Le bénitier (Mendès)

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PhilomélaJ. Hetzel, libraire-éditeur (p. 35-37).
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LE BÉNITIER



L’enfer, qui donne aux lys le poison des ciguës,
A mis en Elle un charme exécrable et vainqueur ;
Avec sa dent de neige aux morsures aiguës
Cette méchante femme a déchiré mon cœur.


Dans ma lâche poitrine elle a fait une brèche
Afin de déchirer mon cœur^ et c’est son jeu
Familier d’y planter son doigt comme une flèche !
Elle a l’humeur joyeuse et ne croit pas en Dieu.

On ne la vit jamais se signer, accourue
Dans l’église à l’appel désespéré du glas ;
Lorsque les corbillards défilent dans la rue,
Elle a des mots charmants qui font rire aux éclats.

La nuit, dans les langueurs chaudes de l’insomnie,
Elle quitte parfois ma couche, et les démons
L’accueillent à la fête énorme où communie
Le peuple des damnés éperdus sur les monts !


Et quand l’aurore a terrassé la messe noire,
L’infâme dans mon cœur saignant, saignant toujours,
Afin de compléter le rit blasphématoire,
Trempe son ongle rose et se signe à rebours.