Mascouche en 1910/Chapitre 1

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Mascouche en 1910

CHAPITRE I


SOMMAIRE. — 1. Aspect général du pays. — 2. Son nom. — 3. Étude géologique du grand Coteau. — 4. Tremblement de terre et bouleversements de 1663.


Le territoire sur lequel est situé le coquet Village de St-Henri de Mascouche, est un vaste plateau, d’une égalité presque uniforme rompue seulement par la colline du Grand Coteau, et la coulée, peu profonde, que s’est creusée, dans la suite des siècles la rivière St Jean Baptiste.

Cette particularité remarquable de ce plateau paraît être l’origine du nom de Mascouche, donné depuis le commencement à ce territoire, et qui était commun, autrefois, à tous les pays environnants. « Maskutew, (prononcez Mascouteou) en algonquin, signifie en effet, une plaine, une prairie unie ; or, le territoire de la seigneurie des Plaines », qui confine avec celui de Mascouche, « s’appelait de temps immémorial, Les Plaines. Le premier seigneur de Terrebonne, portait aussi le nom de seigneur des Plaines. Le nom de Mascouche vient donc, selon toute probabilité, de Maskutew, La Plaine.[1] Jusqu’à une nouvelle explication plus plausible nous nous en tiendrons à celle-ci, qui convient parfaitement au territoire »[2] de Mascouche et à toute la région circonvoisine.

Le grand coteau, seule éminence digne de remarque dans cette région, traverse la paroisse, du sud-ouest au nord en partant du Lac des Deux Montagnes, pour finir au Cap Tourmente. Il fournit une eau excellente, et contient, en abondance, une terre à brique de première qualité. C’est ce qu’avaient constaté déjà, il y a plusieurs années, les prospecteurs, venus dans nos régions pour en étudier le sol. Croyant faire rapidement des affaires d’or, dans un temps où ils n’avaient pas à redouter la concurrence des grands briquetiers modernes, ils se formèrent en compagnie, pour extraire la terre et façonner la brique ; ils n’avaient malheureusement pas songé, qu’il ne suffit pas de produire, mais qu’il faut encore et surtout, écouler ses produits ; ce qu’ils ne purent faire, faute de débouchés, de chemins, et de moyens de transport suffisants. Aussi bientôt la Compagnie fut-elle obligée de cesser cette exploitation, qui ne fut plus reprise dans la suite.

Ce grand Coteau est, sans aucun doute, l’ancienne rive d’un grand golfe, aujourd’hui le fleuve St Laurent. En effet, d’après le traité géologique de Mgr. J. C. K. Laflamme, « la province de Québec était, à l’époque Champlain, en grande partie, un immense bras de mer, faisant communiquer l’océan avec le lac Champlain, peuplé par les baleines, les marsouins et autres animaux marins, dont on a trouvé les restes sur ses rivages » [3] et même à St Henri de Mascouche, où l’on fit la découverte d’une carcasse de baleine, dans la partie de la Cabane Ronde, appelée la Petite Presqu’île. On trouve aussi, dans toute la région, comme à Montréal, au Lac St Jean, etc., de nombreux coquillages, enfouis dans le sol, à plus de 400 ou 500 pieds au-dessus du niveau actuel du fleuve St Laurent.

Il est aussi digne de remarque, que le territoire du Saguenay était également recouvert par l’eau. Le lac St Jean devait se prolonger loin au sud, jusqu’aux environs de Chicoutimi ; c’est durant l’époque des terrasses, que ce vaste réservoir s’est vidé peu-à-peu, par la rivière Saguenay.

« Durant l’époque quaternaire, trois grandes oscillations se seraient fait sentir dans le continent américain. Un premier mouvement d’élévation, durant l’époque glacière, qui causa peut-être le refroidissement du climat et amena la formation du glacier continental. Un mouvement d’affaissement, durant lequel le glacier fondit et l’océan envahit une partie du continent : étage Champlain. Enfin, un second mouvement de soulèvement : étage des terrasses. » [4].

À une époque beaucoup plus rapprochée de la nôtre, de pareilles et non moins grandes perturbations se produisirent, qui jetèrent l’étonnement et la consternation dans tout le Canada. Voici en effet, ce que nous lisons dans le journal des « sçavants »

Du Lundy, 16 May M. D. C. LXXVIII (1678)

c’est un article bibliographique ayant trait à la Vie de la vénérable Mère Marie de l’Incarnation [5].

« Parmy le détail des vertus de cette Religieuse, (Mère Marie de l’Incarnation) qu’on peut appeler avec raison, la Sainte Thérèse du nouveau monde, et qui peut servir d’un modèle achevé pour les personnes les plus parfaites de l’un et de l’autre sexe, on y trouve deux effets de la nature, que l’on peut mettre avec justice, au nombre des prodiges les plus étonnans. »

« Le premier, est une glace flottante, d’une prodigieuse hauteur : laquelle, après avoir causé et entretenu une tempête, l’espace de treize jours et plus, vint fondre, avec une impétuosité horrible, à une pique du vaisseau dans lequel cette sainte femme passait en Canada. Cette glace, au rapport de ceux qui estaient dans le vaisseau, et de la Religieuse même, qui la voulut voir après qu’elle fut passée et que la tempête eut cessé, était de la grandeur d’une ville considérable, escarpée, et munie de ses défenses. Il y avait des avances qui paraissaient comme des tours, audessus desquelles les glaçons s’estaient tellement eccumulez, qu’on les eut pris de loin pour des donjons ; et il y avait des pointes de glaces si élevées, qu’on n’en pouvait voir la cime, à cause de la Brune. Cet écueil fut vue du coté du Nord, où le vaisseau avait été emporté par la tempête. »

« L’autre accident est encore plus surprenant, et peut-être inouy. C’est un tremblement de terre qui commença le mardi gras, 5 Février de l’an 1663, sur les cinq heures et demy du soir, et dura dans sa force, dans presque tout le Canada, jusqu’au mois de juillet. Quoy qu’il ne fut pas continuel, la terre ne laissait pas d’être agitée plusieurs fois le jour et la nuit, et chaque secousse durait un demi quart d’heure, un quart d’heure et quelquefois une demi heure entière. Plus de six mois après, la terre trembla encore de temps en temps, mais avec moins de violence : si bien qu’on peut dire que son mouvement dura plus d’un an. »

« Ce tremblement agita plus de quatre cents lieues de Paiis : Tadousac, Québec, Sillery, les trois Rivières, Montréal, les Hiroquois, l’Acadie et la nouvelle Hollande en ressentirent les secousses, avec d’autant plus de violence, que le fond de ce Paiis, qui est presque tout de marbre, résistait plus fortement au feu ou à l’air, qui estaient enfermez dans le sein de la terre et qui faisaient des efforts pour en sortir. »

« Les effets en furent si terribles et si prodigieux, qu’on aurait de la peine à les lire, même dans ce Livre, et beaucoup plus à les croire, s’ils n’étaient arrivez de nos jours, et s’ils n’avaient pour témoins une infinité d’habitans de tous ces Paiis, qui vivent encore. L’on voyait des montagnes s’entrechoquer, d’autres se jettaient dans le grand fleuve de Saint Laurent, quelques autres se sont enfoncées dans la terre : il y en eut qui se sont détachées de leurs fondements, et qui ont avancé plus de cent brasses dans le fleuve, portant et retenant leurs arbres et leur verdure. Les montagnes des deux côtez se sont perdues et égalées aux campagnes voisines, plus d’une lieue sur le Fleuve, et il y a un espace de plus de cent lieues, tout rempli de rochers et de montagnes, qui s’est tellement applani, qu’il fait aujourd’huy une grande plaine, aussi égale que si elle avait esté dressée au niveau.

On voit, depuis ce temps-là, des montagnes où il n’y en avait jamais eu, des rivières où il y avait auparavant des forests, et on trouve des lacs et des fleuves où l’on voyait auparavant des montagnes inaccessibles.

Comme cet auteur avoue qu’il n’ose pas rapporter tous les effets particuliers de cet effroyable tremblement, disant qu’ils sont si étranges, qu’on aurait de la peine à les croire, nous ne dirons pas non plus, dans le même sentiment, tout ce qu’il rapporte »[6].


  1. « Mascouche est la corruption d’un mot sauvage (algonquin) qui, d’après le R. P. Lacombe, vient de Maskus, petit ours. Les indiens de l’endroit, auraient donné autrefois ce nom à la petite rivière qui coule sur la limite sud de la paroisse, et l’auraient appliqué à tout le territoire avoisinant. » Hist. de Ste Anne des Plaines, par l’abbé G. Dugas.
  2. Hist. de Ste Anne des Plaines, par l’abbé G. Dugas.
  3. Traité géologique par Mgr J. C. K. Laflamme, p. 223.
  4. Traité géologique par Mgr J. C. K. Laflamme, p. 225.
  5. Coups de crayon par F. A. Baillargé, Ptre, p. 70.
  6. Journal des savants. Cité par F. A. Baillargé dans Coups de crayon, page 73.