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Marie-Claire/62

La bibliothèque libre.
Eugène Fasquelle (p. 252-253).



L’hiver revint encore une fois.

Sœur Désirée-des-Anges avait vite compris mon goût pour la lecture ; elle m’apportait l’un après l’autre tous les livres de la bibliothèque des sœurs.

C’était, pour la plupart, des livres enfantins, que je lisais en tournant plusieurs pages à la fois. Je préférais les récits de voyages et je lisais la nuit à la lueur de la veilleuse.

Sœur Désirée-des-Anges me grondait, quand elle se réveillait, mais aussitôt qu’elle se rendormait, je reprenais mon livre.

Peu à peu une douce amitié nous avait liées ; le rideau blanc ne séparait plus nos lits pendant la nuit ; la gêne s’en était allée d’entre nous, et toutes nos pensées nous étaient communes.

Elle avait une gaieté fine, qui ne s’altérait jamais.

Une seule chose lui paraissait ennuyeuse dans la vie : c’était son costume de religieuse. Elle le trouvait lourd et incommode ; elle disait avec une expression de lassitude :

— Quand je m’habille, il me semble que je me mets dans une maison où il fait toujours noir.

Elle s’en débarrassait très vite le soir, et elle était tout heureuse de marcher dans la chambre en costume de nuit.

Elle disait avec sa petite moue :

— Je commence à m’y faire, mais dans les premiers temps la cornette m’écorchait les joues, et la robe me tirait les épaules en bas.

Au printemps, elle se mit à tousser.

Elle avait une petite toux sèche qui ne se faisait entendre que de temps en temps.

Son corps long et fin parut encore plus fragile. Elle gardait toute sa gaieté ; elle se plaignait seulement que sa robe devenait de plus en plus lourde.