Marie Antoinette et Barnave/Appendice A

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Texte établi par Alma SöderhjelmLibrairie Armand Colin (p. 233-239).

APPENDICE A


Mémoire de Duport[1]que j’ai envoyé avec un suplément. Il y avoit une lettre qui ne dissoit que les mêmes choses. Je ne les[2]point envoyé et je les brûlés[3].

Les objets discutés dans ce mémoire étant d’une haute importance et les diverses déterminations que l’on doit prendre pouvant, si elles sont fausses, attirer[4]sur la France et sur l’Europe entière des maux incalculables, on croit devoir placer ici quelques réflexions générales qui sortent du sujet.

Pour juger sainement des affaires françoises, non seulement il ne faut prêter l’oreille à aucun parti, puisqu’ils sont toux aveuglés par leur intérêt ou leurs passions ; il ne faut pas même espérer que l’on connoîtra l’état des choses par les opinions que l’on entend ennoncer ; les opinions en ce moment ne sont ni asses unniverselles, ni asses profondes pour servir d’indication sûres aux hommes qui veulent raisonner en politique ; il faut compter pour beaucoup le caractère françois et cette propriété qu’il a de s’exalter pour des idées générales et abstraites de liberté, patriotisme, gloire, monarchie, etc., en tout, d’obéir à des impulssions soudaines et rapides. Il en résulte qu’il est beaucoup plus facile de le guider au milieu des événements, en disposant avec art les objets de sa haine ou de son affection que de soumettre d’avance sa conduite au calcul. D’un autre côté néantmoins, avertis par l’expérience, il ne faut plus écouter uniquement ce que demandent les circonstances et les vœux du moment ; il faut démêler dans la position présente le germe de Page:Soderhjelm - Marie-Antoinette et Barnave.djvu/249 Page:Soderhjelm - Marie-Antoinette et Barnave.djvu/250 Page:Soderhjelm - Marie-Antoinette et Barnave.djvu/251 Page:Soderhjelm - Marie-Antoinette et Barnave.djvu/252 Page:Soderhjelm - Marie-Antoinette et Barnave.djvu/253 confiance à un François que celui d’un prince puissant qui déclare qu’il veut la paix et qu’étant allié de la France et du Roi, il ne peut séparer leurs intérêts[5]lorsqu’ils agissent parfaitement de concert.

Personne ne peut blâmer ce parti. Les émigrés disent en vain que le Roi n’est pas libre ; les veto qu’il a mis aux décrets de l’assemblée nationale sur lesquels l’opinion pouvoit le plus aisément s’égarer, prouvent évidemment le contraire. Quant à ce qu’ils veulent insinuer sur Mr d’Orléans, il ne faut qu’avoir passé trois jours à Paris pour savoir dans quel mépris il y est tombé. Personne ne pense à en faire quelque chose.

Résumé.

On a cru devoir présenter d’abord un exposé de la situation véritable des choses et des bases générales du sistème que l’on doit embrasser. Les détails seront traités dans des mémoires séparés et suivront les événements. Mais il est nescessaire que l’empereur soit étroitement lié au Roi des François et que ses démarches suivent les siennes, qu’il entretienne avec lui une correspondance active[6], car si l’on livre au hazard d’aussi grands événements, les plus affreux malheurs peuvent arriver et l’Europe peut être subvertie sans que la prudence et la raison puissent s’y opposer.

Note à ajouter au mémoire.

Dans des circonstances aussi délicates, il paraît absolument nescessaire que l’empereur soit parfaitement au fait des affaires françoises, qu’il puisse les juger sans recevoir l’impression d’aucun parti. Pour cela, il n’y a pas d’autre moyen que d’envoyer de Vienne un agent très sûr et intelligent, surtout loyal et franc, auquel on pourroit aboucher ici des hommes dont l’influence et les consseils peuvent servir utilement la chose et qui ont donné des preuves sufisantes de leur fermeté, de leurs lumières et de la droiture de leurs intentions.

  1. Voir ci-dessus, p. 216, note 3.
  2. Lire : l’ai.
  3. L’original ne portait en tête que le mot : Mémoire. Tout le reste est de la main de la reine.
  4. En interligne : Duport avait d’abord écrit : ammemer.
  5. Les trois derniers mots en interligne à la place de l’éviter.
  6. Suivent cinq mots rayés : « par des agents très sûrs ».