Marmorea (Mendès)

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PhilomélaJ. Hetzel, libraire-éditeur (p. 41-43).

MARMOREA



Savez-vous un pays où la fleur a des ailes ?
Savez-vous un pays où l’aile a des parfums,
Où les roses d’avril, en place d’immortelles,
Fleurissent le tombeau de nos amours défunts ?


Où sur les monts bombant l’échine de la plaine,
Le platane au tronc lisse et l’orme au pied moussu
Cliquètent, pleins d’oiseaux, de chansons et d’haleine,
Comme un grelot d’argent sur le dos d’un bossu ?

Où le flot, dans un bain de fluides étreintes,
Dès baigneuses, le soir, berce la nudité ;
Où le sable du bord conserve les empreintes
Des enlacements nus pendant les nuits d’été ?

Là, parmi les buissons, rayonnante et sans voiles,
Une apparition glisse comme un follet.
— Belle fille, statue, aux deux grands yeux, étoiles
Que la Nuit laissa choir dans un ruisseau de lait,

Quel ciseleur de mots, quel sculpteur de pensées,
Que Dieu pour travailler les durs métaux créa,
Arrondira le vol des strophes cadencées
Au moule de ton sein, blanche Marmorea ?