Manuel et itinéraire du curieux dans le cimetière du Père la Chaise/La Folie-Regnault

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LA FOLIE-REGNAULT.

Durant les premiers âges de la monarchie, ce lieu s’appela le Champ-l’Évêque ; il appartenait sans doute à l’évêque de Paris. Au xive siècle, un épicier nommé Regnault[1] charmé de ce site, y fit construire une maison de campagne somptueuse pour l’époque, car le peuple lui donna le nom de la Folie-Regnault[2]. L’heureux propriétaire de ce manoir se rit de cette boutade de la malignité publique, en jouissant des avantages de sa maison des champs. Où pouvait-il trouver un site plus pittoresque, une position plus heureuse, un sol plus fertile, plus varié ; un air plus pur, des vues lointaines plus étendues et plus belles ; dominer sur de plus riches campagnes, mieux voir Paris dans son universalité et dans ses moindres détails ? Cette retraite délicieuse captiva par sa beauté le suffrage de tous les âges.



  1. Les épiciers étaient les négocians les plus riches dans ce siècle ; leurs maisons étaient aussi les plus magnifiques, car Louis XI fit loger, l’an 1476, Alphonse V, roi de Portugal, qui visita Paris, dans l’hôtel de Laurent Herbelot, épicier, rue des Prouvaires. Les présens du corps de ville lui furent offerts dans ce manoir ; il y reçut les plus grands seigneurs. Pour le régaler, il y vit passer la procession du recteur de l’Université, suivi des quatre facultés. Pour lui donner une haute idée du savoir français, il fut conduit à l’évêché, où il entendit disputer en latin et vit donner le bonnet de docteur en théologie. Pour lui montrer comment on savait y rendre la justice, il fut conduit an Parlement, devant lequel un archidiacre de Paris et le curé de Saint-Eustache, tous deux avocats fameux, plaidèrent une cause en latin, et le Parlement rendit en cette langue son arrêt.
  2. La rue conduisant de celle de la Muette à la barrière des Amandiers porte encore le nom de la Folie-Regnault. Sa direction oblique de la rue de la Muette à celle des Amandiers prouve que l’habitation de l’épicier Regnault n’occupait point la place où l’on a vu la maison du P. La Chaise, mais l’endroit où existe maintenant, un peu plus haut à gauche, une cave. Si l’habitation de l’épicier Regnault avait été construite à la place de celle du P. La Chaise, il y serait arrivé par la rue Saint-André directement, qui aurait alors pris son nom. Il existait, avant l’acquisition faite pour agrandir l’enclos de la Folie-Regnault, un chemin traversant de l’ouest à l’est le bas du vallon, car la maison du P. La Chaise était de la paroisse de Charonne, et celle de son jardinier, de celle de Sainte-Marguerite ; or les limites des paroisses dans les campagnes étaient fixées par des chemins. Sans doute sur un point nord-ouest de celui-ci sent branchait la route conduisant à la Folie-Regnault.