Massiliague de Marseille/p2/ch01

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Éditions Jules Tallandier (p. 229-239).


DEUXIÈME PARTIE



I

L’HEURE DE L’ACTION


Depuis trois mois dure le blocus de l’éminence, au haut de laquelle Dolorès et ses compagnons sont retranchés.

Dans la plaine, les Indiens campent toujours.

Ils ne manifestent aucune impatience. Ils chassent, dansent, chantent.

En vain les assiégés ont tenté quelques sorties de nuit.

En vain leurs carabines ont envoyé la mort aux guerriers qui, soit dans la plaine, soit dans le Val Noir, avaient l’imprudence de passer à leur portée, rien n’a pu décider les assiégeants à se départir de leur prudente tactique.

Et sur la hauteur, la tristesse, le découragement se lisent sur les visages. Dans les combats provoqués par les assiégés, trois Mayos ont succombé, mais ce n’est pas là ce qui abat leurs compagnons. Qu’est-ce donc ?

Celui qui eût vu le campement trois mois plus tôt l’eût compris en remarquant que les mules, les chevaux ont disparu, sauf deux pauvres bêtes qui attendent leur tour d’être transformées en nourriture.

Oui… la fin des ressources approche. Bientôt la disette apportera son terrible appui à l’ennemi.

La disette, c’est-à-dire la faiblesse accrue d’heure en heure, la rage impuissante usant les suprêmes forces… ; et puis la défaite dans l’impossibilité de soutenir la lutte.

Voilà ce qui désole les braves gens. Voilà ce qui met une ombre sur le front pur de Dolorès Pacheco.

Est-ce que ses projets géants vont être réduits à rien, par suite du défaut d’un peu de nourriture ? Est-ce que son esprit, voyageur infatigable de l’infini, va s’arrêter à cause d’un ridicule besoin matériel de l’estomac ?

Or, comme elle songeait tristement, Francis Gairon s’approcha d’elle.

— Doña, fit-il doucement.

Elle leva les yeux, comprit qu’il avait à lui dire une chose importante, et rappelant le sourire sur les lèvres :

— Qu’y a-t-il ?

— Une découverte que j’ai faite tout à l’heure, doña.

— Une découverte ?

— Dont on pourrait tirer parti sans doute.

Elle ne le laissa pas continuer :

— Pour échapper aux Indiens ?

Toute l’âme de la jeune fille passa dans cette question.

Le Canadien fit oui de la tête.

Alors elle lui prit la main, l’entraîna à l’écart, et d’une voix haletante :

— Parlez, parlez, mon ami. Ce n’est pas le souci égoïste de vivre qui m’agite à cette heure, — puis, avec un triste regard au ciel, — vous le comprendrez plus tard ; mais échapper à ceux qui nous assiègent, c’est la possibilité de poursuivre, d’achever notre œuvre.

Le visage du chasseur offrait un mélange d’admiration, de chagrin, de honte.

Auprès de la Mestiza, il ressentait toujours une sorte de gêne, mais, en ce moment, son trouble était plus grand encore que de coutume.

Il fallut qu’elle répétât :

— Parlez.

Alors, avec effort, il commença :

— Cette nuit, j’étais à l’affût à la crête de la falaise qui domine le Lac Noir. Je guettais un des démons rouges, puisque aussi bien leur envoyer quelques projectiles est la seule et inutile vengeance qui nous soit permise. Or, les allures de celui que j’avais au bout de ma carabine m’intriguèrent. Vingt fois, je fus sur le point de lâcher mon coup, et vingt fois je le retins.

— Pourquoi ? murmura-t-elle.

— Vous allez le savoir. Le guerrier, un jeune Comanche, suivait la rive opposée du lac. Vous savez que, de ce côté, l’eau baigne le pied de la falaise. Il gagnait le massif de rochers éboulés qui se dresse à l’entrée de la gorge nord, reliant le Val au désert. Et, détail curieux, le coquin n’avait aucune arme. Il s’était même dépouillé de son manteau.

— Continuez, continuez, fit Dolorès intéressée par le récit.

— J’en conclus qu’il avait voulu avoir les mouvements plus libres…

— C’est probable.

— J’en eus bientôt la certitude, doña. Parvenu aux roches éboulées, le Comanche y disparut un instant, puis il se montra de nouveau à leur sommet. À quelle opération bizarre se livrait-il donc ? Tout à coup, je retins avec peine un cri de surprise. L’Indien avait quitté son piédestal de rochers, et, lentement, il avançait, collé au flanc même de la falaise.

— Au flanc de la falaise… c’est impossible, Francis.

— C’est ce que je me dis d’abord, reprit le chasseur ; je me frottai les yeux… rien n’y fit, la vision persista. L’homme rouge progressait doucement, semblant remonter une pente douce qui devait l’amener à sept ou huit mètres au-dessous du point où je me trouvais. Le merveilleux, vous le savez, doña, n’a pas grande place dans l’esprit des coureurs de la prairie. Tout s’explique. Déjà, une explication se présentait à ma pensée.

— Laquelle ?

— Il doit y avoir là une corniche étroite qui nous a été cachée jusqu’à cette heure par le surplomb de la crête. C’est sur ce chemin aérien que s’appuyait le drôle. Et, sans bruit, je m’allongeai à terre, la tête dépassant l’escarpement.

— Eh bien ?

— Je ne m’étais pas trompé. Sans doute, le Comanche avait distingué la sente dangereuse de l’autre côté du lac, et il l’explorait, afin de savoir, selon toute apparence, si elle aboutissait au plateau, si elle ne permettrait pas de nous surprendre.

— Avons-nous cela à craindre ?

— Non, doña. Le rebord dont je parle finit brusquement… C’est une impasse. Bref ! je laissai le Comanche poursuivre sa reconnaissance, et quand il fut tout près de moi, je l’abattis d’un coup de carabine. Son corps est à présent dans le lac. Seulement une idée m’était venue.

— Une idée ?

— La corniche ne peut pas servir à monter jusqu’à nous, mais un homme résolu pourrait l’utiliser pour tromper la vigilance des assiégeants, gagner la prairie et aller chercher du secours.

Dolorès joignit les mains :

— Oui, oui, auprès des Séminoles de la rivière Canadienne. Les Séminoles sont les alliés séculaires des Atzecs.

Mais Gairon l’interrompit brusquement.

— Ils sont surtout, eux, plus intelligents, plus humains, plus civilisés, les ennemis des bandits du désert, Apaches ou Comanches.

Puis, après un silence :

— La nuit prochaine, je tenterai l’aventure.

La jeune fille lui serra la main, mais d’une voix hésitante :

— Ne pourrions-nous pas tous fuir par la voie que vous indiquez ?

— Non. Ce serait vous livrer à vos adversaires.

— Me livrer ?

— Évidemment. Nous n’avons plus de chevaux, donc notre marche serait lente, et les assiégeants bientôt avertis de l’abandon du campement, nous rejoindraient en plaine.

Elle inclina la tête :

— Vous avez raison, mon ami. Nous vous attendrons ici.

Et, avec une expansion soudaine :

— Si vous échappez à ceux qui nous entourent, marchez sans vous arrêter une minute, la cause de l’indépendance n’a plus d’espoir qu’en vous.

— Je passerai ou je mourrai, répondit Francis simplement.

Il allait s’éloigner, mais se ravisant :

— Ne dites rien de cela à nos amis, doña. La curiosité les pousserait vers le bord de la falaise. Il est inutile d’attirer de ce côté l’attention des diables rouges.

— Ils ignoreront, je vous le promets. Demain, seulement…

— C’est cela, demain.

Sur ce, le Canadien retourna à l’endroit où il reposait quelques minutes plus tôt.

Pierre l’y attendait.

— Est-ce fait ? demanda l’engagé.

— Oui.

— Alors, chef, vous partirez ?

— La nuit prochaine.

— Et la doña ne s’est doutée de rien ?

— De rien.

— Tant mieux ! nous n’avons pas l’habitude de mentir comme les gens des villes, nous autres, et je craignais que notre histoire, malgré la peine que nous avons eue à l’inventer, ne lui parût louche.

— Rassure-toi, Pierre. La pauvre enfant ne songe pas à nous suspecter.

Pris d’une colère soudaine, il gronda :

— Elle a confiance en moi, en nous. Et nous mentons, nous trompons la plus noble des créatures ! Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux se loger une balle dans le crâne ?

Plus philosophe, Pierre l’interrompit tranquillement :

— Cependant, vous allez la sauver.

— Après l’avoir mise en danger.

— Pour ne pas la trahir, chef.

Et comme Francis s’entêtait à s’accuser.

— Au surplus, conclut l’engagé, il est impossible de vous faire sauter la tête en ce moment.

— Parce que ?…

— Parce que, sans tête, il vous serait interdit de descendre sur la corniche du Renard Sanglant et d’aller quérir du renfort.

L’argument, on en conviendra, était sans réplique. Aussi Gairon garda le silence.

La journée s’écoula comme les précédentes.

Rosales, le faux Coëllo, Cigale, le Puma, les Mayos erraient d’un air ennuyé sur le plateau, lançant des regards courroucés aux assiégeants qui continuaient imperturbablement leur blocus.

De temps à autre, un des compagnons de Dolorès leur montrait le poing.

Dans un grondement, jaillissait une injure :

— Coquins, bandits, lâches, pillards !

Puis, le silence se rétablissait, plus déprimant, plus angoissant, après cette explosion d’une rage impuissante.

La nuit vint.

Après le dîner rapide, Dolorès, prétextant la fatigue, s’était retirée sous sa tente.

Elle était bien réellement le centre de cette petite troupe perdue au milieu du désert américain. Elle disparue, ses compagnons demeurèrent muets, abattus, ne sachant que se dire.

Bientôt, ils gagnèrent un à un leurs abris, et sous le ciel noir bleu, ponctué d’étoiles, le campement parut être endormi.

Seuls, deux Mayos de faction, veillaient, débout, ainsi que des statues, à l’extrémité du plateau.

Alors, Francis et Pierre se glissèrent sans bruit hors de leur tente. En rampant, ils parvinrent à la crête de la falaise.

Déjà, Dolorès les y avait précédés.

Sans une parole, les Canadiens déroulèrent leurs ceintures de soie. Ces ceintures, longues de plusieurs mètres, présentaient, malgré leur finesse, une résistance presque infinie. Nouées ensemble, elles devaient permettre à Gairon d’atteindre le niveau de la corniche inférieur, par laquelle il se flattait d’échapper aux assiégeants.

Méthodiquement, Pierre enroula l’une des extrémités autour d’une pointe de roc, s’assura par une énergique traction que le point d’appui était suffisant, puis il se tourna vers son ami :

— C’est fait, chef.

Francis inclina la tête et se prépara à descendre.

Mais, à ce moment, la Mestiza vint à lui, elle lui tendit les mains :

— Merci de ce que tu tentes, fit-elle lentement. L’espoir des peuples est en toi. Va, et sois béni !

Dans la voix de la jeune fille vibrait une émotion contenue, mais aussi une autorité étrange.

Les Canadiens en furent frappés, et tous deux courbèrent dévotieusement le front sous sa bénédiction.

Aucun autre adieu ne fut échangé.

Prestement, Gairon saisit la ceinture à deux mains et se laissa glisser par-dessus le rebord de l’escarpement.

La Mestiza et Pierre se penchèrent avidement. Une seconde encore, ils aperçurent la silhouette du chasseur se mouvant dans les ténèbres, puis la forme devint imprécise et parut s’absorber dans l’ombre.

L’oreille tendue, la respiration oppressée, ils demeurèrent là, tremblants qu’un cri, une détonation, leur apprit que leur messager avait été découvert.

Cet homme qui s’éloignait était en effet l’ultime espérance de la cause de la liberté sudiste. S’il échouait dans son entreprise, la partie était perdue, la tradition inca-atzèque ne se renouerait jamais.

Mais la nuit resta silencieuse. À un instant, il est vrai, les guetteurs crurent percevoir un gémissement étouffé, mais le bruit ne se renouvela pas, et après une longue station, la jeune fille et l’engagé regagnèrent lentement leurs tentes respectives.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Cependant Gairon avait atteint la corniche sans accident. Sa carabine en bandoulière, son machete dans la main droite, il avait pris pied sur l’étroite saillie.

Autour de lui, tout était sombre. Il avait l’impression d’être enfermé dans une cloche de nuit. Bien loin, au-dessous de lui, des clapotis bruissaient, lui rappelant que l’abîme était là.

Bien des hommes d’un courage éprouvé eussent été émus en se voyant ainsi perdus dans l’obscurité, suspendus au-dessus d’un gouffre, mais Francis était familiarisé avec tous les dangers de la prairie et ce fut paisiblement qu’il murmura :

— Enfin, j’ai donc une occupation agréable à mon cœur.

À petits pas, la poitrine presque appliquée à la paroi du rocher, il commença sa périlleuse promenade.

Au bout de quelques mètres, du reste, sa marche devint plus aisée, la saillie s’élargissant insensiblement.

— La nuit me cache, fit-il encore, mais elle m’empêche de voir. Je suis capable de tomber dans les bras d’une sentinelle rouge.

En redoublant de précautions, s’arrêtant à chaque instant pour prêter l’oreille, il reprit sa marche.

Une demi-heure, longue comme un siècle, s’écoula ainsi. Enfin, Gairon distingua confusément en avant de lui une masse irrégulière.

— Les blocs de la passe Nord, se déclara-t-il. Attention ! La passe est certainement gardée.

À présent, il se glissait avec peine parmi les masses de pierres entassées au hasard par les éboulements. Et soudain, il resta immobile, la tête penchée en avant.

À deux mètres de lui, son cheval entravé un peu en arrière, un Indien était debout, appuyé sur sa lance, au milieu même du sentier étroit conduisant du Val Noir à la prairie.

Évidemment, le guerrier était sans défiance.

Quelle apparence qu’il pût être attaqué en ce point ? Aussi chantonnait-il sur un air lent et doux, la mélopée de la Squaw que le colonel Anderson a su traduire en lui conservant sa tournure naïve et prenante :

xxLe Grand Esprit a créé la squaw —
pour être l’esclave — de l’homme
valeureux. — Mais il lui a donné la
beauté ; et l’homme est l’esclave
de la squaw.

xxEt comment en serait-il autrement ? —
Toute jeune, la squaw s’appelle
fille. — Plus âgée, elle prend le nom
de fiancée, de femme. — Et quand
elle a vieilli, les jeunes guerriers la
nomment « mère ».

La chanson s’acheva dans un râle sourd, murmure suprême d’agonie. Francis avait bondi en avant et son machete avait ouvert la gorge de l’Indien.

Le chasseur se redressa, écoutant.

Rien n’avait bougé aux environs.

Alors, il arracha le manteau du Peau-Rouge, le déchira, et des morceaux enveloppa les sabots du cheval qui, les naseaux dilatés, allongeait le cou vers celui auquel il obéissait naguère.

— Un cheval, voilà une aubaine, murmura Gairon. Allons, allons, j’ai mis la doña en péril, je la sauverai…

Et avec un soupir :

— Avec cela mon année d’engagement s’avance. Peut-être pourrai-je obéir à mon cœur sans trahir personne !

Il fit une pause, puis acheva :

— En restant digne d’elle. Ce disant, il prenait le coursier par la bride. Celui-ci se laissa docilement guider ; l’homme et l’animal s’engagèrent dans le passage étroit qui montait du Lac Noir à la plaine.

Évidemment les assiégeants avaient placé un factionnaire en cet endroit par un luxe de précaution qu’ils ne croyaient pas utile. Invraisemblable en effet était la pensée qu’une attaque pût se produire de ce côté.

Aussi Francis atteignit-il la surface du désert sans avoir rencontré personne.

Il poussa une exclamation de triomphe. La partie la plus difficile de son expédition était accomplie.

Sautant joyeusement en selle, il serra les flancs de sa monture et la bête partit au grand trot.

Au matin, Francis avait depuis longtemps perdu de vue les entassements basaltiques du Val Noir. Quatre jours de marche le conduisirent sur les rives desséchées de la rivière Canadienne.

Le cours d’eau était tari, barré de distance en distance par des lagons résultant de la plus grande profondeur du lit de la rivière.

La cinquième journée n’était pas achevée, que le voyageur entrait dans le village séminole de Whealers. Il y trouvait le vieux chef le Cheval Noir et son fils Cœur de Feu.

À la nouvelle que la Mestiza était assiégée au Val Noir, les Séminoles avaient ressenti une indignation terrible. Eux, les vieux alliés des Atzecs, des Toltecs, eux, les ennemis intraitables des Comanches et des Apaches, ne laisseraient point dans l’embarras celle qui parlait au nom de la tradition inca-atzèque.

Des courriers avaient été expédiés sur-le-champ aux diverses tribus séminoles établies le long de la rivière Canadienne.

Un rendez-vous avait été fixé aux chefs. Toute la nation assemblée délibérerait sur ce qu’il convenait de faire.

Les guerriers, les femmes, les enfants avaient quitté le village, tous se rendant à l’endroit désigné.

Avec Cœur de Feu, Francis Gairon les avait suivis. Et parmi les huttes désertées, le Cheval Noir seul était resté, grelottant de fièvre, n’ayant plus la force de marcher.

— Va, avait dit le vieillard à son fils, va… Soulève la colère des nôtres contre les ennemis de la Mestiza… Il faut la sauver d’abord… Ensuite tu reviendras chanter le chant de mort au vieux chef que le Grand Esprit rappelle à lui.

Cœur de Feu avait obéi.

Le rassemblement du peuple séminole eut lieu en un endroit appelé les Roches-Rouges de Guadalupe. Un immense cirque dénudé, environné d’une ceinture de rochers rougeâtres, fendillés par l’ardeur du soleil.

Plus de vingt mille personnes se pressaient dans ce cirque naturel. Agriculteurs, chasseurs, industriels, écoliers — car les Séminoles ont des usines et des écoles — avaient tenu à l’honneur de répondre à l’appel de Cœur de Feu.

Les femmes avaient suivi afin de préparer la nourriture des hommes.

Au surplus, les délibérations furent brèves.

Lorsque Francis, invité à parler, eut exposé la situation de la petite troupe de Dolorès, un immense cri monta dans l’air.

— Il faut délivrer la Vierge inca-atzèque.

Et, séance tenante, Cœur de Feu, promoteur de la réunion, fut désigné pour se rendre au camp des rôdeurs de la prairie qui assiégeaient la Mestiza. Aux assaillants il dirait ceci :

— Depuis de longues lunes, la hache de guerre a été enterrée chez les Séminoles. Non pas que ceux-ci aient peur du combat ; leurs tribus sont aujourd’hui les plus nombreuses, les mieux armées. Mais les Séminoles ont compris les bienfaits de la civilisation et de la paix. Ils se sont munis de fusils perfectionnés ; leurs fils reçoivent l’instruction des blancs ; des usines et des fermes s’élèvent à la surface aride de la prairie. Eh bien ! les Séminoles veulent que la Vierge du Sud ait libre passage, que nul n’entrave sa marche. Retirez-vous donc, frères rouges du Nouveau-Mexique, de l’Arizona ou du Texas ; retirez-vous si l’amitié séminole vous est chère, si vous voulez éviter les maux d’une guerre sans merci.

Le jeune Indien accepta sans murmurer la mission qui lui était Confiée.

Son père était seul, mourant, dans leur village désert. Sans doute le cœur du fils était déchiré par la pensée de cette agonie solitaire, mais il n’en laissa rien paraître.

Seulement il activa les préparatifs du départ, et le soir même, en compagnie de Francis Gairon, il galopait vers le Val Noir.

Quatre jours plus tard, les deux hommes se séparaient en vue des rochers de basalte, au sommet desquels était établi le camp des fidèles de Dolorès.

Le chasseur allait tenter de rejoindre ses compagnons, afin de leur apprendre ce qui se passait.

Cœur de Feu, lui, se rendait parmi les ennemis de sa nation, portant la paix d’une main, la guerre de l’autre.