril 1854, la dépréciation de toutes ces valeurs étant, par hypothèse, de 25 0/0 en moyenne, le gage du Crédit mobilier, son capital compris, n’aurait plus été que de 510 millions. Supposons qu’alors les porteurs d’obligations fussent venus réclamer leur remboursement, la Compagnie, déclarée en faillite, aurait perdu, en dix-huit mois : 1° son capital de 60 millions ; 2° 90 millions transférés, sous sa garantie, de la poche de ses créanciers dans celle de ses emprunteurs.

À quoi le rapporteur répond :

« Le résultat définitif des opérations du Crédit mobilier, lorsqu’il aura pris tous les développements prévus par nos statuts, se résumera, en dehors du revenu de notre capital, dans une différence d’intérêt entre la somme de ses emprunts et celle de ses placements. Parvenues à ce point, les variations de cours nous seraient jusqu’à un certain point indifférentes, puisque nos bénéfices se trouveraient basés sur des revenus et non sur des oscillations de capital. »

À qui ose-t-on compter de pareilles balivernes ? Si les actions de Lyon à la Méditerranée ont dépassé 1,800 fr., valeur de capital, n’est-ce pas parce que les transports de la guerre pour l’armée d’Orient ont développé sur cette ligne un trafic inouï, qui a permis de compter sur un revenu hors ligne ? Pourquoi les compagnies de chemin de fer ont-elles tant de soin de faire ressortir l’augmentation de leurs recettes brutes, sinon afin de pousser à la hausse en capital des titres, par l’appât d’un plus fort dividende ? Pourquoi les oscillations sur les obligations sont-elles comparativement peu sensibles, si ce n’est parce qu’elles jouissent d’un revenu fixe ?

Au surplus, ces obligations mobilières sont toujours à l’état de projet ; il n’en a été émis encore qu’à de courtes échéances. La Société devait en lancer 240,000 en 1855.

« L’espoir fondé des bénéfices exceptionnels en vue desquels l’émission de nos obligations était résolue provoqua une hausse considérable sur le prix de nos actions, dit le Rapport de 1856, et bientôt la spéculation, s’emparant de ce mouvement, lui donnait des proportions exagérées.

« Systématiquement étrangers à toute pensée de spéculation relative à une mesure dont la réalisation était notre vœu le plus cher, notre préoccupation la plus profonde, nous vîmes avec un vif regret le cours de nos valeurs s’élever brusquement, ne prévoyant que trop la réaction qui pouvait s’ensuivre.

« Mais ce que nous ne pouvions prévoir, Messieurs, ce sont les calomnies dont ces mouvements dans le cours de nos actions ont été le signal et le prétexte. Qu’est-il besoin de le déclarer ? aucune des personnes qui ont l’honneur de diriger vos affaires ne s’est livrée, dans ces circonstances, à des opérations de hausse ou de baisse sur nos valeurs, et nous pouvons, le front levé, rejeter hardiment, sur ceux-là mêmes qui n’ont pas rougi de s’abriter sous de lâches attaques, la responsabilité des spéculations dont on a tenté de faire une arme contre nous. »

La Société générale verra bien d’autres mécomptes. Elle disait, en 1854 :

« Loin de surexciter la spéculation, comme l’ont pu croire ceux qui ont méconnu le principe, la nature et le but de notre institution, le résultat définitif de nos opérations sera d’offrir à toutes les fortunes les moyens et la facilité de réaliser sans péril des placements mobiliers à intérêt fixe. »

Ils n’avaient donc méconnu « ni le principe, ni la nature, ni le but de l’institution, » ceux qui prévoyaient qu’elle aurait pour but de « surexciter l’agiotage, » puisque les déceptions de la spéculation la poussent jusque dans les voies honteuses de la calomnie.

Quoi qu’il en soit, l’émission des obligations a été ajournée, par déférence aux désirs du gouvernement.

Laissons là l’eau bénite de cour des Rapports. Le succès du Crédit mobilier ne repose ni sur des revenus, ni sur des capitaux, mais simplement sur des différences : c’est tout dire.

Comme instrument de circulation et d’agiotage, l’organisation de la Société générale est une conception de maîtres. Elle se sent à la fois et de la nationalité de son auteur, et de l’esprit révolutionnaire de sa jeunesse. Les rois de l’agio, au capital de 10 à 100 millions, peuvent produire aujourd’hui la hausse et la baisse à leur fantaisie ; mais ils deviennent de véritables prolétaires en présence d’une institution disposant de 600 millions, et capable d’accaparer en un jour toutes les actions de chemins de fer ou de canaux disponibles sur le marché. Le Crédit mobilier peut faire l’abondance ou la rareté, le vide ou le trop-plein ; c’est un gigantesque monopole hors duquel il n’y a point de salut pour le spéculateur. Tout ce qui sera en dehors n’aura plus rien à faire qu’à payer. Dans cette condition, ses obligations seront sans doute constamment garanties.

Cependant si les payeurs viennent un jour à se rebuter, si les avisés vont se ranger sous la bannière de la Société, s’il n’y a plus d’antagonistes en un mot, contre qui jouera-ton ? qui payera les différences ? La Société se divisera contre elle-même : alors rien de fait, l’entreprise aboutit à une contradiction. Ou bien si les spéculateurs isolés se coalisent contre le monopole et organisent armée contre armée, si la masse des producteurs, capitalistes, négociants, s’insurge, la coercition étant impossible, quelle chance de salut restera à la Compagnie ?

Le Crédit mobilier doit conduire à l’une ou à l’autre de ces alternatives. Mais en attendant, il y a des primes à réaliser : c’est le motif sans doute qui a décidé les fondateurs.

Nous n’avons pas fini avec les énormités de la Société générale. Voyons quelles sont les garanties des actionnaires.

La Société est administrée par un conseil de 15 membres, renouvelés d’année en année par cinquième, et constamment rééligibles.

Or, « Le conseil, dit l’art. 28 des statuts, a les pouvoirs les plus étendus pour l’administration des affaires de la Compagnie ; notamment il autorise, par ses délibérations, tous achats ou ventes d’actions ou d’obligations, tous crédits, toutes soumissions, cessions et réalisations d’emprunt, toutes avances sur dépôts de valeurs, et généralement tous traités, transactions, compromis, retraits de fonds, transferts, emprunts sur dépôts d’obligations de la Compagnie ou autres valeurs, achats d’objets mobiliers, enfin toutes actions judiciaires, tant en demandant qu’en défendant.

« Il détermine l’emploi des fonds libres.

« Il fait les règlements de la Compagnie.

« Il autorise les dépenses de l’administration.

« Il nomme et révoque les principaux agents de la Société.

« Il détermine leurs attributions.

« Il fixe leur traitement, etc.

« Art. 10. — Les membres du conseil ne contractent, à raison de leur gestion, aucune obligation personnelle. »

C’est la disposition commune à toutes les sociétés anonymes.

Ainsi voilà quinze membres qui disposent de l’avoir de la Société comme du leur, sans être responsables des mauvaises chances. Ils doivent déposer, il est vrai, 200 actions en garantie de leur administration, c’est-à-dire 100,000 fr.

Belle hypothèque, en vérité !

Les membres du conseil sont tous actionnaires ou même directeurs de quelque entreprise. La plus grande partie de leur fortune consiste en titres négociables. « Ils autorisent, comme administrateurs de la Société générale, tous achats ou ventes d’actions ou d’obligations, tous crédits, etc. Donc MM. E. Péreire, I. Péreire, B. Fould, A. d’Eichtal, F. Grieninger, Ch. Mallet, de Abaroa, comte de Morny, C. Salvador, baron Seillière, A. Thurneyssen, Biesta, G. des Arts, E. André, administrateurs, ont le droit d’acheter à MM. E. Péreire, I. Péreire, B. Fould, A. d’Eichtal, etc. » simples particuliers, pour le compte du Crédit mobilier, les actions et obligations dont ils sont possesseurs. C’est une opération licite, où tout le monde peut trouver son profit. Sans doute, les achats se font au cours du jour ; mais n’oublions pas que la Société générale fera à sa guise la hausse et la baisse !…

Tant qu’un cumul aussi monstrueux sera possible, les protestations solennelles des rapports sur la vertu des directeurs qui, en cette circonstance ou en cette autre, se sont abstenus d’influer sur les cours, n’aboutiront qu’à faire hausser les épaules. La spéculation connaît sa conscience.

Tout prête à la calomnie, — puisque calomnie il y a, — dans l’organisation de la Compagnie générale. Nous savons à quoi nous en tenir sur la fiction des assemblées générales et de leur contrôle. Eh bien, il semble qu’on ait voulu éviter jusqu’à une éventualité de mauvaise humeur d’actionnaire. Voici ce que prescrivent les statuts :

« L’assemblée générale ne se compose que des 200 plus forts actionnaires, » — qui tous sans doute ne répondront pas à la convocation.

« L’assemblée est régulièrement constituée lorsque les membres présents sont au nombre de 40 et réunissent dans leurs mains le dixième des actions émises.

« Si ces conditions ne sont pas remplies, il est fait une seconde convocation ; et alors les membres présents délibèrent valablement, quel que soit leur nombre et celui de leurs actions.

« Il faut posséder 40 actions pour avoir une voix, sans que l’on puisse disposer de plus de 5 votes. »

Eh bien, cette élite d’actionnaires n’a pas même le droit de proposition. C’est du moins le but que se propose d’atteindre l’art. 51 ainsi conçu :

« L’ordre du jour est arrêté par le conseil d’administration. Il n’y sera porté que les propositions émanant de ce conseil et celles qui lui auront été communiquées quinze jours au moins avant la convocation de l’assemblée générale avec la signature de dix membres de cette assemblée. »

La liste des membres est arrêtée un mois seulement avant la convocation ; et les propositions signées de dix membres doivent arriver au conseil quinze jours au moins avant cette même convocation.

De telles précautions ressemblent à de la défiance envers les actionnaires.

La plupart de ces dispositions sont sans doute communes à bien des sociétés. Ce n’est pas précisément une preuve de leur excellence. Mais les abus du pouvoir administratif sont moins à craindre dans certaines compagnies comme la Banque de France et le Crédit foncier, que dans celle dont nous venons d’analyser les opérations.

Reconnaissons donc franchement qu’une institution de crédit comme celle du Crédit mobilier, utile, nécessaire même, quant à son objet, dépasse la mesure et la portée des compagnies particulières ; qu’une institution, disons-nous, qui a besoin, pour subsister, de la Foi publique, ne peut être exploitée dans un intérêt privé ; qu’une semblable aliénation est à la fois abusive et frauduleuse, que le pouvoir qui la tolère, et les spéculateurs qui s’en emparent, encourent également le blâme, le premier de la nation, et les autres de la justice.

Les produits nets sont ainsi répartis :

1° 5 0/0 d’intérêt aux actions ;

2° 5 0/0 au fonds de réserve.

Le surplus appartient :

1/10e aux administrateurs ;

9/10e aux actions à titre de dividende.

Voici les résultats des trois exercices clos :

1853
1854
1855
Produits bruts
7,582,755 96
10,335,040 28
31,870,776 46
Frais généraux
2,158,561 69
2,556,477 21
3,778,775 07
----------------
----------------
----------------
Bénéfices nets
5,424,161 37
7,779,563 07
28,082,001 39


1853 : 40 fr. 25, ou 13 40 0/0 des sommes versées.
1854 : 59 fr. »  », ou 12 »  » 0/0 —
1855 : 203 fr. 70, ou 40 74 0/0 —

Les actions ont fait au début 1,785 fr. ; elles se sont maintenues en 1853 entre 640 et 960 ; elles sont tombées en 1854, au plus bas, à 430 ; elles ont repris peu à peu à 700 et au-dessus, et ont atteint 1,650 en 1855, et 1,800 en 1856.

Les oscillations sur cette valeur sont brusques et marchent par soubresauts ; il n’est pas rare de voir les cours varier de 25 à 30 fr. d’une Bourse à l’autre, monter ou tomber de 500 fr. en six semaines. C’est que le Crédit mobilier est la plus haute incarnation de l’esprit du jeu, de la spéculation échevelée, haletante et fiévreuse. Autant le calme, la régularité, la fixité de la mercuriale sont nécessaires au Crédit foncier, autant les fluctuations incessantes, les paniques, les emportements, les tempêtes sont indispensables au Mobilier. La stabilité de la cote, l’absence d’affaires nouvelles, l’abaissement du taux des reports pendant six mois mettraient la Société générale en liquidation.


SOCIÉTÉS ORGANISÉES SUR LE PLAN DU CRÉDIT MOBILIER.


Les développements dans lesquels nous sommes entré sur l’organisation, le but et les moyens du Crédit mobilier nous dispensent d’analyser longuement les Sociétés suivantes, fondées sur le même plan et pour le même objet : souscrire, acquérir, vendre, échanger des effets publics, des actions et obligations, en France ou à l’étranger ; faire des avances sur nantissement ; recevoir des sommes en compte courant, etc.


CAISSE GÉNÉRALE DES CHEMINS DE FER.
(Paris, 99, rue Richelieu.)


M. Mirès, gérant de cette société, revendique dans les termes suivants la priorité d’application, sinon de conception, du système qui sert de base au Crédit mobilier.

« Il y a bientôt huit années, nous avons fondé la Caisse des Actions réunies. Le succès qu’elle obtint, l’importance des bénéfices qu’elle réalisa, attirèrent l’attention du monde financier, et il est permis de supposer, — sans présomption, — que ce fut le point de départ de la création du Crédit mobilier. » (Journal des Chemins de fer du 31 mai 1856.)

Par acte du 15 juin 1853, la Caisse des Actions réunies changea sa dénomination en celle de Caisse et Journal des Chemins de fer, société en commandite, au capital de 12 millions, divisé en 24,000 actions de 500 fr. Durée, 30 ans 6 mois à dater du 1er juillet 1853.

Enfin, le 26 mai 1856, les directeurs :

« Considérant l’importance des entreprises faites, les traités passés pour d’autres entreprises plus considérables, et la nécessité de mettre la Société en état de remplir sa mission par la puissance du capital, après avoir pris l’avis du conseil de surveillance, ont arrêté :

« 1° D’adopter le titre de Caisse générale des Chemins de fer ;

« 2° D’élever à 50 millions de francs le capital de la Société. »

C’est, à 10 millions près, le capital du Crédit mobilier, et comme ce dernier, la Société Mirès se réserve d’émettre des obligations, mais seulement en chiffre égal au fonds souscrit. Ya-t-il à vivre pour deux Compagnies de cette importance ? Entreront-elles en rivalité ou fusionneront-elles leurs fonds et leurs intérêts ? En cas de concurrence et de guerre ouverte, il y aurait des frais à payer : le monde de l’agio va-t-il avoir, comme celui de la politique, ses partis, ses proscrits et ses prétendants ?

On parle déjà d’accord et d’entente entre la Compagnie Mirès et celle du Crédit mobilier : c’est la sainte-alliance des capitaux qui se pose, expression la plus haute de la féodalité industrielle.


Les bénéfices, après le prélèvement de 5 0/0 d’intérêt aux actions, sont répartis comme suit :

5 0/0 au fonds de réserve, qui ne peut dépasser 2 millions ;

10 0/0 à la gérance ;

76 0/0 aux actions, à titre de dividende.

L’assemblée générale se compose des 200 plus forts actionnaires. 40 actions donnent droit à une voix, sans qu’on puisse disposer de plus de 10.

Les actions ont produit :

en 1854 : 69 fr.            En 1855 : 79 90


CAISSE CENTRALE DE L’INDUSTRIE.
(Paris. 108, rue Richelieu.)


Société en commandite sous la raison sociale Vergniolle et Cie. Durée, 15 ans, finissant au 15 juillet 1870.

Capital social, 5 millions, divisé en 50,000 actions libérées de 100 fr.

Après l’intérêt de 5 0/0, les bénéfices sont répartis :

10 0/0 à la réserve ;

15 0/0 à la gérance ;

75 0/0 au dividende.

L’assemblée se compose de tous les propriétaires de 40 actions.

Le premier exercice a donné 15 0/0, et le second 20 0/0 de revenu.


SOCIÉTÉ DU CRÉDIT INDUSTRIEL.
(Paris, 4, rue Drouot.)


Société en commandite sous la raison sociale Malevergne et Cie. — Durée, 40 ans à partir du 20 septembre 1853.

Le capital est de 12 millions et les actions de 100 fr., mais il n’a encore été émis que 4 millions.

Après l’intérêt de 5 0/0 aux actions, on répartit :

10 0/0 au fonds de réserve ;

10 0/0 au conseil de surveillance ;

20 0/0 à la gérance ;

60 0/0 au dividende.

L’assemblée se compose de tous les propriétaires de 10 actions.


CAISSE GÉNÉRALE DES ACTIONNAIRES.
(Paris, 110, rue Richelieu.)


Société en commandite sous la raison sociale L. Amail et Cie. — Durée, 30 ans à partir du 1er juillet 1856.

Capital social, 25 millions, divisé en 50,000 actions de 600 fr. dont 250 payés.

La Compagnie publie le Journal des Actionnaires ; par M. Jourdan, elle a un pied au journal le Siècle ; elle vient de s’inféoder, sous le nom de M. Millaud, l’un de ses fondateurs, la Presse, vendue par M. de Girardin. — Elle se propose de fonder à Londres un bureau d’émission de valeurs françaises.

Après l’intérêt de 5 0/0 aux actions et le prélèvement du fonds de réserve, dont la quotité n’est pas déterminée, il est réparti :

5 0/0 au gérant ;

15 0/0 aux fondateurs ;

5 0/0 aux censeurs ;

75 0/0 au dividende.

L’assemblée se compose de tous les propriétaires de 20 actions.

Les opérations du second semestre de 1856 n’ont pas été heureuses pour la compagnie. De graves mécontentements ont éclaté parmi les actionnaires : on nous en a cité un qui, croyant à une institution philanthropique, apparemment, avait offert 100,000 de capital, et les a réclamés ensuite avec véhémence.

La suite des affaires a été reprise par M. Millaud.


UNION FINANCIÈRE ET INDUSTRIELLE.


Nous avons entre les mains les statuts et le prospectus d’une compagnie nouvelle qui se propose de faire les mêmes opérations que le Crédit mobilier ; elle se constitue de prime-abord au capital de 100 millions, avec faculté d’augmenter le fonds social s’il devenait insuffisant. Elle est provisoirement en commandite, sous la raison sociale Calley de Saint-Paul et Cie.

Depuis la publication des statuts et du prospectus, il n’avait presque pas été question de cette société. Son apparition avait jeté une certaine émotion dans le monde des affaires et donné lieu à des commentaires qui se contredisaient : preuve que l’on ne savait rien de positif sur son compte. Les uns y voyaient une concurrence sérieuse au Crédit mobilier, appelée peut-être à le supplanter ; les autres considéraient l’entreprise comme un compérage qui donnerait, par le moyen de la fusion, la faculté au Crédit mobilier d’accroître son fonds social et de forcer la main au gouvernement, qui répugnait, disait-on, à autoriser une nouvelle émission de titres sur une place déjà si encombrée.

Les décrets des 30 janvier et 9 février 1857, autorisant l’emprunt de 50 millions du département de la Seine avec l’entremise de la Société de l’Union financière et industrielle, ont fait connaître la réalité de cette compagnie, qui, si nos renseignements sont exacts, se proposerait en outre de s’appuyer sur des entreprises industrielles d’une haute importance.

Quoi qu’il en soit, l’esprit de coalition menace de tout englober : or, nous demandons encore une fois : Quand tous les joueurs seront coalisés, sur qui prélèveront-ils des différences ?


COMPAGNIE GÉNÉRALE DES CAISSES D’ESCOMPTE.
(Paris, 41, rue Tailbout.)


Voilà certes un titre sérieux, moral, sous lequel on ne songerait guère à chercher l’esprit d’aventure et de témérité qui caractérise le Crédit mobilier et ses annexes. Quoi de moins aléatoire que les opérations d’escompte ? Le négoce ne vit pas d’oscillations, de fluctuations : au contraire, il en souffre cruellement ; sa tendance est à la fixité, à la détermination des valeurs, qui laisserait peu de prise à l’agiotage, lequel fait toute l’importance des sociétés de jeu. Il y a donc antagonisme entre les opérations sérieuses du commerce, basées sur des livraisons certaines, des cours normaux, et les spéculations boursières, qui ne visent qu’à des différences, à la hausse et à la baisse sans rime ni raison.

Cependant M. A. Prost, le directeur-gérant de la Société qui nous occupe, entend mener de front ces deux sortes d’affaires, bénéficier sur le certain et sur l’alea. C’est du moins le compte rendu de 1856 qui nous l’apprend.

« Aux termes de ses statuts, la Compagnie générale des Caisses d’escompte avait deux objets à poursuivre :

« Le premier était d’organiser et d’assurer le crédit commercial dans tous les centres provinciaux où elle fondait des Caisses d’escompte ;

« Le second était de servir de centre de ralliement aux capitaux des départements pour les faire participer aux bénéfices de toutes les opérations financières habituelles aux maisons de haute banque et aux sociétés de crédit. »

L’escompte semble même n’avoir été, dans la pensée des fondateurs, qu’un moyen, un levier, un point d’appui.

« Au début, et pour créer l’instrument qui devait nous servir à faire, dans des conditions favorables, les opérations de haute finance, nous avons dû consacrer exclusivement nos efforts à l’organisation des Caisses d’escompte, et c’est tout récemment que nous avons trouvé opportun de poursuivre concurremment le second but de nos statuts. »

Occupons-nous d’abord du premier but.

La Compagnie générale des Caisses d’escompte est la dernière transformation de deux conceptions qui ont mal abouti ; le Comptoir commercial et l’Union financière. Telle qu’elle est aujourd’hui, elle a pour objet :

« 1o De constituer successivement, dans toutes les villes qui le comporteront, des Caisses d’escompte ; 2o d’assurer lesdites Caisses contre les chances de pertes dans les conditions et proportions stipulées ci-après. » (Art. 3 des statuts.)

« Chaque Caisse d’escompte a son capital propre, parfaitement distinct de tout autre, et fonctionne avec la plus complète liberté d’action, sous le contrôle de la Société et dans les limites de ses propres statuts. — Les bénéfices de Caisses sont leur propriété exclusive. » (Art. 5.)

La Compagnie générale n’exerce donc qu’une sorte de patronage sur les Caisses particulières. Voici les conditions qu’elle y met :

Elle leur octroie des statuts ; — elle nomme ou agrée les gérants ; — elle fixe l’importance de leur capital et la quotité des actions (500 fr. divisibles en coupons de 100 fr.) ; — elle limite leurs opérations ; — elle se réserve, moyennant commission, le placement des actions ; — elle envoie des inspecteurs et des délégués ; — elle impose une forme de comptabilité ; — elle se fait adresser chaque mois la balance des comptes, un état des créances échues et impayées, un état des actions souscrites et encaissées ; — elle peut requérir l’envoi de tous renseignements et pièces de comptabilité qu’elle juge utiles pour s’éclairer ; — elle détermine la répartition des bénéfices (40 0/0 à la gérance, 50 0/0 aux actionnaires, 10 0/0 au fonds de réserve) ; — elle fixe les appointements des employés ; — elle approuve ou improuve les comptes ; — elle peut faire prononcer la dissolution de la Société ; — elle se réserve toute modification aux statuts.

Pourquoi la Société-mère s’arroge-t-elle des droits aussi absolus sur des entreprises auxquelles elle n’avance pas un sou ? C’est qu’elle assure leur capital moyennant une prime annuelle fixée, pour chaque 1,000 fr. d’affaires :

À 20 centimes jusqu’à 20 millions.
À 15 centimes de 20 à 40 millions.
À 10 centimes de 40 à 60 millions.
À 5 centimesde 60 à 110 millions.
À 2 1/2 centimes de 100 millions et au-dessus.

L’assurance appliquée aux banques est une innovation en économie. Le taux de l’escompte, suivant nous, ne doit être qu’un droit de commission pour le service rendu, augmenté d’une prime d’assurance contre les risques de non-payement. Le capital répond de la bonne gestion des directeurs, qui ne doivent jamais le laisser entamer.

Or si le capital d’une caisse, 300,000 fr, par exemple, est lui-même assuré, le gérant peut se permettre 300,000 fr. de perte sans dommage pour ses actionnaires. Il peut donc, en vue d’augmenter les produits nets, se montrer moins sévère sur le gage du papier présenté, accepter des créances suspectes, pousser à l’abondance des escomptes en négligeant la qualité des escompteurs. Tel est le péril de l’assurance en pareille matière. Et voilà pourquoi les directeurs des Caisses particulières ne sont que des commis à la discrétion des assurances.

Après tout, en ce pays de routine, où l’esprit d’initiative par les masses est inconnu, c’était peut-être le seul moyen d’organiser le crédit et la circulation dont le commerce a tant besoin. Puis l’esprit est à la centralisation, à l’unification, à la complication bureaucratique, au communisme, en un mot. Telles qu’elles sont, les Caisses d’escompte valent mieux que rien.

1re année (1852).
Villes.
Raison sociale.
Capital
Cherbourg J. Chevet et Cie. 130,000 fr.
Évreux Boisney et Cie 195,500
2e année (1853).
Bourges Archambaud et Cie 86,500
Pont-Audemer Traînard et Cie 146,500
Le Havre Fort-Meu et Cie 245,000
Louviers Deschamps et Cie 177,000
Arras Gudin et Cie 412,500
Angoulême Colin et Cie 300,000
Villes.
Raison sociale.
Capital
Limoges J.-J. Abris et Cie. 220,000 fr.
Reims Cordier et Cie. 200,000
Guéret Migout et Cie. 150,000
Contances Lerendu et Cie. 135,000
3e année (1854).
Auxerre J.-H. Dallemagne et Cie. 365,000
Saint-Malo Dupuy-Fromy père et fils et Cie. 356,000
Troyes Coquet-Delalain et Cie. 378,000
Lisieux Peulevey et Cie. 231,000
Rennes De Châteaubourg, Bataille et Cie. 874,000
Saint-Claude F. David et Cie. 164,500
Morez Lhomme et Cie. 93,500
Falaise Jardin, Lodin et Cie. 191,500
Morlaix Stenford et Cie. 600,000
Tonneins De Forcade et Cie. 123,500
4e année (1855).
Lorient Le Deuc et Cie. 504,500
Thiers Giraud et Cie. 282,500
Le Puy Arguault et Cie. 600,000
Brest Ferré, Cerof et Cie. 593,500
Aix I. Céalis et Cie. 175,000
Tours Bastard et Cie. 166,500
Saint-Brieuc Dupuy-Fromy et Cie. 1,000,000
Paris (cuirs et papiers) Bonhomme, de Carfori et Cie. 750,000
Quimper Guilmin et Cie. 349,000
Dunkerque Perot, Hamoir, Martin et Cie. 270,500
Lyon Vuillemont, Chavard et Cie. 1,233,000
Clermont Lamy et Cie. 750,000
Nantes Gauja et Cie. 756,500
Avignon Marseille et Cie. 429,500
Salins Villemin-Duboz et Cie. 100,000
5e année (1856).
La Rochelle Galzain et Cie. 781,000
Saint-Étienne Beraud, J. Blanc et Cie. 1,539,000
Beauvais Bellon et Cie. 70,000
Nancy De Villevieille et Cie. 600,000
Angers Lechalas et Cie. 750,000
Aurillac Garnier et Cie. 476,500
Rodez R. Yence et Cie. 204,500
Cholet Bureau et Cie. 500,000
Condom De Peyrecave et Cie. 160,000
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Montant du capital en caisse 19, 503,500

En résumé, 46 caisses en exercice ; plus 9 constituées, représentant un capital souscrit de plus de 4 millions, et 7 en organisation. En tout 62 caisses, représentant, avec le fonds social de la Compagnie, 26,703,600 fr.

Puisque les Caisses d’escompte de chaque localité existent sous une raison sociale et avec un capital propres, qu’est-ce que la Compagnie générale ? C’est, — à part l’assurance dont nous avons parlé, — un petit Crédit mobilier. À quoi lui servent tous ces comptoirs ? Le Rapport va nous l’apprendre.

« À mesure que nous avons avancé dans l’organisation des Caisses d’escompte, nous avons vu se développer de plus en plus dans la clientèle que ces Caisses représentaient un élément d’action et de ressources auxquelles les transactions commerciales ne pouvaient servir d’aliment.

« Nos Caisses, livrées à elles-mêmes, vous le savez, messieurs, sont rigoureusement limitées aux opérations de l’escompte, et nous exerçons sur elles un contrôle et une surveillance si incessants qu’il leur est impossible de s’écarter de leur mission spéciale et d’égarer le capital dont elles disposent sur toute opération de crédit autre que l’escompte, dont les risques, non plus que les bénéfices, n’ont rien d’aléatoire ; mais elles peuvent, avec le concours de la Compagnie et avec son autorisation, participer aux affaires de fonds publics et aux concessions administratives qui offrent des avantages certains, et, à leur tour, faire jouir leurs actionnaires et leur clientèle des avantages d’une association départementale centralisée à Paris. C’est ainsi que cette masse de capitaux disponibles, qui ne pouvait trouver d’emploi dans les Caisses d’escompte, a répondu au premier appel de la Compagnie générale, qui est autorisée par ses statuts à prendre l’initiative de toutes les opérations de banque et de crédit.

« La première opération de cette nature qu’ait faite la Compagnie générale des Caisses d’escompte a été l’organisation de la Compagnie générale de Crédit en Espagne. »

C’est donc toujours le même système : neutraliser la concurrence des capitaux isolés, les empêcher d’agir sur la place ; en second lieu les englober aux mains de quelques habiles. Les Caisses des localités créent à la Compagnie centrale une source de comptes courants inépuisable. Aussi va-t-elle se lancer en grand dans les opérations de la haute finance. À cet effet l’assemblée du 20 juin 1856 a décidé que le capital serait porté de 3 millions à 30 millions.

La Société s’est donné un organe, le Journal du Crédit public. Elle a fondé la Société des Banquiers-Unis, « qui s’interdit toute espèce d’opération pour son compte et n’a en vue que l’intérêt de ses clients, c’est-à-dire l’intérêt général. » C’est elle encore qui a fait les frais de l’Annuaire de la Bourse et de la Banque, 4 vol. grand in-18, compacte, compilation gigantesque, destinée sans doute à mettre en rut tous les capitalistes, petits et grands, de l’Europe, et à faire taire la critique par la multitude et la masse des entreprises. — À cet effet, elle se charge de la vente et de l’achat de toutes les valeurs cotées à la Bourse moyennant un droit de 1 fr. par 1,000 fr. Les ordres qu’on lui transmettra « seront exécutés fidèlement, ponctuellement et avec économie, sous le contrôle permanent d’un véritable conseil de famille. » Rien de plus patriarcal, comme on voit.

Le journal donnera des conseils et des renseignements.

« Le vaste champ de la spéculation offre au capital indécis un choix difficile à faire entre une foule d’opérations dont l’importance collective dépasse 20 milliards.

« Isolé au milieu de tant de séductions, il est bien malaisé de fixer ses préférences, de rencontrer à point les bonnes occasions et d’en tirer le parti le plus avantageux.

« Il faut prendre conseil ; mais ici nouvel embarras, nouveaux dangers : renseigné au hasard, on peut acheter ou vendre en temps inopportun, et l’on devient la proie de concurrents mieux avisés ; livré à des intermédiaires probes, mais indifférents, on perd le fruit des meilleures combinaisons. »

Encore une fois, quand tous les spéculateurs seront bien avisés, qu’ils rencontreront à point les bonnes occasions, qu’ils vendront ou achèteront en temps opportun, qu’ils ne perdront plus le fruit des meilleures combinaisons, sur quelle proie se rabattront-ils ? Plus de dupes, plus de profits. Si tous ces organisateurs croyaient la réussite d’un tel programme, ils se garderaient d’y travailler : car ce serait leur suicide.

Après le prélèvement des intérêts à 5 0/0, les bénéfices sont répartis :

50 0/0 au dividende ;

10 0/0 aux mandataires et employés ;

40 0/0 à la gérance.

L’assemblée se compose de tous les propriétaires de actions.

La durée de la Société est de 30 ans à partir du 5 avril 1852.

Les trois exercices clos ont produit aux actions, 13, 15 et 16 0/0.


CAISSES AFFECTÉES SPÉCIALEMENT À L’ESCOMPTE.


BANQUES COLONIALES.


Les banques de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion ont été instituées par la loi des 25 avril, 26 juin et juillet 1851, pour une durée de 20 ans, à partir du 1er janvier 1853 ; elles sont chacune au capital de 3 millions divisé en 6,000 actions de 500 fr.

La Banque du Sénégal a été instituée par décret du 21 décembre 1853, pour 20 ans à dater du 1er juillet 1855, an capital de 230,000 fr. ; actions de 500 fr.

Celle de la Guyane, par décret du 1er février 1854, pour ans à dater du 1er janvier 1855 ; capital 300,000 fr. ; actions de 500 fr.

Toutes ces banques sont en société anonyme et ont à Paris une agence centrale, rue d’Amsterdam, 37.


BANQUE DE L’ALGÉRIE.


Société anonyme instituée par décret du 4 août 1851. — Capital, 3 millions ; action de 500 fr. — Durée, 20 ans à partir du 4 août 1851. — Siège social à Alger ; succursales à Oran et à Constantine ; correspondant à Paris, le Comptoir d’escompte.

Revenu des actions pendant les quatre exercices clos : 21 fr. 60 ; 30 fr. 65 ; 32 fr. 25 ; 36 fr. 50.


CAISSES DIVERSES EN COMMANDITE.


Caisse commerciale : Béchet, Dethomas et Cie, 17, boulevard Poissonnière. — Capital, 10 millions ; actions de 500 fr. Dernier dividende, 37 fr. 40.

Lehideux et Cie, 83, rue Charlot. — Actions de 1,000 fr. dont 2,000 seulement ont été émises sur 6,000. Dernier dividende, 73 fr. 50.

Bouron et Cie. — Capital, 1 million ; actions de 500 fr. Dernier revenu, 9 0/0.

Comptoir commercial d’Angers ; Pigot, Bougère et Cie, — Capital, 600,000 fr ; actions de 500 fr. Dernier revenu, 6 0/0.

Caisse commerciale du Nord ; J. Decroix et Cie, à Lille. Capital, 3 millions ; actions de 1,000 fr. Dernier revenu, 9 0/0.

Caisse industrielle du Nord ; Dupont, Deparis et Cie, à Valenciennes. — Capital, 10 millions ; actions de 1,000 fr. dont 375 versés. Dernier revenu, 30 fr.

Caisse commerciale de Saint-Quentin ; Lécuyer et Cie. — 16,000 actions de 500 fr. Dernier revenu, 57 fr. 50.

Caisse commerciale de Roubaix ; J. Decroix, Vernier, Verley et Cie. — 1,600 actions de 500 fr., dont 250 versés.

Caisse départementale de la Mayenne ; Picquet et Cie, à Laval, 600 actions de 1,000 fr. Dernière répartition, 95 fr.

10° Comptoir de la Méditerranée ; Gay, Bazin et Cie, à Marseille. — Capital, 10 millions ; actions de 500 fr.


COMPTOIR CENTRAL.
(Paris, 51 rue de la Chaussée-d’Antin).


M. Bonnard a fondé sa première maison à Marseille, en 1849 ; avec un capital de 7,825 fr., il a fait dès la première année 434,624 fr. d’affaires.

Son capital était, au commencement de 1853, de 98,400 fr. Le chiffre des affaires, en 1852, s’est élevé à 3,558,182 fr. ; les bénéfices à 115,025 fr., et le dividende à 76 04 0/0.

Encouragé par ces débuts, M. Bonnard a fondé des succursales à Lyon et à Strasbourg ; enfin il a organisé un comptoir à Paris, par acte du 24 mai 1853. Le capital est de 100 millions, et les actions de 100 fr. ; mais il n’en a encore été émis que 110,680.

La Banque Bonnard est une sorte de maison de commission pour le placement des marchandises, opérant à l’aide d’une tactique particulière dont l’auteur s’est fait une espèce de secret. Ses opérations sont fort diversement jugées ; elles ont trouvé d’avides imitateurs et de sévères adversaires ; mais il est juste de dire que, quelle que soit la tendance anti-monétaire de son industrie, le but avoué du fondateur n’a rien du tout de social ni de philanthropique.


SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE CRÉDIT MARITIME.
(Paris, 5, rue de Provence.)


Cette Société a eu beaucoup de peine à éclore. Elle s’annonçait d’abord au capital de 50 millions, et parlait même de le porter à 100 ; elle s’est enfin constituée, sous la raison sociale Collas et Cie, au capital de 20 millions ; mais elle n’a encore émis que 4,544 actions de 500 fr. — Durée, 50 ans à partir du 10 mai 1853.

Ses opérations ont pour objet :

« 1° Les avances à faire à tous négociants, armateurs, expéditeurs, commissionnaires, sur connaissements et sur marchandises, navires ou armements assurés contre les risques de mer ;

« 2° Les prêts à la grosse ;

« 3° Toutes opérations commerciales d’importation et d’exportation faites pour le compte de tiers, la Société ayant cru devoir, par une réserve facile à apprécier, s’abstenir d’opérations pour son propre compte ;

« 4° Des parts d’intérêts à prendre dans les armements de pêche et autres, et dans le service des paquebots. »




CHAPITRE II.


Canaux.


Les canaux ont été créés pour relier entre eux les différents bassins de la France. Ce sont des rivières artificielles établies entre les fleuves. Elles permettent aux marchandises de circuler d’une contrée dans une autre sans recourir à la voie dispendieuse de roulage. On a aussi canalisé certaines rivières que les débordements, les sécheresses, les ensablements rendent périodiquement ou continuellement impraticables.

L’idée de la canalisation remonte loin dans l’histoire. Il en fut question sous François Ier, quelques auteurs disent même sous Charlemagne. Cependant les premiers canaux creusés furent celui de Briare, entrepris sous Henri IV et achevé sous Louis XIII, et celui du Languedoc, construit de 1664 à 1684. Le canal de Bourgogne fut commencé en 1775, et celui du Centre en 1784. Mais la plupart ont été achevés ou complètement creusés depuis le commencement de ce siècle.

Le bassin du Rhône communique avec la Loire moyenne par le canal du Centre ; avec le Rhin par le canal de l’Est ; avec la Seine par celui de Bourgogne ; avec la Garonne par celui de Beaucaire.

Le bassin de la Seine est rattaché à la Loire, par les canaux d’Orléans, de Briare et du Nivernais ; à l’Escaut par les canaux de Saint-Quentin et de la Somme ; à la Meuse par les canaux de la Sambre à l’Oise et des Ardennes ; au Rhin par le canal de la Marne ; au Rhône par le canal de Bourgogne.

Le bassin de la Loire se relie aux bassins du Rhône et de la Seine par les artères que nous venons d’indiquer ; aux départements isolés de l’ancienne Bretagne par les canaux de Bretagne, du Blavet et d’Ille-et-Rance.

Le système de canalisation est loin d’être complet. Aussi les travaux projetés dépassent-ils de beaucoup en importance ceux déjà accomplis.

Le développement qu’ont pris et auquel sont appelés les chemins de fer semble devoir jeter un discrédit sur la navigation intérieure. C’est une concurrence menaçante. La rapidité des transports de la voie ferrée est un appât auquel pour le moment tout le monde se laisse entraîner. Si ce mouvement continue, les canaux seront sans doute momentanément désertés.

Toutefois, le poids énorme que la batellerie peut transporter avec peu de matériel paraît devoir lui conserver longtemps sur les chemins de fer l’avantage du bon marché. La vitesse extrême des expéditions n’est pas un élément de valeur pour tous les produits. On amène aujourd’hui à Paris, en huit ou dix heures, de vingt à trente lieues et plus, des pierres, des solives, des fers, qui obstruent des semaines entières les gares des chemins de fer, et restent ensuite six mois, un an, avant d’être employés. Le bénéfice de la célérité n’est point en ce cas une compensation à la cherté du transport. Les houilles, les bois, les grains, les métaux, les matériaux de construction, matières encombrantes et fort lourdes, continueront de choisir, pensons-nous, les voies navigables.

Les progrès d’économie et les perfectionnements dont la traction des chemins de fer est susceptible sont applicables à la navigation. Aussi doit-il y avoir place pour la batellerie à côté des railsways. La concurrence entre ces deux espèces d’entreprises importe au plus haut point au commerce, déjà menacé d’un exhaussement de tarif par la coalition et la fusion des grandes compagnies de chemins de fer.

Les canaux furent creusés par l’État. Seulement il fallut, pour subvenir aux dépenses, recourir au crédit privé.

À cet effet, les lois des 5 août 1821 et 14 août 1822 sanctionnèrent les traités passés par le ministre avec cinq Compagnies, et par lesquels le gouvernement empruntait une somme de 126,100,000 fr. Ces emprunts ne furent point contractés dans la forme ordinaire de ceux dont nous avons parlé au chapitre de la Dette publique.

L’État s’obligeait envers les prêteurs :

1° À payer l’intérêt au taux suivant :

Canal du Rhône au Rhin 6 00 0/0
Canaux de Bretagne 5 62
Canal du Berry 5 31
——— du Nivernais 5 28
——— latéral à la Loire 5 17
——— d’Arles à Bouc 5 12
——— de Bourgogne 5 10

2° À rembourser en quarante-cinq annuités le capital, au moyen d’une prime de 1 1/2 0/0 payée sur le chiffre intégral de 126,100,000 fr. jusqu’à remboursement complet ;

3° À imputer en augmentation du fonds d’amortissement l’excédant des recettes (après les dépenses de surveillance, perception, intérêts payés, entretien et réparations) ;

4° À leur abandonner l’excédant des revenus au delà de 8 0/0 ;

5° À livrer les canaux à la navigation dans un délai de 10 ans, sauf, en cas de retard, à payer une indemnité de 2 0/0 ;

6° À laisser aux prêteurs le droit de fixer les tarifs de navigation ;

7° À leur accorder, après l’amortissement complet, pendant une période de 99 ans pour le canal du Rhône au Rhin, et de 40 ans pour les autres, la moitié du revenu de ces canaux.

Ces ressources étaient loin de suffire à l’établissement projeté, et l’État dut y suppléer par d’autres crédits. Les dix canaux suivants : — Bourgogne, Rhône au Rhin, Arles à Bouc, latéral à la Loire, Berry, Nivernais, Centre, trois canaux de Bretagne, — d’un développement de 1,970 kilomètres, ont coûté 269,742,000 fr. soit une moyenne de 137,000 fr. par kilomètre environ.

Les Compagnies concessionnaires des emprunts créèrent 128,000 actions de 1,000 fr., dites actions d’emprunts, portant intérêt et remboursables conformément aux conditions sus-énoncées. Afin de réaliser immédiatement l’éventualité de partage des bénéfices qui devait courir dans quarante-cinq ans, elles attachèrent à chaque action de capital une action de jouissance.

Les actions de jouissance ne représentent donc aucun capital versé, mais simplement la participation éventuelle au revenu net des canaux, qu’auront les Compagnies à partir de 1867.

En 1821-22, on n’avait aucune donnée sur les probabilités de gain de la canalisation ; l’expérience n’était pas faite. Les capitaux étaient chers, et il leur fallait un puissant appât pour les attirer. Cependant les produits de la navigation intérieure ne répondirent pas à l’attente. Ils n’ont jamais dépassé en moyenne 1/2 0/0. La concurrence des chemins de fer ne semble pas devoir les améliorer.

La pratique a démontré que les moindres droits de navigation sont prohibitifs. Voici un tableau représentant les tarifs légaux, par tonne de 1,000 kilogr. et par kilomètre, sur les principaux canaux. Il est aisé de comprendre, au simple aperçu des prix, qu’ils n’ont jamais pu être appliqués.

Objet.
Canal du Midi.
Canal de Briare.
Canal du Centre.
Canal Saint-Quentin.
Canal de 1821-22.
Fumier, sable et gravier 0,020 0,015 0,020 0,010 0,010
Houille 0,027 0,020 0,015 0,020 0,048
Farine 0,080 0,054 0,040 0,020 0,087
Blé 0,080 0,054 0,040 0,020 0,067
Vin 0,080 0,120 0,040 0,020 0,081
Fer 0,010 0,414 0,040 0,020 0,060
Tissus 0,080 0,080 0,040 0,020 0,088
Bois de charpente (le stère) 0,066 0,019 0,010 0,008 0,040
Planches et chevrons (id.)
»
0,014 0,017 0,006 0,040

Les moindres droits légaux sur la houille sont de 0.015 (canal du Centre) par tonne et kilomètre, et le tarif effectif de navigation sur la Saône n’est pas plus élevé par tonne et myriamètre.

Au fond, qu’importait aux prêteurs le revenu net ou brut de l’entreprise ? n’avaient-ils pas pour garantie l’intérêt et le remboursement des actions d’emprunt ? Le droit de jouissance se trouvait seul compromis. Or, c’était là une clause aléatoire dont l’État ne pouvait garantir la valeur.

Les Compagnies ne l’entendirent pas ainsi. Elles entreprirent d’obliger le gouvernement au remboursement des actions de jouissance, et elles s’armèrent à cet effet de leur droit de tarification. L’élévation des tarifs n’eut plus pour but une augmentation de recettes, mais une interdiction absolue de naviguer ; elles imposèrent au gouvernement l’ordonnance du 17 avril 1843 qui décuplait les droits des bois de construction et triplait ceux des houilles sur le canal du Rhône au Rhin. Les réclamations du commerce devaient, suivant ce chiffre, forcer la main au ministère et l’obliger à rendre au public l’usage des canaux, moyennant indemnité aux Compagnies.

Elles demandèrent en conséquence 40 millions de leurs actions de jouissance. Le ministère accepta le chiffre et proposa par deux fois le rachat à la Chambre, en 1843 et en 1844. La proposition fut repoussée avec vigueur.

Le gouvernement dut alors faire acte d’autorité et rapporter son ordonnance du 17 avril 1843. Et les juifs de crier à la spoliation, et de poursuivre leur but par toutes les tracasseries possibles !

Afin de leur donner satisfaction, une loi du 29 mai 1845 décréta le rachat en principe et détermina le mode d’évaluation de la manière suivante :

« Les droits attribués aux Compagnies par les lois des 5 août 1821 et 14 août 1822, représentés par les actions de jouissance des canaux exécutés par voie d’emprunt, pourront être rachetés par l’État pour cause d’utilité publique. Le prix du rachat sera fixé par une commission spéciale instituée pour chaque Compagnie et composée de neuf membres, dont trois seront désignés par le ministre des finances, trois par la Compagnie, et trois par le premier président et les présidents réunis de la Cour royale de Paris. »

Ce n’était pas le principe, mais le fait que voulaient les Compagnies. Aussi revinrent-elles à la charge.

Deux projets de rachat furent soumis à l’Assemblée en 1850 et 1851 ; la commission chargée de l’examen y substitua un projet d’affermage, qui ne vint pas à discussion.

Enfin le décret du 21 janvier 1852 est venu donner gain de cause aux trois Sociétés les plus importantes.

« Il sera immédiatement procédé, dans les formes prescrites par la loi du 29 mai 1845, au rachat des droits attribués aux Compagnies du canal du Rhône au Rhin, des Quatre-Canaux et du canal de Bourgogne, par les lois des 5 août 1821 et 14 août 1822, et représentés par les actions de jouissance desdits canaux.

« Le capital qui aura été fixé pour le prix du rachat sera payable en trente annuités composées chacune de l’intérêt à 4 0/0, et du fonds d’amortissement nécessaire pour opérer en trente ans la libération de l’État. »

La loi du 3 mai 1853 a complété l’opération :

« Une somme de 7,480,742 fr. 80 c, valeur au 1er juin 1832, est affectée au rachat des droits attribués à la Compagnie du Rhône au Rhin, représentés par les actions de jouissance, dont le prix a été fixé le 4 juin 1832 par la commission instituée en vertu du décret du 21 janvier.

« Un titre donnant droit à trente annuités, chacune de la somme de 432,612 fr., sera délivré à cet effet par la Compagnie, en remplacement des droits attribués aux actions de jouissance émises par elle et dont les titres seront annulés.

« 6 millions sont affectés au rachat des actions de jouissance du canal de Bourgogne, dont le prix a été fixé le 11 juin 1832 par la commission. Les trente annuités sont de 346,980 fr. chacune.

« 9,800,000 fr. sont affectés au rachat des actions de jouissance des Quatre-Canaux, suivant le prix fixé par la commission le 12 juin 1852. Les trente annuités sont de 366,733 fr. chacune. »

Ainsi nous comptons :

Pour le canal du Rhône au Rhin 7,480,742 80
Pour le canal de Bourgogne 6,000,000
Pour les Quatre-Canaux 9,800,000
--------------------
Total 23,280,742 80

N’oublions pas que les annuités comprennent l’intérêt à 4 0/0. En sorte que les trente annuités s’élèveront :

Canal du Rhône au Rhin (432,612 fr. par an à 12,978,360 fr.
——— de Bourgogne (346,980 fr. par an) à 10,409,400
Quatre-Canaux (566,735 fr. par an) à 17,002,050
-----------------
Total en 30 ans 40,389,810

Nous trouvons, dans le rapport de la commission chargée de l’examen du projet de rachat en 1851, les chiffres suivants :

« En 1847, année de prospérité pour la navigation intérieure, les trois canaux de Bretagne

« ont dépensé              653,319 fr.
« Ils ont produit 160,125
--------------
Déficit 493,194

« Les dix canaux ci-après (dans lesquels se trouvent compris les trois de Bretagne) :

Du Nivernais,
Du Berry,
Latéral à la Loire,
De Nantes à Brest,
D’Ille-et-Rance,
Du Blavet,
Du Rhône au Rhin,
De Bourgogne,
D’Arles à Bouc,
Du Centre,
} Actions de jouissance rachetées.
ont produit pendant six ans, — de 1845 à 1850 inclusivement, — 3,805,576 fr., soit en moyenne 562,579 fr. 16 c. de bénéfice net. »

Ce serait pour les droits de jouissance des sept canaux productifs une annuité de 281,239 fr. 58 c, soit 40,177 fr, 08 c. par canal, et pour la Compagnie des Quatre-Canaux, néant.

Voilà les éventualités de profits que le gouvernement rembourse au prix de 40 millions et plus, 40 millions dont il n’a pas touché un sou, sur lesquels il ne doit absolument rien, puisque le droit de jouissance était une clause aléatoire que le contrat ne garantissait ni en minimum ni en maximum. Les conditions du prêt sans cette clause étaient déjà trop onéreuses.

Le succès des trois Compagnies est de bon augure pour les autres.

Il en coûte cher pour se débarrasser des usuriers, et Montesquieu a eu quelque raison d’écrire :

« Les banquiers soutiennent l’État comme la corde soutient le pendu. »


QUATRE-CANAUX.
(Paris, 20, rue Saint-Fiacre.)


Les canaux de Bretagne, du Nivernais, du Berry, et le canal latéral à la Loire ne forment qu’une Compagnie.

Les canaux de Bretagne sont au nombre de trois. — 1o Le canal de Nantes à Brest, commencé en 1806 ; il passe successivement du bassin de la Loire dans celui de la Vilaine, du bassin de la Vilaine dans celui du Blavet, et de ce dernier dans celui de l’Aulne, qui débouche dans la rade de Brest. Il a 374 kilomètres de développement et a coûté 45,646,667 fr. — 2o Le canal d’Ille-et-Rance, commencé en 1804 : il a pour but de réunir la Manche à l’Océan ; il passe du bassin de l’Ille dans celui de la Rance et débouche dans la Vilaine vers Rennes. Il a 84,784 mètres de longueur, et a coûté 14,226,779 fr. — 3o Le canal du Blavet, ouvert en 1825. Ce n’est qu’un embranchement vers la mer du canal de Nantes à Brest ; il commence par Pontivy et se termine à Hennebon, où le Blavet est naturellement navigable. Il a un développement de 59 kilomètres et demi, et a coûté 5,375,964 fr.

Le canal du Nivernais commence à Auxerre, remonte la vallée de l’Yonne jusqu’à la Chaise, s’élève jusqu’au plateau de Breuilles, où il traverse le seuil séparant les deux bassins, et descend ensuite vers la Loire en suivant le ruisseau de Baye jusqu’à Mingot et la vallée de l’Aron jusqu’à Decize. Il a un parcours de 176 kilomètres, et a coûté 30,317,871 fr.

Le canal du Berry se compose de trois branches qui se réunissent en un même point près de Rhimbé. La première communique au canal latéral de la Loire, en aval du Bec-d’Allier, en suivant la vallée de l’Aubois. La seconde se dirige vers la Loire par Bourges et Vierzon, en suivant les vallées de l’Aurai, de l’Yèvre et du Cher. La troisième remonte jusqu’à Montluçon en suivant les vallées de la Marmande et du Cher. Il communique avec le canal du Rhône au Rhin par le canal latéral à la Loire et le canal du Centre. Il a été commencé en 1808. Son développement est de 320 kilomètres ; il a coûté 20,963,577 fr.

Le canal latéral à la Loire prend son origine à Digoin, et se raccorde à 5 kilomètres de cette ville avec le canal du Centre. Il va déboucher dans le canal de Briare. Commencé en 1822, il a été ouvert en 1838. Son parcours est de 198 kilomètres. Il a coûté 29,980,357  fr.

Le montant des prêts de la Compagnie des Quatre-Canaux s’élevait à 68 millions ainsi répartis :

Canal du Nivernais 8 millions.
— — du Berry 12 — —
— — latéral à la Loire 12 — —
— — de Bretagne 36 — —

Les actions sont de 1,000 fr., au porteur ou nominatives ; le montant en a été acquité en dix ans, de 1823 à 1832 ; elles portent intérêt à 5 0/0, et sont remboursables à 1,250 fr., c’est-à-dire avec 250 fr. de prime, en trente-cinq tirages, de 1833 à 1867. Les arrérages se payent le 1er avril et le 1er octobre.

L’action de jouissance donnait droit à 1/68,000e sur la moitié du revenu annuel des Quatre-Canaux pendant 40 ans à compter de 1867. On vient de voir que cette moitié du revenu se liquide par un déficit annuel d’environ 500,000 fr. C’est ce droit que l’État vient de racheter au prix de trente annuités de 566,735 fr. chacune. Total des annuités, intérêts compris, 17,002,950 fr.


CANAL DE BOURGOGNE.
(Paris, 50, rue Saint-Fiacre.)


Ce canal réunit le bassin de la Seine à celui du Rhône. L’une de ses embouchures est à Saint-Jean-de-Losne, l’autre à la Roche-sur-Yonne. Commencé en 1775, il a été livré à la navigation depuis 1832. Son développement est de 242 kilomètres. Il a coûté 54,403,314 fr.

Les actions de 1,000 fr., valeur nominale, sont au nombre de 27,200 ; elles sont remboursables de semestre en semestre jusqu’en 1868.

Ces actions sont au porteur et jouissent d’un intérêt de 5 0/0 payable au Trésor le 1er avril et le 1er octobre.

Les propriétaires d’actions au porteur ont la faculté de les déposer contre des inscriptions nominatives transférables d’un nom à un autre, et qui peuvent se convertir en titres au porteur.

Le capital prêté était de 26 millions. Les 27,200 actions actuelles, représentent un capital de 27,200,000 fr., comprennent la prime d’amortissement affectée au remboursement. C’est une combinaison par laquelle la Compagnie a transformé immédiatement en capital les annuités successivement payables ; de sorte que les actions de 1,000 fr. sont remboursables au pair.

L’action de jouissance donnait droit, pendant 40 ans, à partir de 1868, à 1/27,200e de la moitié du produit net annuel, évalué par approximation à 40,177 fr. 08. La loi du 5 mai a racheté ce droit au prix de trente annuités de 346,980 fr., soit, avec les intérêts, 10,409,400 fr.


CANAL DU RHÔNE AU RHIN.
(Paris, 12, place Vendôme. — Strasbourg.)


Les travaux de ce canal, autrefois canal de Monsieur, commencés en 1784, n’ont été terminés que depuis la loi de 1833 ; mais la partie connue sous le nom du canal du Doubs à la Saône était ouverte dès 1790. — Il prend son origine sur la Saône, en amont de Saint-Jean-de-Losne, franchit à Valdieu le faîte qui sépare les deux bassins, et vient aboutir dans l’Ill, en amont et près de Strasbourg. Un embranchement est dirigé de Mulhausen sur Huningue et Bâle. Son développement total est de 349 kilomètres, y compris l’embranchement d’Huningue, qui en a 28. Il a coûté 28,191,803fr.

Le capital prêté pour l’achèvement de la section comprise entre Besançon et Strasbourg est de 10 millions de francs, divisés en 10,000 actions au porteur, de 1,000 fr. chacune.

Les actions d’emprunt portent 5 0/0 d’intérêt, payable au 30 juin et au 31 décembre. Elles sont accompagnées d’un coupon de prime de 250 fr. payable le jour du remboursement.

L’action de jouissance donnait droit à 1/10,000e du produit, soit environ 4 fr., pendant 99 ans, à partir de l’achèvement des travaux. Le gouvernement a racheté ce droit au prix de trente annuités de 432,612 fr. chacune, soit avec les intérêts 12,978,360 fr., ce qui fait pour chaque action 1,297 fr. 83 c.


CANAL D’ARLES À BOUC.
(Paris, 20, rue Saint-Fiacre.)


Ce canal, ouvert sur la rive gauche du Rhône, a pour but d’offrir à la navigation une voie indépendante des accidents du fleuve. Entrepris en 1802, il a été livré à la navigation pour une partie en 1829, et pour le reste en 1834. Son parcours est de 47,338 mètres. Il a coûté 11,147,448 fr.

L’emprunt affecté à ce canal était de 5,500,000 fr., portant intérêt à 5 3/25e 0/0, et remboursables avec prime. Il s’est formé, comme pour le canal de Bourgogne, une société ayant pour but la capitalisation immédiate de tout ce qui excède 5 0/0 des annuités payées par l’État : en sorte que les actions sont au nombre de 6,000, chacune de 1,000 fr. Elles portent intérêt à 5 0/0 l’an, payable le 1er avril et le 1er octobre, et doivent être remboursées par voie de tirage au sort depuis 1829 jusqu’en 1864.

L’action de jouissance donne droit à 1/6,000e de la moitié du revenu pendant 40 ans, à partir du remboursement complet des actions d’emprunt.


TROIS-CANAUX.
(Paris, 20, rue Saint-Fiacre.)


La Compagnie des Trois-Canaux, autrefois du duc d’Angoulême, comprend le canal des Ardennes, le canal de la Somme et la navigation de l’Oise.

Le canal des Ardennes, entrepris en 1821, a pour but de réunir les vallées de l’Aisne et de la Meuse. Il prend son origine à Donchery, sur cette petite rivière, remonte la vallée de la Bar, et aboutit à Semny, sur la rivière de l’Aisne. De Semny, il se prolonge d’un côté dans la vallée d’Aisne jusqu’à Neufchâtel ; de l’autre il remonte l’Aisne jusqu’à Vouziers. Sa longueur est de 105 kilomètres et demi. Il a coûté un peu plus de 15 millions.

Les travaux du canal de la Somme, commencés en 1770, suspendus et repris à diverses époques, n’ont été terminés que depuis 1827. Ce canal a pour but d’établir par la vallée de la Somme une communication entre Paris et la mer. Il s’embranche près de Saint-Simon, sur le canal de Crozat, et vient déboucher sous les murs de Saint-Valéry. Son parcours est de 156 kilomètres et demi. Il a coûté 9,389,113 fr.

Le canal latéral de l’Oise a été ouvert en 1828. Sa longueur est de 28 kilomètres et demi. Il a coûte 5,600,776 fr.

La réunion de ces trois canaux en une même Compagnie a été autorisée par ordonnance du 3 mars 1835. Ses titres, représentatifs d’un prêt de 17,600,000 fr., consistent :

1° En 19,600 actions d’emprunt, de 1,000 fr. chacune, valeur nominale, portant intérêt à 5 0/0, payable le 10 avril et le 10 octobre. Ces actions sont garnies de feuilles d’intérêts de dix semestres au plus, sauf renouvellement à mesure des besoins ;

2° En 19,600 coupons de prime de 250 fr. chacun, portant les mêmes numéros que les actions d’emprunt, dont ils sont détachés ;

3° En 19,600 actions de jouissance divisées en trois sections. — Celles de la première donnent droit à 1/8,900e des produits éventuels du canal des Ardennes ; — celles de la seconde à 1/7,350e des produits du canal de la Somme ; — celles de la troisième, à 1/3,350e des produits de la navigation de l’Oise.

Tous ces titres peuvent se négocier séparément.

Les actions d’emprunt se remboursent, avec le coupon de prime correspondant, à 1,250 fr., soit 250 fr. au-dessus de leur émission. Le tirage se fait tous les six mois.


CANAUX CONCÉDÉS TEMPORAIREMENT.


Les canaux que nous classons dans cette série ont été commencés par l’État, les villes ou les particuliers, et achevés par des Compagnies, moyennant des concessions temporaires, à la différence de ceux dont nous venons de nous occuper, qui ont été exécutés par l’État au moyen d’emprunts.

1° Le canal de Beaucaire, commencé en 1773, a été concédé en 1801 pour 80 ans. Il prend naissance dans le Rhône, près de Beaucaire, et va aboutir à Aigues-Mortes ; il est en communcation avec la Méditerranée. Son parcours est de 70 kilomètres et demi. Le fonds social est de 2,760,000 fr. divisé en 552 actions au porteur, de 5,000 fr. chacune. — Administration, rue Basse-du-Rempart, 48.

La Sensée (département du Nord) a été canalisée dans une longueur de 26,700 mètres. L’exploitation en a été concédée en 1818 pour 99 ans. Le capital de la Société est de 1,750,000 fr. divisés en 175 actions nominatives de 10,000 fr. — Administration à Douai.

3° Le canal Saint-Martin, d’un parcours de 6 kilomètres et demi, a été concédé en 1821 pour 99 ans. — Fonds social : 3,600,000 fr. divisés en 3,600 actions de capital de 1,000 fr., et en autant d’actions de jouissance. — Administration, rue Hauteville, 50.

4° La Sambre française canalisée est concédée pour 54 ans 10 mois à partir du 25 novembre 1838. — La Société, primitivement en commandite, s’est transformée en anonyme en 1851. Capital, 3 millions, divisés en 500 actions nominatives et 600 au porteur, de 500 fr. chacune. Dernière répartition, 121 fr. — Administration, 13, rue de Provence.

Jonction de la Sambre à l’Oise. Ce canal s’étend de Landrecies à La Fore (66 kilomètres). Il a été concédé pour 99 ans à partir de 1838. — Le capital de la Compagnie est de 11,500,000 fr., représenté par 11,500 actions de 1,000 fr. au porteur. — Dernière répartition, 67 fr. 50. — Plusieurs emprunts ont été contractés pour l’achèvement de ce canal, et ont donné lieu à la création de plusieurs séries d’obligations, dont il ne reste que celles de 1853, au nombre de 794, émises à 1,000 fr., remboursables à 1,050, en 25 ans, et portant 50 fr. d’intérêt. — Administration, rue de Provence, 13.

6° La Scarpe est canalisée entre le fort du même nom et l’Escaut, dans une étendue de 36 kilomètres et demi. L’exploitation en a été concédée en 1835 pour 68 ans. — Fonds social : 2,200,000 fr., divisés en 2,200 actions de capital de 1,000 fr. et en autant d’actions de jouissance. Dernière répartition, 129 fr. — Administration, rue St-Guillaume, 31.


CANAUX CONCÉDÉS À PERPÉTUITÉ.


Ces canaux ont été exécutés par les Compagnies.

1° Le canal du Languedoc, avec ses embranchements, a pour but de relier l’Océan à la Méditerranée. Il a un parcours de 297 kilomètres, et a été concédé en 1666. Il était terminé en 1684 ; il a coûté environ 13 millions de livres tournois, soit à peu près 40 millions de notre monnaie. — Le fonds social est de 12,920,000 fr. divisés en 1,292 actions de 10,000 fr.

2° Le canal de Givors a près de 18 kilomètres. La concession date de 1761. — Le fonds social est de 6.000 actions, ou mieux de 6,000 titres donnant droit à 1/6,000e de la propriété du canal, de ses dépendances et de ses revenus. — Le siège de la Société est à Lyon[11].

3° Le canal d’Aire à la Bassée (départements du Nord et du Pas-de-Calais) a été concédé en 1832. Son parcours est de 42 kilomètres. Le fonds social est représenté par 600 titres évalués en capital à 5,000 fr., et donnant droit chacun à 1/600e des produits et de la propriété du canal. Chaque action peut se diviser en cinq coupons. Dernière répartition, 540 fr. — Administration, rue Saint-Guillaume, 12.

4° Le canal de Roanne à Digoin a une longueur de 55 kilomètres. La concession date de 1827. — Le capital de la Société se compose de 13,000 actions donnant droit chacun à 1/13,000e de la propriété et des revenus du canal. Dernière répartition, 11 fr.

Tous les canaux dont il vient d’être question forment ensemble un parcours d’environ 2,807 kilomètres. La dépense qu’ils auront coûtée, en moyenne, est d’environ 124,000 fr. par kilomètre : ce qui fait pour le tout un capital d’à peu près 350 millions, dont l’intérêt, à 5 0/0 seulement, serait de 17,500,000 fr., et dont le produit net est à peu près zéro.

On a conclu de ce fait, et fort judicieusement à notre avis, que les canaux ne peuvent, financièrement, être traités comme des entreprises particulières, qui doivent toujours, à peine de ruine et suicide, donner intérêt et dividende ; que sous ce rapport, les canaux sont pour des actionnaires des entreprises médiocres, sinon tout à fait mauvaises ; qu’ils doivent rester à la charge de l’État, être affranchis par conséquent de tout tarif, et que leur produit doit se trouver dans les résultats généraux de la circulation.


CANAUX DIVERS ET RIVIÈRES CANALISÉES.


Il existe encore d’autres Sociétés de canaux dont les titres ne sont pas l’objet de négociations importantes. La plupart de ceux que nous venons d’énumérer ne figurent même pas au bulletin de la Bourse.

Nous nous bornerons donc, afin de compléter cet inventaire, à donner la nomenclature de ces canaux, avec l’indication de leurs parcours :

Navigation de l’Isle 144,969 mètres
Canalisation de la Dopt 80,000
de l’Aa 28,315
de la Colme 24,785
du Loing 56,553
de la Dive 40,011
de la Haute-Seine 43,729
de la Drôme 37,000
de Loyon 60,000
Canal de Grave 9,200
d’Orléans 77,304
de Lunel 10,000
de Roubaix 13,346
de Saint-Quentin 51,289
de Deule et Lys 116,784
des Étangs 45,410
de Luçon 15,230
Canal d’Azebrouck 25,329 mètres
de Coutances 5,632
de Crozat 54,351
de l’Ourcq et Saint-Denis 100,522
de Dunkerque à Furnes 13,303
de Vire à Taute 39,638
de la Teste 140,000
de Préaven, la Nieppe et Labourse 19,484
de Pont de Vaux
«
de Vezère et Corrèze
«
d’Ardre 47,000
de Béthune 21,629
de Bergues à Dunkerque 8,651
de Bergues à Furnes 13,800
de Bambourg 21,462
de Saint-Omer 16,294
de Calais 29,542
de Courlavant 10,000
de Guines 6,120
du Centre 116,812
de Neufossé
«
de la Marne au Rhin 318,146
latéral à la Garonne[12] 204,070
de l’Aisne à la Marne 58,150
latéral à l’Aisne 51,500
Deux canaux latéraux à la Marne 76,000

Tous ces canaux réunis forment un parcours d’environ 6,000 kilomètres, qui, joint à celui des fleuves et rivières navigables, présente un développement de 15,000 kilomètres de ligne navigable, soit environ 15 fois la traversée de la France entière, représentant, avec le matériel de navigation, un capital de près de 2 milliards.




CHAPITRE III.


Chemins de fer.


La France est restée longtemps stationnaire en fait de chemins de fer. La Belgique, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Amérique du Nord étaient sillonnées en tous sens, que le gouvernement français s’en tenait aux petites lignes du Gard, de la Loire, de Versailles[13].

Les premières voies de quelque importance furent celle d’Orléans, concédée en 1838, et celle de Rouen, en 1840. Enfin la loi du 11 juin 1842 prit définitivement parti pour le nouveau système de communication, en organisant un vaste réseau de rail-way qui n’est pas encore complétement terminé aujourd’hui. Nous citons les principales dispositions de cette loi.

« Art. 1er. Il sera établi un système de chemins de fer se dirigeant,

« 1° De Paris :

« Sur la frontière de Belgique, par Lille et Valenciennes ;

« Sur l’Angleterre, par un ou plusieurs points du littoral de la Manche, qui seront ultérieurement désignés ;

« Sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et Strasbourg ;

« Sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille et Cette ;

« Sur la frontière d’Espagne, par Tours, Poitiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne ;

« Sur l’Océan, par Tours et Nantes ;

« Sur le centre de la France, par Bourges ;

« 2° De la Méditerranée :

« Sur le Rhin, par Lyon, Dijon et Mulhouse ;

« Sur l’Océan, par Marseille, Toulouse et Bordeaux. »

Si l’on se décidait tard, on avait hâte de rattraper le temps perdu.

Dans leur empressement, les législateurs n’adoptèrent ni le système des Compagnies, ni celui de l’exploitation par l’État. L’examen de la question eût sans doute demandé trop de temps. L’article 2 n’exclut, en effet, aucun mode de construction.

« L’exécution des grandes lignes définies par l’article 1er aura lieu par le concours de l’État, des départements traversés, des communes intéressées et de l’industrie privée, dans les proportions et suivant les formes établies par les articles ci-après.

« Néanmoins ces lignes pourront être concédées en totalité ou en partie à l’industrie privée, en vertu de lois spéciales et aux conditions qui seront déterminées lors de l’adjudication.

« Art. 3. Les indemnités dues pour les terrains et bâtiments occupés par l’établissement du chemin de fer seront payées par l’État ; mais les départements et les communes en rembourseront les deux tiers. »

Une loi du 19 juillet 1845 a abrogé la partie de cet article relative au remboursement par les départements et les communes.

« Les terrassements, les ouvrages d’art et les stations seront à la charge du gouvernement.

« Art. 6. La pose de la voie de fer, y compris l’ensablement, le matériel d’exploitation, les frais d’entretien et de réparations, seront à la charge des Compagnies.

« Art. 7. À l’expiration du bail, la valeur de la voie et du matériel sera remboursée à dire d’experts à la Compagnie sortante par la Compagnie prenante ou par l’État. »

Le système de la loi de 1842 est, comme on voit, on ne peut plus favorable aux Sociétés financières. Les grosses dépenses sont à la charge du budget.

On peut dire que, dans les chemins exécutés suivant cette loi, l’État fait toutes les dépenses et se retire devant les Compagnies au moment de réaliser les profits. Que reste-t-il en effet, après les achats de terrains, les travaux d’art et les terrassements, dont les frais ne sont pas appréciables à plusieurs millions près ? La voie et le matériel, c’est-à-dire une dépense certaine, qui se suppute avec exactitude, dont chaque année d’exploitation opère l’amortissement.

Remarquez qu’à l’expiration du bail, l’État doit payer aux Compagnies leur matériel à dire d’experts ; il s’oblige à faire à cette époque la dépense devant laquelle il recule pour le moment.

Les Compagnies, n’ayant que des concessions temporaires, doivent racheter leurs actions à l’aide de produits nets. Une somme est consacrée chaque année à cet amortissement. Elles se trouveront ainsi remboursées de leurs avances à la fin de leur bail, et auront eu en réalité pendant 99 ans l’usage gratuit, et parfois avec subvention ou garantie d’intérêt, de chemins de fer dont la construction ne leur aura rien coûté du tout. Nous soutenions tout à l’heure, p. 294, que les instruments de circulation publique devaient être livrés gratuitement au pays : le gouvernement les livre pour rien aux Compagnies, qui se font fort bien payer : il ne s’est trompé que d’adresse.

Le mode de concession n’est pas, avons-nous dit, le même pour tous les chemins.

Ici, en effet, des lignes sont adjugées, — avec ou sans subvention, avec ou sans prêts, avec ou sans garantie d’intérêts, — dont toutes les dépenses, terrassements, ouvrages d’art, pose de la voie, matériel, sont à la charge des adjudicataires.

Là, le gouvernement commence des travaux non adjugés ou continue ceux que les Compagnies ont abandonnés, sauf à se faire rembourser en cas d’adjudication.

Ailleurs, la construction complète est à la charge de l’État ; le service seulement en est affermé pour un prix de……

Ce dernier mode d’exploitation sera, pensons-nous, celui de toutes les voies ferrées quand, par rachat ou fin de concession, elles auront fait retour au gouvernement.

Les traités avec les Compagnies n’ont pas tous été faits non plus suivant un même principe. Tantôt les adjudications ont eu lieu avec publicité et concurrence ; tantôt les concessions ont été directes. Ce dernier mode semble définitivement adopté depuis l’Empire.

Dans tous les cas, la concession précède, comme l’adjudication, la formation des sociétés anonymes. Les capitalistes déclarés adjudicataires ou concessionnaires réalisent alors, sans bourse délier, des bénéfices superbes. Seuls détenteurs des actions au pair, s’ils en donnent quelques-unes à leurs amis et aux personnes dont l’influence leur est nécessaire, c’est pure gracieuseté ou calcul. Ainsi les 22,000 actions du chemin de fer de Versailles (rive droite) ont été réparties par l’acte de société de la manière suivante :

MM. de Rothschild frères 7,000
d’Eichtal et fils 3,500
Davilliers et Cie 3,500
Thurneyssen et Cie 3,500
Jacques Lefebvre et Cie 3,500
baron Berthon 200
V. Lanjuinais 200
Émile Pereire 600

Or, le jour de leur émission , ces mêmes actions ont fait de 700 à 725 fr. à la Bourse : ce qui permettait aux huit personnes ci-dessus nommées de réaliser un bénéfice de plus de 4 millions et demi en vendant ce jour même, non l’action portant dividende, mais la promesse d’action entraînant l’obligation d’en verser le montant. C’est, au reste, l’histoire de la plupart des sociétés anonymes, des émissions d’obligations, de souscriptions d’emprunt, etc.


Les plus anciens chemins de fer datent au plus de quinze années. Les moindres concessions avaient plus de 30 ans de durée ; beaucoup étaient de 99 ans. Et voilà que les Compagnies sont venues à la suite les unes des autres solliciter des garanties nouvelles de l’État, des accroissements de baux, des fusions ! Étaient-elles lésées dans leurs intérêts ? Les contrats leur semblaient-ils onéreux ? Comment concilier cette hypothèse avec la hausse constante des actions, dont quelques-unes ont plus que triplé ?

Quel a donc été le mobile des hautes administrations en cette occurrence ? C’est que la spéculation boursière avait tiré des titres à peu près tout ce qu’ils pouvaient rendre. Il s’agissait d’inventer de nouveaux artifices, de susciter une hausse quand même, afin d’offrir un aliment à l’agiotage parasite. Après avoir escompté, en cinq ou dix ans, 40, 50, 80 années de bail, il faut escompter en un délai moindre encore les prorogations à 99 ans, les garanties et les subventions de l’État. Et l’on parle de respect des conventions !

Après les baux à 90 ans viendront sans doute les concessions perpétuelles, puis les opérations de rachat par le gouvernement, dans le genre de celles auxquelles les actions de jouissance des canaux ont donné lieu. L’agiotage n’a pas pour dix ans à dévorer ces ressources. Sans doute, d’ici là, on aura inventé de nouvelles combinaisons.

En attendant, la fortune publique, les producteurs de toutes sortes qui circulent ou font circuler leurs marchandises sur les voies de fer, les ouvriers employés à leur mise en valeur, en un mot, la France, ses richesses, ses habitants, tout cela est livré en pâture à la finance.

Nous avons donné, page 283, un tarif légal et d’application impossible des droits de navigation ; or les tarifs effectifs des chemins de fer sont bien autrement exorbitants que ceux des canaux. Les prix ne sont pas uniformes sur toutes les lignes ; les chiffres suivants représentent à peu près la moyenne des conditions de transport.


MOYENNE DES TARIFS
péage, transport et impôt du dixième compris, mais non compris le décime de guerre établi en 1855.


Voyageurs.
1re classe 0,105
2e 0,077
3e 0,057
Bestiaux.
Chevaux, mulets, bœufs, vaches 0,105
Veaux et porcs 0,041
Moutons et chèvres 0,020
Par tonne et par kilomètre.
Huîtres et marée à la vitesse des voyageurs 0,550
Marchandises à petite vitesse.
Hors classe. — Acides minéraux, arbres et arbustes, œufs, comestibles, volailles, objets d’art, poudres, meubles, etc. 0,219
1re classe. — Amandes, amidon, bimbeloterie, ébénisterie, chaudronnerie, coton filé ; coutellerie, cuirs ouvrés, étoffes, fer-blanc en feuilles, fils, passementerie, mécanique, pelleterie, tôle fine, zinc ouvré, etc. 0,146
2e classe. — Acier en bottes, blanc de baleine, blanc de céruse, blés, farines, charbon de bois, peaux brutes, planches, poisson salé, spiritueux, sucre raffiné, vins en fûts, etc. 0,120
3e classe. — Albâtre brut, blanc de Meudon, bois débité, briques, chanvre non filé, cendres, chiffons, colon en halle, fer en barre, fil de fer, fonte brute, cuivre de doublage, fumier, moellons, pierre à chaux, à plâtre, de taille, plomb en saumons, potasse, sucre brut, suif brut, etc. 0,091
4e classe. — Poudrette, résine, ancre, asphalte, betterave, rails, bois à brûler 0,069

Nota. — La classification des marchandises n’est pas la même sur tous les chemins de fer. Telle administration accepte en dernière classe ce qu’une autre range en première. De là des variations de prix considérables. Les derniers cahiers des charges fixent le prix de transport des grains, en ces de disette, à 8 centimes par tonne et kilomètre. Depuis 1853, ce prix est descendu à 5 centimes. En temps ordinaire, le tarif légal est de 16 centimes.

Si l’on considère que les trains de plaisir produisent encore du bénéfice en transportant les voyageurs à moins de 1 centime par tête et par kilomètre (0,008 environ pour la 3e classe), on sera surpris que les dividendes annuels n’atteignent pas 25 et 30 0/0. Mais, d’une part, les chemins de fer comme toutes les grandes entreprises, ont leurs états-majors d’administrateurs, d’entrepreneurs et de fournisseurs à qui l’on ne peut décemment marchander les honoraires et les pots-de-vin. En second lieu, le service de la grande vitesse doit, d’après le système économique de MM. les administrateurs, couvrir le déficit des transports entrepris au-dessous du prix de revient, comme cela se pratique notamment sur la ligne du Nord pour les combustibles minéraux (voir chapitre VII, page 158) : réductions qui ont pour but d’abord de grossir la recette brute, afin d’appâter les acheteurs d’actions, et ensuite d’arriver, par la ruine de la navigation, au monopole et à un exhaussement final des tarifs. D’un autre côté, il est de principe en économie que le maximum de rendement d’une entreprise doit être cherché par des voies différentes, selon que le bénéfice à recueillir doit être livré à une compagnie d’exploiteurs ou laissé au pays. Dans le premier cas, le tarif doit être calculé de manière à donner le plus grand bénéfice net ; dans le second, il doit ne représenter que les frais d’entretien de l’entreprise, ou même être nul, comme nous l’avons dit précédemment à l’occasion des canaux. Les trains de plaisir à 8 dixièmes de centime par tête et kilomètre sont une gracieuseté des Compagnies, qui prouve ce que pourrait être la richesse du pays et l’aisance des masses, si la loi du meilleur marché était suivie dans toutes les circonstances qui en sont susceptibles. C’est un progrès réservé à nos descendants.

Les fusions dont nous sommes témoins depuis quelques années ne sont pas autre chose qu’une assurance mutuelle entre les grandes Compagnies, pour le maintien des tarifs à un taux qui leur garantisse le maximum de produit net. Sans doute le gouvernement s’est réservé un droit de modification. Mais devant la résistance des financiers que ferait-il ? En appellerait-il à la force ? La féodalité capitaliste peut mettre sur pied une armée autrement formidable que le pouvoir : rien que sa retraite amènerait une révolution.

Une question qui préoccupe vivement le monde commercial depuis quelque temps, celle des tarifs différentiels, est une preuve de l’impuissance de l’État et des prescriptions légales quand il plaît aux grandes Compagnies de se mettre au-dessus de la loi.

« La perception des taxes, disent les cahiers des charges, aura lieu par kilomètre et par tonne. Elle se fera indistinctement et sans aucune faveur.

« Dans le cas où une Compagnie aurait accordé à un ou plusieurs expéditeurs une réduction sur l’un des prix portés au tarif, avant de le mettre à exécution, elle devra en donner connaissance à l’administration, et celle-ci aura le droit de déclarer la réduction, une fois consentie, obligatoire vis-à-vis de tous les expéditeurs, et applicable à tous les articles de même nature. »

Malgré des prescriptions aussi formelles, les Compagnies accordent aux expéditeurs qui peuvent leur assurer un fort tonnage des réductions considérables. C’est ainsi qu’un constructeur de navires, M. Vasse, payait, pour transport de ses bois de Rouen au Havre, 10 fr. 40 c. par tonne, tandis que M. Normand, pour les mêmes transports, avait obtenu un tarif réduit de 4 fr. 55 c.

De pareilles faveurs ne tendent à rien de moins qu’à ruiner la petite et moyenne industrie au profit de la grande ; à constituer toutes les branches de la production en un vaste monopole dont les chemins de fer mêmes sont le type ; à consommer la ruine de toute concurrence et de toute garantie.

Tandis que le gouvernement consulte les conseils généraux et les chambres de commerce sur les questions de douane et rabaissement des droits, les Compagnies du Nord et de l’Est accordent aux marchandises étrangères des tarifs réduits qui tranchent la question contre le travail national.

Nous citons le Moniteur de la Marine du 15 mars 1856 :

« Les prix en vigueur de Wissembourg à Paris et de Paris à Mouscron s’élèvent ensemble à 87 10
« Un projet de tarif commun aux deux Compagnies les réduit en faveur de l’étranger, à 54 05
-----
Différence 33 05
« Pour les expéditions à grande vitesse, ces différences sont encore plus sensibles ; ainsi le commerce français paye :
« De Strasbourg à Paris
209
« De Paris à Mouscron 117
---
Ensemble 326
« Les marchandises de provenance étrangère, à destination de la Belgique, ne payeraient pour ce même parcours, aux termes du tarif commun, que 206 75
Différence 119 25
« Les prix appliqués pour le parcours de Bâle à Paris et de Paris à Mouscron représentent ensemble 381
« Ils seraient réduits, pour les expéditions de l’étranger à l’étranger, à 242 20
------
Différence 138 80

Telles sont les bonifications accordées au commerce étranger au préjudice du commerce français.

Les tarif différentiels ont été constamment condamnés, à l’origine, par les tribunaux de commerce et les cours impériales. Le texte du cahier des charge ne laisse en effet aucun doute : « La perception devra se faire indistinctement et sans aucune faveur. » Cependant telle est la puissance de la féodalité, son influence sur l’esprit public, que de récents arrêts lui ont été favorables dans cette question.

Le sacrifice de la production indigène à l’étranger, du petit commerce aux gros monopoles, de la nation à une poignée d’accapareurs, s’appelle, dans certain jargon économique, la liberté des transactions. Il nous faut arracher ce masque à l’hypocrisie et à la sottise.

« À l’exception de la ligne de Lyon et de celle du Nord, dit le Journal des Chemins de fer, toutes les autres doivent la plus grande partie de leur dividende à la subvention qu’elles ont reçue de l’État (et des localités). Sans cette subvention, le revenu moyen, qui sera cette année d’environ 15 0/0, ne dépasserait guère 6 à 7 ; il resterait même inférieur à 5 pour la ligne qui a les plus belles espérances au point de vue financier, celle de la Méditerranée. »

Voyons un peu quelle est la part contributive des Compagnies dans ces vastes monopoles qu’elles considèrent comme leur propriété intégrale.

Les fonds engagés dans les chemins de fer s’élèvent, d’après le Rapport du ministre des travaux publics, du 30 novembre 1856, à 9,080,494,973 fr. Ils proviennent de trois sources : 1° les actions ; 2° les obligations ; 3° les subventions de l’État, des départements et des communes.

Les actions ont droit à l’intérêt, au dividende et à l’amortissement ; les obligations reçoivent un intérêt fixe et le remboursement augmenté d’une prime ; l’État ne touche ni amortissement, ni intérêt. Outre les charges qui lui incombent, il assure encore à la plupart des Compagnies une garantie d’intérêt de 4 0/0 pendant 50 ans.

Le capital d’actions est à peu près définitivement fixé ; mais celui des obligations varie tous les jours par de nouvelles émissions ; dans quelques années il sera double du premier.

Eh bien ! les actionnaires, qui n’ont contribué que pour un tiers à l’établissement des chemins de fer, ont seuls droit d’assister à l’assemblée, de disposer de la propriété collective comme s’ils en avaient fait tous les frais. Ou plutôt l’actionnaire lui-même n’est qu’une fiction. Jamais assemblée n’a improuvé des comptes ou refusé de voter les propositions du conseil d’administration. Qui reste donc propriétaire souverain, souverain arbitre des tarifs, des transports, de la fortune de l’État et des particuliers ? Les administrateurs ! Et si dans les conseils on faisait abstraction des comparses, mis là pour faire nombre, on ne trouverait pas en tout vingt ou trente pachas, disposant de ces trois milliards et de bien d’autres comme de leur bien.

Par des dividendes de 15 0/0 et plus, ils se sont formé une clientèle de pauvres hères de capitalistes qui n’hésitent pas à se classer eux-mêmes au nombre des privilégiés. Triples niais ! Ces actions de 60 à 80 fr. de revenus annuels, ils les ont payés de 1,200 à 1,800 fr. ; ce qui représente un intérêt de 5 à 6 0/0, que les Compagnies savent bien leur reprendre sous forme de taxes au maximum, lorsqu’ils traitent avec elles comme expéditeurs. Quant aux tarifs réduits, ils sont réservés par privilége aux monopoleurs qui ont vendu à 1,200 et 1,800 fr. les actions de 500. Est-ce pour un tel résultat que le Trésor public a fait de si énormes sacrifices ?

Le Rapport du ministre des travaux publics du 30 novembre dernier établit ainsi l’état du réseau à la fin de 1856 :

longueur au 1er janvier 1857
Compagnies concédée exploitée à construire
---- ---- ----
Nord 978 793 185
Ardennes 144 « 144
Est 1,788 1,107 681
Ouest 1,778 876 902
Orléans 1,745 1,223 522
Paris à Lyon par la Bourgogne 987 655 332
Paris à Lyon par le Bourbonnais 670 265 405
Lyon à la Méditerranée 619 550 69
Lyon à Genève et embranchements 228 74 154
Saint-Rambert à Grenoble 92 56 36
Grand-Central 1,230 125 1,105
Midi 821 715 106
Paris à Sceaux et Orsay 25 25 «
Anzin à Somain 19 19 «
Hautmont à la frontière 9 « 9
Bességes à Alais 30 « 30
Graissessac à Béziers 52 « 52
Carmaux à Albi 18 « 18
Chemin de Ceinture 17 17 «
------ ------ ------
Totaux 11,250 6,500 4,750

Nous ne suivrons pas strictement, dans la suite de ce chapitre, les chiffres du Rapport, qui du reste « ne comprend pas 684 kilomètres dont la concession a été décrétée à titre éventuel. »

Il faut avoir cherché, comme nous l’avons fait, à se rendre un compte exact de l’état des chemins de fer pour avoir une idée des difficultés que rencontre cette exploration. Le ministère des travaux publics vient de publier un volumineux in-quarto intitulé Documents statistiques sur les chemins de fer, imprimerie impériale, 1856 ; et chose remarquable, la Commission, quoique formée de gens du métier, placée dans les meilleures conditions pour relever un pareil inventaire, formule les mêmes plaintes que nous :

« La Commission ne peut dissimuler à Votre Excellence que, malgré les efforts qu’elle a faits, malgré tous les soins qu’elle a apportés à l’accomplissement de sa tâche, elle s’est trouvée en présence de difficultés qu’elle n’a pu résoudre qu’incomplétement… Toutefois, elle espère que l’examen des documents qu’elle a réunis et classés fera ressortir des résultats intéressants et de nature à frapper les esprits qui s’occupent de ces questions. »

Nous dirons aussi que l’ensemble de notre étude sur les chemins de fer suffira, malgré quelques incorrections qui ne sont pas de notre fait, à éclairer les intéressés et le public sur cette grave matière.

Voici d’abord, d’après M. Perdonnet, le tableau du coût moyen par kilomètre des chemins de fer en France et à l’étranger :

Angleterre 530,000 fr.
France 391,000
Belgique 270,000
Allemagne 201,000
Amérique (une voie) 96,500

Mais les grandes artères en France, le Nord, Paris-Strasbourg, Orléans, Paris-Lyon, Méditerranée, le Havre, reviennent à 463,000 fr. par kilomètre, ainsi répartis :

Administration, frais généraux 17,000 fr.
Achat des terrains 65,000
Terrassements et travaux d’art 150,000
Bâtiments, stations, ateliers 48,000
Double voie et ballast 122,000
Matériel d’exploitation 61,000

Or, le Rapport précité du 30 novembre 1856 détermine comme suit la participation des Compagnies et de l’État dans les travaux exécutés :

Dépenses faites
par l’État. par les Compagnies. totales.
---- ---- ----
De 1823 à 1829 « 3,300,000 3,300,000
De 1830 à 1841 3,228,740 172,097,753 175,326,493
De 1842 à 1847 278,553,677 509,411,555 787,965,232
De 1848 à 1851 298,417,147 198,711,088 497,128,235
De 1852 à 1854 51,187,751 641,690,064 697,877,815
Année 1855 55,200,000 430,406,485 485,606,485
Année 1856 20,286,000 458,569,713 478,855,713
---- ---- ----
Totaux 706,873,315 2,419,186,658 3,126,059,973
À déduire pour remboursement à effectuer en 1855 et 1856 45,565,000 « 45,565,000
---- ---- ----
Totaux généraux 661,308,315 2,419,186,658 3,080,494,973

Enfin le tableau suivant nous donne les principaux résultats de l’exploitation en 1855 :

Compagnies. recettes. dépenses. net. Rapport de la
dépense à la recette.
Orléans 57,378,719 30,951,762 26,426,957 36 92 0/0
Nord 47,966,168 18,053,927 29,912,240 37 04 0/0
Est 39,061,386 15,437,043 23,624,343 37 01 0/0
Lyon 41,457,778 14,901,047 26,756,731 35 94 0/0
Méditerranée 23,309,572 9,317,745 13,991,827 40 - - 0/0
Ouest 33,856,862 13,857,458 19,999,404 30 75 0/0
------------- ------------- ------------- -------------
Totaux 243,030,485 102,518,982 140,511,502 37 77 0/0

Sur ce produit net de 140 millions et demi, il reste à prélever la réserve, l’intérêt et l’amortissement des emprunts, l’amortissement des actions, les remboursements à l’État, la caisse des retraites, la participation des employés dans certaines compagnies, etc. Il y aurait à prélever aussi la réserve pour le renouvellement de la voie (rails, traverses, coussinets) ; pour le renouvellement du matériel roulant (machines, wagons) ; pour le remplacement des matériaux susceptibles de détérioration dans les travaux d’art : dépenses que les Compagnies imputent aujourd’hui au compte du Capital, parce qu’elles ont distribué en dividende ce produit brut, afin de pousser à la hausse des actions.

Les sommes de toute provenance engagées dans les chemins de fer étant à la fin de 1856, de 3,080,494,973 f.
et celles dépensées en 1855 et 1856, de 964,462,198
------------------
le capital, à la fin de 1854, était de 2, 116,032,775 f.

C’est ce capital de 2 milliards 116 millions qui a produit en 1855, année de l’exposition, un revenu brut (brut, disons-nous, non pas net) de 140 millions et demi, soit 6 60 0/0 ; ce qui ne laisse pas 5 0/0 de revenu net.

Déjà les produits de l’exploitation ont commencé à baisser d’une manière sensible. D’après le Moniteur du 10 février 1857, tandis que la recette brute, pour la totalité des lignes exploitées pendant l’année 1855 avait été de 258,997,329, soit, pour une moyenne de 5,047 kilomètres, 51,317 fr. par kilomètre ; elle n’a plus été, en 1856, que de 281,150,263 fr., soit, pour une moyenne de 5,860 kil., 47,978 fr. par kil. : ce qui accuse une diminution de 6 51 p. 0/0.

Et c’est sur les meilleures ligues, Orléans et Nord, que se fait sentir surtout la diminution.

Avis aux actionnaires !

Aujourd’hui les chemins les plus avantageux sont terminés ; les centres de grande production et de transit sont desservis depuis longtemps. Ce qui reste à construire peut être considéré comme une charge plutôt que comme une source de produits. Les ingénieurs promettent, il est vrai, pour les constructions futures, des conditions superbes de bon marché. Ainsi, d’après leurs évaluations, le réseau pyrénéen, montagneux et accidenté, ne coûterait pas plus de 208,320 fr. par kilomètre.

Mais on sait à quoi s’en tenir sur les évaluations de messieurs des ponts et chaussées. La ligne de Lyon devait, suivant eux, coûter 180 millions ; elle en absorbera plus de 300. Puis l’État ne sait rien refuser à ces messieurs, pas même les fantaisies. La construction de la gare du boulevard Montparnasse, inaccessible aux voitures du roulage, débarquant ses bagages au premier, pour les descendre au rez-de-chaussée, cette gare impraticable, qui n’allonge pas la ligne de 100 mètres, a coûté à l’État 5 millions et demi.

Si les meilleures lignes ne produisent pas plus de 5 à 6 0/0 du capital engagé, que sera-ce des autres ?

La seule conclusion à tirer de cet état de choses, c’est que les chemins de fer, de même que les canaux et les routes, sont des instruments de travail exceptionnels, qui doivent être employés avec discernement, et exploités au point de vue du minimum de rendement, des simples frais d’entretien. Les sacrifices consentis par le Trésor, la médiocre rétribution des porteurs d’obligations, qui dans un an auront fourni plus de fonds que les actionnaires, les actions elles-mêmes, réduites, par leur cherté, à un revenu minime, font une loi de changer les bases du système et de faire profiter le public, la masse des producteurs, de ces nouveaux moyens de transport en généralisant le système des tarifs réduits, tant sur la grande que sur la petite vitesse[14].

Nous avons parlé précédemment du Sous-Comptoir des chemins de fer. Pendant la dernière guerre, les Compagnies durent se féliciter d’avoir fondé, en 1850, cette institution, dont peut-être elles ne calculaient point alors toute la portée.

Instruites par la crise de 1848, elles s’étaient cotisées pour créer, à côté du Comptoir national d’escompte de Paris, et à l’usage particulier des porteurs d’actions de chemins de fer, un Sous-Comptoir de garantie, au capital de 4 millions. La mission de ce Sous-Comptoir est de s’employer, comme intermédiaire, moyennant des sûretés qui lui seront données par voie de nantissement, pour procurer à ces porteurs, soit par engagement direct, soit par aval, soit par endossement, l’escompte de leurs effets. C’est le principe du mutuellisme, déjà invoqué par le Crédit mobilier, qu’adoptent à leur tour les Compagnies de chemins de fer, et qui, généralisé et étendu à toutes les espèces de valeurs commerciales, conduirait à une révolution complète du crédit, et, par suite, de l’organisation agricole et industrielle.


CHEMIN DE FER DU NORD.
(Compagnies fusionnées.)
(Siège de la Société : Paris, gare du Nord.)


Le chemin de fer du Nord, dont l’établissement a été ordonné par la loi du 11 juin 1842, et le tracé principal arrêté par celle du 20 juin 1844, comprend, d’après l’Indicateur des Chemins de fer, avec les embranchements, 791 kilomètres en exploitation, savoir :

Paris à Mouseron par Lille 286 kilomètres
Amiens à Boulogne 123
Lille à Calais par Hazebrouck 104
Hazebrouck à Dunkerque 41
Douai à Quiévrain par Valenciennes 48
Creil à Erquelines par Saint-Quentin 189

En construction, d’après les Documents statistiques du ministère des travaux publics, 182 kilomètres :

Hautmont à la frontière 8
La Fère à Reims 80
Paris à Creil (direct) 40
Noyelle à Saint-Valery 5
Busigny à Somain 49

Ces tracés touchent par trois points à la mer : Boulogne, Calais, Dunkerque ; en terre ferme ils se raccordent avec les chemins belges.

La ligne directe de Paris à Creil gagne 17 kilomètres sur le tracé par Pontoise ; l’embranchement de Noyelle à Saint-Valery touche à la mer par un quatrième point ; celui de Somain à Busigny relie les lignes de Douai à Valenciennes et de Saint-Quentin à Maubeuge ; celui de Tergnier à Reims met la ligne de Creil à Saint-Quentin en communication avec les chemins de fer de l’Est.


historique.


La ligne de Paris, à la frontière belge avec les embranchements de Calais et Dunkerque fut mise en adjudication le 9 septembre 1845. Le maximum de durée du bail était fixé à 41 ans. Une seule Compagnie se présenta : elle était représentée par MM. de Rothschild frères, Hottinguer, Charles Laffitte et Blount ; elle offrait un rabais de 3 ans sur le maximum de 41, et fut en conséquence déclarée adjudicataire pour 38 ans. Elle s’engageait à terminer à ses frais les travaux commencés, à rembourser à l’État les dépenses déjà faites, à établir un matériel suffisant pour l’exploitation de la ligne.

Par autorisation du 20 septembre de la même année, la Compagnie se transforma en Société anonyme au capital de 200 millions divisé en 400,000 actions de 500 fr. Les fondateurs prirent pour leur part :

MM. de Rothschild 102,000 actions.
Laffitte, Blount et Cie 78,000 —
Hottinguer 22,485 —
--------------
Ensemble 202,485

L’embranchement de Creil à Saint-Quentin fut mis en adjudication le 20 décembre 1845. Quatre Compagnies se présentèrent ; le maximum de durée fixé par la loi était de 75 ans. MM. de Rothschild, Hottinguer, Laffitte et Blount, déjà concessionnaires de la ligne principale, proposèrent un rabais de 50 ans et 30 jours ; c’était le plus considérable. Aussi furent-ils déclarés adjudicataires pour 24 ans 335 jours, à la charge d’exécuter, dans le délai de 3 ans, à leurs risques et périls, tous les travaux nécessaires à l’établissement du chemin.

La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 24 avril 1846, se constitua au capital de 30 millions, divisé en 60,000 actions de 500 fr. chacune. M. de Rothschild en prit plus de la moitié pour sa part.

L’embranchement d’Amiens à Boulogne avait déjà été concédé par voie d’adjudication, le 15 octobre 1844, à MM. C. Laffitte et Blount, pour une durée de 98 ans 11 mois. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 29 mai 1845, se constitua au capital de 37,500,000 fr., divisé en 75,000 actions de 500 fr. chacune.

Un autre embranchement de 50 kilomètres, de Fampoux à Hazebrouck, fut encore adjugé le 10 septembre 1845 à MM. Félix O’Neill et le marquis de Flers pour 37 ans 49 jours. Ce chemin a été depuis abandonné.

Les Compagnies de lignes du Nord devaient plus que toutes les autres tendre à la fusion, les mêmes fondateurs se trouvant dans les trois Sociétés.

Le 1er avril 1847, la Compagnie de Creil à Saint-Quentin se réunit à celle du Nord, et le 19 février 1852, celle d’Amiens à Boulogne se fusionna à son tour.

Le traité intervenu le 19 février 1852 entre l’État et la Compagnie du Nord modifia, ainsi qu’il suit, les conditions de la concession :

La Compagnie s’engage à construire : 1o  un chemin de fer se dirigeant sur la frontière belge au delà de Maubeuge, destiné à se relier avec celui de Charleroi ; 2o  un embranchement partant de la ligne ci-dessus vers le Cateau et allant se relier à la ligne du Nord vers Somain ; 3o  un embranchement sur la ligne de Saint-Quentin, allant de La Fère à Reims, où il se réunira au chemin de Reims à Épernay ; 4o  si le gouvernement l’exige, un embranchement de Noyelle à Saint-Valery.

À ces conditions, la concession des lignes exploitées par la Compagnie du Nord est portée à 99 ans, qui courront du 10 septembre 1848 et finiront le 9 septembre 1947 : c’est une prorogation de durée de plus des deux tiers.

Le 13 août 1853 intervint, entre l’État et la Compagnie, un nouveau traité portant les dispositions suivantes : la Compagnie s’engage à construire un chemin direct de Paris à Creil, se détachant de la ligne actuelle près de Saint-Denis et la rejoignant près de Saint-Leu ; la durée fixée pour la construction de l’embranchement de La Fère à Reims est réduite de 6 ans à 4 ; la ligne de Cateau à Somain (traité du 19 février 1852-2°) sera remplacé par un embranchement reliant le chemin principal à celui de Maubeuge, et passant par Cambrai. La Compagnie recevra en subventions :

De la ville de Cambrai et du département du Nord 2,000,000 fr.
De la Compagnie du chemin de fer des Ardennes 2,500,000
-------------
Total      4,500,000

Le capital nécessaire sera réalisé au moyen d’une nouvelle émission d’obligations.

La Compagnie du Nord sollicite, concurremment avec celles des Ardennes et de l’Est, la concession du chemin de fer de Paris à Soissons.

Par traité du 17 juin 1853, elle a pris à bail la ligne belge de Charleroi à Erquelines.

Elle est associée pour un cinquième dans le chemin de ceinture.


état financier de la compagnie.


Les dépenses faites et à faire sont évaluées approximativement, au 30 juin 1à55, par les Documents statistiques du ministère des travaux publics, à 329,189,847 fr., dont 5,455,042 fr. de subventions, soit une proportion d’environ 1 0/0.

Les Actions sont au nombre de 400,000, libérées de 400 fr., soit un capital versé de 160 millions. Elles devaient être de 500 fr. ; mais le décret du 19 février 1852, ayant fixé à 2 millions par an le remboursement de 40 millions dus à l’État, et réduit l’intérêt de 5 à 3 0/0, a autorisé la libération des actions à 400 fr.

L’amortissement des actions commencera en 1908.

Les échéances semestrielles sont au 1er janvier et au 1er juillet.

Les Emprunts sont au nombre de six :

1° 76,000 obligations résultant de la conversion des actions du chemin de fer d’Amiens à Boulogne en obligations ; elles sont remboursables en 75 tirages annuels (de 1852 à 1926) et portent 15 fr. d’intérêt payables le 1er janvier et le 1er juillet.

2° 2,363 obligations de la Compagnie d’Amiens à Boulogne, émises en 1851, à 335 fr., remboursables, en 16 tirages, à 500 fr. ; 20 fr. d’intérêt, payables au 1er août.

3° Quatre séries de 75,000 obligations chacune, émises à 335 fr. : une en 1852, deux en 1854, une en 1855 ; remboursables à 500 fr. par annuités jusqu’en 1926 ; intérêt de 15 fr. payable en janvier et juillet.

Les actions de Charleroi à Erquelines reçoivent, pour prix du bail de la ligne, un intérêt fixe de 16 fr. 87 cent. 1/2 ; elles sont au nombre de 17,418, remboursables à 562 fr. 50 en 88 tirages annuels.

Le Rapport du 28 avril 1856 établit ainsi le fonds social, en ce qui concerne les capitaux fournis par l’industrie :

Capital d’actions[15] 200,000,000
Ligne d’Amiens à Boulogne 37,500,000
Emprunt de la Cie de Boulogne 1,181,558 09
Emprunt de 1852 24,750,000
1er emprunt de 1854 22,989,846 09
2 e ——   —— 22,429,151 43
Emprunt de 1855 en cours d’émission 9,523,370 05
---------------------
Total en obligations 118,373,926 47 118,373,926 47
------------------------
Total par l’industrie privée 318,373,926 47
Subventions : par l’État 43,085
——— par les dépts, les communes, etc. 5,408,957
--------------
Total des subventions 4,452,042 4,452,02
--------------
Ensemble 323,825,968 47

Nous avons déjà fait remarquer que dans les comptes de gestion présentés chaque année aux assemblées générales ne figure aucune réserve pour amortissement du matériel. Chacun sait cependant que ce matériel s’use fort vite, qu’une locomotive, par exemple, après avoir été intégralement renouvelée, par pièces et morceaux, finit, au bout de dix à quinze années, par être tout à fait hors de service ; que les traverses qui supportent les rails ne durent pas plus de dix ou douze ans, et les rails eux-mêmes au plus vingt ans. De cette absence d’un fonds de réserve spécial résulte une hausse factice des actions, produite par l’exagération des dividendes, et dont la conséquence finale doit être tôt ou tard, lorsqu’il faudra renouveler le matériel, une dépréciation subite, instrument de fortune pour les actionnaires dûment avisés, et de ruine pour le mutum et turpe pecus des ignorants.

Ce qui vient d’arriver à la Compagnie du Nord, obligée de changer tous ses rails de 30 kilog. par mètre courant contre des rails de 37 kilog., justifie notre observation.

Le renouvellement a donné lieu, jusqu’au 31 décembre 1855, à une dépense de 9,157,136 fr. 27 c. imputée :

« 1o Sur le compte de Premier Établissement ;

« 2o Sur la réserve supplémentaire de l’amortissement, tel qu’il avait été constitué avant la prolongation de concession, et dont les excédants ont été laissés disponibles pour cet emploi ;

« 3o Enfin sur les bénéfices de l’exploitation, qui doivent subir, pour le même objet, un prélèvement annuel de 360,000 fr., pendant cinq années à dater de 1853. »


revenu des actions
.
1846 : 6 40 1848 : 11 »» 1850 : 24 »» 1852 : 41 50 1854 : 50 50
1847 : 18 95 1849 : 16 05 1851 : 36 »» 1853 : 41 50 1855 : 61 »»

Les actions ont monté en 1845, lors de leur émission, jusqu’à 860 fr. ; elles sont tombées les six années suivantes au-dessous de ce cours et ont été cotées au plus bas, en 1848, à 302 fr. 50. Elles ont repris en 1852 et ont atteint jusqu’à 965 fr. Depuis 1856, elles ont dépassé 1,100 fr.

L’assemblée générale se compose des propriétaires de 40 actions.


CHEMINS DE FER DES ARDENNES ET DE L’OISE.
(Paris, 70, rue de Provence.)


MM. Masterman, duc de Mouchy, comte Siméon, baron Seillière, etc., ont obtenu, le 19 juillet 1853, la concession des lignes suivantes à construire aux risques et périls de la Compagnie :

De Reims à Mézières et à Charleville
avec embranchement sur Sedan
107 kilom.
De Creil à Beauvais 37
-----------
Total     144

La Compagnie a promesse de deux autres lignes : 1° prolongement de Charleville à la frontière belge, à exécuter dans le système de la loi de 1842 ; 2° embranchement de Compiègne à Reims, par Soissons. Elle doit payer à la Compagnie du Nord une subvention de 2,500,000 fr. pour l’exécution du chemin passant par Cambrai. Elle sollicite la concession d’une ligne directe entre Soissons et Paris.

La concession est de 99 ans, à courir du 20 juillet 1858.

Les lignes de Reims à Charleville, de Mézières à Sedan et de Creil à Beauvais, devront être livrées à la circulation dans le délai de 5 ans.

Cinq ans après l’ouverture de la section de Charleville à la frontière belge, si les bénéfices excèdent 8 0/0 du capital dépensé par la Compagnie, moitié du surplus sera attribuée à l’État.

Le capital social est de 21 millions, divisé en 42,000 actions de 500 fr, , dont 350 versés. L’intérêt est de 4 0/0 pendant la durée des travaux ; il se paye en janvier.

La Compagnie pourra émettre un emprunt de 9 millions.

L’assemblée générale se compose des propriétaires de 20 actions.


CHEMINS DE FER DE L’EST.
(Compagnies fusionnées.)
(Administration : Paris, gare de Strasbourg.)


La Compagnie des chemins de fer de l’Est est formée de la réunion des anciennes Compagnies de Paris à Strasbourg, de Strasbourg à Bâle, de Blesme et Saint-Dizier à Cray, de Montereau à Troyes, de Mulhouse à Thann. Le réseau, décrété pour moitié par la loi de 1842, se compose de deux lignes principales : 1o de Paris à Strasbourg, avec embranchements sur Reims, Metz, Thionville, Forbach, Wissembourg ; 2o de Paris à Mulhouse, avec embranchement sur Coulommiers. Elles se raccordent par trois embranchements : Blesme à Chaumont, Nancy à Vesoul par Épinal, Strasbourg à Bâle.

Les parties exploitées comprennent, d’après l’Indicateur des Chemins de fer, 1,080 kilomètres :

Paris à Strasbourg 502 kilomètres
Épernay à Reims 30
Blesmes à Donjeux 55
Fronard à Forbach 113
Metz à Thionville 27
Wendenheim à Wissembourg 49
Montereau à Troyes 100
Strasbourg à Bâle 141
Lutterbach à Thann 15
Noisy-le-Sec à Nangis 67

Les parties eu construction, d’après les Documents statistiques, ajouteront au réseau 687 kilomètres, savoir :

Nangis à Nogent-sur-Seine 28
Embranchement de Coulommiers 32
Troyes à Chaumont 96
Donjeux à Gray 120
Gray à Vesoul 54
Langres à Mulhouse par Belfort 190
Nancy à Vesoul par Épinal 135
Strasbourg à Kehl 6
Paris à Vincennes, Saint-Maur 26


historique.
1o Ligne principale.


Première concession. — La ligne de Strasbourg, avec embranchement sur Reims, sur Metz et la frontière de Prusse, construite par l’État suivant le système de la loi de 1842, fut mise en adjudication le 25 novembre 1845. Le maximum de durée était de 45 ans. MM Cubières, Pellaprat, duc de Galliéra et Blaque-Belair offrirent un rabais de 1 an 79 jours, et furent déclarés adjudicataires pour 43 ans 286 jours.

La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 17 décembre 1845, se constitua au capital de 125 millions, divisé en 250,000 actions de 500 fr.

Première modification. — Le 28 mars 1852 intervint entre l’État et la Compagnie la convention suivante :

La Compagnie s’engage : 1° à payer à la concession de Blesme à Gray une subvention de 10 millions ; 2° à construire à ses frais, dans un délai de quatre ans, un chemin de fer de Metz à Thionville ; 3° à prolonger cet embranchement jusqu’à la frontière, dans la direction de Luxembourg, au cas où la ligne de raccordement sur le territoire prussien serait exécutée. Si ce second embranchement ne doit pas avoir de suite, la Compagnie payera au gouvernement une somme de 5 millions.

À ces conditions, la concession du 25 novembre 1845 est portée à 99 ans, qui courront du 27 mars 1855.


2° ligne de Montereau à Troyes (embranchement de la ligne de Lyon).


Première concession. — La loi du 26 juillet 1844 avait autorisé le ministre des travaux publics à concéder sans subvention, pour une durée qui n’excéderait pas 99 ans, l’embranchement de Montereau à Troyes, dont les travaux devaient être à la charge des concessionnaires. L’adjudication eut lieu le 25 janvier 1845, au profit de MM. Vautier, Gallice d’Albane et Paul Séguin, pour 75 ans.

La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 29 mai 1845, se fonda au capital de 20 millions, divisé en 40,000 actions de 500 fr.

Le 9 août 1846, elle obtint de l’État un prêt de 3 millions à 5 0/0, remboursable par sixièmes à dater du 30 juin 1852.

Première modification. — Le 8 mars 1852, la durée de la concession fut portée à 99 ans, devant prendre fin, comme celle de Lyon, en 1955.


3° Chemin de fer de Blesme et Saint-Dizier à Gray.


Première concession. — Cette ligne, qui s’embranche sur le chemin de Paris à Strasbourg, doit passer par Saint-Dizier, Joinville, Chaumont et Langres. Elle a pour but de relier la Marne à la Saône. Parcours, 175 kilomètres.

L’entreprise en fut concédée, le 26 mars 1852, à MM. Vandeul, Wilkinson, Grimaldi et Burge, aux conditions suivantes :

Les concessionnaires devront construire la ligne à leurs risques et périls dans un délai de 5 ans. Ils recevront de la Compagnie de Strasbourg une subvention de 10 millions. Ils sont autorisés à contracter un emprunt jusqu’à concurrence de 22 millions. L’État en garantit l’intérêt et l’amortissement à 4 1/2 0/0 l’an pendant 50 ans. Il garantit également pendant 50 ans un minimum de 4 0/0 d’intérêt du capital social fixé à 16 millions. La durée de la concession est de 99 ans, à dater de l’achèvement des travaux.

La Société anonyme, autorisée le 4 juin 1852, se fonda au capital de 16 millions, divisé en 32,000 actions de 500 fr.


4° Chemin de fer de Strasbourg à Bâle.


Première concession. — Cette ligne, d’un parcours de 140 kilomètres, fut concédée le 6 mars 1838 à M. Kœchlin pour 99 ans. La Société anonyme, autorisée le 14 mai suivant, se constitua au capital de 42 millions, divisé en 84,000 actions. Mais les actionnaires ne versèrent que 350 fr. Le 15 juillet 1840, l’État compléta la mise sociale par un prêt de 12,600,000 fr. à 4 0/0 d’intérêt et 1 0/0 d’amortissement. Toutefois les actionnaires avaient le privilége de 4 0/0 d’annuités sur les arrérages dus au gouvernement.

L’État devait entrer en partage des bénéfices excédant 4 0/0 du capital de 29,400,000 fr.

Modification. — Le 25 février 1852, le prolongement du chemin de fer de Strasbourg à la frontière bavaroise par Wissembourg fut concédé à la Compagnie de Strasbourg à Bâle, aux conditions suivantes :

La Compagnie s’engage à faire tous les travaux dans un délai de 3 ans. L’État lui accorde une subvention de 3 millions et une garantie, durant 50 ans, de 4 0/0 d’intérêt du capital nouveau, pourvu qu’il n’excède pas 10 millions si la ligne n’a qu’une voie, 12 millions si elle en a deux.

La concession de l’embranchement nouveau est, comme pour la ligne principale, de 99 ans, à partir du 6 mars 1838.

Quinze ans après la mise en valeur du chemin, l’État aura droit à la moitié des bénéfices qui excéderont 8 0/0 du capital engagé.


5° Chemin de fer de Mulhouse à Thann.


Ce tronçon, d’un parcours de 21 kilomètres, emprunte la ligne de Bâle l’espace de 6 kilomètres environ. La concession était de 99 ans et le capital de 2,600,000 fr., divisé en 5,200 actions de 500 fr.


6° Fusion des lignes précédentes. — Concessions nouvelles. — Dernières modifications.


Le décret du 17 août 1853 autorisa le rachat des lignes de Montereau à Troyes et de Blesme à Gray par la Compagnie de Strasbourg, à laquelle furent accordées les concessions nouvelles de Paris à Mulhouse, de Nancy à Gray, et de Paris à Vincennes, Saint-Mandé, Saint-Maur.

Tracé des lignes concédées. — Le chemin de fer de Paris à Mulhouse, s’embranchant sur celui de Strasbourg aux environs de Noisy, passe par Tournon, pour rejoindre, en aval de Nogent, la ligne de Montereau à Troyes. De Troyes, il se porte, par Bar-sur-Aube, vers Chaumont. Au delà de Chaumont, il suit le chemin de Blesme à Gray, dont il se détache au delà de Langres, pour se diriger sur Vesoul, Belfort et Mulhouse, en passant par Dannemarie et Altkirch. Il rejoint à Mulhouse le chemin de fer de Strasbourg à Bâle.

L’embranchement de Coulommiers descend dans la vallée du Morin par la vallée de l’Aubetin.

Le chemin de fer de Nancy à Gray se détache de la ligne principale de Paris à Strasbourg entre Nancy et Lunéville, gagne la vallée de la Moselle et passe par Charmes, Épinal, Vesoul et la vallée de la Haute-Saône.

Le chemin de fer de Paris à Vincennes part d’un point situé à l’est du canal Saint-Martin et se divise en deux branches, dirigées, l’une sur Saint-Mandé, l’autre sur Vincennes, Fontenay, Saint-Maur et la Varenne-Saint-Maur.


7° Conditions du traité entre la Compagnie et l’État.


La Compagnie de Strasbourg s’engage :

1° À rembourser le prêt de 3 millions fait par l’État à la Compagnie de Montereau à Troyes. Ce remboursement aura lieu en 3 annuités avec intérêt à 4 0/0 ; l’échéance de la première annuité est fixée au 31 décembre 1853 ;

2° À rembourser le prêt de 12,500,000 fr. consenti par l’État à la Compagnie de Strasbourg à Bâle, en exécution de la loi du 15 juillet 1840. Ce remboursement aura lieu avec intérêt à 4 0/0 en 41 annuités égales à dater du 8 mai 1857 ;

3° À couvrir l’État des engagements par lui pris envers la Compagnie de Strasbourg à Bâle, pour la garantie de 4 0/0 d’intérêt sur le capital par elle employé à la construction du chemin de Strasbourg à Wissembourg. — La Compagnie de Paris à Strasbourg est substituée aux droits, priviléges et hypothèques de l’État sur la Compagnie de Strasbourg à Bâle ;

4° La Compagnie renonce à la garantie d’intérêt consentie par l’État aux premiers concessionnaires du chemin de Blesme à Saint-Dizier et Gray.

Les lignes concédées ou incorporées ne formeront, avec la ligne principale, qu’une même entreprise, et prendront fin, comme celle-ci, le 27 novembre 1954.

La Compagnie aura la préférence, à conditions égales, pour la concession de l’embranchement de Cocheren à Sarrebourg, au cas où la construction en serait jugée nécessaire.

À dater de 1861, l’État aura part pour moitié dans les bénéfices qui excéderont 8 0/0.


8° Conditions de rachat des lignes incorporées.


1° La Compagnie de Strasbourg a remboursé les 40,000 actions du chemin de Montereau à Troyes à raison de 500 fr. chacune, sans distinction ni retenue. Le remboursement a eu lieu en espèces, dans un délai de dix-huit mois à partir de l’entrée en jouissance ; l’intérêt fixé à 3 0/0 jusqu’à parfaite liquidation ;

2° Il a été délivré par la Compagnie de Strasbourg aux actionnaires de la Compagnie de Saint-Dizier à Gray, une obligation de 500 fr. produisant 25 fr. d’intérêt et remboursable à 650 fr., en échange de 2 actions de Saint-Dizier à Gray, sur lesquelles 250 fr. avaient été versés ;

3° D’après le traité de fusion approuvé par l’assemblée générale du 25 janvier 1854, la Compagnie de Paris à Strasbourg a remis aux actionnaires de la Compagnie de Strasbourg à Bâle, en échange de leurs titres, des obligations de 500 fr. chacune, portant 25 fr. d’intérêt annuel, jouissance du 1er décembre 1853, remboursables à 650 fr. en 99 ans. Cet échange a eu lieu à raison de 3 obligations de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Strasbourg pour 4 actions non amorties de la Compagnie de Strasbourg à Bâle, plus un solde de 31 fr. 50 par quatre actions ;

4° La ligne de Mulhouse à Thann avait été affermée à la Compagnie de Strasbourg à Bâle, et depuis la fusion, c’était la Compagnie de l’Est qui se trouvait fermière de ce tronçon. Elle en a fait l’acquisition en 1855, afin de le prolonger au delà de Wesserling (13 kilomètres). Les 5,200 actions de la Compagnie de Thann s’échangent contre 2,500 obligations de l’Est de 500 fr., remboursables à 650 et produisant 25 fr. d’intérêt. La Compagnie acquéreur se charge du service des intérêts et de l’amortissement d’un emprunt de 400,000 fr. contracté par la Compagnie venderesse, et sur lequel il restait à payer 195,000 fr. en 1856.

Ces modifications de tracé et de concessions ont amené la liquidation de la Compagnie de Provins aux Ormes, à qui avait été concédé un tronçon de 14 kilomètres, le 20 juillet 1852. Les actionnaires ont été remboursés.


Dans tous ces traités, les directeurs décident entre eux absolument des clauses et conditions du rachat. Sans doute la loi exige l’approbation des assemblées d’actionnaires ; mais, encore une fois, qui a jamais vu une assemblée générale contredire un conseil d’administration ? Voilà donc une trentaine d’individus disposant de quatre à cinq cent millions, de la fortune de cinquante à soixante mille citoyens, comme de leur bien propre ; mettant à la charge d’une partie de leurs actionnaires des exploitations onéreuses ; donnant à d’autres des obligations à revenu et capital fixe en échange d’actions susceptibles de produire de gros dividendes et de tripler de valeur ; taillant et coupant dans les contrats au gré de leurs caprices ou de leurs intérêts ; arrachant à l’État des prorogations de baux de deux tiers pour des lignes qui, comme celle de Paris à Strasbourg, ont plus coûté au gouvernement qu’aux actionnaires.

Et personne n’y trouve à reprendre ou à blâmer ; au contraire, on décore ce système des grands mots de crédit démocratisé, d’intérêt national, de progrès industriel. En vérité, si la féodalité banquière savait régler ses appétits et mettre des bornes à sa voracité, ce serait à désespérer de la liberté en France. Heureusement, au train dont vont les choses, il est permis d’espérer qu’avant peu elle crèvera de ses propres excès ; mais ce ne sera pas sans de graves perturbations pour les intéressés.

Pourquoi l’intelligence des affaires, la sagesse des combinaisons, la prévoyance laissent-elles la place à l’empirisme ? Pourquoi la société erre-t-elle à l’aventure, au caprice des passions et de l’égoïsme de quelques ambitieux insatiables ? Ceux qui, par leur concours officieux, leur incurie ou leur indifférence, prêtent la main à cette spoliation de l’État et des particuliers, ne seront du moins pas fondés à se plaindre au jour du cataclysme.


état financier de la compagnie.


Les dépenses d’établissement faites et à faire sont évaluées approximativement, au 30 juin 1855, par les Documents statistiques du ministère des travaux publics, à 646,661,012 fr.

La Subvention de l’État se compose :

1° Des achats de terrains, terrassements, ouvrages d’art, ateliers, stations, maisons de garde de Paris à Strasbourg, et des embranchements qui s’y raccordent par le côté du Nord ;

2° De 3 millions en espèces pour la ligne de Wissembourg.

Elle s’élève, d’après les Documents précités, à 125,382,500 francs, soit 19 0/0 de la dépense totale.

Les actions sont au nombre de 500,000, émises en deux séries égales, représentant un capital de 250 millions.

La première série comprend les 250,000 actions de l’ancienne Compagnie de Paris à Strasbourg, complétement libérées, ayant droit à l’intérêt et au dividende.

La seconde série, de 250,000 actions également, créée pour la construction de la ligne de Mulhouse, n’a droit au dividende qu’à partir du 1er janvier 1857.

Les échéances semestrielles sont aux 1er mai et 1er novembre.

L’amortissement doit s’effectuer de 1856 à 1949.

Les emprunts sont au nombre de 6 ; les cinq premières séries d’obligations sont remboursables à 650 fr., et produisent 25 fr. d’intérêt, payable le 1er juin et le 1er décembre.

1° 60,000 obligations émises en 1852 contre espèces, à 500 fr., remboursables de 1854 à 1952.

2° 16,000 obligations remises en échange des 32,000 actions de Blesme à Gray libérées de 250 fr., remboursables de 1854 à 1952.

3° 62,828 obligations remises en échange des 84,000 actions de Strasbourg à Bâle, remboursables de 1855 à 1949.

4° 125,000 obligations négociées contre espèces à 480 fr., remboursables de 1856 à 1949.

5° 5,200 obligations remises en échange de 5,200 actions de Mulhouse à Thann, remboursables de 1856 à 1949.

6° 126,000 obligations, émises du 12 au 24 décembre 1856, à 270 fr., remboursahlcs à 500 fr., 15 fr. d’intérêt, soit un capital encaissé de 34,020,000 fr.

La Compagnie est en outre chargée du service des emprunts des lignes incorporées :

Montereau à Troyes. 3,300 obligations remboursables à 1,250 fr., de 1853 à 1927 ; 50 fr. d’intérêt payable en janvier et juillet.

Strasbourg à Bâle. 2,775 obligations remboursables à 1,250 fr., de 1845 à 1891 ; 50 fr. d’intérêt payable en avril et octobre. — 24,000 obligations remboursables à 625 fr., de 1856 à 1905 ; 25 fr. d’intérêt payable en janvier et juillet.

Mulhouse à Thann. 400 obligations de 1,000 fr., remboursables jusqu’en 1860 ; 50 fr. d’intérêt payable en janvier et juillet.

Les fonds engagés dans l’exploitation à la fin de 1856 se composent de :

Capital d’actions 250,000,000
1er emprunt de 60,000 obligations à 500 fr. 30,000,000
16,000 obligations, rachat de la ligne de Gray 8,000,000
68,828 pour actions de la ligne de Bâle 31,414,000
125,000 obligations à 480 fr. 60,000,000
5,200, rachat de la ligne de Thann 2,600,000
3,300 obligations de Montereau à 1,000 fr. 3,300,000
2,775 de Bâle, même taux 2,775,000
24,000 idem à 500 fr. 12,000,000
400 de Mulhouse à Thann, à 1,000 fr. 400,000
126,000 obligations de 1856, émises à 270 fr. 34,020,000
--------------
Total des obligations 184,509,000 184,509,000
---------------
Total par l’industrie privée 434,509,000
Subvention de l’État en travaux et en argent 125,382,500
Prêt de l’État remboursable par annuités, environ 12,000,000
---------------
Ensemble 571,891,500


revenu des actions.

Jusqu’à 1851, elles n’ont touché que 4 0/0.

1852 : 33 »» 1853 : 30 30 1854 : 62 »» 1855 : 78 50

Les actions, lors de leur émission, en 1846, ont primé de 50 à 60 fr. ; mais depuis cette époque jusqu’en 1851, elles sont restées au-dessous du pair. Elles ont repris faveur après la prorogation de bail, et ont doublé de valeur un instant en 1853. L’année 1854 leur a été défavorable, comme à tous les titres de même espèce ; cependant elles se sont maintenues au-dessus du pair. En 1856, elles oscillent entre 900 et 1,000 fr.

L’assemblée générale se compose des propriétaires de 40 actions.

La Compagnie est associée pour un cinquième dans le chemin de Ceinture.


CHEMIN DE FER DE PARIS À LYON.
(Compagnies fusionnées.)
(Administration : Paris, 47, rue de Provence.)


La ligne de Paris à Lyon fait partie du grand réseau décrété par la loi de 1842. La Compagnie actuelle est formée de la réunion des anciennes Compagnies de Paris à Lyon, de Dijon à Besançon et de Dôle à Salins.

Longueur en exploitation, 661 kilomètres :

Paris à Lyon 512
Dijon à Besançon par Dôle 92
Auxonne à Gray 37
La Roche à Auxerre 20

En construction, 315 kilomètres :

Besançon à Belfort et embranchement 100
Dôle à Châlons et Bourg 176
Dôle à Salins 39


historique.


1° Ligne principale.


Les vicissitudes du chemin de fer de Lyon forment toute une histoire. Commencé au moyen d’un crédit de 71 millions accordé par la loi du 26 juillet 1844, il fut mis en adjudication le 20 décembre 1845. Une seule compagnie, représentée par MM. Ganneron, Ch. Laffitte, Baudrand et Barillon, se présenta. Elle demandait une concession de 42 ans. Le maximum fixé par le ministre était de 41 ans 90 jours. L’adjudication ne put avoir lieu. Cependant la Compagnie, ayant déclaré accepter les conditions du gouvernement, fut reconnue adjudicataire par ordonnance du 21 décembre suivant.

La Société anonyme se constitua au capital de 200 millions. En 1847, elle sollicita et obtint une modification au cahier des charges. Les travaux de la traversée de Lyon devaient être exécutés par l’État ; si les dépenses de la ligne excédaient 216 millions, il serait accordé une prorogation de concession d’une année par million en plus. (Loi du 9 août.)

En 1848, la Compagnie se mit en liquidation ; ses actions tombèrent à 95 fr., et le 17 août de la même année, elle obtint de se faire racheter par l’État aux conditions suivantes :

« Il sera délivré aux actionnaires par chaque action de 500 fr., dont 250 fr. versés, un titre de 7 fr. 60 c. de rente 5 0/0, jouissance du 22 mars 1848. Les actionnaires qui déclareront avant le 1er septembre leur intention de verser les 230 fr. formant le complément de leurs engagements recevront un titre de 25 fr. de rente jouissance du 22 mars 1848. »

Le gouvernement reprit en conséquence les travaux de la ligne et l’exploitation des sections achevées.

Enfin, le 5 janvier 1852, la ligne entière fut accordée par voie de concession directe à MM. E. André, Baring, Bartholony, Hottinguer, Seillère, duc de Galliera, etc., aux conditions suivantes :

La Compagnie s’engage à terminer, à ses risques et périls, dans le délai de quatre ans, la section de Châlon à Lyon ;

À rembourser à l’État 114 millions représentant les dépenses déjà faites sur toute la voie, et à en payer l’intérêt depuis la prise de possession jusqu’à l’entier remboursement ;

Elle entrera, moyennant versement d’un million, dans l’entreprise du chemin de Ceinture ;

Le gouvernement garantit à la Compagnie, pendant cinquante ans, 4 0/0 d’intérêt du capital dépensé jusqu’à concurrence de 200 millions. Il garantit également l’emprunt contracté par elle à sa formation.

Quinze ans après la mise en valeur (à partir de 1871), si les bénéfices dépassent 8 0/0, l’État aura droit à la moitié de l’excédant.

La concession est de 99 ans, à dater du 5 janvier 1846.

Un décret du 17 août 1853 a ajouté à la concession précédente l’embranchement de la Roche à Auxerre par la vallée de l’Yonne aux conditions suivantes : la Compagnie s’engage à exécuter cette section à ses risques et périls, sans subvention ni garantie d’intérêt, dans le délai de deux ans. La durée de la concession nouvelle est la même que celle de la ligne principale.


2° Chemin de fer de Dijon à Besançon et Belfort avec embranchements.


La longueur de la ligne de Dijon à Besançon, avec embranchement d’Auxonne à Gray, est de 123 kilomètres.

La construction en avait été arrêtée jusqu’à Mulhouse par la loi du 21 juin 1846, ainsi que celle de l’embranchement de Dôle sur Salins.

Elle fut concédée, le 12 février 1852, à MM. Bouchotte, Convers, Bretillot, etc., aux conditions suivantes : Les concessionnaires exécuteront les travaux à leurs frais ; la ligne de Besançon devra être terminée dans le délai de 3 ans. L’État garantit un minimum de 4 0/0 pendant 50 ans du capital employé jusqu’à concurrence de 16,600,000 fr. il garantit également pour 50 ans l’intérêt et l’amortissement à 5 0/0 d’un emprunt de 5 millions et demi que les concessionnaires sont autorisés à contracter. La concession est de 99 ans. Après 15 années d’exploitation, l’État aura droit à la moitié de l’excédant de 8 0/0 dans les bénéfices.

La Société anonyme fut autorisée le 11 septembre 1852.

Le décret du 17 août 1853 ajouta à la concession précédente la ligne de Besançon à Belfort, passant par Baumeles-Dames ; Clerval, l’Ile-sur-le-Doubs et Montbéliard, sur une longueur de 90 kilomètres. La Compagnie s’engage à exécuter, sans subvention ni garantie d’intérêt, tous les travaux dans un délai de trois ans. La durée de la concession est également de 99 ans.

Le capital nécessaire à la construction de la ligne sera fourni au moyen :

1° D’une nouvelle émission de 36,800 actions qui jouiront d’un intérêt de 4 0/0 jusqu’à leur libération complète ;

2° De l’émission de nouvelles obligations de même forme que les premières.


3° Fusion des deux Compagnies précédentes.


Par conventions, en date des 15 octobre 1853 et 16 février 1854, entre les deux Compagnies de chemins de fer de Paris à Lyon, et Dijon à Belfort, suivies d’une troisième convention entre le ministre des travaux publics et la Compagnie de Paris à Lyon, la fusion des deux Compagnies a été opérée, et la ratification du Gouvernement accordée aux conditions suivantes :

Sur le premier capital de 33,200 actions de 500 fr., formant le fonds social de la Compagnie de Dijon à Besançon, on avait verse 350 fr. par action, soit une somme de 11,620,000 fr.

Sur les 36,800 actions, dont 26,800 souscrites, formant le capital de l’embranchement de Besançon à Belfort, aucun versement n’avait été fait ; et c’est la difficulté de cette réalisation qui paraît avoir amené la fusion.

En échange de la double concession qu’elle avait obtenue de l’État, et des 11,620,000 fr. fournis par ses actionnaires, la Compagnie de Besançon à Belfort a donc été tout heureuse et tout aise de recevoir 25,000 actions de Lyon, libérées de 250 fr., soit un capital de 6,250,000 fr., qui d’après la cote de la Bourse (mai 1854), est censé valoir 13 millions, et après versement intégral des actions, en vaudra 19. C’est donc pour une différence en plus de 1,380,000 fr., en prenant la cote de la Bourse pour argent comptant, que la Compagnie de Dijon à Belfort s’est vendue : moins de 42 fr. par action.

Pour la Compagnie de Lyon, au contraire, l’affaire se résume dans un boni de 5,370,000 fr., plus les avantages des lignes concédées à la Compagnie de Dijon à Belfort, et des nouvelles lignes imposées, comme condition de son acquiescement, par le ministre des travaux publics, à la Compagnie de Paris à Lyon.

Ces nouvelles lignes sont : 1° un chemin de fer de Châlon-sur-Saône à Dôle ; 2° un chemin de fer de Bourg à Lons-le-Saulnier ; 3° un chemin de fer de Lons-le-Saulnier à Besançon ou Dôle, ou tout autre point intermédiaire entre Châlon et Besançon.

Toutes ces lignes comprennent un développement de 396 kilomètres.

La dépense de ce réseau partiel est évaluée à 90 millions ; le produit brut, à 8,207,000 fr., le produit net à 4,924,200 fr.

Pour faire face à ces dépenses, l’assemblée générale du 20 avril 1854 a autorisé le conseil d’administration à contracter un nouvel emprunt de 75 millions, au mieux des intérêts de la Compagnie.

Ainsi, par un judicieux calcul, la Compagnie aime mieux s’adresser, pour l’achèvement de ses travaux, à l’obligation qu’à l’action. L’action, ce n’est déjà plus que le gage de l’obligation ; et l’idéal du système serait, en substituant peu à peu le prêt à la commandite, d’obtenir des dividendes très-réels à de soi-disant actionnaires qui, sans verser un centime, n’auraient eu que la peine de donner leur signature.


4° Chemin de fer de Dôle à Salins : rachat.


Cette ligne fut concédée le 12 février 1852 à M. Grimaldi, agissant tant en son nom que comme mandataire de la Société des Salines de l’Est.

Parcours : 38 kilomètres.

La Compagnie devait construire le chemin à ses frais dans un délai de trois ans. L’État garantissait pendant 50 ans 4 0/0 d’intérêt du capital de 7 millions, et devait entrer, après 15 ans, en partage des bénéfices au delà de 8 0/0.

La Compagnie de Paris à Lyon ayant reconnu l’importance, pour ses communications avec la Suisse, de faire de ce tronçon une tête de ligne, en demanda le rachat aux intéressés, et par acte du 10 août 1855, il fut convenu :

« Que la Compagnie acquéreur serait, à partir du 1er août 1855, purement et simplement substituée, tant activement que passivement, en ce qui concerne le chemin de fer de Dôle à Salins, aux lieu et place de l’ancienne Société des salines de l’Est.

« La Compagnie de Paris à Lyon s’engage envers la Compagnie venderesse :

« 1° À lui remettre 10,000 de ses obligations portant 15 fr. d’intérêt, remboursables à 500 fr. en 99 ans, et, de convention expresse, admises réciproquement sur le pied de 280 fr. l’une, pour une valeur de 4,480,000 fr.

« 2° À lui payer la somme de 1,917,736 16

« 3° À lui payer la somme de 681,524 80 formant compensation de la différence de valeur résultant de la différence d’amortissement sus-indiquée.

« Soit ensemble, valeur du 1er août 1855, et sauf décompte d’intérêts à 4 0/0 l’an, 7,079,260 fr. 96 c.

« La Compagnie acquéreur s’engageant à payer en outre quelques sommes dues pour travaux ou appointements courus pendant le mois de juillet précédent. »

L’arrêté ministériel, en date du 5 avril 1856, portant approbation des conventions ci-dessus, stipule que les cahiers des charges, les garanties d’intérêt, l’éventualité de partage des bénéfices avec l’État, la durée des concessions, seront identiques pour la ligne principale, les lignes fusionnées et les embranchements.

Par convention du 31 janvier 1855, la Compagnie de Paris à Lyon entre pour un tiers dans l’entreprise du chemin de fer de Lyon par le Bourbonnais.

Elle est associée pour un cinquième dans l’exploitation du chemin de Ceinture.


État financier de la compagnie.


D’après les Documents statistiques, les dépenses faites et à faire par la Compagnie de Paris à Lyon s’élèvent (compte au 30 juin 1855) à 408,842,177 fr. La part contributive de l’État est de 61,046,964 fr., soit environ 15 0/0.

Les Actions sont au nombre de 265,000, libérées à 500 fr., représentant un capital de 132,500,000 fr.

Les échéances semestrielles ont lieu le 1er janvier et le 1er juillet.

Les Emprunts se composent :

1° De 80,000 obligations de 1,050 fr., émises en 1852 et 1854, remboursables à 1,250 fr., de 1856 à 1905, 50 fr. d’intérêt payable en avril et octobre.

2° De 100,000 obligations émises en 1855 à 290 fr., remboursables à 500 fr. en 99 ans ; 15 fr. d’intérêt payable en avril et octobre.

Le Rapport du 26 avril 1856 établit comme suit le fonds social de la Compagnie :

Capital d’actions 132,500,000
Produit des 80,000 obligations à 1,050 fr. 83,968,170
— — des 100,000 obligations à 290 fr. 29,000,000
-----------------
Total des obligations 112,958,170 112,958,170
-----------------
Total par la Compagnie 245,468,170
Subvention en travaux par l’État 61,046,964
------------------
Ensemble 306,515,134


Revenu des actions.
1852 : 14 »»        1853 : 31 25        1854 : 65 »»        1855 : 82 50

La hausse a, comme toujours, salué la bienvenue des actions nouvelles, qui se sont cotées, en 1852, jusqu’au-dessus de 1,000 fr. Elles se sont constamment maintenues au-dessus du pair. Le trafic énorme qu’ont développé sur cette ligne les transports de l’armée d’Orient a soutenu ses titres pendant la crise de la guerre, et ses actions se sont cotées jusqu’à 1,000 fr. en 1854, alors que toutes les autres valeurs étaient en désarroi. Depuis 1856, elles ont dépassé 1,500 fr.

L’assemblée générale se compose de tous les propriétaires de 40 actions.


CHEMIN DE FER DE PARIS À LYON PAR LE BOURBONNAIS.
(Administration : Paris, 19, rue des Capucines.)


Cette nouvelle ligne a été concédée à un Syndicat formé des trois Compagnies de Paris à Lyon, d’Orléans et du Grand-Central. Elle se compose des sections suivantes :

Juvisy à Corbeil (construite) ;
Corbeil et Moret à Nevers (à construire) ;
Nevers à Roanne (construite entre Nevers et Saint-Germain-des-Fossés) ;
Roanne à Lyon par Tarare (à construire) ;
Embranchement de Saint-Germain à Vichy (à construire).

La longueur concédée est de 670 kilomètres, dont 265 en exploitation.

Lyon à Roanne 150 kilomètres
Nevers à Saint-Germain 105
Juvisy à Corbeil 10

La convention intervenue entre les parties contractantes, le 31 janvier 1855, approuvée par décret du 7 avril, contient les stipulations suivantes :

La Compagnie d’Orléans cède au Syndicat :

1° La section construite et exploitée de Juvisy à Corbeil, moyennant 12,000 fr. de rente par kilomètre, moins une retenue de 1,200 fr. par kilomètre pour le matériel roulant.

2° La section construite de Nevers à Saint-Germain-des-Fossés, et celle à construire de Saint-Germain à Roanne, moyennant une rente de 15,000 fr. par kilomètre, moins une retenue de 1,500 fr. par kilomètre pour le matériel roulant. La Compagnie d’Orléans reste chargée de l’achèvement des travaux entre Nevers et Roanne.

Le Grand-Central cède au Syndicat les chemins de Rhône-et-Loire, aux charges et conditions où il les possède lui-même, et recevra 131,007 obligations de 500 fr. à 3 0/0 en remplacement de celles qu’il a émises lui-même pour la reconstruction des chemins cédés.

La totalité du capital nécessaire à l’exécution du chemin et au rachat des sections cédées sera réalisée en obligations de 500 fr. à 15 francs d’intérêt.

La prise de possession des sections exploitées a eu lieu le 1er janvier 1856, sauf pour celle de Juvisy à Corbeil, qui s’effectuera lors de l’ouverture de la ligne de Corbeil à Nevers.

La section de Paris à Juvisy reste à la Compagnie d’Orléans, et celle de Paris à Moret, à la Compagnie de Lyon.

Les trois Compagnies s’engagent à construire et exploiter à frais et profits communs, le chemin de Moret et de Corbeil à Nevers dans le délai de six ans, celui de Roanne à Lyon direct dans le délai de huit ans.

La Société sera administrée par un conseil de douze membres, pris en nombre égal dans le conseil de chaque Compagnie.

Le partage des produits de toute nature résultant des rapports directs entre Paris et Lyon, quelle que soit la ligne parcourue, aura lieu de la manière suivante :

Du 1er janvier 1856 jusqu’à l’ouverture de la section de Saint-Germain à Roanne, 3/4 pour la Compagnie de Lyon ; 1/4 pour le Syndicat ; 2o de l’ouverture de la section précédente à celle de la section de Roanne à Lyon, 2/3 pour la Compagnie de Lyon, 1/3 pour le Syndicat ; 3o après l’ouverture de la section de Roanne à Lyon par Tarare, 1/2 à la Compagnie de Lyon, 1/2 au Syndicat.

La Compagnie d’Orléans cède au Grand-Central, moyennant une rente de 12,000 fr, par kilomètre, sous déduction de 1,200 fr. par kilomètre pour le matériel roulant, la ligne de Saint-Germain à Clermont, dont elle achèvera les travaux.

Les chemins de fer de Rhône-et-Loire, absorbés par la Compagnie nouvelle, sont les plus anciens de France ; ils formaient autrefois trois Compagnies : de Saint-Étienne à Lyon, de Saint-Étienne à la Loire et d’Andresieux à Roanne ; ils étaient concédés à perpétuité.

Par suite d’une convention intervenue, le 17 mai 1853, entre le gouvernement et MM. de Mouchy, B. Fould, Des-Arts, Séguin, Delahante, ils furent réunis en une seule Compagnie constituée pour 99 ans à partir du 17 mai 1857. La Société nouvelle doit rembourser les anciennes au moyen d’actions à créer et d’obligations ; elle se substituait activement et passivement à leur lieu et place.

Par décret du 26 décembre 1853, les chemins fusionnés de Rhône-et-Loire furent réunis au Grand-Central, qui, pour subvenir aux charges imposées par le rachat et la reconstruction de ces lignes, émit les 131,007 obligations dont il est parlé dans les conventions du 31 janvier 1855.

C’est maintenant à la Compagnie de Lyon-Bourbonnais que sont dévolus les droits et obligations de la Compagnie cédante. Voici les clauses principales :

La Compagnie s’engage à exécuter les travaux de rectification et d’amélioration des lignes réunies ; — elle s’engage à rembourser en trente annuités le prêt de 4 millions consenti par l’État à la Compagnie d’Andrezieux à Roanne.

L’État garantit pendant 50 ans, à partir du 1er janvier 1853, le payement d’annuités, qui seront de 3,628,000 fr. à dater de 1857, en représentation du revenu des lignes rachetées. Cette garantie s’applique au service des emprunts contractés par les anciennes Compagnies, ainsi qu’aux obligations créées pour leur liquidation.

La Compagnie de Saint-Étienne à Lyon a reçu, en échange de ses actions, 94,974 obligations remboursables à 625 fr. ; 25 fr. d’intérêt ; — celle de Saint-Étienne à la Loire, 7,240 obligations de 625 fr., dont l’intérêt n’est de 25 fr. qu’à dater de 1857 : — celle d’Andrezieux à Roanne, 11,600 obligations de 500 fr. 3 0/0.


état financier de la compagnie.


Les dépenses faites et à faire s’élèvent approximativement, d’après les Documents statistiques, à 261,663,852 fr. La section de Nevers à Saint-Germain-des-Fossés, cédée par la Compagnie d’Orléans, était dotée de 36,401,000 fr. qui représentent la part contributive de l’État dans les dépenses de la Compagnie nouvelle, soit environ 14 0/0.

La Compagnie de Lyon-Bourbonnais, étant substituée activement et passivement aux lieu et place du Grand-Central, reconnaît les dettes contractées par les chemins de Rhône-et-Loire, ainsi que les obligations créées pour leur liquidation, savoir :

1° Emprunt 3 0/0 de Rhône-et-Loire. — 63,643 obligations remboursables à 500 fr. (de 1854 à 1952) : 15 fr. d’intérêt payables en janvier et juillet.

2° Emprunt 4 0/0 de Rhône-et-Loire. — 102,614 obligations remboursables à 625 fr. (de 1854 à 1952) ; 25 fr. d’intérêt aux mêmes échéances.

L’intérêt et l’amortissement de ces emprunts sont compris dans les annuités garanties par l’État pour 50 ans.

3° Emprunts 3 0/0 dit Grand-Central. — 131,307 obligations remboursables à 500 fr. (de 1855 à 1953) : 15 fr. d’intérêt, mêmes échéances. L’échange de ces titres a lieu au pair contre ceux de la Compagnie du Bourbonnais.

La Compagnie a émis en outre, dans le courant d’avril 1856, 186,000 obligations, remboursables à 500 fr. (de 1856 à 1953) ; 15 fr. d’intérêt payables en janvier et juillet. Elles ont été négociées à 285 fr. avec jouissance du 1er janvier précédent ; elles sont complètement libérées.

La Compagnie n’a pas d’actions ; tout son capital doit être formée par voie d’emprunt. Ses obligations sont garanties solidairement par les trois Sociétés d’Orléans, de Paris-Lyon et du Grand-Central.

La convention des 2 février et 6 avril 1855 a étendu à la participation des Compagnies de Paris à Lyon et du Grand-Central dans la Société du Bourbonnais le partage des bénéfices entre l’État et ces Compagnies, au delà de 8 0/0.


CHEMIN DE FER DE LYON À LA MÉDITERRANÉE.
(Compagnies fusionnées.)
(Administration : Paris, 23, rue Laffitte.)


Sous cette nouvelle dénomination sont groupées les anciennes Compagnies de Lyon à Avignon, d’Avignon à Marseille, du Gard, de Montpellier à Cette, de Montpellier à Nîmes.

Le réseau comprend 619 kilomètres, dont 550 en exploitation.

Lyon à Marseille 350 kilomètres
Rognac à Aix 27
Tarascon à Cette 105
Nîmes à Alais 50
Alais à la Grand’Combe 18

À construire :

Marseille à Toulon      69


historique.


1° Le chemin de fer de Lyon à Avignon, commencé en exécution de la loi du 16 juillet 1845, fut adjugé une première fois le 10 juin 1846 à la Compagnie Talabot, pour une durée de 44 ans 298 jours. Les travaux furent abandonnés, comme ceux de Paris à Lyon, en 1848, et repris par l’État. — Le 3 janvier 1852, une nouvelle adjudication fut accordée à MM. Génissieu, Boigues, E. Blount, Drouillard, Benoist, etc. Durée de la concession, 99 ans ; subvention, 49 millions ; garantie par l’État de 5 0/0 d’intérêt et d’amortissement d’un emprunt de 30 millions à contracter par les adjudicataires. — Enfin, le 15 juillet 1852, un traité de fusion vint encore changer les conditions de propriété du chemin, comme nous le verrons tout à l’heure.

2° La ligne d’Avignon à Marseille, d’un parcours de 120 kilomètres, est devenue tristement célèbre dans l’histoire des folles dépenses et des gaspillages. Elle fut concédée le 12 juin 1843 à MM. Talabot, Ricard, Chaponnière et Rey de Foresta, pour 33 ans. Le gouvernement accorda aux adjudicataires une subvention de 32 millions, et prit en outre à sa charge toutes les dépenses d’expropriation, réglées depuis à 10 millions. — Le 13 novembre 1847, la Compagnie obtint l’autorisation de contracter un emprunt de 20 millions. Le 10 mai 1850, elle fut de nouveau autorisée à emprunter 30 millions avec garantie par l’État de 5 d’intérêt et d’amortissement. Son capital était de 20 millions. Ce qui porte le prix de revient des 120 kilomètres à 112 millions environ.

Soit 925,000 fr. par kilomètres ! La moyenne des autres lignes est de 391,000 fr.

Les actions n’ont jamais rien produit ; nous verrons plus loin les conditions du rachat par la Compagnie fusionnée,

3° Le chemin d’Alais à Beaucaire fut concédé à perpétuité, le 29 mai 1833 ; celui d’Alais à la Grand’Combe le fut pour 99 ans (21 mai 1836). Capital social, 16 millions ; emprunts, 9 millions.

4° Le chemin de Montpellier à Cette fut concédé le 9 juillet 1836 pour 99 ans. Capital, 3 millions ; emprunts, 1,300,000 fr.

5° Le chemin de Montpellier à Nîmes, propriété de l’État, fut affermé pour 12 ans, le 22 avril 1845, moyennant une somme annuelle de 381,000 fr., sans préjudice de 3 0/0 d’intérêt du matériel d’exploitation, estimé 900,000 fr.

Fusion. — Voici maintenant à quelles conditions ces lignes sont entrées dans la fusion (1852). C’est la Compagnie de Lyon à Avignon qui stipule comme acquéreur.

1° La Compagnie de Marseille à Avignon recevra, pour prix de la cession de ses droits, 40,000 obligations de 625 fr., remboursables en 99 ans à dater du 3 avril 1855. Chaque obligation portera 15 fr. d’intérêt du 1er octobre 1852 au 1er octobre 1857 ; 20 fr. de cette dernière époque au 1er octobre 1864, et 25 fr. depuis 1864 jusqu’au complet remboursement. Les actionnaires pourront souscrire dans la nouvelle Compagnie 20,000 actions aux mêmes conditions que les fondateurs.

2° Les Sociétés du Gard (chemin d’Alais à Beaucaire et à la Grand’Combe) recevront une annuité de 1,200,000 fr., représentée par 30,000 obligations produisant 40 fr. d’intérêt, remboursables à 1,000 fr., en 99 ans, qui courront du 3 avril 1845. Cette annuité pourra s’augmenter de 50,000 fr. par an jusqu’à concurrence de 1,450,000 fr., lorsque les chemins de l’Hérault et du Gard auront produit 100,000 fr. de plus la dernière année que l’année précédente. — La concession perpétuelle d’Alais à Beaucaire prendra fin avec la concession générale.

3° Le chemin de Montpellier à Cette est cédé moyennant une annuité de 260,000 fr., représentée par 13,000 obligations à 20 fr. d’intérêt, remboursables à 500 fr., en 99 ans, à partir du 3 avril 1855.

4° Le chemin de Montpellier à Nîmes, propriété de l’État, est concédé gratuitement. Quant à la Compagnie fermière de l’exploitation, elle recevra une indemnité de 500,000 fr., représentée par 625 obligations à 40 fr. d’intérêt, remboursables à 1,000 fr., en 99 ans, à dater du 3 avril 1855.

Le traité du 15 juillet 1852, portant approbation des conventions précédentes, contient les clauses qui suivent :

La Compagnie de Lyon à la Méditerranée devra affecter une somme de 5 millions à l’achèvement des chemins de la rive droite du Rhône. L’embranchement d’Aix sera exécuté par la Compagnie, moyennant 1 million de subvention par cette ville. Celui de Marseille à Toulon le sera par l’État, dans les conditions de la loi du 11 juin 1842. La moitié des bénéfices excédant 8 0/0 appartiendra au Trésor.

La Société des Mines de la Grand’Combe s’engage à réduire de 5 fr. par tonne les houilles qu’elle doit fournir à l’État en exécution de la loi du 17 juillet 1837, et à proroger jusqu’au 24 juillet 1864 la période pendant laquelle cette condition est obligatoire.

De son côté, le gouvernement garantit à la Compagnie de Lyon à la Méditerranée : 1° une somme annuelle qui ne peut dépasser 2,735,000 fr. pour l’exécution des engagements contractés avec les Compagnies faisant cession de leurs droits ; 2° 4 0/0 pendant 50 ans des sommes dépensées par la Compagnie pour l’exécution des travaux à la charge du Trésor, sans que le capital puisse excéder 31 millions : 3° 5 0/0 d’intérêt et amortissement, pendant 99 ans, de l’emprunt de 30 millions garanti pour 33 ans à l’ancienne Compagnie d’Avignon à Marseille. — L’État fait abandon de son chemin de Nîmes à Montpellier. — La concession est de 99 ans à dater de l’achèvement des travaux.

La Compagnie de la Méditerranée, par traité du 20 mars 1855, a pris à bail, pour dix ans, l’exploitation du chemin de fer de Bességes à Alais. — Par convention en date du mois de décembre 1855, elle doit se fusionner avec la Compagnie de Lyon à Genève. Ce traité, qui n’est pas encore définitif, n’aurait d’effet qu’à dater de 1860. — Nous reparlerons de ces conventions dans les paragraphes consacrés aux Compagnies intéressées.

L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.


état financier de la compagnie.


Les Documents statistiques évaluent à 297,266,734 fr. les dépenses d’établissement faites et à faire sur cette ligne. Nos chiffres, sauf erreur, accusent un capital engagé de 317 millions ; le lecteur appréciera.

Les Subventions de l’État s’élevaient à 136 millions, savoir :

À la compagnie de Marseille à Avignon 39,976,768
Chemin de fer de Montpellier à Nîmes 14,709,157
Lyon à Avignon et subventions nouvelles 81,935,558
---------------
Total      136,621,483
Subvention de la ville d’Aix 1,000,000
---------------
Ensemble   137,621,483

Des remboursements par la Compagnie ont réduit la part contributive du Trésor à 125,171,000 fr. ; soit, avec la subvention de la ville d’Aix, 126,171,000 fr., ou 42 0/0.

Les Actions sont au nombre de 90,000, libérées de 500 fr., représentant un capital de 45 millions. — Échéances semestrielles, avril et octobre.

Les Emprunts affectés, tant à la liquidation des Compagnies rachetées qu’aux travaux, sont au nombre de trois ; ils sont remboursables en 99 ans, de 1856 à 1954 ;

1° 120,000 obligations, émises en 1852, à 500 fr., remboursables à 625 ; 25 fr. d’intérêt payables en avril et octobre ;

2° 182,333 obligations, émises en 1853, à 350 fr., remboursables à 500 ; 15 fr. d’intérêt (janvier et juillet) ;

3° 82,666 obligations, émises en 1855, à 280 fr., remboursables à 500 ; 15 fr. d’intérêt (janvier et juillet).

Les sommes engagées dans le réseau de Lyon à la Méditerranée se répartissent donc comme suit :

Capital d’actions 45,000,000
1er emprunt 62,534,282
2e —— (obligations de rachat) 60,751,622
3e —— 22,932,137
-----------------
Total des obligations 146,218,041 146,218,041
-----------------
Total par le Compagnie 191,218,041
Subvention de l’État et de la ville d’Aix 126,174,000
-------------------
Ensemble 317,389,041

Sur ces 317 millions, 45 seulement appartiennent aux actionnaires, moins d’un septième. C’est une somme de 271 millions que l’État et les capitalistes mettent à la disposition de cette élite de propriétaires, afin d’aider à la prospérité de leur entreprise ; 126 millions sont abandonnés à titre gratuit par l’État, qui garantit de plus l’intérêt à 5 0/0 d’une partie des emprunts ; 146 millions sont fournis par les porteurs d’obligations, en échange d’un revenu fixe de 5 0/0 et d’une prime de remboursement : tout cela pour que les actionnaires touchent un revenu de 86 fr., comme en 1855 ; pour que les actions se cotent à 1,800 et 1,900 fr., et qu’on dise : Voilà les merveilles de la finance, tant honnie, tant décriée !

Eh bien ! oui, voilà les monstruosités, l’opprobre, la condamnation du système ; voilà la finance prise en flagrant délit d’accaparement, de razzia sur les fonds des contribuables et des particuliers. Une poignée d’actionnaires dispose, comme de sa propriété privée, d’une valeur de 317 millions où elle n’a pas un septième d’engagé. Les porteurs d’obligations, trois fois plus intéressés qu’elle dans l’affaire, sont, comme l’État, rançonnés, réduits à la portion congrue, chassés des conseils et des délibérations. Tels sont les résultats du crédit démocratisé de la secte saint-simonienne.

« Ce résultat, dit le Rapport, est des plus satisfaisants, puisqu’il s’applique à une première année d’exploitation, surtout si l’on considère que la ligne de Lyon à Avignon n’a été exploitée en entier, pour la grande vitesse, qu’à partir du 16 avril, et pour la petite vitesse, qu’à partir du 5 septembre. »

C’est fort heureux qu’à ce prix ces Messieurs se déclarent satisfaits. Que pourrait-on leur donner de plus ?

La ligne de la Méditerranée va donc être classée parmi les meilleures ; et c’est ce qui prouve que le public ne sait pas un mot des chemins de fer et de leur rendement. Il ne connaît que deux signes : le dividende, 86 fr., et la cote des actions, 1,800 à 1,900 fr. Analysons les chiffres, pour son édification.

Ce dividende provient d’un modeste excédant de 7,005,485 fr. 48 c., une somme de 435,485 fr. 48 c. est portée à la réserve. Mais il n’est encore fait aucune retenue pour le renouvellement de la voie et du matériel.

Nous croyons, dit le Rapport, que la prudence nous impose l’obligation de créer une réserve spéciale en provision du renouvellement de la voie en fer. Mais nous nous bornons, pour cette première année, à poser le principe, en en suspendant l’application jusqu’au règlement de 1856. »

La somme à répartir est de 6,570,000 fr. ; soit par action, 73 fr., qui, ajoutés aux 13 fr. d’intérêt déjà soldés, constituent un revenu de 86 fr. par action, ou 17 fr. 20 0/0.

Les 191 millions fournis par l’industrie (actions et obligations), ayant préalablement touché l’intérêt à 4 et 5 0/0, si ce reliquat de 6,570,000 fr. était loyalement réparti entre tous les porteurs de titres, au marc le franc, ce serait une augmentation de 3 fr. 43 0/0 environ, c’est-à-dire un revenu de 7 à 8 0/0.

Et si les subventions touchaient aussi leur 5 0/0 ! et si l’on faisait des réserves, au lieu de se borner à en poser le principe !

En un mot, la meilleure ligne de fer, — d’après cote, — produit à peine 5 0/0 du capital engagé ; mais elle donne 17 0/0 aux actionnaires. Voilà les prodiges de la finance !


CHEMIN DE FER DE BESSÉGES À ALAIS.
(Siége social ; Paris, 23, rue Laffitte.)


Ce tronçon, d’une longueur de 30 kilomètres, a été concédé, le 8 juin 1854, à MM. de Veau de Robiac, Varin d’Ainvelle et E. Silhol, pour 99 ans, finissant au 7 juin 1957. La Société anonyme a été autorisée le 16 août 1855.

Capital, 4 millions ; actions de 500 fr., dont 400 versés ; 4 0/0 pendant la durée des travaux. — 7,143 obligations, émises en mai 1855, à 280 fr.— 15 0/0 d’intérêt payables en avril et octobre ; elles sont remboursables à 500 fr., de 1857 à 1956. — L’assemblée se compose des propriétaires de 10 actions.

Par traité du 20 mars 1855, ratifié le 8 octobre, l’exploitation de la ligne est affermée pour dix ans à la Compagnie de Lyon à la Méditerranée qui fournit le matériel et prélève 50 0/0 des recettes brutes, jusqu’à concurrence de 20,000 fr. par kilomètre, et 33 0/0 sur ce qui excéderait ce chiffre. Le minimum de ce prélèvement est fixé à 270,000 fr., et la Compagnie de Bességes tient compte en outre de 90,000 fr. par an pour loyer du matériel.


CHEMIN DE FER DE LYON À GENÈVE.
(Administration : Paris, 23, rue Laffitte.)


Cette ligne a été concédée, le 30 avril 1853, à MM. Bartholony, Benoist d’Azy, duc de Galbera, Blount, Jayr, etc., aux conditions suivantes :

Le gouvernement français accorde aux concessionnaires une subvention de 15 millions, et le gouvernement suisse une subvention de 2 millions. La garantie d’intérêt par l’État est de 3 0/0 d’un capital de 50 millions. Concession de 99 ans, qui courront du 1er mai 1859. Après l’ouverture de la ligne entière, l’État entrera en partage des bénéfices excédant 8 0/0 du capital dépensé par la Compagnie. Les actions jouiront d’un intérêt de 4 0/0 du capital versé pendant la durée des travaux.

La longueur de la ligne est de 216 kilomètres en France et de 12 en Suisse, ensemble 228, la section de Lyon à Bourg, par Ambérieux, est en exploitation, 74 kilomètres.


état financier de la compagnie.


Les Actions sont de 500 fr. dont 375 versés, au nombre de 80,000, représentant un capital de 40 millions.

Il a été émis, en 1853, 87,719 Obligations, au cours de 285 fr., remboursables à 500 (de 1855 à 1954) : 15 fr. d’intérêt (janvier et juillet). Il doit y avoir un deuxième emprunt de 20 millions.

Les Subventions sont de 17 millions.

Ce qui établit ainsi le capital actuel de la Compagnie :

Actions 40,000,000
Obligations 25,000,000
--------------------
Total par l’industrie privée    65,000,000
Subventions (suisse et française) 17,000,000
--------------------
Ensemble 82,000,000

Par convention du 8 décembre 1855 avec la Compagnie du chemin de fer sarde Victor-Emmanuel, les deux lignes doivent se raccorder à Culoz.

Par convention du 8 décembre 1855 avec la Compagnie de Lyon à la Méditerranée, ces deux entreprises doivent se fusionner en une seule, deux ans après leur mise en exploitation totale de la ligne de Genève, c’est-à-dire vers 1860. Le capital sera partagé entre les deux Compagnies au prorata des produits nets de l’exploitation pendant l’exercice qui précédera la fusion. — La ligne de Genève n’étant qu’à ses débuts, sa recette brute sera comptée avec 36 0/0 d’augmentation ; le produit net sera évalué par une déduction fixe de 40 0/0 du produit brut.

Ces deux conventions n’ont pas encore reçu l’approbation du gouvernement.


CHEMIN DE FER DE SAINT-RAMBERT À GRENOBLE.
(Siège social : Paris, 31, rue Lepelletier.)


Cette ligne, destinée à relier Grenoble et Valence à Lyon ; a été concédée le 7 mai 1853 pour 99 ans, qui finiront le 30 avril 1958. Parcours, 92 kilomètres, dont 56 en exploitation.

Subvention de l’État, 7 millions ; garantie de 3 0/0 d’intérêt pendant 50 ans, sur un capital de 25 millions. Après l’achèvement des travaux, l’État vient en partage des bénéfices excédant 8 0/0 du capital dépensé.

Capital, 25 millions ; 50,000 Actions de 500 fr. dont 300 versés ; — 4 0/0 pendant la construction.

La concession s’est augmentée en 1856 des lignes directes de Lyon à Grenoble et de Valence à Grenoble, qui portent l’étendue du réseau à 260 kilomètres. Les conditions de subvention et de garantie du capital de 25 millions sont applicables à l’ensemble des trois lignes. — Le capital doit être porté à 75 millions, la Compagnie doit prendre le nom de Compagnie du Rhône aux Alpes.


CHEMIN DE FER DE PARIS À ORLÉANS ET SES PROLONGEMENTS.
(Compagnies fusionnées.)
(Administration : Paris, 11, rue de la Chaussée-d’Antin.)


Cette Compagnie se compose des anciennes sociétés de Paris à Orléans, du Centre, d’Orléans à Bordeaux, de Tours à Nantes, réunies par le décret de fusion du 27 mars 1852. Depuis cette époque, elle a subi, quant à ses concessions, de nombreux remaniements que nous mentionnerons dans l’historique. Voici l’étendue de son réseau en 1856 :

En exploitation, d’après l’Indicateur des Chemins de fer, 1, 239 kilomètres :

Paris à Bordeaux 582 kilomètres
Poitiers à Niort 78
Tours à Nantes 195
Orléans à Limoges   282
Vierzon à Nevers 192

En construction, d’après les Documents statistiques, 517 kilomètres :

Tours au Mans 88
Nantes à Saint-Nazaire 58
Savenay à Châteaulin et embranchement    285
Niort à La Rochelle et Rochefort 86

Soit un développement total de 1,756 kilomètres, que l’annexion du chemin de fer de Sceaux et Orsay portera prochainement sans doute à 1,781 ; car il ne manque plus au contrat d’acquisition de cette ligne que la sanction du gouvernement.


historique.


1° Ligne principale.


La ligne de Paris à Orléans est la première de quelque importance qui ait été ouverte autour de Paris. La construction en fut concédée, le 7 juillet 1838, à MM. Casimir Lecomte et Cie pour une durée de 70 ans, portée quelque temps après à 99, à partir du 15 juillet 1840. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 13 août 1838, fut constituée au capital de 40 millions, divisé en 80,000 actions de 500 fr. Les concessionnaires n’avaient reçu ni subvention ni garantie ; cependant leur capital de fondation paraissant devoir être insuffisant, ils demandèrent et obtinrent, par la loi du 15 juillet 1840, que l’État leur garantît un minimum de 4 0/0 d’intérêt pendant 46 ans 324 jours, à la charge par eux d’employer annuellement 1 0/0 à l’amortissement du capital social.

Le 22 octobre 1842, la Compagnie fut autorisée à émettre 8,888 obligations, remboursables à 1,250 fr. et portant intérêt à 4 0/0. Un autre emprunt de 10 millions fut également consenti par délibération de l’assemblée du 8 mars 1847.

La ligne de Paris à Orléans ne fut bientôt plus qu’un tronçon devant les prolongements que lui assigna la loi de 1842. Elle devint la tête des chemins de Nantes, de Bordeaux et du Centre, d’un parcours de plus de 1,500 kilomètres. Aussi, malgré les emprunts, les actions montèrent-elles au quadruple de l’émission. Cette grande prospérité n’a pas empêché la Compagnie de solliciter une augmentation de bail et d’autres avantages, comme nous le verrons plus loin.


2° Prolongements.


1° Le chemin d’Orléans à Bordeaux fut adjugé, le 9 octobre 1844, à MM. Laurent, Luzarches et Mackensie, pour 27 ans 278 jours. Le maximum de durée fixé par la loi était de 41 ans 16 jours. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 16 mai 1845, se constitua au capital de 65 millions, divisé en 130,000 actions de 500 fr.

Les travaux de la ligne devaient être exécutés suivant la loi de juin 1842. La loi du 6 août 1850 apporta une première modification au cahier des charges en prorogeant jusqu’à 50 années la durée de la concession. Moyennant quoi la Compagnie s’engageait à terminer à ses frais les travaux et à hâter d’un an la pose de la voie et l’ouverture de la ligne.

2° Le chemin de Tours à Nantes, exécuté également selon les principes de la loi de 1842, fut mis en adjudication le 25 novembre 1845. Le maximum de la concession était de 35 ans. Deux Compagnies se présentèrent. MM. O’Neill, Mackensie, Dufeu, Brouillard, etc., furent déclarés adjudicataires pour 34 ans 15 jours.

La loi du 6 août 1850, dont nous venons de parler, vint porter à 50 ans la durée de l’exploitation, aux mêmes clauses que pour la Compagnie de Bordeaux. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 17 décembre 1845, était au capital de 40 millions, divisé en 80,000 actions de 500 fr.

3° Le chemin du Centre, allant d’Orléans à Vierzon avec embranchement sur Nevers et Limoges, construit également aux frais de l’État, fut concédé pour 39 ans 11 mois, le 9 octobre 1844, à une Compagnie formée des administrateurs du chemin de fer d’Orléans. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 13 avril suivant, porta son capital à 33 millions, divisé en 66,000 actions de 500 fr.


3° Fusion.


Le décret du 17 mars 1852 vint autoriser la réunion de ces quatre entreprises en une seule. La cession au profit de la Compagnie d’Orléans des droits des trois autres se fit aux conditions suivantes :

« 18 mars. La Compagnie du centre recevra une action entièrement libérée de la Compagnie de Paris à Orléans contre deux actions du chemin du Centre entièrement libérées, soit 33,000 actions contre 66,000.

« 18 mars. La Compagnie de Tours à Nantes recevra une action entièrement libérée d’Orléans contre quatre actions du chemin de Tours à Nantes, libérées de 425 fr., soit 20,000 actions contre 80,000.

« 20 mars. La Compagnie d’Orléans à Bordeaux recevra une action entièrement libérée de Paris à Orléans contre trois actions du chemin d’Orléans à Bordeaux, libérées de 275 fr., soit 43,334 actions contre 130,000.

« Les actions anciennes et les actions nouvelles auront des droits égaux aux intérêts et aux dividendes de l’année 1852. Après l’échange opéré, les actions des Compagnies rachetées seront détruites. »

L’échange des actions, par suite de modifications, ne se fit pas strictement dans les conditions sus-énoncées. Il fut accordé :

8 actions nouvelles contre { 5 anciennes d’Orléans.
10 du Centre.
15 d’Orléans à Bordeaux.
20 de Tours à Nantes.

Le nombre des actions se trouva ainsi de 282,134, représentant un capital de 141,067, 000 fr. Afin d’arrondir les chiffres, il fut créé 17,866 actions nouvelles, représentant une somme de 8,933,000 fr.

De cette façon, le capital de la Compagnie fusionnée se trouva porté à 150 millions, représenté par 300,000 actions.


4° Concessions nouvelles et remaniements.


Le décret du 27 mars 1852 concéda à la Compagnie fusionnée :

1° Le prolongement du Guétin à Clermont, avec embranchement de Saint-Germain-des-Fossés à Roanne ;

2° Le prolongement de Châteauroux à Limoges ;

3° L’embranchement de Poitiers sur La Rochelle et Rochefort.

L’étendue du réseau se trouvait portée ainsi à 1,568 kilomètres. Le décret du 17 août y ajouta : De Tours au Mans, 88 ; de Nantes à Saint-Nazaire, 58.

Par convention du 14 juin 1855, approuvée le 20, il fut concédé à la même Compagnie un chemin de fer de Nantes à Châteaulin, par Redon, Quimper, Lorient, avec embranchement sur Pontivy, 285 kilomètres.

D’autre part, le conseil d’administration passa avec la Compagnie d’Orsay une convention, ratifiée le 16 août 1855 par l’assemblée générale, pour le rachat de Sceaux et Orsay.

Le réseau comprenait alors 2,026 kilomètres.

Mais la Compagnie d’Orléans ayant cédé : 1° au Grand-Central la section de Saint-Germain à Clermont, 65 kilomètres ; 2° au Syndicat de Paris à Lyon-Bourbonnais les sections de Juvisy à Corbeil, 12 kilomètres, et de Nevers à Roanne, 170[16], l’étendue des concessions, au 31 décembre 1855, était réduite à 1,779 kilomètres.


5° Conditions avec l’État.


La concession est portée à 99 ans à partir de 1852, et doit prendre fin au 31 décembre 1950 ; c’est une prolongation de :

13 ans sur le chemin de fer d’Orléans,

59 ans sur celui du Centre,

49 ans sur ceux de Bordeaux et Nantes.

Toutes les sections nouvelles sont de même durée.

L’État garantit un minimum d’intérêt de 4 0/0 d’un capital de 150 millions, pendant 50 ans.

Il renonce à son droit de partage dans les bénéfices des Compagnies du Centre, de Nantes et de Bordeaux.

Les prolongements du Centre seront exécutés dans le système de la loi de 1842, sauf déduction de 16 millions à fournir par la Compagnie en dégrèvement des charges imposées au Trésor.

Les départements et les villes intéressés à l’embranchement de Poitiers sur Rochefort et La Rochelle fourniront une subvention de 4 millions.

L’État accorde une subvention de 25 millions pour le chemin de fer de Nantes à Châteaulin, qui devra être terminé dans un délai de 9 ans.

Le reste des dépenses à la charge de la Compagnie.

La faculté de rachat réservée au gouvernement ne pourra s’exercer que quinze ans après l’achèvement de toutes les sections.

Le transport des dépêches, qui devait être gratuit, sera payé à la Compagnie à raison de 300,000 fr. par an.

L’assemblée générale se compose des propriétaires de 20 actions.

La Compagnie est intéressée pour un tiers dans le chemin de Lyon-Bourbonnais, et pour un cinquième dans le chemin de Ceinture.


état financier de la compagnie.


Les Documents statistiques évaluent les dépenses faites et à faire à 552,013,575 fr. Ce chiffre nous semble devoir être de beaucoup dépassé ; nous dirons tout à l’heure pourquoi.

Les Subventions en travaux et en argent doivent s’élever à 225,699,000 fr., y compris 4 millions de subventions locales et déduction faite de la partie des subventions afférentes aux sections cédées à la Compagnie de Paris à Lyon par le Bourbonnais : soit une proportion de 41 0/0. — Les lignes du Centre, d’Orléans à Bordeaux, de Tours à Nantes, ont été exécutées dans le système de la loi de 1842. Le tableau11 des Documents, colonne 10, subventions en travaux non remboursables, porte le chiffre de 247,950,000 fr. Mais « on espère, dit une note, réduire ces dépenses de quelques millions, en raison des économies probables. »

Pour la cession au Syndicat de Lyon-Bourbonnais de la section de Nevers à Saint-Germain, il faut déduire de ce chiffre les 30,401,000 fr. qui y sont affectés ; reste 211,549,000 fr. Maintenant nous devons ajouter les 25 millions afférents à la section de Nantes à Châteaulin, ce qui relève la somme à 236,549,000 fr. La probabilité d’économie serait donc de 11 millions.

Les Actions ont été portées par le compte de fusion à 300,000, représentant un capital de 150 millions ; elles sont de 500 fr., complétement libérées ; échéances semestrielles, avril et octobre.

Les Emprunts sont au nombre de trois, le dernier émis en trois séries.

1er emprunt 1842. 8,888 obligations, négociées à 1,125 fr., remboursables à 1,250, de 1845 à 1891 ; 50 fr. d’intérêt (janvier et juillet ).

2e emprunt. 13,333 obligations, négociées en 1848 à 750 fr., remboursables à 1,250, de 1849 à 1938 ; 50 fr. d’intérêt (janvier et juillet).

3e emprunt. Les obligations portent 15 fr. d’intérêt, payables en janvier et juillet ; elles sont remboursables à 500 fr., de 1855 à 1951 pour les deux premières séries, et à 1950 pour la troisième.

1re série, 1852. 150,000 obligations négociables à 340 fr.
2e —— 1854. 130,000 275
3e —— 1855. 150,000 290

Le Rapport de 1856 établit ainsi la participation de l’industrie privée à la composition du capital à la fin de 1855 ;

Capital d’actions 150,000,000
1er emprunt 9,999,000
2e —— 9,999,750
3e —— en trois séries    129,764,545
---------------
Total des obligations    149,763,205 149,763,205
-----------------
Total par l’industrie privée 299,763,295
Par l’État, dépenses faites au 31 décembre 1854 2163641,825
------------------
Ensemble 516,405,120

Du chiffre de 516,405,120 fr. il faudrait déduire la dépense afférente à la section de Nevers, distraite de la Compagnie d’Orléans ; il faudrait y ajouter d’autre part les sommes dépensées par l’État en 1855. À défaut de renseignements précis, nous croyons pouvoir prendre, sans être taxé d’exagération, le chiffre de 500 millions comme celui des dépenses de toute nature engagées dans la Compagnie à la fin de 1855. La longueur exploitée à la même époque était de 1,158 kilomètres. Calculons sur 1,200, afin de laisser à la Compagnie une marge encore plus favorable. Le coût kilométrique serait alors de 416,000 fr. L’étendue concédée étant de 1,745 kilomètres, d’après le Rapport du 30 novembre 1856, il resterait à parfaire 545 kilomètres représentant, à 416,000 fr. par kilomètre, 226,720,000 fr., dont 200 millions environ à fournir par la Compagnie.

Le revenu des actions 24,286,176 fr.
et le service des emprunts 5,738,733
------------------
portent le revenu de 1855 à    30,024,909
soit 6 0/0 du capital de toute provenance engagé dans l’entreprise. Mais les actions ont touché 16 0/0.

Ce revenu de 6 0/0 est dû à ce que, comme toujours, il n’est fait aucune réserve pour le renouvellement de la voie et du matériel sujet à détérioration. Ainsi les rails et traverses de la ligne de Paris à Orléans sont aujourd’hui complètement renouvelés. Le rapport ne dit rien du chiffre de cette dépense, mais il l’impute complètement au compte de Premier Établissement.

Les 225 millions de subventions ne touchent ni intérêt ni amortissement ; mais les 200 millions que la Compagnie devra réaliser, — par voie d’emprunt sans doute, — pour parfaire son réseau, auront droit à un revenu et au remboursement. Les sections inachevées sont les moins productives, car plus le réseau s’allonge, plus il perd au point de vue du rendement ; et la plupart des embranchements à terminer sont considérés par la Compagnie elle-même comme des charges.

Aggravation des dépenses et réduction du produit net, telle est la perspective, la certitude des actionnaires de l’avenir. Ce revenu de 6 0/0 descendra — par les dépenses de renouvellement des voies, successivement exécuté à l’aide d’emprunts, et par la diminution du produit kilométrique — à 5, 4, 3, 2 0/0, même à zéro. Les obligations priment les actions ; elles ont privilége sur elles. Elles absorberont tout le produit net, en attendant qu’elles réclament de l’État l’exécution de sa garantie d’intérêt. La haute finance le sait ; elle n’y perdra rien, car elle se met déjà en mesure. Les actions de chemins de fer sont toutes aux mains des petits rentiers, dont l’apathique confiance ne cessera que devant un désastre qu’ils auraient pu prévoir.

Nous avons dit les conditions des actionnaires de l’avenir ; les chiffres suivants vont nous montrer celles des actionnaires du passé.


revenu des actions.


Exercices antérieurs à la fusion (ancienne Compagnie d’Orléans).


De 1840 à 1843, 4 0/0 pendant les travaux.

1844 : 39 25     1846 : 61 ««     1848 : 42 80     1850 : 57 75
1845 : 47 30 1847 : 62 70 1849 : 57 «« 1851 : 63 50


Exercices postérieurs à la fusion.
1852 : 48 40     1853 : 62 10     1854 : 69 ««     1855 : 80 ««

Le capital versé par les actionnaires de l’ancienne Compagnie d’Orléans est de 40 millions. Avant 1852, cette mise de fonds était représentée par 80,000 actions. Les revenus cumulés des exercices 1844 et 1851 inclusivement s’élèvent à 431 fr. 30 c. par action, soit pour l’ensemble à 34,504,000 fr.

L’échange s’étant opéré en 1852, à raison de 8 titres nouveaux contre 5 anciens, les 40 millions se trouvent représentés aujourd’hui par 128,000 actions. Les revenus cumulés des quatre exercices 1852-1855 montent à 259 fr. 50 c. par action, soit pour les 128,000, un total de 33,216,000 fr.

Ainsi les anciens actionnaires d’Orléans ont touché en douze ans, pour un capital versé de 40 millions :

Avant la fusion 34,504,000 fr.
Après la fusion 33,216,000
------------------
Total 67,720,000
c’est-à-dire un revenu de 5 fr. 77 c. 0/0, plus le remboursement de leur capital. Ils restent copropriétaires, pour 95 ans encore, de tout le réseau concédé.

Si les exercices devaient, comme l’affirment les Rapports, grossir d’importance d’année en année, en prenant seulement ces 12 premières annuités comme base du revenu des actions pour les 95 qui restent à courir, nous arriverions aux résultats suivants :

Intérêts cumulés en 1950 536,116,000 fr.
Amortissement à 500 fr. des 128,000 actions 64,000,000
---------------------
Total     600,116,000

Voilà ce qu’auraient produit en un siècle les 40 millions primitivement souscrits par les actionnaires de l’ancienne Compagnie d’Orléans.

La part des Compagnies incorporées, quoique beaucoup moins brillante, est encore fort belle.

Mais le plus clair profit de tous ces tripotages, c’est la hausse qui a permis aux financiers de liquider à 5 0/0 et plus de bénéfice. Pour l’avenir, et dans l’intérêt de leurs acheteurs, ils ont eu soin de faire garantir par l’État 4 0/0 d’intérêt du capital engagé. Ce ne sera pas là une vaine précaution.

Telle est la justice distributive de la féodalité capitaliste.


CHEMIN DE FER GRAND-CENTRAL.
(Siège social : Paris, 10, place Vendôme.)


Le Grand-Central a subi de nombreux remaniements depuis sa concession. L’étendue de son réseau, d’après le Rapport à l’assemblée du 3 mai 1856, est de 1,349 kilomètres, dont 140 environ en exploitation.

Concession du 21 avril 1853 : de Clermont à Lempdes ; du Lot à
Montauban ; embranchement sur Marcillac ; de Lempdes à
Périgueux
314 k.
Concession du 7 avril 1855 ; de Lempdes à la rivière du Lot ; de
Saint-Étienne à la rencontre de la ligne de Clermont
à Montauban ; de cette ligne à Périgueux ; de Limoges à Agen ; de
Marcillac à Rodez
765
Embranchements sur Tulle, Cahors, Bergerac et
Villeneuve-d’Agen (concession provisoire)
120
Achat à la Compagnie d’Orléans de la section de Saint-Germain
à Clermont
65
Achat de la ligne de Montluçon à Moulins 85


historique.


Ce chemin, destiné à relier Bordeaux et Lyon en passant par Périgueux, Brives, Aurillac, le Puy, fut concédé, le 21 avril 1853, pour 99 ans, à MM. de Morny, Latour-Maubourg, Pourtalès, Hutchinson, Uziella, etc. Les travaux devaient être exécutés selon le système de la loi de 1842, sauf pour les sections suivantes : de Clermont à Lempdes, de la rivière du Lot à Montauban, avec embranchement sur Marcillac, et de Périgueux à Coutras.

Le capital était de 90 millions, représenté par 180,000 actions.

Par décret du 26 décembre 1853, les chemins de fer de Rhône-et-Loire furent annexés au Grand-Central, puis cédés, le 31 janvier 1855, par le Grand-Central à la Compagnie de Paris à Lyon-Bourbonnais[17].

Le décret du 7 avril 1855, en complétant le réseau de cette Compagnie, modifia la clause relative à la participation de l’État dans les travaux ; la Compagnie se charge de toutes les dépenses moyennant une subvention du Trésor de 76 millions pour les lignes principales et de 2 millions pour l’embranchement de Rodez.

Les quatre embranchements concédés provisoirement (Cahors, Villeneuve-d’Agen, Bergerac et Tulle) doivent être construits dans le système de la loi de 1842.

Un décret du 15 décembre 1855 approuve la construction d’un embranchement destiné à relier les mines de Roche-la-Morlière et Firminy au tronc principal.


Achats et fusions.


La ligne de Moulins à Monluçon doit desservir huit concessions houillères en exploitation, les hauts-fourneaux de Commentry, Fourchambault, les glaces et verreries de Montluçon, Souvigny, et une foule d’autres établissements de premier ordre. Elle fut concédée le 17 octobre 1854 à M. Ferd. Barrot, de Monicaut, Rougemont, etc., pour 99 ans, à partir du 17 octobre 1860. La société anonyme, autorisée le 23 juin 1855, porta son capital à 22 millions, représenté par 14,000 actions.

Par convention du 20 juin 1855, approuvée le 19 décembre suivant, la Compagnie de Moulins s’est fusionnée avec le Grand-Central ; les actions des deux Compagnies, libérées de 250 fr., s’échangent au pair. En conséquence, les 180,000 actions du Grand-Central sont portées à 224,000.

Le Grand-Central a acheté les établissements miniers et métallurgiques d’Aubin comprenant : 1° onze concessions de houille ; 2° une mine de fer ; 3° divers droits de recherche, d’extraction et d’affouage de houille et minerais ; 4° quatre concessions de mines métallifères ; 5° six forges et hauts-fourneaux ; 6° divers terrains, carrières, forêts et domaines ; 7° le fonds de roulement. — Le prix de la concession est de 44,200 obligations, remboursables à 500 fr. pendant la durée de la concession ; 15 fr. d’intérêt.

La section de Saint-Germain-des-Fossés à Clermont a été cédée au Grand-Central par la Compagnie d’Orléans, qui reste chargée de l’achèvement des travaux. — Cette concession a été faite, moyennant la remise du nombre d’obligations nécessaire pour représenter un revenu net de 12,000 fr. par kilomètre, sauf déduction de 1,200 fr. par kilomètre en représentation du matériel roulant fourni par la Compagnie acquéreur, soit en tout, 46,800 obligations remboursables à 500 fr. ; 15 fr. d’intérêt.

Nous avons mentionné ailleurs les conventions relatives à la participation dans le chemin de fer de Lyon-Bourbonnais.


Conditions avec l’État.


L’État accorde une subvention de 78 millions en compensation des travaux à sa charge ; quatre embranchements de 130 kilomètres seront construits dans le système de la loi de 1842. La durée de la concession est de 99 ans à dater de l’achèvement des travaux, c’est-à-dire de 110 ans à partir du 2 mai 1852. Le capital d’actions est porté à 112 millions. Le gouvernement garantit un intérêt de 4 0/0 du capital de 219 millions à réaliser par voie d’emprunt ou par émission d’actions. — Il entrera en partage des bénéfices excédant 8 0/0 du capital dépensé par la Compagnie. — Les travaux doivent être exécutés dans le délai de onze ans.


état financier de la compagnie.


Les dépenses sont évaluées, par les Documents statistiques, à 331,455,000 fr., dont 92,900,000 fr. à fournir par l’État, soit 28 0/0.

Subventions par l’État : en espèces 78 millions ; en travaux, mémoire. (À payer ultérieurement.)

Les actions sont au nombre de 224,000, représentant un capital de 112 millions ; elles sont de 500 fr., dont 450 fr. versés. Elles touchent 4 0/0 pendant la durée des travaux.

L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.

Les Emprunts de Rhône-et-Loire sont transférés à la Compagnie du Bourbonnais. Il reste à la charge de la Compagnie 181,000 obligations, remboursables à 500 fr., en 99 ans ; 15 fr. d’intérêt (janvier et juillet) ; elles représentent un capital de 54,300,000 fr., savoir :

90,000 obligations émises en 1855      27,000,000
44,200, achat des établissements d’Aubin 13,260,000
46,800, achat de la section de Clermont à St.-Germain 14,040,000

Le Grand-Central a fait, avec la Compagnie d’Orléans, un traité de fusion dans le courant de 1856 : chaque section serait construite par le Grand-Central et exploitée par lui pendant deux ans ; il serait ajouté 50 0/0 aux produits nets du dernier exercice ; et le prix du rachat serait basé sur ce taux. Mais cette convention n’a pas reçu les sanctions nécessaires à sa validité.

Les concessions sollicitées par la Compagnie sont : en Espagne, le chemin de Madrid à Saragosse ; en France, le réseau pyrénéen ; une ligne de Limoges à Paris, passant par Tours, Vendôme et Châteaudun.


CHEMINS DE FER DU MIDI ET CANAL LATÉRAL À LA GARONNE.
(Siége social : Paris, 15, place Vendôme.)


Sous cette dénomination sont compris les prolongements de Bordeaux sur l’Océan, sur la frontière d’Espagne et sur la Méditerranée, ainsi que le canal latéral à la Garonne.

Par décision du 24 août 1856, la concession des chemins du Midi a été accordée à MM. d’Eichtal, E. André, E. Pereire, I. Pereire, Audoin, etc. Les Statuts de la Compagnie anonyme ont été approuvés le 6 novembre 1852.

Longueur exploitée, d’après l’Indicateur des Chemins de fer, 460 kilomètres :

Bordeaux à Bayonne 198 kil.
Lamothe à la Teste 13
Bordeaux à Toulouse 257

À construire, 353 kilomètres :

Toulouse à Cette 231
Embranchement de Mont-de-Marsan   37
—— de Perpignan 60
—— de Pézénas 25
Longueur du canal 209

La durée de la concession est de 99 ans, à dater de l’achèvement des travaux ; elle doit prendre fin le 24 août 1957. — L’État accorde une subvention de 35 millions pour la ligne de Bordeaux à Cette, et de 16,500,000 fr. pour celles de Narbonne et Perpignan. — Il garantit, pendant 50 ans, un minimum d’intérêt de 4 0/0, et l’amortissement d’un emprunt à contracter de 51 millions ; il garantit également l’intérêt à 4 0/0 du capital de 67 millions. — Après l’achèvement des travaux, il a droit à la moitié des bénéfices au delà de 8 0/0.

La Compagnie a pris à bail l’exploitation du chemin de fer de Bordeaux à la Teste aux conditions que nous dirons ci-après :


état financier de la compagnie.


Le coût du réseau est évalué à 175,488,417 fr. par les Documents statistiques, et la part contributive de l’État à 51,500,000 fr., soit 29 0/0.

Les Subventions de l’État s’élèvent à 51,500,000.

Les Actions étaient, d’après la première constitution, au nombre de 134,000, représentant un capital de 67 millions. Par modification approuvée le 11 août 1856, il a été émis 89,334 actions nouvelles, au cours de 700 fr., payables : 250 fr. comptant ; 250 fr. du 2 au 10 janvier 1857 ; 200 du 1er au 10 juillet 1857. — Elles touchent 4 0/0 pendant la durée des travaux (échéance en janvier).

149,788 Obligations émises à 285 fr. libérées, remboursables à 500, de 1859 à 1957 ; 15 fr. d’intérêt (janvier et juillet).

L’assemblée se compose des propriétaires de 40 actions.


CHEMINS DE FER DE BORDEAUX À LA TESTE.
(Siège social à Bordeaux. — Bureaux à Paris : 15, place Vendôme.)


Cette ligne, d’un parcours de 52 kilomètres, a été autorisée par la loi du 17 juillet 1837, et adjugée, le 26 octobre de la même année, à M. Fortuné de Vergès, pour 70 ans. La Compagnie anonyme, autorisée par ordonnance du 28 février 1838, était au capital de 5 millions, représenté par 10,000 actions. Une capitalisation d’intérêts accordée à MM. E. et. I. Pereire a fait créer à leur profit 5,000 actions nouvelles. — Emprunt, 1,047 obligations remboursables à 1,250 fr.

Ce chemin, loin de produire des bénéfices, n’a jamais fait ses frais. L’État a dû, à plusieurs reprises, en prendre l’exploitation, y affecter des crédits, le mettre sous séquestre, Cette défaveur a sans doute empêché qu’il fût compris dans la grande fusion d’Orléans. Le service en est affermé, comme nous venons de le voir, à la Compagnie du Midi pour 99 ans. C’est la tête du chemin de Bayonne.

La Compagnie fermière prend à sa charge les dettes et les dépenses de réparation de la voie ; sur les produits nets de l’embranchement, elle prélève le service des emprunts et 5 0/0 des sommes dépensées à la construction de la ligne de Bayonne et la réparation de celle de la Teste ; l’excédant, s’il y en a, est partagé par moitié entre les deux Compagnies. La concession est prorogée à 99 ans, qui prendront fin avec le bail des chemins du Midi.


CHEMIN DE FER DE GRAISSESSAC À BÉZIERS.
(Siége social : Paris, 45, rue Taitbout.)


Concédé pour 99 ans par décret du 27 mars 1852 ; fin du bail, 29 mars 1955 ; approbation des Statuts, 18 février 1853. — Parcours, 59 kilomètres. — Capital, 18 millions, divisé en 36,000 actions de 500 fr., dont 400 payés. 4 0/0 pendant les travaux (octobre et avril). — 26,600 obligations émises à 140 fr., remboursables à 258 ; 7 fr. 50 c. d’intérêt (novembre et mai).

Ce tronçon ne compte pas moins de dix souterrains, d’une longueur ensemble de 3,778 mètres.


CHEMIN DE FER DE PARIS À SCEAUX ET ORSAY.
(Siége social : Paris, 35, rue Neuve-des-Petits-Champs.)


La ligne de Paris à Sceaux, d’un parcours de 11 kilomètres, construite en exécution de la loi du 5 août 1844, fut concédée le 8 septembre suivant à M. Arnoux pour l’expérimentation de ses trains articulés. La concession était de 50 ans. La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 23 février 1845, se constitua au capital de 3 millions.

Ce chemin n’a jamais couvert ses frais ; l’État a dû venir plusieurs fois à son secours.

Comme indemnité, et pour l’expérimentation en grand des trains articulés, le gouvernement concéda, le 30 avril 1853, à la même Compagnie, le prolongement de Bourg-la-Reine à Orsay aux conditions suivantes :

1o L’État livre tous les travaux en cours d’exécution ; 2o il s’engage à payer une subvention de 800,000 fr. pour l’achèvement desdits travaux ; 3o il garantit pendant 50 ans un intérêt de 3 0/0 sur une somme de 3 millions déjà empruntée et sur une autre somme de 1,200,000 fr. à emprunter ; 4o la durée de la concession est portée à 99 ans, commençant le 10 décembre 1854.

La Compagnie s’engage à terminer les travaux et à compléter les essais des trains articulés. L’État aura droit à la moitié des bénéfices excédant 8 0/0.

L’ensemble des dépenses faites par l’État pour ce tronçon s’élève à 2,905,669 fr.

Aux termes des conventions provisoires passées avec la Compagnie d’Orléans, celle-ci se charge du payement intégral des sommes dues par la Compagnie d’Orsay, et qui peuvent s’élever à 4 millions ; elle rachète les 6,000 actions de capital au prix de 5,000 obligations 3 0/0 remboursables à 500 fr. En calculant l’obligation à 300 fr., 5 obligations contre 6 actions font ressortir ces dernières au prix de 250 fr. l’une.

Cette convention est subordonnée à l’approbation du gouvernement, à celle de l’assemblée des actionnaires d’Orléans, et à des conditions de développement du réseau de Sceaux-Orsay, qui n’est que de 26 kilomètres.


CHEMINS DE FER DE L’OUEST ET DU NORD-OUEST.
(Compagnies fusionnées.)
(Siége social : Paris, 124, rue Saint-Lazare.)


Sous cette dénomination sont agglomérées les anciennes Compagnies de Versailles rive droite, Versailles rive gauche, Paris à Saint-Germain, Paris à Argenteuil, Paris à Rouen, Rouen au Havre, Dieppe et Fécamp, Paris à Caen et Cherbourg, Ouest (ancienne).

L’étendue du réseau concédé est de 1,778 kilomètres, d’après le Rapport du 30 novembre 1856, et de 2,059, d’après les Documents statistiques.

Il se divise en deux sections distinctes, qu’aucune considération géographique ou de facilité d’exploitation n’engageait à réunir : les lignes de Normandie et celles de Bretagne.

Banlieue de Paris 65 kilomètres
réseau normand.
Paris au Havre 229
Embranchements de Dieppe à Fécamp     69
Mantes à Cherbourg 317
Tourville à Serquigny 56
Lisieux à Honfleur 36
Bayeux à Saint-Lô 35
Mézidon au Mans 139
Argentan à Granville 152
réseau breton et angevin.
Versailles à Brest par Chartres, Rennes 605
Rennes à Saint-Malo 74
Rennes à Redon 72
Le Mans à Anger 105
Séez à Conches 72
Fresnay à Sillé-le-Guillaume 106

Longueur en exploitation, 885 kil.

Banlieue de Paris 65
Paris au Havre 229
Embranchement de Dieppe     52
——— de Fécamp 17
Mantes à Caen 182
Versailles à Laval 284
Le Mans à Alençon 56


historique.


1° Saint-Germain et Argenteuil.


La ligne de Saint-Germain, la première construite aux environs de Paris, fut concédée, le 9 juillet 1835, à M. E. Péreire, pour 99 ans. La société anonyme, autorisée le 4 novembre suivant, se constitua d’abord au capital de 6 millions, qu’elle porta à 9 au mois de septembre 1845.

Le chemin atmosphérique, construit par l’État entre le Pecq et Saint-Germain, en exécution de la loi du 5 août 1844, lui fut concédé le 2 novembre de la même année.

L’embranchement d’Argenteuil, adjugé le 10 juin 1846 à M. Andraud fut ultérieurement annexé à la Compagnie de Saint-Germain.

Enfin, le 16 septembre 1852, elle obtint la ligne de Passy et Auteuil.


2° Les deux Versailles et l’ancienne Compagnie de l’Ouest.


Le chemin de fer de Versailles (rive droite) concédé le 24 mai 1837, était au capital de 11 millions, divisé en 22,000 actions. — Celui de la rive gauche, adjugé l’année suivante, au capital de 10 millions, divisé en 20,000 actions. Ces deux Compagnies furent incorporées à celle de l’Ouest (ancienne), et leurs lignes devinrent la tête du chemin de fer de Chartres.

La ligne de Paris à Rennes, omise dans la loi de 1842, fut décrétée le 26 juillet 1844, et exécutée de Versailles à La Loupe aux frais de l’État.

Le 4 juin 1845 intervint entre le ministre des travaux publics et les deux Compagnies de Paris à Versailles un traité qui n’eut pas de suite, et aux termes duquel la voie, construite suivant le principe de la loi de 1842, devait être concédée pour 55 ans.

La loi du 21 juin 1846 autorisa de nouveau la concession du chemin de l’Ouest à MM. E. Péreire, d’Eichtal et Tarbé des Sablons, à la charge par les concessionnaires de désintéresser les deux Compagnies de Versailles.

Ce projet fut abandonné comme le premier, et, le 9 août 1847, un crédit fut ouvert au ministre des travaux publics pour l’acquisition et la pose de la voie de fer entre Versailles et Chartres.

Le 21 avril 1849, un nouveau crédit fut ouvert pour l’exploitation au compte de l’État de la section terminée.

Enfin, le 13 mai 1851, l’exploitation de la ligne fut concédée à MM. Peto, Brassey, Henderson, etc., aux conditions suivantes : 1° L’État livre à la Compagnie le chemin de Versailles à Chartres, ainsi que les travaux en cours d’exécution de Chartres à Rennes ; 2° il lui accorde une subvention de 14 millions pour l’embranchement du Mans à Mézidon ; 3° il lui garantit pendant 50 ans 4 0/0 d’intérêt d’un capital de 55 millions ; 4° la durée de la concession est de 99 ans.

La Compagnie achèvera à ses frais les travaux commencés. Elle remboursera en 60 annuités les 5 millions prêtés par le gouvernement au chemin de la rive gauche.

Après l’ouverture entière de la ligne de Paris à Rennes, l’État aura droit à partager les bénéfices excédant 8 0/0 du capital dépensé par la Compagnie.

Le 30 juin 1851, les concessionnaires conclurent, avec la Compagnie de Versailles (rive droite), un rachat aux conditions suivantes : Les actionnaires recevront à titre d’indemnité 8,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0, remboursables au pair en 50 annuités, à partir du 1er juillet 1853, ou une valeur égale en obligations à 1,250, produisant 50 fr. d’intérêt. Ils auront le droit de souscrire, aux mêmes conditions que les fondateurs, 15,000 actions de la Compagnie nouvelle.

La fusion de la rive gauche n’eut pas lieu ; il y eut seulement un traité d’affermage.

La nouvelle Compagnie, autorisée par décret du 27 mars 1852, se constitua au capital de 50 millions ; mais au commencement de 1855, elle n’avait encore réalisé que 35 millions.


3° Ligne de Paris à Rouen, embranchements de Dieppe et Fécamp.


Une première concession de la ligne de Paris à Rouen, au Havre et à Dieppe avec embranchement sur Elbeuf et Louviers, fut faite à MM. Chouquet, Lebobe et Cie le 6 juillet 1838. Mais les concessionnaires demandèrent la résiliation du traité, qui fut annulé le 1er août 1839.

L’année suivante, MM. Charles Laffite, E. Blount et Cie obtinrent pour 99 ans la concession de Paris à Rouen, à la charge pour eux d’en exécuter tous les travaux. L’État leur accorda un prêt de 18 millions à 3 0/0, remboursable par trentièmes.

Les embranchements de Dieppe et Fécamp furent concédés, le 13 septembre 1845, en exécution de la loi du 19 juillet de la même année, à MM. Blount, Osmond, d’Alton-Shée, de Saint-Albin et Barbet, pour une durée de 94 ans.

La Société anonyme, autorisée par ordonnance du 14 octobre 1845, fixa son capital à 18 millions, divisé en 36,000 actions de 500 fr.

Par traité en date du 21 février 1851, la Compagnie de Paris à Rouen afferma pour 8 années l’exploitation de la ligne de Dieppe, moyennant une annuité de 288,000 fr., soit 8 fr. par action de la Compagnie de Dieppe. Si les bénéfices annuels de la Compagnie de Rouen dépassaient 45 fr. par action, la Compagnie de Dieppe devait avoir le dixième de l’excédant.

Le 2 avril 1855, ces deux embranchements furent incorporés à la ligne principale.


4° Chemin de fer de Rouen au Havre.


Ce chemin de fer, construit en exécution de la loi du 11 juin 1842, fut concédé à MM. Charles Laffite et Cie pour une durée de 97 ans, avec subvention de 8 millions par le Trésor, et 1 million par la ville du Havre, et prêt par l’État de 10 millions à 3 0/0, remboursables par quarantièmes d’année en année.


5° Chemin de fer de Paris à Caen et Cherbourg.


Cette ligne, depuis longtemps à l’état de projet, se détache du chemin de Rouen à Mantes. Elle fut concédée le 8 juillet 1852 à MM. Chasseloup-Laubat, Benoist d’Azy, Blount, etc., aux conditions suivantes : 1° subvention de 16 millions pour la section de Mantes à Caen ; 2° construction de la section de Caen à Cherbourg dans le système de la loi de 1842 ; 3° garantie par l’État, pendant 50 ans, de 4 0/0 d’intérêt sur un capital de 30 millions ; 4° garantie de 4 0/0 d’intérêt et de l’amortissement d’un emprunt à contracter de 18 millions ; 5° partage de l’État dans les bénéfices au delà de 8 0/0 ; 6° durée de la concession, 99 ans à courir du 8 juillet 1858.


6° Fusion.


Par suite des fusions et des affermages antérieurs, les Compagnies contractantes en 1855 étaient réduites au nombre de cinq : Paris à Saint-Germain, Paris à Rouen, Rouen au Havre, Ouest, et Paris à Cherbourg. Les conventions des 2 février et 6 avril 1855 arrêtèrent les conditions du traité et furent approuvées le 7 avril par décret impérial, à la charge par les Compagnies d’accepter les lignes suivantes : d’Argentan à Granville, — de Serquigny à Rouen, — de Lisieux à Honfleur, — d’un point de la ligne de Mézidon au Mans sur la ligne soit de Mantes à Cherbourg, soit de l’Ouest, — de Rennes à Rrest, — de Rennes à Saint-Malo, — de Rennes à Redon, — du Mans à Angers. Les nouveaux statuts, passés le 13 juin, furent approuvés le 16. Voici les conditions financières du traité :

Les Compagnies apportent toutes leurs concessions antérieures, leur actif et leur passif, sans aucune réserve. est accordé :

1° À la Compagnie de l’Ouest, dont les actions ont été prises comme type au taux de capitalisation de 700 fr. une action nouvelle contre une ancienne complétement libérée ;

2° À la Compagnie de Rouen, son coupon du deuxième semestre 1854, montant à 37 fr. 50 c. par action ; le partage de sa réserve, représentée par 6,000 actions nouvelles, ou une pour douze anciennes ; enfin trois actions nouvelles pour deux anciennes : en tout dix-neuf pour douze ;

3° À la Compagnie du Havre, six nouvelles contre sept anciennes ;

4° À celle de Caen à Cherbourg, six nouvelles contre sept anciennes, après libération du dernier versement de 175 fr. ;

5° À la Compagnie de Saint-Germain, pour chacune de ses 64,000 actions dédoublées, une demi-action nouvelle et une demi-obligation de 1,250 fr. produisant 50 fr. d’intérêt ;

6° À la Compagnie de Dieppe, pour une action reprise au taux de 306 fr. 25 c., une obligation 3 0/0 de la fusion, au taux de 280 fr., 15 fr. d’intérêt ; plus un appoint de 26 fr. 35 c. ;

7° A l’ancienne Compagnie affermée de Versailles (rive gauche), pour une action reprise à 323 fr. 75 c., une obligation de la fusion, au taux de 280 fr., 15 fr. d’intérêt, et un appoint de 43 fr. 75 c.

Le capital de la nouvelle Compagnie se trouve ainsi composé :

Rouen 114,000 actions
Le Havre 34,286
Ouest 51,428
Cherbourg et Caen 70,000
Saint-Germain 27,000
-------------
Total 296,714
Émission de 3,286
--------------
Total général    300,000
soit un capital actions de 150 millions.


7° Liquidation des emprunts des Compagnies incorporées.


La Compagnie nouvelle avait à servir, provenant des anciennes, dix-sept espèces différentes de titres d’emprunt. La charge annuelle résultant de ces emprunts était, au 16 juin 1855, de 9,150,940 fr.

Le 13 août 1855, la Compagnie fit connaître qu’à dater du 27 du même mois, il serait offert aux porteurs de ces titres de les échanger contre des obligations nouvelles, de 15 fr. d’intérêt, remboursables en 94 ans, à 500 fr., et garanties par l’État. Elles étaient offertes au taux de 280 fr. et devaient se compenser mathématiquement à parité de valeur avec les anciennes. Mais cet échange ne pouvait être obligatoire.

L’opération, close le 25 janvier 1856, donna les résultats suivants :

Le nombre des obligations nouvelles à délivrer était de       527,734
Au 25 janvier 1856, il en avait été délivré 398,358
-----------
Il restait à échanger 129,376

D’où résulte que le quart environ des anciens titres n’a pas accepté la conversion.

Voici le tableau des titres d’emprunts anciens et les conditions offertes à l’échange :

TITRES
des obligations
à échanger
CAPITAL
remboursable
intérêt
annuel
jouissance
de titre
PRIX
auquel les obligations
ont été admises
à l’échange
Saint-Germain 1839 1250 fr. en 4 ans 50 1er juillet 1855 1200
Saint-Germain, 1842-1849 1250 fr. en 38 ans 50 id. 1000
Versailles (rive dr.), 1843 1250 fr. en 38 ans 50 id. 1000
Ouest,1852-1853-1854 1250 fr. en 47, 48 et
49 ans
50 id. 970
Havre, 1845-1847 1250 fr. en 69 et 70 a. 50 1er mars 1855 900
Havre, 1848 1250 fr. en 81 ans 60 1er juillet 1080
Rouen, 1845 1250 fr. en 63 ans 40 id. 800
Rouen, 1847-1849 1250 fr. en 69 et 70 a. 50 1er juin 935
Rouen, 1854 1250 fr. en 84 ans 50 id. 925
Obligations à délivrer aux
actionnaires de Saint-Germain
et aux paorteurs des
parts de fondateurs
de Rouen et du Havre
1250 fr. en 84 ans 50 id. 925
Action de Dieppe, déduction
faite des 75 fr. restant dus
mais en y comprenant les
intérêts dus, de 20 fr. 75 c.
jusqu’au 1er juillet 1855
500 fr. en 99 ans 20 1er juillet 1855 305 25
Actions de Versailles (rive
gauche), y compris les
intérêts dus, 46 fr. 50 c.
jusqu’au 1er juillet
400 fr. en 80 ans 45 1er juillet 1855 323 75


8 ° Conditions avec l’État.


La concession de tout le réseau est portée à 99 ans, à courir du 1er janvier 1858. — L’État renonce à toute participation dans les bénéfices. — Il accorde à la Compagnie les subventions en travaux et en espèces qui seront mentionnées ci-après. — Il accorde, pendant 50 ans, les garanties d’intérêt suivantes :

3 1/2 0/0 du capital de 150 millions, soit une annuité de 5,250,000 fr. ;

4 0/0 des emprunts pour l’exécution des chemins concédés avant la fusion, soit, sur un capital de 203,370,000 fr., une annuité de 8,134,800 fr. ;

4 0/0 d’un emprunt à contracter pour l’exécution des lignes nouvelles, soit, sur un capital de 156 millions, une annuité de 6,240,000 fr.

Le capital garanti est donc de 509,370,000 fr., et l’annuité totale, indépendamment des subventions, s’élève à 19,624,000 fr.

De cette façon, la Compagnie ne court aucun risque, et tous les profits seront sa propriété.

La faculté de rachat par le gouvernement ne pourra être exercée que sur l’ensemble des lignes et embranchements concédés, et seulement après le 1er janvier 1874.


état financier de la compagnie.


Les dépenses d’établissement sont évaluées par les Documents statistiques à 683,035,000 fr.

Les Subventions, y compris 15,335,000 fr. de subventions locales, doivent s’élever à 173,035,000 fr., soit une proportion de 19 0/0.

Les Actions sont au nombre de 300,000, à 500 fr. complètement libérées (jouissance d’avril). — L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.

Les Obligations sont au nombre de 600,000, remboursables à 500 fr., de 1858 à 1951, émises au taux de 280 fr. ; 15 fr. d’intérêt (janvier et juillet).

Le revenu des actions, en 1855 a été de 50 fr.

La Compagnie est intéressée pour un cinquième dans le chemin de Ceinture.

Une garantie d’intérêt montant à 19 millions et demi par an, une subvention de 173 millions, avec concession de 99 ans, sont sans doute des conditions exorbitantes. Mais il est juste de dire que l’État s’est montré plus empressé de les faire que les financiers de les solliciter. Les Compagnies ne voulaient à aucun prix du réseau breton. En vain fait-on valoir que la ligne de Brest n’a pas à craindre, comme celles de Lyon, de Nantes, du Havre, du Nord, la concurrence des canaux et des rivières navigables. Elle traverse des pays sans industrie, sans agriculture, sans gisements métalliques ; le roulage et les voitures suffisent largement au mouvement des marchandises et des voyageurs de ces contrées ; un chemin de fer n’a point de chance d’y faire ses frais de longtemps.

Alors, pourquoi n’en pas ajourner la construction ? Ah ! c’est que l’État a d’autres vues : les lignes de fer sont avant tout pour lui des voies stratégiques. Le gouvernement reste essentiellement militaire quand la nation tourne de plus en plus au péquin. Il lui faut des services accélérés pour le transport des troupes et des munitions ; la manœuvre sur 50,000 lieues carrées comme sur un champ de bataille de quelques hectares. Le côté industriel des chemins de fer n’est à ses yeux que secondaire. Aussi faut-il imputer au budget toutes les mauvaises chances de l’entreprise.

C’est un des résultats du déplorable mélange des affaires et de la politique, dont nous avons déjà signalé les dangers à propos de la Banque de France. Mais l’esprit public est d’accord sur ce point avec le gouvernement. Il compte au nombre des richesses du pays des lignes comme celles de l’Ouest et de la Méditerranée. Il semble que les chemins de fer soient une affaire de mode ; on n’en saurait trop faire. Alors qu’on paye ses impôts sans murmurer.


CHEMIN DE FER DE CEINTURE.
(Administration : Paris, 104, rue Saint-Lazare.)


Le chemin de fer de Ceinture a pour but de relier entre elles les gares de l’Ouest ou de Rouen, du Nord, de Strasbourg, de Lyon et d’Orléans. Son parcours est de 17 kilomètres. Il a coûté 15,859,536 fr., dont moitié, 7,859,536 fr., fournie par l’État. L’exploitation en est concédée à un Syndicat représentant les cinq Compagnies de Paris à Orléans, de Lyon, de Strasbourg, du Nord et de l’Ouest. La concession est de 99 ans, du 1er janvier 1854 au 1er janvier 1953. (Loi du 10 décembre 1851.)

La même loi autorise les Compagnies du Nord et de Strasbourg à raccorder les gares de La Chapelle et de La Villette.

Avec le chemin de Ceinture, Paris est sur le même pied que Lyon, Rouen, et autres villes jadis d’entrepôt. Ce n’est plus qu’un lieu de passage, le carrefour de la France, boulevard des modes, foyer des arts et des sciences, séjour de plaisir et de consommation : ce sera de moins en moins un centre manufacturier et industriel.


RÉSEAU PYRÉNÉEN.


Ce réseau, voté dans la session de 1856, n’est pas encore concédé. Il comprend 652 kilomètres :

1° De Toulouse à Bayonne par Saint-Gaudens, Bagnères
de Bigorre, Tarbes, Pau, Orthez
     328 kil.
Embranchement de Foix par la vallée de l’Ariége 71
— de Ramous à Dax 28
2° D’Agen à Tarbes par Auch et Rabastens (continuation
de la ligne de Paris à Agen par Limoges et Périgueux)
138
3° De Mont-de-Marsan à Rabastens 87

La dépense est évaluée à 138,059,395 fr., soit 208,320 fr. par kilomètre.

Les produits bruts sont évalués à 12,352,697 fr., et le produit net à 6,176,340 fr.

Ce revenu, capitalisé à 5 1/2 0/0, représente un capital de 112,297,236 fr. La différence entre ce chiffre et les devis est de 26,762,059 fr., soit, en nombre rond, 26 millions de subvention à fournir par l’État. — La ville de Toulouse offre de plus 1 million.

L’État garantit pendant 50 ans un intérêt de 4 0/0 du capital de 112 millions, soit une annuité de 4,480,000 fr. ; il sera admis au partage des bénéfices au delà de 8 0/0.


CHEMINS DE FER INDUSTRIELS.


Nous n’avons point compris dans notre revue les chemins de fer spécialement affectés à l’exploitation des mines ; la plupart sont la propriété des Compagnies minières. En voici la liste :

D’Abscon et d’Anzin à Somain (il transporte aujourd’hui des voyageurs).

De l’usine de Bourdon au Grand-Central.

De Carmaux à Alby.

De la gare de Saint-Ouen au chemin de Ceinture (à construire).

De Commentry au canal du Berry, avec embranchements aux puits Saint-Louis et Saint-Charles.

Du Creuzot au canal du Centre.

De Decize au canal du Nivernais.

D’Épinac au canal de Bourgogne.

Des mines de Fins à l’Allier.

Des carrières du Long-Rocher au canal du Loing.

Des mines de Montieux au chemin de Lyon-Bourbonnais.

Des mines de Montrambert au chemin de Saint-Étienne.

Des mines d’Ougney au canal du Rhône au Rhin, traversant la ligne de Dijon à Besançon.

Des mines de la Roche-Morlière et de Firminy au Grand-Central.

Des mines de Sorbier au chemin de Sainl-Étienne.

De Villers-Cotterets au Port-aux-Perches, sur l’Ourcq.


CHEMINS DE FER SUR LA VOIE PUBLIQUE
desservis par des chevaux.


Par décret du 18 février 1854, il a été fait concession à M. Loubat, pour 30 ans à dater de l’achèvement des travaux, de la ligne de Vincennes à Sèvres, avec embranchement sur Boulogne.

La ligne de Rueil à Marly a été concédée aux mêmes conditions, le 15 juillet 1854, à M. le vicomte de Mazenod.

Par convention du 14 mars 1855, il a été fait concession à la Société bretonne des Tanguières d’un chemin de fer de Rennes à Moidray (baie du Mont-Saint-Michel), pour une durée de 60 ans à dater de l’achèvement des travaux.




CHAPITRE IV.


Navigation maritime et fluviale.


Dans un pays comme la France, couvert d’un réseau de voies ferrées, l’annulation des distances mettant en rapport immédiat les lieux de production avec les lieux de consommation, le service des places d’entrepôt à l’intérieur perd beaucoup de son importance, et les foyers commerciaux, plus occupés désormais des relations avec le dehors qu’avec le dedans, se reportent naturellement aux extrémités du système circulatoire, aux villes maritimes. Marseille et Cette, Bordeaux, La Rochelle, Saint-Nazaire, Lorient, Le Havre, Boulogne, Calais, Dunkerque, toutes ces têtes de ligne doivent donc recevoir un surcroît continuel de population et de vie, tandis que pour les cités du centre, comme Rouen, Lyon, etc., l’agglomération des affaires et des ouvriers tend à se disséminer le long des railways, dans les localités rurales. On se figurait à l’origine que les chemins de fer, traversant les grandes villes de l’intérieur, étaient faits surtout pour elles : c’est juste le contraire qui a lieu. Par le nouveau système de transport, l’ancienne nature des choses a été changée ; les chefs-lieux de province, loin qu’ils voient la masse de leurs affaires s’en accroître, ne figurent plus que comme points d’entrecroisement dans l’atelier national ; et si quelques localités peuvent se vanter que le chemin de fer a été inventé surtout à leur profit, ce sont incontestablement les ports de mer.

Le développement de la circulation intérieure appelle donc un développement proportionnel de la circulation maritime : la locomotive a pour complément obligé le navire à vapeur. Ce n’est pas la mer qui dira à la nouvelle force motrice : Tu n’iras pas plus loin ! Des services réguliers s’établiront donc entre les continents, rivalisant de vitesse et de précision avec les voies ferrées, appelant la spéculation à de nouvelles et non moins lucratives entreprises.

Comme en toute chose, l’initiative fut prise par la France ; comme en toute chose aussi, elle fut bientôt dépassée par ses rivales.


MESSAGERIES IMPÉRIALES (SERVICES MARITIMES).
(Siége social : Paris, 28, rue Notre-Dame-des-Victoires.)


Ce fut en 1835 que le gouvernement français entreprit d’établir un service de bateaux à vapeur, ayant son point de départ à Marseille, et desservant à époques fixes les divers ports du littoral de l’Italie, de la Grèce, Malte, Alexandrie, Smyrne et Constantinople.

L’exemple du gouvernement français donna bientôt naissance à la création de lignes semblables, par l’Angleterre, l’Autriche, les États-Unis, la Turquie elle-même. Les Compagnies anglaises, Cunard et Péninsulaire, par le nombre et la puissance de leurs steamers, et par l’étendue de leurs lignes, laissent loin derrière elles aujourd’hui tout ce qui a été tenté en France et dans les autres États.

Pendant quatorze ans le service de la Méditerranée fut exécuté par l’État, avec un déficit annuel de 3,500,000 fr. En 1847 et 1848, ce déficit s’élevait à 4,500,000 fr., non compris les frais généraux, l’intérêt du capital, l’assurance et la dépréciation. Triste monument de l’imbécillité de l’État en matière de commerce et d’industrie.

Le gouvernement pensa alors sans doute qu’il ne pouvait se débarrasser à trop haut prix d’une si détestable affaire : par la loi du 8 juillet 1851, le service des paquebots de la Méditerranée fut concédé à la Compagnie des Messageries nationales, aux conditions suivantes :

Durée de la concession, 20 ans ;

Reprise du matériel de l’État, consistant en 13 navires de la force de 160 à 220 chevaux, pour le prix de 3,318,000 fr.

Subvention de l’État, moyenne annuelle, 2,700,000 fr.

Parcours effectués chaque année, 105,216 lieues marines.

La Compagnie s’est formée au capital de 24 millions de francs, divisé en deux séries de 2,400 actions de 5,000 fr. chacune.

La première série a été seule émise, avec un versement de 2,500 fr. par action : ce qui portait à 6 millions le capital immédiatement disponible.

Or, après une exploitation de 16 mois, le capital de 6 millions n’avait pas été entièrement dépensé : il restait un solde de 607,076 fr. Le produit net de la Compagnie était de 3,086,345 fr. ; elle payait à ses actionnaires un dividende de 600 fr. par versement de 2,500 fr., soit 18 0/0 l’an, et elle annonçait en outre qu’au moyen de ses réserves elle aurait, en quatre années, doublé son matériel ; en autres termes, qu’elle aurait formé, à l’aide de ses bénéfices, et sans rien demander de plus aux actionnaires, la moitié de son capital social.

En 1854, la Compagnie des Messageries Nationales hérita de la succession de la Compagnie Impériale (Taffe fils et Cie, à Marseille), à des conditions qui, sans nouveau déboursé de sa part, paraissent devoir doubler son revenu. Cette dernière Compagnie, qui n’a péri que par l’incapacité et l’égoïsme de sa direction, avait fait avec l’État un traité par lequel elle s’obligeait à entretenir 10 navires à vapeur, de la force de 300 chevaux et à grande vitesse ; à effectuer 17 départs par mois de Marseille aux deux ports de l’Afrique de Tunis et Maroc ; et à transporter annuellement pour l’État 20,000 hommes et 5,000 tonneaux de matériel ; moyennant quoi l’État lui accordait une subvention de un million par an. La Compagnie n’ayant pu tenir cet onéreux engagement, le traité avec l’État a été résilié, et la Société dissoute. La Compagnie des Messageries Nationales est alors intervenue ; en même temps qu’elle se rendait acquéreur, au plus bas prix, du matériel de l’Impériale, elle obtenait du gouvernement un nouveau traité, avec réduction du nombre des départs mensuels à 10, et augmentation de 500,000 fr. sur l’indemnité allouée.

Depuis la déclaration de guerre, la Compagnie des Messageries Nationales, chargée des transports de troupes et de matériel pour l’Orient, a obtenu la francisation de trois steamers d’origine anglaise ; plus encore un million de subvention pour ce supplément de service : en sorte que l’heureuse Compagnie se trouve en ce moment pensionnaire de l’État pour une somme de plus de 5 millions.

Le rapport de 1856 constate les résultats suivants :

Les itinéraires réglementaires ont suivi la progression ci-après :

1853 :     105,216 lieues
1854 : 245,824
1855 : 286,280

Dix navires neufs, d’une force collective de 2,490  chevaux, sont entres en ligne en 1855 ; au 31 mai 1856 le matériel naval était de :

Navires en service 41 force.    8,970 chevaux.
—— en construction 5 —— 1,380
------- ---------
    total 46 —— 10,350

La Compagnie a fondé à Marseille, à Constantinople et dans ses principales agences des établissements spéciaux distribués d’une manière conforme à son organisation et à ses besoins.

Le principal intérêt de l’exploitation s’est porté, en 1855 comme en 1854, sur les transports militaires, 202,914 soldats et officiers de tout grade, 29,250 tonnes de matériel, tel est le mouvement militaire desservi par les navires de la Compagnie, tant à l’aller qu’au retour, depuis le commencement de la guerre jusqu’en mai 1855. — Le navire la Ville-de-Bordeaux s’est seul perdu en 1855. Il n’appartenait pas à la Compagnie, qui l’avait à fret.

Les recettes de 1855 ont dépassé celles de 1854 de 90 0/0, et de 29 0/0 seulement si l’on tient compte de la différence des parcours.

Le développement du trafic se résume comme suit :

Voyageurs. Marchandises.
1852     27,347     9,338 tonnes.
1853 35,529 12,973
1854 120,410 26,859
1855 207,835 42,880

Le compte de l’exploitation se répartit ainsi :

Recettes de toutes natures 25,749,092 12
Dépenses 20,275,264 54
-------------------
Bénéfices 5,473,827 58
dont 5 0/0 au fonds de réserve     273,691, 25
-----------------
Solde à reporter 5,200,136,33
Il a déjà été distribué 2,160,000 »»
-----------------
Reste 3,040,136 33
L’administration se propose de répartir un dividende de 2,880,000 »»
-----------------
Solde de l’exercice 1855 160,135 38

Cette nouvelle distribution, à 60 fr. par action, porte à 105 fr. le dividende moyen annuel payé en 1855 aux actions de la deuxième série.


état financier de la compagnie.


Le capital social est de 24 millions réalisés ; les actions sont de deux séries. — Le conseil est autorisé à émettre un emprunt au moyen de 16,000 obligations remboursables à l’échéance de 14 ans à partir de leur création, soit au 1er octobre 1870. Elles portent 15 fr. d’intérêt.

Durée de la Société, du 22 janvier 1852 au 31 décembre 1901. L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.


COMPAGNIE GÉNÉRALE DE NAVIGATION À VAPEUR.
(Bazin, Léon Gay et Cie, à Marseille.)


Cette Compagnie, constituée en commandite pour 25 ans à dater du 1er janvier 1854, est formée des deux Sociétés Léon Gay et Bazin. Capital, 5 millions, porté à 10 par décision de la dernière assemblée. Actions de 500 fr. ; celles de la première série ont été libérées dans le courant de 1856. — Le service maritime, circonscrit jusqu’à présent dans la Méditerranée, doit s’étendre dans les mers de l’Inde, de la Chine et de l’océan Pacifique.

Les dividendes ont été, en 1854, de 45 fr. 63, en 1855 de 122 fr. 53, non compris l’intérêt à 5 0/0 du capital versé. Jouissance, janvier et juillet. — L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.


COMPAGNIE GÉNÉRALE MARITIME.
(Paris, 15, place Vendôme.)


Société anonyme fondée sous le patronage du Crédit mobilier, le 2 mai 1855, pour une durée de 30 ans. — Le capital est fixé à 30 millions ; actions de 500 fr., dont 350 versés.

La Compagnie a acheté le matériel de la Société la Terre-neuvienne, comprenant 29 navires jaugeant ensemble 4,258 tonneaux, au prix de 1,265,000 fr., soit une valeur moyenne, par tonneau de jauge, de 245 fr. pour les navires à voiles, et de 629 fr., machines comprises, pour les navires en fer à hélice. Au mois d’octobre 1855, elle a obtenu la francisation d’un navire à voiles et de six bâtiments à vapeur achetés en Angleterre. Au 1er janvier 1856, elle avait à la mer 45 navires représentant un capital de 6,779,191 fr. Enfin, lors de l’assemblée générale du 29 avril 1856, son matériel se composait de :

Navires à vapeur à flot
—— en construction
8
2
} 10
Navires à voiles à flot
—— en construction
45
14
} 59
= 69 jaugeant 23,850 tonnes

La Société entreprend la navigation au long cours, le grand et le petit cabotage, l’armement et le commerce maritime.

Le dividende sur l’exercice 1855 a été de 4 fr. 50, indépendamment de l’intérêt à 5 0/0.

L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.


CLIPPERS FRANÇAIS.
(Paris, 20, rue Neuve-des-Capucines.)


Commandite sous la raison sociale Graham, de Linarès et Cie, fondée pour 30 ans à partir du 18 janvier 1855. — Capital, 20 millions ; actions de 100 fr. L’assemblée se compose des propriétaires de 25 actions.


COMPAGNIE CENTRALE.
(Siége social à Bordeaux.)


Commandite sous la raison sociale A. Lubbert et Cie, fondée le 12 avril 1838. Capital, 2,100,000 fr, ; actions de 250 fr.


COMPAGNIE D’ARMEMENTS MARITIMES.
(Paris, 20, rue Drouot.)


Commandite sous la raison sociale J.-C. Barbey et Cie, Capital, 10 millions. La Société possède 42 navires à voiles et 3 steamers à hélice. L’assemblée du 22 avril a voté le fractionnement des parts d’intérêt de 5,000 fr. en actions au porteur de 500 fr., et la transformation de la commandite en société anonyme. La moyenne du dividende, pendant les six exercices clos 1850-55, a été de 30 0/0.


CONSTRUCTIONS MARITIMES ET NAVIGATION.
(Cette et Marseille.)


Société en commandite fondée en 1856, sous la raison sociale Séguineau et Cie. Capital, 10 millions, dont moitié est réalisée ; actions de 100 fr. La Société a racheté au prix de 3 millions le matériel de l’ancienne Société Ch. Reynaud, qui avait coûté plus de 6 millions. Elle se propose, outre la construction des navires, l’armement pour son propre compte.


SOCIÉTÉ PHOCÉENNE.
(Marseille.)


Commandite fondée en 1856, sous la raison sociale Attaras, Canne et Cie. Capital, 10,000 actions de 250 fr., dont 135 versés.

Cette Société base sa réussite sur le principe que la navigation à vapeur, pour rendre au commerce les services qu’il en attend et se substituer définitivement à la navigation à voiles, doit employer des navires d’un tonnage relativement peu élevé, de manière à effectuer rapidement des chargements complets, que les gros bâtiments sont obligés d’attendre. L’avantage de ce système est une succession plus nombreuse de voyages et une diminution de dépenses quand les frets ne sont pas tout à fait complets.


COMPAGNIE DE NAVIGATION MIXTE.
(L. Arnaud Touache frères et Cie à Marseille.)


Fondée en 1850, pour l’application du système de machines à éther de M. Du Trembley, au capital de 225,000 fr., cette Compagnie obtint en quelques mois des succès tellement rapides, que ses actions, émises à 1,000 fr., s’élevèrent bientôt à 2.000 et 2,400. Un si prompt et si magnifique résultat ne pouvait qu’engager les fondateurs à étendre leurs opérations et à augmenter leur matériel : le capital de la Société fut immédiatement porté à 5 millions. Elle possède actuellement, tant à la mer qu’en construction, 7 navires à vapeur d’éther et à voiles, dont 2 pour le service de l’Algérie, et 5 pour le service de Rio-Janeiro, avec escale en Espagne, à Gorée, Fernambouc et Bahia.

Nous ne savons quel a été le dernier dividende alloué aux actionnaires ; mais il va sans dire que la progression des bénéfices n’a pas suivi celle du capital de la Compagnie. C’est un principe dont les entrepreneurs ne se souviennent pas assez, que le produit net, en toute espèce d’industrie, décroît comme le capital engagé augmente, en sorte que, toutes choses égales d’ailleurs, le bénéfice est toujours proportionnellement plus fort dans une petite entreprise que dans une grande.

Les autres Compagnies de navigation de Marseille sont les suivantes :

1° Compagnie Bazin-Périer, possédant 6 bateaux à aubes, affectés momentanément au service de l’Algérie ;

2° Compagnie Valéry, faisant le service de la Corse avec 5 bateaux à aubes ;

3° Compagnie André-Abeille, qui tient la ligne d’Italie, avec 3 bateaux à aubes ;

4° Compagnie Marc-Fraissinet, qui pratique le littoral espagnol avec 2 bateaux, dont un à hélice, et prépare un service avec les ports de la Manche, au moyen de 2 autres bateaux à hélice en construction ;

5° Compagnie Chargé aîné, qui fait le service sur l’Italie, au moyen de 3 bateaux à hélice ;

6° Compagnie H. Bouchet, qui vient d’organiser un service sur l’Italie, à l’aide de 5 bateaux à hélice de petite dimension :

7° Compagnie Cohen, avec un bateau à hélice.

Plusieurs Compagnies étrangères, anglaises, espagnoles, napolitaines, fréquentent en outre le port de Marseille, et présentent un effectif de 30 bateaux à vapeur.

Le nombre des navires mus par la vapeur, soit à aubes, soit à hélice, qui desservent ou fréquentent le port de Marseille, est en ce moment de près de 100.


COMPAGNIE FRANCO-AMÉRICAINE.
(Gauthier frères, à Lyon.)


Cette compagnie, formée d’abord au capital de 18 millions, porté aujourd’hui à 23, avec engagement des actionnaires de l’élever à 60 au cas où elle obtiendrait du gouvernement la concession des services transatlantiques, a commencé ses opérations entre Le Havre et New-York, Rio-Janeiro et la Nouvelle-Orléans, depuis février 1856. Elle possédait 8 navires à hélice et à voiles, dont 2 construits à Nantes, et 6 achetés en Angleterre. Un de ces navires, le Lyonnais, a péri, au commencement de novembre 1856, dans un abordage au milieu de l’Atlantique, Deux autres navires sont en construction à Nantes.

La pensée qui présida à la formation de cette Compagnie fut d’abord l’application sur une grande échelle du système de vaporisation à éther de M. Du Trembley, à l’instar de la Compagnie L. Arnaud et Touache frères, de Marseille ; puis l’espoir plus ou moins fondé d’obtenir tout ou partie des concessions en projet pour le service de l’État.

Jusqu’ici, malgré les rapports favorables des ingénieurs du gouvernement, le système Du Trembley n’a reçu de la Compagnie Franco-Américaine aucune application. Les directeurs semblent y avoir entièrement renoncé ; des doutes se sont même élevés sur la réalité de la découverte, et l’on n’hésite pas à attribuer le succès de la Compagnie L. Arnaud et Touache frères à toute autre cause que l’éther.

Quant à la concession ou aux concessions à faire par l’État, une commission formée par le gouvernement pour étudier la question et examiner les titres des Compagnies soumissionnaires, a ainsi classé les concurrents :

No 1. — Compagnie Rothschild : elle attend pour créer son matériel la décision du gouvernement. — Subvention demandée, 10 millions.

No 2. — Compagnie Gauthier frères. — Subvention demandée, 11,500,000 fr.

No 3. — Grande Compagnie Maritime. — Subvention demandée, 16 millions.

On croit que chaque Compagnie aura une part.

En attendant que l’Empereur ou le Corps législatif, car il s’agit ici d’une loi de finance, prononce sur l’adjudication, la Compagnie Franco-Américaine soutient seule le poids de la concurrence anglaise, qui vient jusque dans le port du Havre enlever les consignations du pays, et avec laquelle elle a été forcée de s’entendre.

Ces faits prouvent de plus en plus ce que nous avons relevé ailleurs en traitant des chemins de fer, savoir : que la prospérité de toutes ces formidables Compagnies dépend moins de l’importance de leur trafic et de l’habileté de leur administration que du monopole dont elles jouissent et des secours de l’État. Pour payer la régularité et la vitesse, il faut, ou des tarifs élevés, ou de larges subventions, quelquefois les deux ensemble : ce qui veut dire que la nation seule est capable de se rendre certains services, et que les demander, moyennant subvention, à des Compagnies, c’est livrer la fortune publique, organiser le favoritisme, la corruption et la cherté.

Les mêmes faits montrent quelle anarchie d’idées règne dans les hautes régions de l’industrie et du pouvoir.

Si le libre-échange, aujourd’hui en faveur auprès du gouvernement, est une vérité, pourquoi ce régime de subventions et de priviléges, qui lui donne un si éclatant démenti ? Pourquoi ne pas traiter tout de suite avec l’Anglais, avec l’Américain, qui nous offrent leurs services à prix réduit ? Que signifie cette gloriole d’un service national ?…

Si au contraire c’est la protection qui est vraie et légitime, pourquoi souffrir que dans nos propres ports la marine de l’étranger fasse à la nôtre une concurrence désastreuse ? Avons-nous des engagements secrets qui nous lient ? et faudra-t-il que, pour plaire à nos alliés et contenter notre gloire, nous supportions tout à la fois une lutte qui nous ruine et un monopole subventionné qui nous épuise ?…

Les actions de la Franco-Américaine, descendues un moment à 385 fr. sont remontées, depuis le discours de l’Empereur au Corps législatif, à 500 et même 515 fr. ; elles oscillent autour du pair. — Celles de la Compagnie Maritime, à 430 encore le 27 décembre 1856, ont monté d’un saut, le 3 janvier, à 520 et se tiennent au niveau des précédentes. On sent l’approche de la Concession, et les prétendants se tiennent prêts pour la hausse.


COMPAGNIE DES GONDOLES.


Société anonyme fondée à Lyon le 19 juillet 1829, pour 50 ans. Navigation du Rhône, de la Saône et de leurs affluents, canaux ou rivières. Capital social représenté par 2,000 actions nominatives.


COMPAGNIE DES TRANSPORTS SUR LE RHÔNE ET LA SAÔNE.


Société anonyme fondée à Lyon, pour 30 ans, le 8 août 1848. Capital, 3 millions 5 actions de 1,000 fr., nominatives.


L’AIGLE.


Compagnie anonyme fondée à Lyon, pour la navigation du Rhône et de la Saône. Durée, 30 ans à dater du 12 octobre 1853. Capital représenté par 1,800 actions nominatives.




CHAPITRE V.


Assurances.


Une Société d’assurance n’a pas besoin de capital : il n’y a là ni travaux à faire, ni marchandises à acheter, ni main-d’œuvre à payer. Des propriétaires, en nombre aussi grand qu’on voudra, — le plus sera le mieux, — prennent l’engagement les uns envers les autres, chacun au prorata des valeurs qu’il veut faire assurer, de se couvrir réciproquement des pertes qu’ils auront faites par force majeure ou cas fortuit : c’est ce qu’on nomme assurance mutuelle. Dans ce système, la prime à payer par chaque associé ne se calcule qu’à l’expiration de l’année, ou à des périodes plus longues encore, selon la rareté et la médiocrité des sinistres. Elle est donc variable, et ne produit de bénéfices pour personne.

Ou bien, des capitalistes se réunissent et offrent aux particuliers de leur rembourser, moyennant une prime annuelle de x p. 1,000, le montant des dégâts éventuels causés par l’incendie, la grêle, les naufrages, l’épizootie, en un mot par le sinistre objet de l’assurance. C’est ce qu’on appelle assurance à prime fixe, la seule dont nous ayons à nous occuper.

Or, toute Compagnie doit pourvoir au remboursement des sinistres, ainsi qu’aux frais d’administration au moyen des annuités payées par les assurés, sous peine d’entrer en déficit. L’excédant des annuités sur les dépenses forme, avec l’intérêt des capitaux qui servent de garantie aux engagements de la Société, le bénéfice des actionnaires. Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir les dividendes monter à 50, 100 et 150 0/0.

Comme le capital est inutile aux assurances, les actionnaires ne versent d’habitude qu’une faible part en numéraire, juste ce qu’il faut pour couvrir les frais de premier établissement, un 10e ou un 20e de leur souscription. Ils prennent l’engagement de payer le surplus, s’il y a lieu, et souscrivent à cet effet, au nom de la Société, une obligation non négociable, espèce de billet à ordre, sans échéance déterminée, payable à présentation en cas qu’un appel de fonds soit jugé nécessaire. Certaines Compagnies exigent, comme garantie de cette obligation, le dépôt d’effets publics dont les arrérages continuent d’appartenir aux déposants. Le capital en versements et en effets ne va souvent pas à plus du cinquième de la valeur nominale de l’action. Aussi le conseil d’administration a-t-il le droit de constater la solvabilité des actionnaires nouveaux et d’en exiger au besoin un gage égal au montant de l’obligation. C’est pourquoi encore les actions sont nominatives pour la plupart.

Les Compagnies qui reçoivent des espèces les convertissent en titres portant intérêt ou même en immeubles.

La spéculation parasite n’a rien à voir avec ces valeurs, dont la rareté ou la fréquence des sinistres augmente ou atténue le revenu dans des proportions considérables, mais qui échappent à toutes les supputations. Toutefois, les Compagnies comptent généralement, dans leurs prévisions, que la somme de sinistres qu’elles auront à rembourser monte à 30 ou 40 0/0 de leurs recettes.

Plusieurs Compagnies, telles que la Nationale, le Phénix, la Générale, l’Union, l’Urbaine, la France, la Providence, forment entre elles, pour le maintien des primes, un comité d’entente que l’on peut fort bien regarder comme une coalition, de l’espèce défendue par la loi. Aussi, tandis que la Compagnie mutuelle pour l’assurance des bâtiments se contente de 15 c. p. 1,000, les Compagnies à prime fixe ne prennent pas moins de 40 c. Mais, telle est l’imbécillité du public et l’ineptie des administrateurs mutuellistes, que les particuliers vont de préférence au plus cher, jugeant apparemment qu’il en est de l’assurance comme des autres marchandises, et que plus ils payent, mieux ils sont assurés.

Lorsque l’esprit d’initiative qui sommeille en France aura pris son essor, l’assurance deviendra un contrat entre les citoyens, une association dont les bénéfices profiteront à tous les assurés, et non à quelques capitalistes, bénéfices qui se traduiront alors en une réduction de la prime à payer. Cette idée s’est déjà produite, dans le public et dans les assemblées délibérantes, sous forme de projet d’assurances par l’État. C’est la voie naturelle à toute innovation, puisque nous ne savons rien entreprendre sans le gouvernement. Si nous en croyons nos renseignements, le projet serait déjà étudié, le travail fait, les décrets tout prêts. On dit même que les auteurs de ce projet se promettent de tirer des contribuables, par cette voie philanthropique, quelque chose comme 80 ou 100 millions ; et que plus d’un serviteur fidèle, que la pénurie du trésor n’a pas permis de récompenser de ses longs services, fonde sur cette impériale institution l’espoir de sa fortune et l’avenir de ses enfants. Qu’attend-on alors ? Il n’y a point là d’expropriations à faire, point d’indemnités à accorder : l’État, en autorisant les Compagnies à pâturer sur son domaine, n’a rien aliéné, rien promis ; il ne doit rien. Nous sommes curieux de voir si le ministère ou le conseil d’État trouvera le secret, à propos de la centralisation des assurances, de jeter les millions aux Compagnies pour les dédommager de la perte d’un droit qu’il ne céda jamais ; — si, comme le répand déjà la calomnie, l’assurance ne sera entre les mains de l’État qu’une nouvelle machine à impôt et sinécures ; — ou si, enfin, le gouvernement, fidèle au principe de mutualité sur lequel il repose, profitera de l’occasion pour introduire dans l’économie du pays cette grande loi, qu’en tout service public, le prix de vente doit être égal au prix de revient.


ASSURANCES CONTRE L’INCENDIE.


LA NATIONALE.
(Paris, 3, rue de Ménara.)


Société anonyme fondée pour 80 ans, à dater du 11 février 1820.

Le capital est de 10 millions, divisé en 2,000 actions nominatives de 5,000 fr. Les actionnaires s’engagent à verser, s’il y a lieu, le montant de leurs actions, et transfèrent, en garantie de cet engagement, 50 fr. de rentes françaises au nom de la Société. Le produit en appartient directement au déposant. Pour devenir actionnaire, il faut être admis par le conseil d’administration à la majorité des trois quarts des votants, ou déposer en rentes une valeur égale au montant des actions dont on est acquéreur.

Dividende de 1855, 675 fr. C’est le plus élevé qu’elles aient touché.

L’assemblée se compose des 100 plus forts actionnaires.


ASSURANCES GÉNÉRALES.
(Paris, 88, rue Richelieu.)


Société anonyme ; durée, 50 ans à dater du 18 mars 1819.

Capital, 2 millions, divisé en 300 actions de 5,000 fr. et en 1,000 actions de 500 fr. Les actions de 5,000 fr. sont nominatives ; elles ne peuvent être transférées qu’avec l’agrément du conseil d’administration. Un cinquième est payé en argent ou en dépôt d’effets publics. Pour les quatre autres cinquièmes, il est souscrit au nom de la Société des obligations non négociables, payables à présentation.

Les actions de 500 f. sont au porteur ; le montant en est versé argent comptant.

Un huitième des bénéfices est affecte au fonds de réserve ; sur les 7/8 restants, 2 0/0 sont employés en actes de bienfaisance.

L’assemblée se compose des propriétaires de 2 actions nominatives ou de 20 au porteur.

Le revenu des actions de 5,000 fr. a dépassé 1,000 fr. sur huit exercices. Les plus élevés sont ceux de 1853 : 2,062 fr. 50 c., et 1855 : 2,775 fr.


LE PHÉNIX.
(Paris, 40, rue de Provence.)


Société anonyme fondée pour 80 ans à dater du 1er septembre 1819.

Le maximum des assurances est de 600,000 fr. sur un seul risque.

Capital, 4 millions, divisé en 4,000 actions de 1,000 fr., dont le montant a été intégralement versé. Les actions sont au porteur. — L’assemblée se compose des porteurs de 15 actions. — Dix exercices ont donné 100 fr. et au-dessus de dividende, et quatre plus de 200 fr.


LE SOLEIL.
(Paris, 13, rue du Helder.)


Société anonyme fondée pour 90 ans à dater du 16 décembre 1829.

Capital, 6 millions, représenté par 1,000 actions nominatives de 6,000 fr., divisibles en coupons au porteur de 1,000 fr.

Le propriétaire d’une action de 6,000 fr. ne verse pas d’argent. Il transfère seulement à la Société une inscription de 45 fr. de rente en fonds publics français, ou l’équivalent en actions de la Banque. Les souscripteurs de coupons en versent le montant en espèces et touchent 5 0/0 par an d’intérêt. Les actions et les coupons ont le même droit à la répartition des dividendes.

L’assemblée se compose des propriétaires de 8 actions et des 30 plus forts assurés participants demeurant à Paris. Les trois derniers exercices ont produit 300 fr. de revenu chacun.


L’UNION.
(Paris, 15, rue de la Banque.)


Société anonyme, durée, 50 ans à dater du 5 octobre 1828.

Capital, 10 millions, représenté par 2,000 actions nominatives de 5,000 fr. Les actionnaires ne versent que 100 fr. en numéraire ; ils s’engagent à payer le surplus, s’il y a lieu, et affectent à la garantie de cet engagement un transfert de 45 fr. de rente 3 0/0 ou l’équivalent en fonds publics. Les actions ne peuvent être transférées sans l’avis du conseil d’administration, qui peut exiger de l’acquéreur le dépôt d’effets publics d’une valeur égale au montant des actions acquises.

Un huitième des bénéfices est affecté au fonds de réserve ; le reste est distribué aux actionnaires. — L’assemblée se compose des propriétaires de 5 actions. — Les dividendes depuis 1851 ont dépassé 200 fr. Celui de 1855 s’est élevé à 325.


LA FRANCE.
(Paris, 6, rue de Ménars.)


Société anonyme fondée pour 50 ans à partir du 27 février 1837.

Maximum des assurances sur un seul risque, 800,000 fr.

Capital, 10 millions, représenté par 2,000 actions nominatives de 5,000 fr.

Versement en numéraire, 100 fr. L’obligation de verser le tout, s’il y a lieu, est garantie par le dépôt d’effets publics d’une valeur en capital de 900 fr. — L’assemblée se compose des propriétaires de 5 actions. — Cinq exercices ont produit plus de 100 fr. Celui de 1855 est de 200.


L’URBAINE.
(Paris, 8, rue Lepelletier.)


Société anonyme fondée pour 50 ans à dater du 4 mars 1838.

Maximum des assurances sur un seul risque, 600,000 fr.

Capital, 5 millions, divisé en 1,000 actions nominatives de 5,000 fr.

Les actionnaires doivent verser 200 fr. en numéraire, et affecter à la garantie du surplus 40 fr. de rente sur l’État. — L’assemblée se compose des propriétaires de 3 actions. — Dividende de 1855,300 fr.


LA PROVIDENCE.
(Paris, 14, rue de Ménars.)


Société anonyme fondée pour 30 ans à dater du 18 septembre 1838.

Maximum des assurances sur un seul risque, 600,000 fr.

Capital, 5 millions, divisé en 2,000 actions nominatives de 2,500 fr. dont 250 fr. versés en numéraire, le reste en dépôt de rentes. L’assemblée se compose des 100 plus forts actionnaires. — Le plus fort dividende a été de 90 fr.


LA PATERNELLE.
(Paris, 4, rue de Ménars.)


Société anonyme fondée le 2 octobre 1843 ; durée 50 ans. — Capital, 3 millions ; actions nominatives de 1,000 fr., dont 400 fr. versés en espèces. — L’assemblée se compose des propriétaires de 10 actions. — Le plus fort dividende a été de 16 fr.


LA CONFIANCE.
(Paris, 102, rue Richelieu.)


Société anonyme fondée le 16 septembre 1844, pour 50 ans. — Capital, 4 millions ; 800 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces. — L’assemblée se compose des propriétaires de 5 actions.


LE NORD.
(Lille, 29, rue de Saint-Pierre. —Paris, 10, rue de Ménars.)


Société anonyme autorisée le 24 février 1840, pour 50 ans. — Capital, 2 millions ; 2,000 actions nominatives de 1,000 fr. ; 200 fr. en espèces. — L’assemblée se compose des propriétaires de 5 actions. — Les cinq derniers exercices ont produit 20 fr.


LA SALAMANDRE.
(Paris, 8, place de la Bourse.)


Cette Société n’assure pas hors du département de la Seine. Elle est en commandite sous la raison : Leroux de Lens et Cie.

Capital, 3 millions, représenté par 500 actions nominatives de 5,000 fr., et par 100 actions au porteur de 5,000 fr. divisibles en coupons de 500 fr. — 10 0/0 des bénéfices sont affectés à l’amortissement des actions au porteur.


ASSURANCES SUR LA VIE.


LA NATIONALE.
(Paris, 3, rue de Ménars.)


Société anonyme fondée le 11 février 1820, pour 99 ans.

Capital, 15 millions, représenté par 3,000 actions nominatives de 5,000 fr. Les actionnaires doivent déposer, à titre de garantie, 50 fr. de rente ou l’équivalent. Les acquéreurs d’actions doivent être agréés par le conseil d’administration, ou déposer en fonds publics une valeur égale au montant des actions acquises.

L’assemblée se compose des 100 plus forts actionnaires. — Les exercices 1852-54 ont produit ensemble 2,02o fr.


ASSURANCES GÉNÉRALES.
(Paris, 87, rue Richelieu.)


Société anonyme fondée le 22 décembre 1819 pour 50 ans.

Capital, 3 millions, divisé en 300 actions nominatives de 7,500 fr. et en 1,000 actions au porteur de 750 fr. Les souscriptions ont été intégralement versées. La Compagnie place ses fonds sur l’État. Elle assure soit pendant la vie soit après décès.

L’assemblée se compose des propriétaires de 2 actions ou de 20 coupons.— Le plus haut dividende a été de 862 fr. 50. et le plus faible de 14 fr. 25.


L’UNION.
(Paris, 16, rue de la Banque.)


Société anonyme fondée pour 99 ans à dater du 21 juin 1829.

Capital, 10 millions, divisé en 2,000 actions nominatives de 5,000 fr. Garantie de l’obligation, 50 fr. de rente 3 0/0, ou l’équivalent. Les nouveaux actionnaires doivent être agréés par le conseil. La Compagnie assure pendant la vie et après décès.

Sur les produits nets il est fait un prélèvement de 15 0/0 au moins et de 25 0/0 au plus en faveur des assurés. Cette quote-part peut être appliquée à une réduction de prime. C’est un commencement d’application du vrai principe des assurances : l’assurance par les assurés. — Un second prélèvement de 15 au moins, 25 au plus, est mis en réserve. Le surplus est réparti aux actionnaires.

Il faut avoir 5 actions pour assister à l’assemblée. — De 1838 à 1850, le dividende a varié de 110 fr. au plus bas à 160 au plus haut.


LE PHÉNIX.
(Paris, 40, rue de Provence.)


Société anonyme autorisée le 9 juin 1844. — Durée, 99 ans. — Capital, 4 millions ; 800 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en numéraire. — L’assemblée se compose des propriétaires de 3 actions. — Le dividende a été de 100 fr. au plus bas et de 150 au plus haut.


CAISSE PATERNELLE.
(Paris, 4, rue de Ménars.)


Société anonyme autorisée le 19 mars 1850. — Durée, 50 ans. — Capital, 4 millions ; 8,000 actions de 500 fr., dont 100 fr. en espèces.


L’IMPÉRIALE.
(Paris, 58, rue de Provence.)


Société anonyme autorisée le 29 mars 1854. — Durée, 99 ans. — Capital, 5 millions 510,000 actions de 500 fr., dont 250 en espèces.


ASSURANCES MARITIMES.


ASSURANCES GÉNÉRALES MARITIMES.
(Paris, 87, rue Richelieu.)


Société anonyme autorisée le 22 avril 1818. — Durée, 50 ans. — Maximum d’assurance sur un seul risque 6 0/0 du capital social.

Capital, 2 millions, divisé en 300 actions nominatives de 12,500 fr., et en 1,000 actions au porteur de 1,250 fr.

Les actions nominatives sont garanties :

1° Par le versement en espèces de 2,500 fr. ;

2° Par 2,500 fr. de retenues opérées sur les bénéfices nets ;

3° Par une obligation de 7,500 fr., souscrite par l’actionnaire au nom de la Compagnie et payable dans les dix jours de la notification d’un appel de fonds.

Les actions au porteur sont payées comptant.

La Société place ses capitaux en propriétés sises à Paris.

Sur les bénéfices, 2 0/0 sont employés en actes de bienfaisance, 1/8 est mis en réserve, et le surplus réparti aux actionnaires. — L’assemblée se compose des propriétaires de 2 actions ou de 20 coupons. — Le plus fort dividende a été de 1,900 fr.


LLOYD FRANÇAIS.
(Paris, 8, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée pour 30 ans à dater du 16 mars 1837. — Maximum des assurances sur un seul risque, 3 0/0 du capital social.

Capital, 6 millions, divisé en 1,200 actions nominatives de 5,000 fr. Chaque actionnaire s’engage à verser le montant de ses actions, s’il y a lieu, et est tenu de déposer en garantie des effets publics représentant 1,000 fr. en capital et produisant 50 fr. d’intérêt. — L’assemblée se compose des propriétaires de 5 actions. — Le plus fort dividende est celui de 1855 : 290 fr.


LA MÉLUSINE.
(Paris, 6, place de la Bourse.)


Société anonyme fondée le 15 mars 1838. — Durée, 30 ans. — Maximum des assurances sur un seul risque, 3 0/0 du ca- pital social. — Capital, 2 millions ; 400 actions nominatives de 5,000 fr., dont 100 fr. en espèces et 36 fr. de rente en 3 0/0. — 2 actions pour assister à l’assemblée. — Dividende de 1855, 252 fr.50 ; c’est le plus élevé.


L’INDEMNITÉ.
(Paris, 24, boulevard Poissonnière.)


Société anonyme autorisée le 27 mai 1836, réorganisée pour 30 ans le 7 mai 1856. — Maximum sur un seul risque, 5 0/0 du capital social. — Capital, 2 millions ; 400 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. en espèces.


CHAMBRE D’ASSURANCES MARITIMES
(Paris, 40, rue Notre-Dame-des-Victoires.)


Société anonyme autorisée le 16 septembre 1837. — Durée, 30 ans. — Maximum sur un seul risque, 3 0/0. — Capital, 3 millions ; 600 actions nominatives de 5,000 fr., garanties pour un cinquième par le dépôt de 45 fr. de rente ou l’équivalent.


LA SÉCURITÉ.
(Paris, 6, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée le 10 avril 1836, pour 21 ans. — Maximum des assurances sur un seul risque, 4 0/0 du capital social. — 300 actions nominatives de 5,000 fr., représentant 1,500,000 fr., garanties pour un cinquième par le dépôt de 40 fr. de rentes 3 0/0 ou l’équivalent.


LA SAUVEGARDE.
(Paris, 8, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée le 4 mai 1846. — Durée, 30 ans. — Maximum d’assurances sur un seul risque, 4 0/0 du capital social. — 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. en espèces. — Dividende de 1855, 405 fr. ; c’est le plus élevé.


L’OCÉAN.
(Paris, 6, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée le 29 mars 1837, pour 40 ans. — Maximum d’assurances sur un seul risque, 5 0/0 du fonds social.— Capital, 1 million ; 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces. — Moyenne du revenu annuel, 208 fr. 15 c.


L’UNION DES PORTS.
(Paris, 4, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée pour 36 ans à partir du 27 mai 1836. — Maximum sur un seul risque, 3 0/0 du fonds social.

Capital, 5 millions, représenté par 940 actions nominatives de 5,000 fr., et 60 actions au porteur de 5,000 fr. également, divisibles en coupons de 500 fr. Sur les premières il a été versé 750 fr. le surplus consiste en engagements souscrits par les actionnaires. Les actions au porteur ont été intégralement versées. — L’assemblée se compose des porteurs de 2 actions. — Dividende de 1855, 225 fr. ; c’est le plus élevé.


LA VIGIE.
(Paris, 6, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée le 21 mai 1845. — Durée, 30 ans. — Maximum sur un seul risque, 4 0/0 du fonds social. — Capital, 1 million ; 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces.


LE PILOTE.
(Paris, 6, place de la Bourse.)


Société anonyme autorisée le 23 juin 1852. — Durée, 30 ans. — Maximum sur un seul risque, 4 0/0 du fonds social. — 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces. — Dividende de 1655, 374 fr.


COMPAGNIE DE PRÊTS À LA GROSSE.
(Paris, 87, rue de Richelieu).


Autorisée le 16 juillet 1853, pour 30 ans. 200 actions de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en numéraire. — Revenu de 1855, 150 fr.


PHARE MARITIME.
(Paris, 35, rue Vivienne.)


Société anonyme autorisée le 5 décembre 1853. — Durée, 20 ans. — Maximum sur un seul risque, 4 0/0 du fonds social. — Capital, 1 million ; 200 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 versés en espèces.


LA MARITIME.
(Paris, 4, place de la Bourse.)


Compagnie anonyme autorisée pour 30 ans à partir du 25 mars 1854. — 1,000 actions nominatives de 1,000 fr., tout en numéraire.


COMPAGNIE CENTRALE.
(Paris, 7, place de la Bourse.)


Société anonyme fondée pour 30 ans à dater du 23 novembre 1854. — Maximum sur un risque, 3 0/0. Capital, 5 millions ; 1,000 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. versés en espèces.


LA RÉUNION.
(Paris, 10, place de la Bourse.)


Société anonyme fondée pour 50 ans, à dater du 6 juin 1855. — Maximum, 3 0/0. — Capital, 6 millions ; 1,200 actions de 5,000 fr. dont 1,000 fr. en espèces.


LA GIRONDE.
(Bordeaux, 2, rue Esprit-des-Lois.)


Société anonyme fondée le 26 janvier 1844. — Durée, 20 ans. — Maximum sur un seul risque, 5 0/0 du fonds social. — Capital, 2 millions ; 400 actions nominatives de 5,000 fr. 5 versement en espèces, 1,000 fr.


LA GARONNE.
(Bordeaux, 1, rue du Réservoir.)


Société anonyme autorisée le 21 novembre 1846. — Durée, 20 ans. — Maximum, 5 0/0. — Capital, 2,500,000 fr. ; 500 actions nominatives de 5,000 fr., dont 1,000 fr. en espèces. — Le dividende le plus élevé a été de 575 fr.


COMPAGNIE D’ASSURANCES DU HAVRE.
(Havre, 34, rue d’Orléans.)


Société anonyme fondée pour 12 ans à dater du 26 novembre 1850. — Maximum, 6 0/0. — Capital, 2 millions ; 2,000 actions nominatives de 1,000 fr. ; 250 fr. en numéraire.


LLOYD MARSEILLAIS.
(Marseille, 75, rue de Paradis.)


Société anonyme autorisée le 11 juillet 1845, pour 20 ans. — Maximum, 5 0/0. — Capital, 1 million ; 200 actions nominatives de 5,000 fr. ; versement de 1,000 fr. en espèces.


ASSURANCES CONTRE LA GRÊLE.


ASSURANCES GÉNÉRALES.
(Paris, 87, rue de Richelieu.)


Société anonyme autorisée le 25 octobre 1854. — Durée, 50 ans. — Capital, 10 millions, divisé en 2,000 actions nominatives de 5,000 fr. garanties : 1° par un versement de 1,000 fr. en espèces ; 2° par une obligation de l’actionnaire de verser les quatre autres cinquièmes d’année en année, à dater de la demande du premier cinquième. — L’assemblée se compose des propriétaires de 5 actions. — Revenu en 1855, 50 fr.




CHAPITRE VI.


Industrie minière. — Métallurgie.

HOUILLÈRES ET CHARBONNAGES.


L’extraction de la bouille n’a pris de l’importance en France que depuis l’invention de la vapeur, et surtout depuis l’établissement des chemins de fer. La substitution du charbon minéral au charbon de bois dans le traitement des minerais de fer, le gaz d’éclairage, le combustible des machines, le chauffage des logements donnent à cette industrie une importance de plus en plus grande, et font craindre que les mines ne viennent prochainement à faire défaut à la consommation. On dit cependant que de nouvelle recherches ont fait reconnaître de nombreux et forts gisements à des profondeurs inespérées et sur des points inattendus : nous faisons des vœux pour que cette bonne fortune se réalise.

Le nombre des mines de charbon concédées en France est de 448, réparties fort inégalement entre 45 départements. Elles occupent une superficie de 4,776 kilomètres carrés 56 hectares. Les bassins de la Loire et du Nord sont les plus riches. Il fournissent à eux seuls la moitié de la production annuelle française. Mais ils ne peuvent rivaliser avec les gisements houillers de la Belgique, et surtout de la Grande-Bretagne.

La moyenne de l’exploitation indigène, dans les six années 1847-52, a été de 45 millions de quintaux métriques, et l’importation, durant la même période, de 27 millions de quintaux, dont les deux tiers de provenance belge.

En supposant que les 4,776 kilomètres carrés 56 hectares rendent un demi-mètre cube de houille par mètre de superficie, ce qui est fort exagéré, la consommation restant ce qu’elle est, la France aurait encore pour 331 ans de combustible.

Que pense de cela le monde actionnaire ?…

Le nombre des ouvriers employés en 1852 à l’exploitation des mines françaises était de 35,381, dont 27,001 à l’intérieur des puits, et 8,380 à l’extérieur. La houille sur place revient en moyenne à 1 fr. le quintal.

Le combustible minéral se divise en six classes principales : anthracite, houille dure à courte flamme, houille grasse maréchale, houille grasse à longue flamme, houille maigre à longue flamme, lignite et stipite.


COMPAGNIES FORMÉES DE L’ANCIENNE SOCIÉTÉ DES
MINES DE LA LOIRE.


La Compagnie des Mines de la Loire, constituée en Société civile par acte du 17 février 1847, au capital de 80,000 actions, réunit alors quatre groupes, qui se sont fractionnés de nouveau, par ordre du gouvernement, en 1854, savoir :

Société des Mines de la Loire (rue de la Victoire, 44) ;

Société des Houillères de Montrambert et de la Béraudière (Lyon) ;

Société des Houillères de Rive-de-Gier (Lyon) ;

Société des Houillères de Saint-Étienne (Lyon).

Ces quatre groupes se sont constitués en autant de Sociétés anonymes, le 17 octobre 1854, pour une durée de 99 ans. Les actions sont au nombre de 80,000, nominatives pendant les trois premières années, et, passé ce délai, nominatives on au porteur, au choix du propriétaire. Chaque action ancienne a reçu une action de chacune des quatre Sociétés nouvelles. — Les assemblées se composent des propriétaires de 25 actions.

La Société civile avait contracté des emprunts ou reconnu ceux des Compagnies incorporées. Le service de cette dette est réparti entre les quatre Sociétés fractionnées, et effectué par un agent spécial chargé en outre des intérêts communs. Elle se compose de la manière suivante, d’après le compte rendu de 1856 :

4,370 obligations des anciens emprunts 5,462,500 »»
11,784 — — de l’emprunt de 1852 14,730,000 »»
----------- -----------
16,154 — — 20,192,500 »»
Créance du chemin de fer Grand-Central 1,000,000 »»
Solde à ce jour de la dette spéciale des entrepôts 479,166 70
--------------
Ensemble 21,671,666 70

Les dividendes de l’exercice 1855 se sont élevés à 60 fr. par action pour les quatre groupes, savoir :

Rives de Gier 27 fr.
Saint-Étienne 14
Mines de la Loire     10
Montrambert 9
------
Total 60


HOUILLÈRES DE LA HAUTE-LOIRE.
(Paris, 9, place de la Bourse.)


Société civile constituée le 6 octobre 1837, pour 99 ans. — Capital, 2,600,000 fr., divisée en 5,200 actions, nominatives ou au porteur, de 500 fr. ; jouissance avril et octobre. — Emprunt négocié au moyen de 400 obligations remboursables à 1,250 fr. ; 50 fr. d’intérêt payable en mars et septembre.


HOUILLÈRES DE MONTCHANIN (Saône-et-loire).
(Paris, 47, rue de la Victoire.)


Société civile constituée en 1838 pour 99 ans. — Capital, 2,200,000 fr. ; 440 actions nominatives de 5,000 fr.


MINES DE MONTIEUX-SAINT-ÉTIENNE (Loire).
(Paris, 10, rue Neuve-des-Mathurins.)


Société civile constituée le 18 mars 1838. — Capital, 1,400,000 fr. ; 2,800 actions au porteur, de 500 fr.


HOUILLÈRES DE BLANZY (Saône-et-loire).
(Paris, 10, rue de la Chaussée-d’Antin.)


Commandite sous la raison sociale Chagot et Cie, fondée le 12 juillet 1838 pour 82 ans, —Capital, 15 millions ; 30,000 actions au porteur, de 500 fr. — Emprunts, deux séries d’obligations 5 0/0, remboursables au pair, savoir : 1,000 obligations de 1,000 fr., et 1,000 de 250 fr.


HOUILLÈRES DE LA CHAZOTTE (Loire).
(Paris, 20, rue Neuve-des-Mathurins.)


Société anonyme autorisée le 27 octobre 1843. — Durée, 99 ans. — Capital représenté par 3,550 actions nominatives ou au porteur. — Dernier dividende, 42 fr.


HOUILLÈRE ET CHEMIN DE FER D’ÉPINAC.
(Paris, 35, rue Lepelletier.)


Société anonyme autorisée le 2 juillet 1850. — Durée, 99 ans. — Capital représenté par 2,400 actions au porteur.


HOUILLÈRES DE SAINT-CHAMOND.
(Paris, 10, rue de la Chaussée-d’Antin.)


Société anonyme autorisée le 29 octobre 1853. — Durée, 50 ans. — Capital représenté par 3,275 actions nominatives.


MINES DE LA GRAND’COMBE (Gard).
(Paris, 57, rue de la Chaussée-d’Antin.)


Ancienne Société civile, devenue anonyme en 1855. — Durée, 50 ans. — Capital représenté par 24,000 actions nominatives ou au porteur. — Dernier dividende, 60 fr. — L’ancienne Société était propriétaire du chemin de fer d’Alais aux mines et à Beaucaire, annexé à la Compagnie de Lyon à la Méditerranée. La Société nouvelle reste garante des emprunts contractés par l’ancienne. — L’extraction en 1855 a été de 359,836 tonnes. — L’assemblée du 29 mai 1856 a autorisé la négociation d’un emprunt de 4,500,000 fr. au moyen d’obligations.


HOUILLÈRES ET CHEMIN DE FER DE PORTES ET SÉNÉCHAS (Gard).
(Paris, 85, rue Richelieu.)


Commandite sous la raison sociale Jules Mirès et Cie, constituée le 11 novembre 1854. — Durée, 40 ans. — Capital, 7,200,000 fr. représenté par 24,000 actions au porteur libérées à 300 fr. — Dividende de 1855, 27 fr.


HOUILLÈRES DU CENTRE-DU-FLENU.
(Paris, 18, rue Meslay.)


Société civile française constituée le 12 mars 1838, pour 99 ans.— Capital, 3,600,000 fr., divisé en 3,600 actions, nominatives ou au porteur, de 1,000 fr. — Revenu de 1855, 20 fr.


PONT-DE-LOUP-SUD (Belgique).
(Paris, 10, rue Neuve-des-Mathurins.)


Société civile française constituée pour 99 ans, en mars 1838. — Capital, 2,800,000 fr. ; 2,800 actions de 1,000 fr. au porteur ou nominatives. — Dividende de 1855, 70 fr.


HOUILLÈRES D’AZINCOURT (Nord).
(Aniches, département du Nord.)


Société anonyme fondée pour 99 ans, le 31 juillet 1842. — Capital représenté par 1,500 actions nominatives. — Dividende du dernier exercice, 150 fr.


HOUILLÈRES DE CHALONNES-SUR-LOIRE.
(Paris, 9, rue Saint-Florentin.)


Société civile, constituée pour 99 ans, le 29 mars 1843. — Capital, 1,200,000 fr. ; 1,200 actions de 1,000 fr.


CHARBON MINÉRAL DE LA MAYENNE ET LA SARTHE.
(Laval.)


Société transformée en anonyme le 4 juillet 1855. — Durée, 50 ans. — Capital représenté par 13,200 actions libérées ou au porteur. — Moyenne des exercices 1851-55, 36 fr.


HOUILLÈRES ET CHEMIN DE FER DE CARMAUX À TOULOUSE.


Société fondée en 1856, au capital de 17,400,000 fr., pour l’exploitation des houilles de Carmaux et du chemin de fer de Carmaux à Alby. Le capital sera porté à 58 millions lorsque le prolongement de ce chemin de fer jusqu’à Toulouse et jusqu’au Grand-Central aura été accordé. — Les mines produisent actuellement 1,200,000 hectolitres de houille par an.


FORGES, FONDERIES, HAUTS-FOURNEAUX.


Les mines de fer concédées étaient, en 1852, au nombre de 177, d’après la Statistique des ingénieurs. Mais les minières, qui s’exploitent à ciel ouvert, sont beaucoup plus nombreuses ; elles forment, aux termes de la loi, une dépendance de la propriété du sol, et ce n’est qu’à défaut par le propriétaire de les exploiter lui-même que l’administration permet aux maîtres de forges du voisinage d’en extraire les minerais dont ils ont besoin.

En 1847, année de prospérité extraordinaire pour l’industrie du fer, le nombre des minières exploitées a été de 980, et celui des mines, de 101. La production a été de 34,636,948 quintaux métriques, représentant une valeur de 9,432,250 fr., ou 272 fr.par quintal ; 2,291,491 fr., ou le quart environ, ont été attribués à titre de redevance aux propriétaires du sol. Le nombre des ouvriers employés était de 15,609, et la somme de leurs salaires, de 5,394,808 fr.

Les cinq départements de la Haute-Marne, de la Haute-Saône, du Cher, de la Moselle et du Nord fournissent à eux seuls plus de la moitié de la consommation. Viennent ensuite, par ordre d’importance : les Ardennes, la Meuse, la Côte-d’Or, le Pas-de-Calais, la Nièvre et l’Aveyron.

L’infériorité de la France par rapport à l’Angleterre et à d’autres puissances, dans la production du fer, tient moins à l’insuffisance des gisements qu’à l’éloignement où ils se trouvent, pour la plupart, des mines de combustibles. Les frais de transport augmentent le prix d’une façon considérable. C’est ainsi que le coût du minerai par quintal métrique varie de 10 centimes à 2 francs, suivant les localités.


FORGES ET FONDERIES DE LA LOIRE ET L’ARDÈCHE.
(Lyon, 8, rue Sainte-Hélène.)


Société anonyme, autorisée le 13 novembre 1822. — Durée, 99 ans. — Le capital, primitivement divisé en 800 parts, se trouva porté, en 1846, à 4,000, par la subdivision de chaque part primitive en quatre, et l’émission de 800 nouvelles. L’assemblée du 3 avril 1855 a autorisé la négociation de 2,000 actions nouvelles, qui porteraient le nombre total à 6,000 ; mais cette mesure n’a pas encore reçu son exécution. — Le dividende de 1855 a été de 500 fr.


FORGES DU CREUSOT (Saône-et-loire).


Société en commandite au capital de 14 millions ; actions de 500 fr. — Dernier dividende, 100 fr. Jouissance juin et décembre.


FORGES ET FONDERIES D’ALAIS (Gard).
(Paris, 28, rue de Grammont.)


Société anonyme fondée le 20 octobre 1830, pour 99 ans, au capital de 6 millions, reconstituée sur de nouvelles bases le 13 février 1856. Les établissements avaient été affermés, le 15 mai 1836, pour 20 ans. Aujourd’hui les Compagnies fermière et propriétaire sont fusionnées ; le capital, sans évaluation déterminée, est divisé en 18,000 actions. Chaque action ancienne, de 3,000 fr., s’est échangée contre 7 nouvelles.


FORGES DE DECAZEVILLE (Aveyron).
(Paris, 17, rue de Provence.)


Société anonyme autorisée le 28 janvier 1826. — Durée, 50 ans. — Capital social, 7,200,000 fr., représenté par 2,400 actions nominatives de 3,000 fr. — Trois emprunts : l’un de 1,200,000 fr., 1,200 obligations de 1,000 fr., 45 fr. d’intérêt ; l’autre de 1,200,000 fr., 2,400 obligations de 500 fr., 27 fr. 50 d’intérêt ; le troisième de 2 millions, 4,000 obligations de 600 fr., 30 fr. d’intérêt.


FORGES D’AUDINCOURT (Doubs).
(Siége social à Audincourt.)


Société anonyme autorisée le 11 août 1824. — 99 ans. — 4,500,000 fr. représentés par 900 actions nominatives de 5,000 fr.


HOUILLÈRES ET HAUTS-FOURNEAUX DE COMMENTRY, MONTVICQ, IMPHY, ETC.
(Paris, 16, place Vendôme.)


Commandite constituée le 17 décembre 1853, pour 60 ans, sous la raison sociale Boignes, Rambourg et Cie. — Capital représenté par 50,000 actions ; 50 fr. de dividende en 1855.


FORGES DE CHÂTILLON ET COMMENTRY.
(Paris, 11, rue du Conservatoire.)


Commandite fondée le 13 novembre 1845, sous la raison sociale Bouguéret, Martenot et Cie. — Durée, 75 ans. — Capital, 25 millions, représenté par 50,000 actions de 500 fr. — Dividende de chacun des deux derniers exercices, 50 fr. — Emprunt de 6 millions en obligations remboursables à 625 fr., 25 fr. d’intérêt.


FORGES ET USINES DE LA BASSE-INDRE.


Commandite fondée le 8 mars 1846, pour 36 ans, sous la raison sociale A. Langlois et Cie. — Capital, 2,500,000 fr. ; 5,000 actions, nominatives ou au porteur, de 500 fr. — Dividendes de 1854 et 1855, 80 fr.


HAUTS-FOURNEAUX DE MAUBEUGE (Nord).
(Siége social à Valenciennes.)


Société anonyme autorisée le 26 octobre 1849. — Durée, 50 ans. — Capital représenté par 6,000 actions.


FORGES ET FONDERIES DE L’HORME.
(Lyon, 32, place Bellecour.)


Compagnie anonyme autorisée le 2 juillet 1847. — Durée, 90 ans. — Capital divisé en 10,000 actions nominatives.


FORGES DE DENAIN ET ANZIN.
(Siége social à Denain.)


Société anonyme autorisée le 6 avril 1849. — Durée, 99 ans. — Capital représenté par 20,000 actions nominatives ou au porteur.


HAUTS-FOURNEAUX D’HERSERANGE ET ST-NICOLAS.
(Paris, 68, rue Hauteville.)


Commandite constituée le 27 novembre 1854, sous la raison sociale Maillard et Cie. — Capital 12,500,000 fr., divisé en 50,000 actions de 250 fr. ; il n’en a encore été émis que 40,000.


HAUTS-FOURNEAUX, ACIÉRIES DE LA MARINE ET
DES CHEMINS DE FER.
(Rive-de-Gier.)


Commandite constituée pour 50 ans, le 14 novembre 1854, sous la raison sociale Jackson frères, Pétin Gaudet et Cie. Cette Société s’est formée des quatre commandites suivantes : 1° Forges et Aciéries d’Assailly-Jackson ; 2° Aciéries de Lorette ; 3° Forges et Hauts-Fourneaux de Vierzon ; 4° Forges de la marine et des chemins de fer. — Capital, représenté par 54,000 actions au porteur. — Revenu de 1855, 70 fr.


MINES DIVERSES.


La France possède un grand nombre de gisements métallifères de diverse nature ; mais ils ne sont pas assez riches pour être exploités. Aussi sommes-nous tributaires de l’étranger pour les métaux : le cuivre, le zinc, le plomb, l’étain, le mercure, l’or, l’argent, etc. Le fer et la houille indigènes ne sont pas même suffisants. Les concessions de mines autres que de fer et de charbon étaient, en 1852, de 199, dont fort peu en exploitation. Sous le rapport des salines, nous sommes au contraire des plus favorisés ; nous avons mines de sel gemme, sources salées, laveries de sables et marais salants. Les mines de sel concédées sont au nombre de 25. — L’attention commence à se porter vers l’Algérie, dont les gisements métallifères sont, dit-on, aussi riches que variés.


MINES DE PLOMB DE PONTGIBAUD.
(Paris, 18, rue Bergère.)


Compagnie anonyme autorisée le 8 avril 1853. — Durée, 99 ans. — Capital représenté par 10,000 actions au porteur. — Revenu du dernier exercice, 25 fr.


ASPHALTES (SEYSSEL, VAL-DE-TRAVERS).
(Paris, 216, quai Jemmapes.)


Commandite constituée le 3 janvier 1856, pour 10 ans, sous la raison sociale Baboneau et Cie. — Capital, 4 millions ; actions de 500 fr. Il n’en a encore été émis que 6,000.


SALINES DE L’EST.


Société anonyme autorisée par ordonnance royale du 2 janvier 1828. — Exploitation en commun avec l’État des mines de Dieuze, Moyen-Vic, Salins, Arc, des mines de sel gemme de Vic et de toutes celles qui peuvent se trouver dans les dix départements suivants : Meurthe, Moselle, Meuse, Vosges, Haut-Rhin, Bas-Rhin, Doubs, Haute-Saône, Jura et Haute-Marne. — Capital, 10 millions, divisé en 2,000 actions.


SALINS DU MIDI.
(Paris, 15, place Vendôme.)


Commandite constituée le 15 juin 1856, sous la raison sociale A. Renouard et Cie. — Durée, 10 ans. — Capital, 10 millions ; actions de 500 fr. ; 12,000 seulement ont été émises.


COMPAGNIE FERMIÈRE DE LA CARONTE.
(Paris, 3, rue Louis-le-Grand.)


Commandite fondée le 27 août 1853, pour 30 ans, sous la raison sociale J. Luyt et Cie. — Exploitation de mines de cuivre.— Capital, 7 millions ; actions de 100 fr. ; 25,000 seulement ont été émises.


MIXES DE MOUZAIA (Algérie).
(Paris, 10, rue Mogador.)


Société en commandite pour l’exploitation de mines de cuivre, sous la raison sociale Bœuf et Cie. — Durée, 98 ans à partir du 20 juin 1845. — Capital, 6 millions ; actions de 100 fr. — La Société a affermé ses mines et établissements à la Compagnie de la Caronte, moyennant 60 0/0 des bénéfices nets de l’exploitation.


MINES DE TENÈS (Algérie).
(Paris, 8, rue de Provence.)


Exploitation de minerais de cuivre. Commandite fondée le 13 novembre 1849, sous la raison sociale H. Fleury et Cie. —Durée, 99 ans. Capital, 2,400,000 fr. ; actions de 500 fr.


USINES MÉTALLURGIQUES.


USINES DE NOGENT.
(Paris, 66, rue de Bondy.)


Commandite constituée pour 50 ans, le 29 août 1853, sous la raison sociale Sommelet, Dantan et Cie. — Fabrication d’armes blanches, coutellerie et taillanderie. — Capital, 3 millions ; 5 actions de 100 fr. — Revenu de 1850, 8 fr.


USINES DE SEPTÈMES.
(Marseille.)


Commandite sous la raison sociale F. Jacquinot et Cie. — Durée, 30 ans, à partir du 30 mai 1853. — Capital, 10 millions ; actions de 240 fr.— 16,000 seulement ont été émises.


SOCIÉTÉ J.-F. CAIL.
(Paris, 46, quai de Billy.)


Construction de machines à vapeur, d’appareils pour sucreries, outillage, etc. Usine mise en commandite pour 20 ans, le 8 juin 1850. — Capital, 7 millions ; 14,000 actions de 500 fr. Le revenu a toujours dépassé 10 0/0, et a atteint 15 0/0 en 1854.


CHRISTOFLE ET Cie.
(Paris, 66, rue de Bondy.)


Commandite constituée le 6 juillet 1845, pour une durée de 30 ans. — Capital, 2 millions ; 4,000 actions de 500 fr. — Moyenne des six derniers exercices, 93 fr. par action.


GALVANISATION DU FER.
(Paris, 40, rue de Bondy.)


Commandite fondée le 20 juillet 1838.— Durée, 20 ans. — Capital, 2 millions ; 2 séries de 2,000 actions de 500 fr. — Moyenne des cinq derniers exercices, 36 fr. par action.


CHAMEROY ET Cie.


Commandite fondée pour 28 ans, le 3 avril 1838. — Capital, un million ; 2,000 actions de 500 fr. — Moyenne des six derniers exercices, 62 fr. par action.— Emprunt de 200,000 fr. représenté par 2,000 obligations de 100 fr.


FERS ÉTIRÉS.
(Paris, 40, rue Bellefond.)


Commandite fondée pour 20 ans, le 18 mai 1838, sous la raison sociale Gandillot et Cie. — Capital, 611,745 fr., divisé en 2,399 actions de 255 fr. — Moyenne des trois derniers exercices, 36 fr. par action.


USINE CAVÉ.
(Paris, faubourg Saint-Denis.)


L’assemblée du 10 janvier 1856 a révoqué les gérants et provoqué la liquidation de la Compagnie, qui doit se réorganiser. Trois actions anciennes s’échangeront contre une nouvelle.




CHAPITRE VII.


Gaz.


La fabrication du gaz ne peut être évaluée en prix de revient d’une manière générale. D’abord le transport de la houille augmente sensiblement les frais pour les villes qui ne sont desservies ni par des chemins de fer ni par des voies navigables, ou qui se trouvent à une grande distance des lieux d’extraction. Ensuite, la distillation du charbon minéral rend en coke et en produits chimiques une valeur qui, lorsqu’elle trouve son placement, suffit, au dire de certaines personnes, à couvrir les frais de manipulation. À Paris, tous les résidus de l’usine s’emploient dans l’industrie ; il s’est créé des fabrications spéciales pour utiliser ceux qui semblaient le moins susceptibles d’une application industrielle. De cette manière, le prix du gaz peut être considérablement diminué ; à Paris le gaz pourrait même être livré à la consommation pour rien ; tandis que dans les villes où ces résidus sont trop peu importants pour être employés sur place ou expédiés au loin, l’éclairage a à supporter presque tous les frais de fabrication et de distribution.

La plupart des villes ont des usines à gaz, qui sont presque toutes exploitées en société. Nous mentionnerons seulement les principales.


SOCIÉTÉ PARISIENNE
D’ÉCLAIRAGE ET DE CHAUFFAGE PAR LE GAZ.
(Paris, 1, rue Saint-Georges.)


Compagnie anonyme constituée par acte du 19 décembre 1855, approuvée le 22 du même mois. Le capital est divisé en 110,000 parts, évaluées à 500 fr. l’une, soit 55 millions. Elle s’est incorporée les six Sociétés suivantes, qui ont reçu, en échange de leurs apports :

1° Société L. Margueritte et Cie 27,256 parts.
2° —— Brunton, Pillé et Cie 21,648
3° —— Dubochet et Cie 11,478
4° —— Lacarrière et Cie 9,988
5° —— Payn et Cie 6,588
6° —— Ch. Gosselin et Cie 4,042
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Total 82,000
Actions émises à 500 fr.    30,000
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Ensemble 110,000

Le capital des 30,000 actions émises à 500 fr., soit 15 millions, est affecté aux destinations suivantes :

Fonds de roulement 1,500,00 fr.
Édification d’usines et travaux divers 3,625,000
À MM. Péreire et Margueritte, remboursement
de l’usine Paulon, établie à Sèvres
325,000
Aux Compagnies fusionnées pour prix de leurs apports 9,550,000
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Ensemble 15,000,000

Aux termes du cahier des charges, la concession est de 50 ans. Le gaz doit être fourni à la ville au prix de 15 centimes le mètre cube et à l’industrie au prix de 30 centimes. À l’expiration de la concession, la ville de Paris deviendra propriétaire de tout le matériel existant sous les voies publiques, sans indemnité. Elle deviendra également propriétaire des usines moyennant un prix fixé à dire d’experts. L’éclairage sera fait par le gaz de houille, et il n’en pourra être employé d’autre sans le consentement du préfet de police, après délibération du conseil municipal.

Cette dernière disposition est dirigée principalement contre les inventeurs du gaz à l’eau, qui offraient un rabais considérable sur les prix accordés à la Compagnie concessionnaire. Les expériences des inventeurs, soumises à une commission composée de MM. Dumas, Chevreul et Regnault, n’ont pas été reconnues concluantes. Est-ce à dire qu’elles soient condamnées pour cinquante ans ? La Compagnie parisienne a acheté le brevet, mais avec l’intention avouée de ne pas s’en servir.

Il y a dans la concession de tout monopole deux intérêts qu’il est difficile de concilier : l’intérêt public et celui des monopoleurs. La fusion, il est vrai, a diminué le prix du gaz ; mais on parle, pour la Compagnie, de bénéfices annuels de 16 0/0 au minimum. S’il en était ainsi, ce serait la population qui aurait encore fait, cette fois, les frais de la coalition.

La Compagnie concessionnaire comprend l’éclairage et le chauffage, dans Paris et les communes suburbaines.

L’assemblée se compose des propriétaires de 20 actions.


COMPAGNIE DU NORD.
(Paris, 30, rue Jacob.)


Commandite fondée le 12 janvier 1845, sous la raison sociale Ch. Gosselin, E. Brison et Cie. — Durée, 50 ans. — Capital, 3 millions ; 6,000 actions de 500 fr. — Éclairage de Batignolles, Saint-Denis, La Chapelle, etc. Dividende de chacun des cinq derniers exercices, 40 fr.


COMPAGNIE DE L’EST.
(Cours de Vincennes, 45, près Paris.)


Commandite fondée le 16 juin 1845, sous la raison sociale Foucart et Cie pour l’éclairage de Vincennes, Saint-Mandé, Charonne, Bercy, Charenton, Alfort, etc. — 500,000 fr. divisés en 1,000 actions de 500 fr. — Dernier dividende, 74 fr. 50 c.


COMPAGNIE CENTRALE.
(Paris, 110, rue Richelieu.)


Commandite constituée le 23 mars 1847, sous la raison sociale Lebon père, fils et Cie, pour l’éclairage des villes suivantes : Dieppe, Pont-Audemer, Chartres, Fécamp, Morlaix, Bernay, Honfleur, Nice, Alger, et la prison Mazas à Paris. — Durée, 99 ans. — Capital, 5 millions, dont moitié seulement est réalisée. Actions de 5,000 fr. nominatives, et de 500 fr. au porteur.


L’ALLIANCE.
(Paris, 66, rue de la Victoire.)


Commandite fondée le 31 octobre 1853, sous la raison sociale Howyn de Tranchère et Cie. — Durée, 60 ans. — Capital, 25 millions ; actions de 500 fr., dont 100,000 seulement sont émises. La Compagnie a cédé à la société fusionnée son brevet de gaz à l’eau et l’éclairage de l’hôtel des Invalides.


GAZ ET HAUTS-FOURNEAUX DE MARSEILLE.
(Paris, 85, rue Richelieu.)


Commandite fondée le 17 mai 1856 ; raison sociale, J. Mirès et Cie ; durée, 50 ans ; capital, 7,200,000 fr. ; actions de 300 fr.


GAZ DE VERSAILLES.
(Paris, 30, rue Jacob.)


Commandite fondée le 20 juin 1839, sous la raison sociale Ch. Gosselin et Cie. — 1,200 actions de 500 fr. — Revenu en 1855, 35 fr.




CHAPITRE VIII.


Compagnies diverses.




VOITURES PUBLIQUES.


MESSAGERIES IMPÉRIALES.


Société anonyme fondée en 1808 et 1809, pour le transport des marchandises et des voyageurs, le factage, le camionnage, etc., dans toute l’étendue de l’empire. Depuis la création du réseau de chemins de fer, elle a abandonné les grandes routes, et a dû se restreindre au service subalterne des localités répandues sur la longueur ou à distance des voies ferrées. — Durée jusqu’à la fin de 1867. Capital, 2,500,000 fr. ; 250 actions de 10,000 fr., divisibles en coupons de 5,000. Elles sont cotées 40,000 fr.


COMPAGNIE GÉNÉRALE DES OMNIBUS.


Cette Compagnie, constituée sous forme anonyme le 22 février 1855, pour une durée de 30 ans, résulte : 1° de la fusion des diverses entreprises d’omnibus affectés au service de la capitale ; 2° du privilége qui lui a été accordé, par décret du 5 août 1854, de faire seule ce service. Pour compléter le monopole, elle a acheté de M. Loubat le droit d’exploiter un système d’omnibus sur rails, dont le cessionnaire était l’inventeur. Ainsi, sous le régime des concessions, les découvertes ne servent plus qu’à procurer à leurs auteurs le droit de prendre leur part du monopole établi, monopole que le gouvernement se réserve d’étendre encore, sous prétexte de lignes nouvelles à desservir.

Le fonds social est de 12 millions, représenté par 24,000 actions de 500 fr. libérées ; elles ont touché 45 fr. sur le premier exercice. L’assemblée du 14 mai 1856 a décidé qu’il serait émis 6,000 actions nouvelles, sauf approbation du gouvernement. — Emprunt : 8,000 obligations remboursables à 500 fr. ; 25 fr. d’intérêt, jouissance d’avril et octobre.


COMPAGNIE IMPÉRIALE DES VOITURES DE PARIS.


Commandite fondée le 18 août 1855, sous la raison sociale E. Caillard et Cie. — Durée, 60 ans. — Capital, 40 millions, représenté par 400,000 actions de 100 francs libérées, dont 75,000 destinées à rembourser les anciens entrepreneurs de voitures, dépossédés ou fusionnés en suite du privilége accordé à la Compagnie Impériale par le préfet de police.

D’après le compte-rendu du 23 avril 1856, l’exploitation avait porté en 1855 sur 848 voitures ; mais la Compagnie en avait, à l’époque de l’assemblée générale, 1,896. Elle avait réuni tous les anciens numéros, à l’exception de 79, et était en négociation pour l’achat de toutes les voitures de remise. L’administration municipale lui concède 500 numéros nouveaux pour voitures de place et 500 pour voitures de remise.

Les anciens numéros se sont vendus de 5 à 7,000 fr. : la concession de 1,000 nouveaux numéros représenterait donc, sauf déduction du prix des voitures, un cadeau de 5 à 7 millions.

Cette sorte d’entreprise est certainement une de celles où l’association est la moins nécessaire, et où l’autorité pourrait le plus aisément se dispenser de créer un monopole. Il semble en vérité que la Concurrence, cette grande force économique dégagée par la Révolution, soit devenue suspecte. Bientôt on concédera des priviléges d’épiciers, de fruitiers, de chemisiers, de savetiers. Et l’on s’étonne qu’un spéculateur logicien s’en vienne dire un jour au propre frère du magistrat municipal : Monsieur, obtenez-moi un privilége, et nous partagerons la prime…

40 millions de capital pour un matériel de moins de 3,000 voitures !… Nous serions curieux d’en voir le compte.


GLACES ET VERRERIES.


MANUFACTURE DE SAINT-GOBAIN.


Société anonyme formée le 17 février 1830, en continuation de celle organisée en 1702. Le capital est divisé en 1,152 actions nominatives, estimées à 7,000 fr. l’une.


GLACES ET VERRERIES DE MONTLUÇON.


Commandite fondée le 18 février 1846, pour 40 ans, sous la raison sociale F. Berlioz et Cie. — Capital, 12 millions ; 24,000 actions de 500 fr. — Revenu moyen, 25 fr. par action.


FILATURES.


COMPTOIR DE L’INDUSTRIE LINIÈRE.
(Paris, 11, rue des Bourdonnais.)


Commandite fondée le 27 juin 1846, pour 25 ans, sous la raison sociale Cohin et Cie. Capital, 20 millions ; actions de 500 fr., dont 20,000 seulement ont été émises. — Moyenne des quatre derniers exercices, 41 fr.


FILATURE DE LIN D’AMIENS.
(Paris, 26, rue des Petites-Écuries.)


Société anonyme autorisée pour 50 ans, le 11 juin 1838. — Capital, 4 millions ; 8,000 actions de 500 fr. — Moyenne des derniers exercices, 56 fr.


COMPAGNIE CONTINENTALE POUR LE FILAGE DU LIN.
(Boulogne-sur-Mer.)


Commandite fondée le 6 juin 1851. — Durée 25 ans. — Raison sociale Trudin et {(Cie}}. — Capital, 3,675,000 fr., divisé en 7,350 actions de 500 fr., libérées. Les deux derniers exercices ont produit 20 fr. par action.


FILATURE ROUENNAISE LA FOUDRE.
(Petit-Quevilly, près de Rouen.)


Commandite sous la raison sociale Hartoy frères et Cie, fondée le 23 juin 1855, au capital de 2,500,000 fr. Actions de 250 fr., dont 125 versés. Il n’en a été émis que 9,200.


IMMEUBLES.


La mise en actions de la propriété immobilière n’est pas moins que la ruine du droit civil. Quoi de plus mobile que l’action ? Quoi de plus antipathique au mouvement et à la mutation que l’immeuble, avec son cortège d’hypothèques, de servitudes, de prescriptions, de licitations, de droits des absents, des mineurs et des femmes ? Quand les fermiers et les locataires pourront devenir, par l’achat des actions, copropriétaires des immeubles qu’ils exploitent ou habitent, le fermage et le loyer n’auront plus de raison d’être ; le cumul des deux qualités de locataire grevé du fermage, et d’actionnaire participant au dividende, conduit à la négation de la propriété, telle du moins que l’entend le Code civil.


HÔTEL ET IMMEUBLES DE RIVOLI.
(Paris, 15, place Vendôme.)


Société anonyme autorisée pour 30 ans, le 9 décembre 1854. — Capital, 24 millions ; actions de 100 fr.

Nous empruntons les renseignements suivants au Rapport du 26 mai 1856.

La Compagnie est propriétaire de l’hôtel du Louvre, de onze maisons construites rue de Rivoli, de l’Échelle, de Rohan, de Marengo et de l’Oratoire-du-Louvre, plus de l’hôtel d’Osmond.

L’emploi de son capital se répartit ainsi :

Hôtel du Louvre, acquisition des terrains et construction 11,143,800 65
Maisons de la rue de Rivoli, terrains et bâtisse 8,375,342 75
-----------------
Total rue de Rivoli 19,519,152 40
Ameublement de l’hôtel du Louvre 2,144,291 50
Hôtel d’Osmond 1,899,367 34
Solde disponible 437,188 67
-----------------
Total égal 24,000,000 »»

L’assemblée a décidé que le capital serait élevé à 72 millions au moyen d’une émission de 96,000 actions nouvelles de 500 fr. ; que la durée serait portée à 99 ans, et que la Compagnie prendrait le titre de Société immobilière. La sanction du gouvernement n’a pas encore été accordée.

Revenu des actions, 5 0/0. — L’assemblée se compose des porteurs de 100 actions.


PALAIS DE L’INDUSTRIE.


Société anonyme autorisée le 20 octobre 1852.

Capital, 13 millions ; actions de 100 fr. À quoi il convient d’ajouter, pour supplément de dépenses, 4 millions sur lesquels l’État prêta 2,600,000 fr. Après l’exposition, la Compagnie se trouva en présence d’un déficit de 3,673,644 fr. 10 c.

Malgré la prime de 75 fr. que firent un instant les actions de cette entreprise, nous sommes encore à nous demander si quelqu’un a pu croire qu’elle donnerait jamais des bénéfices. Sans la garantie de 4 0/0 de l’État, le capital ne se serait pas réalisé. La durée de la Société était de 35 ans, à dater de l’achèvement des travaux. Les journaux de Paris, fin août 1856, ont annoncé en ces termes l’issue de cette affaire :

« Le Palais de l’Industrie vient, par une décision toute récente, de devenir une propriété de l’État. Dans une réunion de 258 des principaux actionnaires de la Société qui avait été fondée pour la construction de ce monument, 238 voix ont été en faveur de la cession au gouvernement. On dit que l’offre de remboursement a été de 84 fr. par action. Après la décision de la majorité, la remise du Palais de l’Industrie a été faite par M. de Rouville au représentant du gouvernement dans l’assemblée. »

L’État, en donnant 84 fr. par action, reste dans les conditions de son engagement. C’est le taux de capitalisation du 4 0/0. Il rembourse le capital de 13 millions et perd en outre les 2,600,000 fr. qu’il avait prêtés à la Compagnie. Les actionnaires doivent se trouver heureux d’être, à ces conditions, débarrassés des charges de l’entretien du monument.


RUE IMPÉRIALE DE LYON.
(Siége social à Lyon.)


Compagnie anonyme autorisée le 3 juillet 1854, — Durée, 50 ans. Capital, 7 millions ; — actions de 500 fr. — Imitation de la Compagnie des Immeubles de Rivoli.


DOCKS ET PORTS.


SOCIÉTÉ DES PORTS DE MARSEILLE.
(Paris, 99, rue Richelieu.)


Compagnie anonyme formée sous le patronage de M. Mirès, le 27 mars 1856, pour l’exploitation des terrains acquis par lui à Marseille, et la construction de quartiers nouveaux faisant face aux ports de la Joliette et Napoléon. — Capital, 25 millions. Les actions, émises à 250 fr., ont été libérées à 150 par décision de l’assemblée du 5 juin 1856. En compensation de ce dégrèvement, la gérance est autorisée à émettre un emprunt de 10 millions, au moyeni d’obligations 5 0/0. Les statuts ne sont pas encore homologués.


DOCKS-NAPOLÉON.


Un décret du 17 septembre 1852 a autorisé l’établissement des docks sur la place d’Europe (Paris), à proximité du chemin de Ceinture.

Les docks, selon l’origine du mot, sont des bassins à flot ménagés dans les ports pour le chargement et le déchargement des navires.

Tandis que l’armateur de Marseille, de Bordeaux et du Havre est obligé d’avoir de vastes magasins, une armée de commis et d’hommes de peine pour décharger les cargaisons ; tandis que chaque vente nécessite un déplacement de marchandises et un nouvel emmagasinage, le négociant de Londres, de Liverpool et des principaux marchés de la Grande-Bretagne, une fois son vaisseau entré au dock, n’a plus à s’en inquiéter. Une Compagnie se charge, moyennant une prime de x pour 1,000, du déchargement et de l’emmagasinage.

Contre les denrées déposées, le négociant se fait délivrer des warrants, ou billets représentatifs de ses marchandises. Les produits circulent et s’échangent ainsi sous forme de papier, sans frais de transport ni de camionnage ; le dernier acquéreur, marchand au détail ou industriel, prend seul livraison matérielle des objets nécessaires à son commerce ou à son industrie. C’est un déplacement au lieu de cinq à dix que nécessite le système français. Ajoutons que le droit de douane s’acquitte seulement au moment où les marchandises sortent de l’entrepôt ; le négociant n’a pas besoin d’en faire l’avance.

Si les docks et les warrants sont appelés à rendre d’immenses services sur les ports de mer, ils ne doivent pas être moins utiles, on le suppose du moins, sur les marchés situés au centre d’un grand mouvement de marchandises circulant par la voie des canaux ou des chemins de fer.

Paris, sous ce rapport, semble se placer en première ligne parmi les villes où le dock semble indispensable. L’idée qui a présidé au décret du 17 septembre, décret mal inspiré, encore plus malheureux, dont les promoteurs de l’entreprise auraient dit cependant, qu’il valait à lui seul, comme apport à la Compagnie, vingt-cinq millions !

En fait, et malgré toutes les excitations pour déterminer la fougue des boursiers, l’affaire a été accueillie par le public avec plus de curiosité que d’intérêt. L’incapacité et la malversation aidant, elle a été constamment en baisse, tant et si bien qu’elle a fini par se liquider en police correctionnelle, et que personne à cette heure ne se préoccupe des docks, à part les actionnaires.

Serait-ce donc une mauvaise spéculation ? Peut-être. Malgré l’éloge que le ministère public et les inculpés en ont fait à l’envi devant le tribunal, le premier dans l’intérêt de l’accusation, les autres dans l’intérêt de leur défense, il nous est impossible de saisir le caractère précis de l’institution.

Le dock, tel qu’il existe en Angleterre, à Londres et à Liverpool, a sa raison d’être dans un immense développement maritime, au moyen duquel le commerce presque entier de l’Europe avec le reste du globe se trouve concentré sur ces deux places. Pour faire de Paris, à l’aide des docks, un marché central européen, en concurrence avec le marché de Londres, il faudrait donc : 1° faire de cette capitale un port de mer capable de recevoir des navires de 500 et 1,000 tonnes, une flotte de plusieurs milliers de voiles ; 2° pour utiliser et desservir ce port, créer une marine comparable à celle des Anglais ; 3° lui assurer un commerce proportionnel.

Un semblable déplacement, qui exigerait des milliards, suppose d’ailleurs dans les relations internationales des révolutions qui ne peuvent être que l’effet de causes profondes et du temps, sans compter qu’il viole toutes les données de la géographie, et change arbitrairement le caractère et la destinée des nations.

Ce simple rapprochement montre déjà combien fausse, intempérante et inepte, était l’idée d’importer à Paris les docks de Londres ; quelle absurdité couvrait l’emploi de ce mot anglais dock, pour désigner une chose qui, à Paris, dans aucun cas, ne pouvait avoir rien du dock anglais ; combien pitoyable enfin devait être la contrefaçon ?

Rendons-nous compte de la position, de la vie, de l’industrie, du commerce parisiens.

Le dock n’a d’importance, d’usage à Londres que pour les matières premières, les denrées encombrantes, apportées par la mer, et qui demandent à être logées, en attendant qu’elles soient enlevées par le consommateur anglais ou étranger. L’exportation n’a que faire des docks.

Ceci posé, procédons par élimination.

La bijouterie, les modes, les nouveautés, l’horlogerie, l’article Paris, etc., n’ont rien à voir avec les entrepôts. Les frais de transport et d’emmagasinage sont minimes comparativement à la valeur des objets ; et ce sont des produits d’une détérioration facile, qui doivent se vendre au jour le jour, sous peine d’une dépréciation considérable. Les docks pourraient tout au plus leur offrir la ressource d’un mont-de-piété, d’un prêt sur nantissement dans le genre des sous-comptoirs organisés par le décret du 24 mars 1848, c’est-à-dire un palliatif à la misère, une exploitation philanthropique, plus faite pour déconsidérer le négociant que pour faciliter l’écoulement de ses produits.

Quant aux denrées encombrantes, servant à la consommation de Paris, elles ont leurs entrepôts à Paris : c’est la halle aux Vins, la halle aux Blés, le grenier d’Abondance, le grenier à sel, la Douane, institutions publiques ; les caves de Bercy, les chantiers d’Ivry et de la Râpée, institutions privées. Il ne manque à ces établissements que le warrant, et c’est une innovation qu’on peut bien leur appliquer. Point n’est besoin pour cela d’envoyer les marchandises à la place d’Europe.

Ainsi l’industrie parisienne (produits de luxe et de fantaisie) ne peut user des entrepôts ; et le commerce qui en a besoin s’en trouve fourni.

Reste la question du transit. Le système de rayonnement adopté par le gouvernement de juillet pour la construction des chemins de fer fait de Paris le centre de communication de tous les points de la France. Les marchandises de Marseille, Bordeaux, Nantes, le Havre sont fréquemment obligées de passer à Paris pour se rendre à d’autres points du territoire. En cette question, comme en tant d’autres, les affaires ont été sacrifiées à la politique.

Mais on commence à s’apercevoir de l’erreur. Les raccordements entre les lignes se construisent de toutes parts. Une fois qu’ils seront exécutés, l’importance de l’entrepôt de Paris diminuera considérablement.

D’ailleurs, avec le développement des moyens de communication, la question de l’entrepôt s’annule de plus en plus. Les canaux, les chemins de fer traversent les cités et les provinces, ne laissant partout que les quantités demandées : tout s’expédie en droiture, et ce qui fit jadis la fortune de villes telles que Paris, Lyon, Nantes, Rouen, etc., ce qui fonda leur existence, savoir, leur navigation et leur entrepôt disparaît sans trouver d’analogue dans les chemins de fer.

Quant à la centralisation du commerce continental dans un dock parisien, au détriment de ceux de Londres, c’est une utopie sur laquelle nous ne reviendrons pas. La mission de Paris est autre que celle de la grande cité britannique ; puis la concurrence aux docks anglais se fait aujourd’hui sur tous les points du littoral européen, à l’aide des chemins de fer et de la vapeur ; le percement de l’isthme de Suez y fera plus à lui seul que tout le reste.


Ces considérations, que nous développions en 1853, ont été pleinement justifiées. Depuis cette époque, la Compagnie s’est mise en liquidation, sans avoir rien fait.

Ses administrateurs, MM. Cusin, Legendre et Duchêne de Vère, ont dû justifier leur gestion devant la police correctionnelle.

L’assemblée générale du 2 juin 1856 a sanctionné un projet de traité avec les docks et le chemin de fer de Saint-Ouen. D’après ce projet, les deux Compagnies n’en formeraient qu’une ; le capital serait de 30 millions, dont 16 millions par les docks-Napoléon, et 14 millions par la Société de Saint-Ouen. Les actions des docks, de 250 fr., dont 125 versés, s’échangeraient à raison de trois anciennes contre une nouvelle de 250 fr., valeur nominale, libérée de 187 fr. 50 c, et perdraient ainsi 62 fr. 50.


Il est question de construire des docks dans nos ports et d’en concéder l’exploitation à une seule Compagnie pour toute la France. Quelle peut être la raison de ce monopole, dont on cite M. Ém. Pereire comme le futur bénéficiaire ? C’est de compléter sans doute l’institution du Crédit mobilier, et de placer sous la main d’une même agence la circulation des marchandises, comme on y a placé la circulation des valeurs industrielles. Alors, avec la faculté de faire la hausse et la baisse, 1° sur toutes les actions ; 2° sur toutes les marchandises ; 3° sur toutes les voies de transport ; avec la centralisation des banques et la centralisation des hypothèques, le système sera fort avancé : encore un pas, et nous aurons une dictature.

Quelques personnes pensent néanmoins que l’idée de docks peut recevoir une application utile dans les chefs-lieux de département, aux points de jonction des canaux et des lignes de fer, pour centraliser les produits des récoltes, discipliner le marché, faire des avances aux producteurs, qui échapperaient ainsi à l’avilissement de leurs denrées, en même temps que les consommateurs seraient préservés des risques d’accaparement et de hausse exorbitante. Nous avons sous les yeux un projet de devis pour l’établissement d’un dock à Dijon : ce dock, d’après les calculs de l’auteur du projet, M. C… B…, devrait contenir 1,800,000 hectolitres ; la dépense s’élèverait à 12 millions. Le conseil municipal de Dijon a émis un vœu favorable.

Conçu dans les principes que nous venons, en peu de mots, de faire connaître, un pareil établissement nous semble d’une utilité incontestable : reste seulement à voir si la dépense à effectuer peut être balancée par le service rendu. Nous ne saurions, en tout cas, partager l’opinion de la municipalité dijonnaise, qui a cru voir dans l’établissement de ce dock un moyen de développer le commerce et d’augmenter la prospérité de la ville de Dijon. La création des chemins de fer a donné lieu à cet aphorisme, que rien au monde ne peut démentir : Ville traversée, ville perdue. Si, dans les conditions où il est proposé, l’établissement d’un dock à Dijon est vraiment d’utilité publique, les mêmes motifs subsistent pour Beaune, Châlon, Mâcon, Chagny, Dôle, etc. Au lieu d’un dock gigantesque par province, il y a avantage à en construire sur des dimensions plus modestes dans chaque arrondissement. Au moyen du télégraphe électrique, et avec le passage des trains, tous ces docks sont en communication permanente ; les cours sont maintenus en équilibre sur tous les points du territoire, et toujours, sans qu’il soit besoin d’aucune centralisation, la marchandise circule, sans stationnement, du lieu de production à celui de consommation.


Nous avons donné des détails aussi complets que possible sur les principales valeurs cotées à la Bourse. Il en existe beaucoup d’autres sur lesquelles les notions nous manquent, ou qui sont de trop peu d’importance pour mériter un chapitre spécial. Elles ne sont pas l’objet de grandes spéculations.

Enfin il existe un grand nombre de Compagnies dont les actions, étrangères à la circulation, ne figurent pas à la Bourse, mais qui n’en sont pas moins quelquefois d’une très-haute importance. Telle est, pour n’en citer qu’un exemple, la Compagnie des forges et hauts-fourneaux de Franche-Comté, simple commandite sous la raison sociale J. Vautherin, A. Guenard, Regad et Cie, formée pour l’exploitation d’une trentaine de hauts-fourneaux et d’usines dans les départements du Doubs et du Jura, et dont le capital engagé n’est pas moindre aujourd’hui de 17 millions, ce qui suppose un fonds de roulement d’au moins 4 millions. Nous ne parlons pas de ces Compagnies, qui, par leur caractère privé, semblent se dérober au mouvement général, et n’intéressent, au moins quant à présent, que le commerce proprement dit et la statistique.


Au surplus, nous résumons, et en même temps nous complétons dans le Bulletin de la Bourse, page 440, l’état financier des Compagnies industrielles.


TROISIÈME SECTION.


VALEURS ÉTRANGÈRES.


Le gouvernement français, en autorisant à la Bourse de Paris la cote des effets publics étrangers, n’entend nullement en garantir la valeur ni intervenir en faveur de ses nationaux en cas de banqueroute.

Les marchés à terme dans le mois où se détache le coupon se traitent coupon détaché, à quelque époque qu’ils aient lieu.

Au comptant, le coupon est détaché à la quatrième Bourse du mois qui précède l’échéance.




CHAPITRE PREMIER.


Fonds publics.




EMPRUNTS BELGES.


La dette publique belge se compose de :

Capital non amorti. Rente.
Dette ordinaire 420,800, 147 fr. 21,348,507 fr.
Dette extraordinaire 225,481,833 11,136,418
-------------------- --------------------
     Total 646,281,980 32,484,925

L’emprunt de 1852 se cote à part. Les taux des fonds belges sont :

4 1/2 provenant de la conversion de l’ancien 5 0/0, d’une consolidation de la dette flottante et d’un emprunt de 1844 ;

4 0/0, emprunt de 1836 ;

3 0/0, emprunt de 1838 ;

2 1/2.


EMPRUNT DE LA VILLE DE BRUXELLES (1853).


70,000 obligations de 100 fr., au porteur ; 3 fr. d’intérêt. Des lots sont affectés au remboursement par voie de tirage au sort.

1er numéro 25,000 fr.
2e, 3e, 4e, chacun 10,000    30,000
Le 5 e 4,000
du 6e au 40e, chacun de 1,000 à 200


FONDS HOLLANDAIS.


La Bourse de Paris ne connaît guère que le 2 1/2 0/0 ; cependant il y a des rentes 3 et 4 0/0 ; les intérêts se payent à Paris chez MM. Mallet frères.


FONDS AUTRICHIENS.


1° OBLIGATIONS MÉTALLIQUES.


Les obligations métalliques d’Autriche sont de 1,000 florins, soit, à 2 fr. 60 c. par florin, 2,600 fr. Elles sont garnies de coupons d’arrérages qui se détachent tous les six mois ; elles sont au porteur. Il y a des obligations de 4 et 3 0/0.


2° LOTS D’AUTRICHE (1834).


Ils proviennent d’un emprunt de 25 millions de florins de convention (2 fr. 50), et sont remboursables avec primes par voie de tirage au sort jusqu’en 1860. Les obligations sont de 500 florins, divisibles en coupons de 100 florins.

20 obligations forment une série.


3° NOUVEAUX EMPRUNTS.


Juillet 1852 : 35,000 obligations de 100 livres sterling 5 0/0 — Septembre 1852 : 80,000 obligations de 1,000 florins de convention au change fixe de 2 fr. 50 ; 5 0/0 d’intérêt.


RENTE DE NAPLES.


Les inscriptions de rente du royaume des Deux-Siciles sont nominatives. Afin d’en faciliter la négociation en France, MM. de Rothschild ont été autorisés à émettre des certificats au porteur de 25 ducats de rente, inscrits à leurs noms au grand-livre de Naples.

Le prix, coté à la Bourse (Naples 75 80), est de 5 ducats de rente, convertibles en 4 par voie de tirage au sort. Le ducat vaut au pair 4 fr. 40 c.

L’emprunt Rothschild, contracté en 1824, est représenté par 25,000 certificats de 100 liv. sterl. (2,550 fr.), portant intérêt à 5 0/0.


EMPRUNTS ROMAINS.


Ils sont représentés par 56,450 obligations 5 0/0 de 1,000 fr. Ils ont été émis en 1831, 1845, 1850 et 1853.


EMPRUNTS TOSCANS.


34,000 obligations de 1,000 livres, 5 0/0, émises en 1849, remboursables à 1,100 livres. — 1 million de livres de rente 3 0/0 ; emprunt de 1852.


EMPRUNTS PIÉMONTAIS.


1834 : 27,000 obligations de 1,000 fr. 4 0/0. — 1849 : 19,902 obligations de 1,000 fr. 4 0/0 ; autres obligations 5 0/0. — 1850 (dit 1852) : 18,000 obligations de 1,000 fr. 4 0/0. — 1853 : émission de 2 millions de rente 3 0/0.


EMPRUNT RUSSE.


La dette russe est d’environ 1 milliard et demi (valeur en francs). On ne connaît guère à la Bourse de Paris que le 4 1/2.


DETTE D’ESPAGNE.


La dette publique espagnole s’élève à 15 milliards et demi de réaux environ : le réal est évalué à 25 cent. La dette active est productive d’intérêt ; la dette passive ne l’est pas. La dette différée est la capitalisation des arrérages non payés de 1836 à 1841 : c’est le 3 0/0 nouveau ou de 1841.

La plupart des emprunts espagnols ont été contractés à l’étranger. On appelle dette intérieure celle qui a été souscrite par les nationaux.

Une liquidation générale de la dette publique a converti tous les fonds en 3 0/0.


DETTE PORTUGAISE.


Les fonds portugais sont en 5 0/0, 4 0/0 et 3 0/0. Ils ont été contractés à Londres en livres sterling. Les intérêts se payent, à Paris, chez MM. de Rothschild, au change de 25 fr. 50 cent.


EMPRUNT GREC.


L’emprunt grec, contracté avec la maison Rothschild en 1833, est de 60 millions, valeur en francs. Il est garanti par la France, l’Angleterre et la Russie, chacune pour un tiers. Les intérêts sont de 5 0/0. Les arrérages annuels de la dette sont de 4 millions de drachmes dus à M. de Rothschild, et de 5 millions de drachmes dus à la Bavière.

La drachme vaut 97 centimes 1/2.


EMPRUNT TURC.


125 millions 6 0/0 négociés en 1854. Le tribut de l’Égypte, s’élevant à 7 millions par an, est spécialement affecté à la garantie de cette dette.


EMPRUNT D’HAÏTI.


L’indépendance d’Haïti (Saint-Domingue) fut reconnue par la France en 1828. Le gouvernement haïtien s’engagea à payer une indemnité de 150 millions aux anciens propriétaires d’esclaves, et contracta, pour faire face au premier terme, un emprunt de 30 millions 6 0/0, remboursables en 25 ans. Peu de temps après, les remboursements et les payements d’intérêts furent suspendus.

Ils furent repris en 1839 avec réduction d’intérêt à 3 0/0 consentie par les porteurs. 1 million était affecté par an à l’amortissement. Nouvelle suspension de payement en 1842. En 1848, il fut stipulé entre les commissaires haïtiens et les porteurs de titres que le règlement des intérêts arriérés de 1844 à 1848 serait ajourné. Depuis cette époque, les échéances se payent régulièrement.

L’emprunt d’Haïti, c’est la dette des noirs pour le rachat de leur liberté. Les blancs, à leur place, ne montreraient certes guère plus d’empressement, à acquitter une pareille créance.




CHAPITRE II.


Valeurs industrielles.




INSTITUTIONS DE CRÉDIT.


BANQUE DE BELGIQUE.


La Banque belge s’est constituée en 1835, sous la forme anonyme, au capital de 20 millions, divisé en 20,000 actions de 1,000 fr. En 1841, une nouvelle émission de 10,000 actions a porté ce capital à 30 millions. Les actions de la première émission touchent 4 0/0 ; celles de la seconde 5 0/0. Elles ont un droit égal au dividende.

Les arrérages se payent à Paris chez MM. de Rothschild.


SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DE BRUXELLES.


Compagnie anonyme, constituée le 28 août 1822, pour 53 ans, au capital de 30 millions de florins ; 60,000 actions de 500 florins, soit au change, de 2 fr. 11 c, 1,058 fr.). La Société a racheté 29,000 de ses actions.


ACTIONS RÉUNIES.
(Bruxelles.)


Compagnie anonyme, constituée le 7 juin 1837, pour 22 ans. Elle a pour but de favoriser l’accès des grandes entreprises aux petits capitaux. C’est le côté sérieux et utile des Compagnies de Crédit mobilier. Mais sans le jeu et les tripotages, il n’y a que de maigres dividendes à toucher ; aussi la moyenne du revenu des actions est-elle au plus de 3 0/0. — Capital, 12 millions ; actions de 1,000 fr.


SOCIÉTÉ DES CAPITALISTES RÉUNIS.
(Bruxelles.)


Compagnie anonyme, autorisée le 13 juin 1841, pour une durée de 20 ans. Capital, 25 millions ; actions de 500 fr. Revenu moyen, 5 0/0.


BANQUE NATIONALE.
(Bruxelles.)


Escompte du papier de commerce ; succursale à Anvers et comptoirs dans les principales villes de Belgique. — Société anonyme autorisée le 4 septembre 1850. — Durée, 25 ans. — Capital, 25 millions ; actions de 1,000 fr.


BANQUE DU COMMERCE.
(Genève.)


Société anonyme, fondée pour 30 ans à partir du 10 novembre 1845. Capital 3,100,000 fr. ; actions de 1,000 fr. — Escompte des valeurs commerciales.


BANQUE DE GENÈVE.
(Genève.)


Compagnie anonyme, fondée pour 30 ans, le 16 mai 1848. — Capital, 3 millions ; actions de 1,000 fr. — Escompte des valeurs.


OMNIUM GÉNEVOIS.


Société civile, fondée pour 30 ans à dater du 5 mars 1849. — Capital, 5 millions ; actions de 1,000 fr. Il n’en a été émis que 4,200. — Espèce de Crédit mobilier.


BANQUE DE DARMSTADT.


Société anonyme hessoise, fondée pour 99 ans, à dater du 2 avril 1853, 25 millions de florins ; actions de 250 florins (537 fr. 50). — Imitation de notre Crédit mobilier.


CRÉDIT MOBILIER AUTRICHIEN.


Société anonyme, fondée le 31 octobre 1855, pour 90 ans. C’est la même organisation que le Crédit mobilier de France. — Capital, 100 millions de florins (250 millions de fr. ) ; actions de 200 fl. (500 fr.). Il n’en a encore été émis que 300,000 non complètement libérées.


CRÉDIT MOBILIER ET FONCIER SUISSE.
(Genève.)


Société anonyme, fondée sur le modèle de notre Crédit mobilier. Durée, 36 ans à partir du 7 juin 1853. — Capital, 60 millions ; actions de 250 fr. Il n’en a encore été émis que 80,000.


CRÉDIT MOBILIER ESPAGNOL.


L’Espagne a deux institutions de Crédit mobilier : celle-ci et la suivante ; elles datent l’une et l’autre de 1856, et sont constituées sous la forme anonyme, pour 99 ans. — Capital, 456 millions de réaux (120 millions de fr.) ; actions de 1,900 réaux (500 fr.). Il n’a été émis que 120,000 actions, sur lesquelles 30 0/0 de versés.


COMPAGNIE GÉNÉRALE DE CRÉDIT EN ESPAGNE.


C’est la fondation Prost, dont nous avons parlé au chapitre des Caisses d’escompte. — Capital, 399 millions de réaux (105 millions de fr.) ; actions de 1,900 réaux (560 fr.). Il n’en a été émis que 70,000, sur lesquelles 30 0/0 de versés.

Comment les finances espagnoles trouveront-elles de quoi alimenter de pareilles compagnies, dont une serait déjà de trop, vu le peu d’importance du marché dans la Péninsule ?


BANQUE NATIONALE SARDE.
(Gênes et Turin.)


Société anonyme, fondée pour l’escompte des valeurs commerciales. Durée, 30 ans à partir du 1er juin 1850. Capital, 32 millions ; actions de 1,000 fr.


BANQUE DE SAVOIE.
(Annecy et Chambéry.)


Compagnie anonyme, fondée pour 30 ans, le 26 avril 1851. — Capital, 2 millions ; actions de 1,000 fr. — Escompte du papier de commerce.


CANAUX.


CANALISATION DE L’ÈBRE.
(Madrid.)


Compagnie anonyme, fondée le 29 décembre 1852, pour 99 ans. — Capital, 126 millions de réaux de veillon (33,600,000 fr.). Actions de 2,000 réaux (533 fr. 33 c.) — 4 0/0 pendant la durée des travaux.


CANAL DE SUEZ.
(Alexandrie. — Bureau à Paris, 9, rue Richepanse.)


Le percement de l’isthme de Suez, dont on se préoccupe si vivement depuis plusieurs années, est enfin décidé. La Compagnie chargée de l’entreprise s’est constituée en la forme anonyme française ; elle a été autorisée le 5 janvier 1856, pour 99 ans. Le capital est de 200 millions, les actions de 500 fr. ; elles recevront 5 0/0 pendant les travaux.


CHEMINS DE FER.


CHEMINS DE FER AUTRICHIENS.
(Vienne. — Paris, 15, place Vendôme.)


Société anonyme autrichienne autorisée le 22 février 1855. D’après le Rapport de 1856, l’ensemble des lignes concédées était de 1,359 kilomètres, dont 1,106 en exploitation. 114 kilomètres se construisent aux frais de l’État, et 138 aux frais de la Compagnie. La concession comprend :

1° Pour 92 ans, les lignes suivantes ;

De la frontière de Saxe, par Prague, à Brünn
et Olmulz (en exploitation)
470 kil.
De Marchegg à Szolnock et Szegedin par Pesth
(en exploitation)
448
Des mines du banal de Lissowa à Basiasch par
Orawicza (en exploitation)
68
De Szegedin à Temeswar (construit par l’État) 112
De Temeswar au Danube (par la Compagnie) 83
------------
Ensemble 1,181

2° À perpétuité, les mines, usines, forêts, terres arable, prés, etc., couvrant une superficie de plus de 126,000 hectares.

La Compagnie a racheté le chemin de fer de Vienne à Comorn.

Le prix d’achat des chemins, des mines et des forêts est de 200 millions à payer au gouvernement autrichien par la Compagnie, en 36 termes mensuels, sans intérêt, du 1er mars 1855 au 1er février 1858.

Le gouvernement accorde à la Compagnie une garantie d’intérêt de 5.2 0/0, du capital de 200 millions, et l’exempte de certains impôts pour 5 à 10 ans.

Les dépenses à la charge de la Compagnie se composent de :

Prix d’achat des chemins, mines et forêts 200,000,000
Dépenses à faire 154,000,000
----------------
Total    354,000,000

Le capital social est de 80 millions de florins de convention (200 millions de francs ; les Actions de 500 fr. dont 325 versés, sont au nombre de 400,000. — Il a été émis en outre un emprunt au moyen de 300,000 Obligations libérées, remboursables à 500 fr. en 90 tirages, négociées à 275 ; intérêt de 15 fr. ; jouissance du mars et septembre.

L’exercice de 1855 a donné pour résultats :

Recettes de toutes natures 30,991,509 fr.
Dépenses, 53 0/0 de la recette 16,494,821
--------------
Revenu net     14,496,688

Les actions touchent 5 0/0 pendant la durée des travaux.


CHEMIN DE FER CENTRAL-SUISSE.
(Bâle.)


Le réseau comprend : de Bâle à Olten, d’Olten à Berne et Morat (raccordement avec l’ouest), d’Olten à Lucerne, d’Olten à Aarau (raccordement avec l’est), 226 kilomètres. Concession de 99 ans. — Capital d’actions, 36 millions ; actions de 500 fr. — Emprunt de 12 millions par obligations de 500 fr. et de 5,000, 5 0/0, remboursables en 25 ans. — 4 0/0 pendant les travaux.


CHEMIN DE FER DE L’OUEST-SUISSE.
(Lausanne.)


Société anonyme autorisée le 27 novembre 1852. Concession de 99 ans. Le réseau comprend : Morges, Lausanne, Yverdun ; de Morges à Coppet ; d’Yverdun à la frontière bernoise. — 224 kilomètres environ. — Capital, 30 millions ; divisé en 60,000 Actions de 500 fr. — 5,000 Obligations émises à 400 fr., remboursables à 500 ; intérêt 20 fr. — 4 0/0 aux actions durant les travaux.


CHEMIN DE FER SARDE VICTOR-EMMANUEL.
(Chambéry. — Paris, 38, rue Basse-du-Rempart.)


Tracé : de Modane à Genève, par Montmélian, Chambéry, Aix-les-Bains, Albens ; embranchement de Chambéry sur Saint-Genis d’Aoste Concession de 99 ans à partir du 25 mai 1853 ; garantie par l’État de 4 1/2 0/0 d’intérêt. — Capital, 50 millions, divisé en 100,000 actions de 500 fr., dont 250 versés. — Intérêt à 4 1/2 0/0 pendant les travaux.


DE NAPLES À NOCERA ET CASTELLAMARE.
(Paris, — 31, rue Saint-Guillaume.)


Commandite française fondée le 8 février 1837, sous la raison sociale A. Bayard de la Vingtrie et Cie. La Concession par le roi de Naples date du 19 juin 1836, elle est de 80 ans. La longueur de la ligne est de 42 kilomètres, en exploitation complète depuis 1844. — Capital, 12,500,000 fr., actions de 1,000 fr. divisées en deux coupons, l’un de capital, l’autre de jouissance ; le premier a droit à 5 0/0, au dividende et au remboursement ; le second, au dividende et au partage de l’actif après l’amortissement.


DE TARRAGONE À REUSS.
(Paris, 15, rue Saint-Fiacre.)


Commandite française, fondée le 29 juin 1853, sous la raison sociale G. Ragel et Cie. Concession de la ligne de Tarragone à Reuss (province de Catalogne, en Espagne) ; 16 kilomètres ; 99 ans. — Capital, 1,750,000 fr., divisé en 7,000 Actions de 250 fr. — 4,200 Obligations, émises à 250, remboursables à 500 ; 15 fr. d’intérêt.


CHEMINS DE FER BELGES.


D’Anvers à Gand. — 51 kilomètres ; 90 ans ; 4,700,000 fr. ; actions de 500 fr.

Chemin de l’entre-Sambre-et-Meuse. — 105 kilomètres ; 90 ans ; 21,500,000 fr., divisés en 31,000 actions de 500 fr. et 23,000 de 250. — Trois séries d’obligations de 1,000 fr., 4, 5 et 5 1/4 0/0.

De la Flandre occidentale. — 122 kilomètres à une seule voie ; 90 ans ; 11,421,818 fr. : actions de 220 et de 250 fr. — 10,000 obligations de 500 fr. 3 0/0.

De Tournay à Jurbise et de Landen à Hasselt. — 76 kilomètres ; 12,500,000 fr. ; actions de 500 fr. ; concession de 90 ans.

De Manage à Erquelines. — Affermé à la Compagnie du Nord.

De Charleroi à Louvain. — 64 kilomètres ; 90 ans ; 6,500,000 fr. ; actions de 500 fr. ; 2,500 obligations de 1,000 fr., 45 fr. d’intérêt.

De Dendre-et-Waes et de Bruxelles vers Gand, par Alost. — 109 kilomètres ; 90 ans ; 15 millions ; actions de 500 fr. ; 7,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0.

D’Anvers à Rotterdam. — 80 kil. ; 90 ans ; 12,500,000 fr. ; actions de 250 fr. ; 2,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0.


MINES.


CHARBONNAGES BELGES.


Hauts-fourneaux, usines et charbonnages de Marcinelle et Couillet. — Compagnie anonyme autorisée le 10 octobre 1836. — Durée, 30 ans. — Capital, 12 millions ; actions de 500 fr.

Sars-Longchamps et Bouvy. — 4 décembre 1835, 99 ans, 2,800,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Compagnie des charbonnages belges. — 6 mai 1846 ; 99 ans ; 15 millions : actions de 500 fr.

Haut-Flenu. — 1838 ; 30 ans ; 4 millions ; actions de 500 fr.

Levant du Flenu. — 1836 ; 99 ans ; 2,800,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Société de charbonnage des produits au Flenu. — 1836 ; 90 ans ; 4 millions ; actions de 1,000 fr.

Hornu et Wasmes. — 1836 ; 90 ans ; 3 millions ; actions de 1,000 fr.

Monceau-Fontaine. — 1836 ; 90 ans ; 2,300,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Boussu et Sainte-Croix-Sainte-Claire.— 1837 ; 3,500,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Sacré-Madame. — 1838 ; 99 ans ; 3,500,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Courcelles-Nord. — 1838 ; 99 ans ; 2,500,000 fr. ; actions de 500 fr.


FORGES ET USINES BELGES.


Hauts-fourneaux et charbonnages de Chatelineau. — 1850 ; 20 ans ; 12 millions ; actions de 400 fr.

D’Ougrée. — 1854 ; 71 ans ; capital représenté par 10,500 actions.

Fabrique de fer d’Ougrée. — 1837 ; 87 ans ; 3,500,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Société de Saint-Léonard. — 1836 ; 90 ans ; 1,600,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

Charbonnages et hauts-fourneaux de l’Espérance, à Seraing. — 1836 ; 90 ans ; 4 millions ; actions de 1,000 fr.

De Monceau-sur-Sambre. — 1837 ; 99 ans ; 4 millions ; actions de 1,000 fr.

De la Providence. — 1838 ; 25 ans ; 5,500,000 fr. ; actions de 1,000 fr.

De Sclessin. — 1841 ; 90 ans ; 11 millions ; actions de 1,000 fr.

Établissements de John Cockerill, à Seraing et à Liège. — 1842 : 50 ans ; 12,500,000 fr.— 12,200 actions de 1,000 fr. ; 400 de 500 fr. ; 400 de 250 fr.

Fourneaux et laminoirs de la Sambre. — 1853 ; 25 ans ; 5 millions ; actions de 500 fr.


PHÉNIX MÉTALLURGIQUE.
(Cologne.)


Société anonyme prussienne autorisée le 10 novembre 1852. — Durée, 25 ans. — Capital, 6 millions de thalers (22,500,000 fr.) ; actions de 100 thalers (375 fr.). Il n’en a encore été émis que 44,000. — 10,000 obligations de 100 thalers 6 0/0.


VIEILLE-MONTAGNE.
(Liège. — Paris, 19, rue Richer.)

Cette Compagnie a absorbé les quatre suivantes : Mines et usines à zinc de la Prusse rhénane, de la Meuse, de Valentin-Cocq, et Société du blanc de zinc. Elle est constituée sous forme anonyme, pour 99 ans à partir du 23 juin 1837. Capital, 9 millions. Les actions sont de 1,000 fr., divisées en coupons de 100 fr. ; elles ont été remboursées d’un cinquième par amortissement. — Revenu de chacun des deux derniers exercices, 200 fr.

La Compagnie a deux emprunts : 3,000 obligations de 1,000 fr. 5 0/0, et 13,000 de 500 fr. 5 0/0.


NOUVELLE-MONTAGNE.
(Verviers. — Paris, M. Rougemont de Lowenberg, correspondant.)


Société anonyme belge fondée le 6 mars 1845. — Durée, 20 ans. — Capital, 3 millions ; actions de 1,000 fr. —Moyenne des quatre derniers exercices, 91 fr. — La production en 1855 a été de 2,232 tonnes de zinc et de 45 tonnes de plomb.


SOCIÉTÉ DE CORPHALIE.


Compagnie anonyme belge autorisée le 14 novembre 1846. — Durée, 30 ans. — Capital, 5,500,000 fr. ; actions de 1,000 fr.


SOCIÉTÉ DE BLEYBERG-ÈS-MONTZEN.


Compagnie anonyme belge autorisée le 13 août 1853. — Durée, 50 ans. — Capital, 2,750,000 fr. ; actions de 500 fr.


MINES DE ZINC DE STOLBERG ET WESTPHALIE.
(Aix-la-Chapelle. — Paris, 47, rue de Luxembourg.)


Compagnie anonyme prussienne autorisée le 31 septembre 1845. — Durée, 25 ans. — Capital, 8 millions de thalers (30 millions de francs) ; deux séries d’actions de 100 thalers (375 fr.). Les 40,000 actions de la deuxième série ont privilége sur celles de la première en cas de liquidation.


MINES ET FONDERIES D’ESCHWEILER.


Société anonyme prussienne autorisée le 1er septembre 1848. — Durée, 25 ans. — Capital, 1,500,000 thalers (5,625,000 fr.) ; actions de 100 thalers (375 fr.). Elles sont de deux séries ; celles de la seconde, au nombre de 8,500, sont privilégiées en cas de liquidation.


MINES ET FONDERIES DE ZINC DE LA SILÉSIE.
(Breslau.)


Société anonyme prussienne autorisée le 28 septembre 1853. — Durée, 50 ans. — Capital, 5 millions de thalers (18,750,000 fr.} ; actions de 100 thalers (375 fr.).


MINES ET FONDERIES DE CUIVRE DU RHIN.
(Cologne.)


Compagnie anonyme prussienne fondée pour 30 ans à dater du 1er juillet 1853. — Capital, 1 million de thalers (3,750,000 fr.) ; actions nominatives de 100 thalers (375 fr.). 2,000 obligations de 100 thalers 5 0/0.


GLACES ET VERRERIES.


GLACES ET VERRERIES D’OIGNIES.
(Bruxelles.)


Société anonyme belge approuvée le 2 juin 1836. — Durée, 30 ans. — Capital, 10 millions ; actions de 1,000 fr. — Revenu du dernier exercice, 71 fr. 50 c.


COMPAGNIE DE FLOREFFE.


Société anonyme belge autorisée le 30 mai 1853. — Durée, 50 ans. — Capital, 6 millions ; actions de 500 fr. — Dernier exercice, 24 fr. 35 c.


MANUFACTURE DE GLACES D’AIX-LA-CHAPELLE.
(Aix-la-Chapelle. — Paris, 48, rue de Luxembourg.)


Société anonyme prussienne autorisée le 21 janvier 1853. — Durée, 50 ans, — Capital, 2 millions de thalers (7,500,000 fr.) ; actions de 100 thalers (375 fr.). — 5 0/0 jusqu’à la mise en activité complète des établissements.


TABLEAU GÉNÉRAL


DES VALEURS COTÉES À LA BOURSE DE PARIS


et leur cours à la fin de 1856[18].


FONDS PUBLICS.


rentes françaises époques
de jouissance.
cours
fin de 1856.
4 1/2 %, nouveau (ancien 5 et emprunts) mars et septemb. 90
4 1/2 ancien dito.
4 % dito.
3 % juin, décembre 66
fonds étrangers.
Anglais. Consolidé 3 % » 92
Belges. 4 1/2 % mai, novembre 91
—— 3 % février, août 70
—— 2 1/2 % janvier, juillet 51
Espagne. Différé 3 % juin et décembre 24
—— Passive
—— 3 % 1841 janvier, juillet 41
—— Dette intérieure dito. 39
—— Petites coupures dito.
Naples. Récépissés Rotschild dito.
Rome. Emprunt juin, décembre 85
Haïti. Emprunt janvier, juillet 550
Piémont. 5 % dito. 91
—— 3 % dito. 55
—— 5 % anglo-sarde juin, décembre 85
—— Obligations 4 % 1834 janvier, juillet 1020
—— —— août 1849 avril, octobre 970
—— —— octobre 1851 février, août 930
Autriche. Lots 425
—— 5 % janvier, juillet 88
—— 5 % nouveau
Hollande. 2 1/2 % dito. 64
Russie. 4 1/2 % dito. 94
Turquie. Emprunt avril, octobre 90


OBLIGATIONS DIVERSES.


valeur
d’émission.
prix
du rembours.
époques
de jouissance.
intérêt
annuel.
cours
fin de 1856.
Ville de Paris, 1849 (25.000) 1000 1000 avril, oct. 50 1050
—— ——, 1852 (50.000) 1000 1000 janv. juill. 50 1050
—— ——, 1855 (150.000) 400 500 mars, sept. 15 378
Ville de Marseille, 1848 (9.000) 1000 1000 janv. juill. 50 1020
Montpellier. (13.000) 570 500 mars. sept 25
Liste civile. (20.000) 1000 1100 mai, nov. 50 1050
Liste militaire (11.000) 1000 1000 avril, oct. 50
Obligations fonc. de 1000 fr. 3 % 1000 1200 mai. nov. 3 % 940
—— —— coupon de 100 fr. 4 % 100 100 dito 4 % 95
—— —— coupon de 100 fr. 3 % 100 100 novembre 3 % 85
—— —— coupon de 500 fr. 4 % 500 500 mai. nov. 4 % 445
—— —— dito 3 % 500 500 dito 3 % 400
—— —— Promess. 3 % à 1000 fr.
dont 200 payés
1000 1000 dito 3 % 940
Vieille-Montagne (3.000) 1000 1000 janv. juill. 50
—— (13.000) 500 500 dito 25 440
Loire, (4.160) anciennes 1250 50 1050
—— (18.000) nouvelles 1250 50 945
Chameroy (2.000) 100 6 %
Châtillon et Commentry (12.000) 500 625 janv. juill. 25 510


ACTIONS DE CHEMINS DE FER.


nombre
d’actions.
valeur
au pair.
sommes
payées.
revenu
de 1855
époque
de jouissance.
compagnies cours
fin de 1856.
400.000 400 tout 61 juillet Nord 940
300.000 500 tout 50 avril Ouest 850
6.000 500 tout » » Sceaux et Orsay »
300.000 500 tout 80 avril Orléans 1320
250.000 500 tout 78 50 mai Est (anciennes) 810
250.000 500 475 4 % mai Est (nouvelles) 750
265.000 500 tout 82 50 juillet Paris à Lyon 1360
80.000 500 375 4 % juillet Lyon à Genève 740
90,000 500 tout 86 avril Lyon à la Méditerranée 1750
134.000 500 tout 4 % juillet Midi (anciennes) 740
39.334 700 250 4 % juillet Midi (nouvelles) 750
15.000 500 tout » » Bordeaux à la Teste »
224.000 500 450 4 % janvier Grand-Central 610
50.000 500 300 4 % juillet Saint-Rambert à Grenoble 600


ACTIONS DE CHEMINS DE FER (suite).


nombre
d’actions.
valeur
au pair.
sommes
payées.
revenu
de 1855
époque
de jouissance.
compagnies cours
fin de 1856.
36.000 500 400 4 % avril Graissessac à Béziers 540
42.000 500 350 4 % janvier Ardennes et Oise 550
8.000 500 400 4 % juillet Bessèges à Alais »
400.000 500 400 31 90 juillet Chemins de fer autrichiens 770
100.000 500 240 4 1/2 % juin Sarde Victor-Emmanuel 580
11.000 500 tout 4 % janvier Manage à Erquelines »
72.000 500 tout 4 1/2 juillet Central-Suisse 480
60.000 500 250 4 % juin Ouest-Suisse 460
7.000 250 tout 6 % juillet Tarragone à Reuss 225
32.000 200 187 5 % Rome à Frascati »


OBLIGATIONS DES COMPAGNIES DE CHEMINS DE FER.


nombre
d’obligations
valeur
d’émission
prix
de rembours.
intérêt
annuel
époques
de jouissance
compagnies cours
fin de 1856
375.000 335 500 15 janv. juill. Nord (5 séries, 1851-1855) 288
2.363 345 500 15 août Nord-Boulogne (1851) »
80.000 1050 1250 50 avril. oct Paris à Lyon 975
100.000 295 500 15 dito — — (1855) 280
120.000 500 625 25 dito Méditerranée. 6% garanti par
l’État (1852)
475
182,333 350 500 15 janv. juill. —— 3 % (1853) 287
30.000 280 500 15 dito —— (1855) »
138.828 500 650 25 juin, déc. Est (1852) 450
125.000 480 650 25 janv. juill. —— (1854) 450
126.000 270 500 15 » —— (1856) »
600.000 280 500 15 janv. juill. Ouest (1855) 285
8.888 1125 1250 50 dito Orléans (1842) 1000
13.333 750 1250 50 dito —— (1848) 1000
150,000 340 500 15 dito —— (1852, gar. par l’État) 290
130.000 275 500 15 dito —— (1854) 290
150.000 290 500 15 dito —— (1855) 290
131.007 300 500 15 dito Grand-Central (1853) 285
180.000 300 500 15 dito —— (1855) 285
186.000 285 500 15 dito Lyon-Bourbonnais (1856) 285
102.614 500 625 25 dito Rhône-et-Loire (1853) »
63.643 500 500 15 dito ———— 3% (1855) 285
87.749 285 500 15 dito Lyon à Genève (1856, garanti
par l’État)
285
149.788 285 500 15 dito Midi (1856. gar. par l’État) 285
300.00 275 500 15 mars. sept. Chemins autrichiens (1855) 285
4.200 250 500 6 % » Tarragone à Reuss »


VALEURS INDUSTRIELLES.


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
assurances maritimes
400 12.500 1.900 Générale (an.) 24 % b
300 5.000 200 Sécurité (an.) 32 % b
4.000 5.000 262 50 Union des ports (an.) 11 % b
1.000 1.000 » Indemnité (an.) 14 % b
4.200 5.000 290 Lloyd français (an.) 30 % b
200 5.000 203 90 Ocean (an.) 25 % b
600 5.000 180 Chambre d’assurances (an.) 30 % b
400 5.000 252 50 Mélusine (an.) 20 % b
200 5.000 915 Vigie (an.) 25 % b
200 5.000 405 Sauvegarde (an.) 15 % b
200 5.000 374 Pilote (an.) »
200 5.000 450 Cie française des prêts à la grosse (an.) »
200 5.000 » Phare maritime (an.) »
1.200 1.000 » La Maritime (an.) »
1.000 5.000 120 Générale (an.) 18 % b
1.200 5.000 89 La Réunion (an.) 15 % b
200 5.000 » L’Éole (an.) »
200 5.000 » Cie bordelaise (an.) »
400 5.000 » Gironde (an.) »
500 5.000 480 Garonne (an.) »
200 5.000 » Aquitaine (an.) »
200 5.000 » Lloyd bordelais (an.) »
400 5.000 » Alliance maritime (an.) »
500 4.000 24 La Provence (an.) »
1.200 1.000 107 50 Havraise et Parisienne (an.) »
600 1.000 » La Fortune (an.) »
600 1.000 » Les Deux-Mondes (an.) »
600 1.000 30 La Sphère (an.) »
600 1.000 » Le Commerce (an.) »
600 1.000 » Les Antilles (an.) »
200 5.000 » Lloyd marseillais (an.) »
assurances contre l’incendie
400 5.000 2.775 Générale (an.) 40.000
4.000 1.000 215 Phénix (an.) 200 % b
2.000 5.000 675 Nationale (an.) 170 % b
2.000 5.000 325 L’Union (an.) 84 % b
1.000 6.000 300 Le Soleil (an.) 115 % b
2.000 5.000 200 La France (an.) 40 % b
1.000 5.000 300 L’Urbaine (an.) 100 % b


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
2.000 2.500 90 La Providence (an.) 45 % b
400 5.000 » L’Aigle (an.) 45 % b
3.000 4.000 42 50 La Paternelle (an.) pair.
800 5.000 » La Confiance (an.) 7 1/2 b
2.000 1.000 20 Le Nord (an.) 12 % b
assurances sur la vie
400 7.500 2.025 Générale (an.) 103 2/3 b
3.000 5.000 300 Nationale (an.) 23 % b
2.000 5.000 460 Union (an.) 11 % b
800 5.000 450 Phénix (an.) 3 % b
1.000 1.000 » Conservateur (an.) »
8.000 500 » Caisse Paternelle (an.) »
10.000 500 » Impériale (an.) »
assurances diverses
2.000 5.000 50 Générale (grêle) (an.) 9 % b
60.000 100 19 % éL’Agriculture et la Générale réunies
(an.) (mortalité des bestiaux)
»
16.000 250 5 % La Française (co.) (Accidents
des chemins de fer)
»
banques et caisses
94.250 1.000 200 Banque de France (an.) 4.000
6.000 500 30 25 —— de la Martinique (an.) »
6.000 500 32 50 —— de la Guadeloupe (an.) »
6.000 500 42 93 —— de la Réunion (an.) »
600 500 » —— de la Guyane (an.) »
460 500 » —— du Sénégal (an.) »
6.000 500 36 50 —— de l’Algérie (an.) 600
40.000 500 42 Comptoir de l’escompte de Paris (an.) 700
3.470 100 6 % Sous-comptoir des Entrepren. (an.) »
50.000 100 8 25 —— des Métaux (an.) »
40.000 100 4 72 —— des chem. de fer (an.) »
5.000 100 10 % —- des Denr. colon. (an.) »
600 1.000 » Comptoir d’Alais (an.) »
525 100 6 % —— d’Angoulême (an.) »
253 1.000 6 % Dito.     Dito. »
6.000 100 » Comptoir de Caen (an.) »
600 500 » —— de Colmar (an.) »
2.000 450 6 % —— de Dôle (an.) »
4.000 500 24 —— de Lille (an.) »
4.600 500 » —- de Mulhouse (an.) »


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
400 250 5 % Comptoir de Sablé (an.) »
500 200 20 —— de St.-Jean-d’Angély (an.) »
400 500 » —— de Ste-Marie-aux Mines (an.) »
60.000 500 17 50 Crédit Foncier de France (an.) 600
120.000 500 203 70 Crédit Mobilier (an.) 4.400
4.544 500 5 % Crédit maritime (co.) »
100,000 500 79 90 Caisse générale des chemins de fer,
Mirès et Cie (co.)
510
50.000 500 5 % —— des Actions, Amail et Cie (co.) »
50.000 100 22 —— centrale de l’Industrie,
Vergniolle et Cie (co.)
158
30.000 100 25 Crédit indust. Malevergne et Cie (co.) »
6.000 500 16 % Caisse d’escompte, Prost et Cie (co.) »
20.000 500 37 40 Caisse Béchet et Cie (co.) 435
1.000 1.000 73 36 —— Le Hideux et Cie (co.) »
110.680 100 10 26 Comptoir cen., Bonnard et Cie (co.) 137
2.000 500 » Bouron et Cie (co.) 515
16.000 500 » Lécuyer et Cie (co.) 600
1.600 5.000 » Nu-propriétaires (co.) 6.500
1.200 500 6 % Comptoir commercial d’Angers (co.) »
500 1.000 60 Caisse commerciale de Honfleur (co.) »
600 1000 95 Caisse départle de la Mayenne (co.) »
3.000 1000 9 % Caisse commerciale du nord (co.) »
10.000 375 30 Caisse industrielle du Nord (co.) »
20.000 500 » Comptoir de la Méditerranée (an.) »
1600 250 » Caisse commerciale de Roubaix (co.) »
4.000 1000 Caisse du comm. et de l’agricult. (co.) »
5000 200 5 % Caisse commerciale d’Avignon (co.) 220
50.000 100 15 % Crédit foncier de San-Francisco (civ.) »
31.000 1058 152 90 Société générale de Bruxelles (an.) 2.820
20.000 1000 60 Banque de Belgique (an.) 1re série 950
10.000 1000 70 —————— 2e , 1841 »
12.000 1000 40 Actions réunies (an.) »
100.000 537 50 34 90 Banque de Darmstadt (an.) 800
300,000 500 » Crédit mobilier autrichien (an.) »
160,000 250 » Mobilier et foncier suisse (an.) »
10.000 50 » Crédit des États sardes (co.) »
120,000 500 » Crédit mobilier espagnol (an.) »
70.000 500 » Cie génér. de crédit en Espagne (an.) »
3.000 1.000 57 Banque de Genève (an.) »
bougies
60.000 100 » Stéarinerie (co.) 112
2.000 500 » Étoile (co.) »


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
2.400 500 » Soleil (co.) »
1.200 500 » Huilerie. Stéarinerie (co.) »
canaux
69.120 1000 50 Quatre-Canaux (an.) Act. de capit. 1.080
68.000 » 830 —— de jouissance 98
27.200 1000 50 Bourgogne (an.). Act. de capital 975
27.200 » 12 50 —— de jouissance 140
6.000 1000 50 Arles à Bouc (an.) cap. »
17.600 1000 50 Trois-Canaux (an.) cap. »
13.000 » 11 Roanne à Digoin (an.) 130
600 5000 540 Aire à la Bossée (an.) 8000
11.550 1000 67 50 Sambre à l’Oise (an.) 920
2.200 1000 129 Scarpe inférieure (co.) 1500
6000 1000 120 Sambre française (an.) 1350
63.000 400 4 % Canalisation de l’Èbre (an.) »
400.000 500 » Canal de Suez (an.) »
caoutchoucs
30.000 100 » Caoutchouc durci (co.) 80
50.000 100 45 Caoutchouc souple (co.) 405
20.000 100 » Cie générale belge (co.) »
charbonnages et asphaltes
5.200 500 20 Houillères de la Haute-Loire (civ.) 350
3.600 4000 20 Centre du Fienu (civ.) 245
2.800 4000 70 Pont-le-Loup-Sud (civ.) 400
2.800 500 » Montieux-St.-Étienne (civ.) »
30.000 500 » Blanzy (co.) 700
1500 1/500e 150 Azincourt (an.) 1450
3550 » 42 Chazotte (an.) 780
4850 » » Layon-et-Loire (an.) 400
24.000 300 27 Portes et Sénéchas (an.) 300
80.000 » 60 Loire (quatre groupes) (an.) 740
80.000 » 10 Loire (an.) 160
80.000 » 14 Saint-Étienne (an.) 458
80.000 » 9 Montrambert (an.) 458
80.000 » 27 Rive-de-Gier (an.) 280
3.275 » » Saint-Chamond (an.) »
13.200 » 34 Mayenne et Sarthe (an.) 625
24.000 » 60 Grand’Combe (an.) 925
30.000 500 25 Charbonnages belges (an.) 450
8000 500 60 Haut-Flenu (an.) »


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
6.720 250 » Houillères réunis-sous-Quarégnon (an.) 150
3.000 500 » Asphaltes-Seyssel (co.) »
4.200 4000 40 Bastennes (co.) »
eaux et bains
80.000 250 4 % Cie générale des Eaux (an.) 215
8.000 250 8 70 % Eaux d’Auteuil et de Neuilly (co.) 255
7.000 100 6 % Eau de Seine purifiée (co.) 107
9.000 100 5 % Eaux de Calais et St.-Pierre 100
10.000 100 » Samaritaine (civ.) »
60.000 100 » Lavoirs et bains publics (co.) »
filatures
8.000 500 35 Lin Maberly (Amiens) (co.) 695
20.000 500 55 50 Cobin et Cie (co.) 505
7.350 500 20 Trudin, Cie Continentale (co.) »
4.400 500 35 81 Société lainiers (co.) 550
5.000 1/5000e 25 Cie lainière de Pont-Remy (an.) 480
40.000 250 125 La Foudre. Cie Rouennaise (co.) »
4.500 100 » La Briale (co.) 103
4.000 1000 50 La Lys (an.)
forges, fonderies, hauts-fourneaux
4.000 1/4000e 500 Loire et Ardèche (an.) 4.325
2.400 3000 350 Decazeville (Aveyron) (an.) 4.000
18.000 » » Alais, Gard (an.) »
5.000 500 80 Basse-Loire (co.) 690
50.000 500 80 Châtillon et Commentry (co.) 440
10.000 » » Horme (an.) 640
6.000 » » Maubeuge (an.) 450
28.000 500 80 Creusot (co.) 795
50.000 » 50 Fourchambault (co.) 497
54.000 » 70 Marine et chemins de fer 510
50.000 250 » Herserange (co.) »
6.000 500 39 47 Aisne-et-Nord (co.) 530
24.000 500 » Franche-Comté (co.) 495
» 500 » Côte-d’Or (co.) 600
900 5000 » Adincourt (an.) »
4.000 1000 75 Espérance (Belgique) (an.) 1250
4.000 1000 4 25 Monceau-sur-Sambre (an.) 4.430
5.500 1000 105 Providence (Belgique) (an.) 1.430


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
12.000 » 60 Ougrée (an.) 632
10.000 500 » Sambre, Franco-Belge (an.) »
60.000 375 30 Phénix métallurgique (an.) 350
gaz
110.000 500 » Cie parisienne d’Élec. et de Chauff. (an.) 800
40.000 250 30 Union des Gaz (co.) 290
6.000 500 40 Nord (Batignolles) (co.) 500
1.000 500 74 50 Est (Vincennes) (co.) »
1.200 500 35 Versailles (co.) 300
600 500 70 Brest (co.) »
4.300 500 30 Amiens (co.) 460
2.100 416 15 Wazemmes (co.) 485
15.000 500 31 85 Cie centrale Lebon, 48 villes (co.) 513
24.000 300 5 % Gaz et Hauts-Fourneaux
de Marseille (co.)
»
100.000 50 » L’Alliance (co.) »
glaces et verreries
1.152 7000 » Saint-Gobain (an.) 33.000
24.000 500 » Montluçon (co.) 250
10.000 1000 62 45 Oignies (an.) 11.200
12.000 500 24 35 Floreffes (an.) »
20.000 375 » Aix-la-Chapelle (an.) 125
immeubles
130.000 400 4 % Palais de l’Industrie (an.) 70
240.000 100 5 % Immeubles Rivoli (an.) 95
14.000 500 » Rue Impériale de Lyon (an.) »
journaux
6.000 500 75 Journaux réunis : Pays, Constitutionnel (co.) 500
2.500 200 100 Le Siècle (co.) 500
108 2500 550 Le Droit (co.) 4500
mines diverses
90.000 80 20 Vieille-Montagne (an.) 330
3.000 1000 90 Nouvelle-Montagne (an.) 4.225
40.000 375 5 % Stolberg et Westphalie (an.) 85
5.500 4000 70 Corphalie (an.) 1137
5.500 500 » Bleyberg-es-Montzen (an.) »


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
8.570 375 5 % Eschwiller (an.) »
6.500 » » —— dito, 2e série) »
50.000 375 8 42 Silésie (an.) 170
10.000 375 » Mines et fonderies de cuivre
du Rhin (an.)
»
10.000 » 25 Pontgibaud (an.) »
25.600 100 1 75 Fermière de Caronte (co.) »
24.000 100 4 % Tenez (co.) Algérie) 40
60.000 100 1 50 Mouzaïa (co.) dito 30
1.800 1000 80 Villefort, Vialas, Auzonnet, etc. (civ.) »
40.000 100 9 % Septèmes (co.) 97
6.000 200 6 % San-Fernando (an.) 265
12.000 500 » Salins du Midi (co.) »
4.000 500 » Salines de Gouhenans (co.) »
navigation
48.000 500 120 Messageries Impériales (an.) 1200
10.000 500 136 78 Navigation à vap. Bazin et Cie (co.) 595
60.000 500 43 50 Cie générale Maritime (an.) 425
36.000 500 154 21 éFranco-Américaine (co.) 475
10.000 100 5 % Clippers français (co.) 80
50.000 500 20 % Armements maritimes (co.) 500
16.000 250 10 % Paquebots fluviaux et marit. (co.) 280
30.000 500 » Navigation mixte (co.) »
papeteries
1.800 1000 » Marais et Sainte-Marie (an.) 1000
4.000 » 80 Essonnes (an.) 1150
800 1000 80 Écharçon (an.) 1000
800 1000 » Sanche (an.) »
ponts et ports
élément
100.000 150 » Ports de Marseille (co.) »
7.000 1000 10 Ponts et ports de Grenelle (co.) »
3.000 1000 5 1/2 Ponts réunis (co.) »
4.000 1000 5 1/4 —— —— nouveaux (co.) »
sucreries, raffineries
16.000 250 21 25 De la Scarpe (co.) 480
10.000 500 55 De Tournus (co.) »
14.000 500 » de Bourdon (co.) 500


nombre
d’actions
valeur
au pair
revenu
du dernier
exercice
COMPAGNIES cours
fin de
1856
usines
4.000 500 40 Galvanisation du fer (co.) 400
2.399 255 35 Fers étirés, Gandillot et Cie (co.) »
2.000 500 58 Chaumeroy (co.) 709
14.000 500 50 25 Cail et Cie (co.) »
50.000 100 » constructions maritimes, Séguineau
et Cie (co.)
»
4.000 500 90 Cristoffle et Cie (co.) 500
voitures et omnibus
250 10.000 » Messageries Impériales (an.)
6.000 4000 600 Caillard et Cie (co.) 600
3.200 300 40 Omnibus des chemins de fer (co.) 470
24.000 500 45 Cie générale des Omnibus (an.) 800
3.200 300 40 Omnibus de Londres (co.) 475
4.700 80 9 50 Gondoles parisiennes (co.) 100
400.000 100 1 65 Cie impér. des petites voitures (an.) 87
divers
40.000 100 10 Subst. aliment., dessiccation (co.) 107
» » » Docks-Napoléon (an.) 170
100.000 25 6 1/2 Telég. sous-marin (Manche) (co.) 20
30.000 250 5 % —— —— Méditerranée (co.) 110
28.000 500 12 50 Vidanges Richer (co.) 250
1.000 1000 14 65 % Moulin Packham (co.) »
800 4000 10 % Guides fumivores (co.) 1010
8.000 500 9 % Produits chimiques de Javelle et
Sèvres (co.)
»
8,750 200 20 Société des Deux-Cirques (co.) 200
  1. C’est-à-dire que l’État donne 6 fr, de vente pour 67 fr. 26 c. de capital qu’il reçoit. C’est de l’argent à 8 73 0/0.
  2. Le 3 0/0 à 70 supposerait le 5 0/0 à 116 66.
  3. Un exemple fera mieux comprendre ce genre d’opération. Du 3 0/0 à  75, c’est de l’argent au denier 25 ; du 5 0/0 à 100, de l’argent au denier 20. En changeant mon 5 contre du 3 à 75, je subis une réduction de 1/5 ; car si pour 75 fr. je touche 3 fr. de rente, pour 100 fr. je n’en toucherai que 4. Mais, la conversion faite, on me reconnaît 100 fr. de capital par chaque coupon de 3 fr. ; en sorte que mes 4 fr. de rente représentent 133 fr. 33 c. Ainsi, dans ce système, 15 fr. de rente 5 0/0, représentant 300 fr. de capital, deviennent 12 fr. de rente, représentant 400 fr.
  4. Remarquons en passant que la plupart des émigrés avaient déjà été indemnisés par l’empire.
  5. On compte l’année de 365 jours 5 heures 48 minutes, soit de 525,948 minutes. Il ne s’était donc écoulé, à la fin de 1825, que 959,855,100 minutes.
  6. L’intérêt de l’indemnité fut fixé à 3 0/0, tandis que celui de la dette antérieure était à 5. Il n’en faudrait pas conclure que les indemnisés fussent lésés par cette différence. Ce qu’ils avaient perdu, c’étaient des biens fonds, et il n’y a guère de terre qui rapporte 3 0/0.
  7. Les statuts des sociétés anonymes n’admettent à l’assemblée que les propriétaires d’un nombre déterminé d’actions ; mais le Code ne prescrit rien de semblable.
  8. Voir, sur toute cette matière de l’association, et en particulier de la société anonyme, sur ses abus, ses envahissements, sa mauvaise administration, ses spéculations, sa comptabilité, ses gaspillages, etc., l’ouvrage déjà plusieurs fois cité : Des Réformes à opérer dans l’Exploitation des Chemins de fer. Paris, 1855, Garnier frères.
  9. La première banque départementale ne fut créée qu’en 1817 : ce fut celle de Rouen.
  10. Les actions sont la mise de fonds d’une entreprise ; les obligations en représentent les emprunts. Le bénéfice des obligations est fixe : c’est un tant pour cent l’an, et quelquefois une prime au remboursement. Elles ont privilége sur les actions, dont elles sont créancières. Elles ne sont point solidaires des pertes. Les actions, au contraire, courent les risques bons et mauvais de la société ; les pertes et les bénéfices n’en sont pas limités. — Dans une entreprise prospère, les actions sont préférables ; dans une société en déficit, les obligations sont plus sûres.
  11. Ce canal a été affermé par la Compagnie générale des Mines de la Loire, laquelle a un traité de transport avec la Compagnie du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon ; en sorte que le canal se trouve à peu près sans emploi.
  12. Ce canal se trouve aujourd’hui compris dans la concession des chemins de fer du Midi. — Voir au chapitre suivant.
  13. En 1846, la France n’avait en exploitation que 986 kilomètres de chemins de fer, ci 986 kilom.
    La Belgique en possédait 559
    L’Allemagne, 3,250
    La Grande-Bretagne, 3,400
    Les États-Unis, 8, 500
  14. Voir Des Réformes à opérer dans l’Exploitation des Chemins de fer.
  15. Les actions sont cotées au taux du remboursement, 500 fr., et non à celui de la libération, 400. Le chiffre de 200 millions comprend donc 40 millions qui n’ont pas été versés.
  16. Voir les Compagnies de Paris à Sceaux, du Grand-Central, de Paris à Lyon par le Bourbonnais, pour les conditions de rachat et de cession.
  17. Voir le chemin de fer de Paris à Lyon par le Bourbonnais.
  18. Les principales abréviations employées dans les bulletins de Bourse sont les suivantes : Fin ct fin courant ; — Fin pn, fin prochain ; — Pe dt 2, prime dont 2 ; — En liq., en liquidation ; — J., jouissance ; — 3 0/0 b. bénéfice ; — 2 0/0 p., perte. — Ces deux dernières formules sont spécialement affectées à la cote des actions des Compagnies d’assurances.