Marie-Claire/18

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Eugène Fasquelle (p. 66-68).



Colette était bien pâle, quand elle vint à la messe : ses joues étaient encore plus minces ; elle se tenait les yeux baissés, et ses paupières étaient toutes violettes.

Je pensai que c’était la fin de son martyre, et une joie profonde me soulevait.

Tout près de moi, une Vierge vêtue d’une grande robe blanche souriait en me regardant, et dans un élan de toute ma foi, ma pensée lui cria :

— Miroir de Justice, guérissez Colette !

Et, les tempes serrées par la volonté de ne pas distraire ma pensée, je répétais :

— Miroir de Justice, guérissez Colette !

Maintenant, Colette s’en allait communier. Sa canne faisait un petit bruit sec sur les dalles.

Quand elle se fut agenouillée, celle qui l’avait accompagnée revint avec la canne, tant elle était sûre qu’elle serait inutile.

Ce fut lamentable.

Colette essaya de se mettre debout, et retomba sur les genoux. Sa main tâtonna pour prendre sa canne, et, ne la trouvant pas, elle fit un nouveau mouvement pour se lever.

Elle se cramponna à la Sainte Table, et s’accrocha au bras d’une sœur qui communiait près d’elle ; puis, ses épaules balancèrent, et elle s’écroula en entraînant la sœur.

Deux des nôtres se précipitèrent, et traînèrent la pauvre Colette jusqu’à son banc.

Pourtant, j’espérais encore, et, jusqu’à la fin de la messe, j’attendis le Te Deum.

Aussitôt que cela me fut possible, je rejoignis Colette.

Elle était entourée des grandes, qui essayaient de la consoler en lui conseillant de se donner à Dieu pour toujours. Elle pleurait doucement, sans secousses, la tête un peu penchée, et ses larmes tombaient sur ses mains, qu’elle tenait croisées l’une sur l’autre.

Je m’agenouillai devant elle, et, quand elle me regarda, je lui dis :

— Peut-être qu’on peut se marier malgré qu’on est infirme.

L’histoire de Colette fut bientôt connue de toute la maison ; il y eut une tristesse générale qui empêcha les jeux d’être bruyants. Ismérie croyait m’apprendre une grande nouvelle en me racontant la chose.

Ma camarade Sophie me dit qu’il fallait se soumettre aux volontés de la Vierge, parce qu’elle savait mieux que nous ce qui convenait au bonheur de Colette.