Mathématiques et mathématiciens/Chp 3 - Section : Curiosités et étrangetés

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Librairie Nony & Cie (p. 440-459).


CURIOSITÉS ET ÉTRANGETÉS



COURBE RENAISSANTE

Lorsqu’on transforme la spirale logarithmique, pour construire sa développée et sa caustique, on retrouve la première courbe. Jacques Bernoulli voyait là comme un symbole de la résurrection et aurait voulu qu’on gravât la courbe sur son tombeau avec ces mots : Eadem mutata resurgo.

CARRÉS MAGIQUES

On donne ce nom à tout carré divisé en cases où sont inscrits des nombres tels qu’en les prenant dans une colonne verticale, une rangée horizontale ou une diagonale, on ait toujours le même total. Voici par exemple un carré magique à neuf cases et à la somme constante 15 ; il est formé des neuf premiers nombres.

 4   3   8 
 9   5   1 
 2   7   6 

Remarquons que le carré reste magique si l’on ajoute un même nombre à tous ses nombres ou si on les multiplie par un même nombre.

On a donné dans l’Antiquité une importance symbolique à ces combinaisons qu’on retrouve dans presque tous les talismans.

Les carrés magiques deviennent diaboliques, s’ils sont tels que si on divise le carré en deux rectangles égaux ou inégaux et qu’on échange les deux parties, le carré reste magique.

Exemple :

15 6 9 4
10 3 16 5
8 13 2 11
1 12 7 14
CHARLES XII

Quelques personnes ont voulu faire passer ce prince pour un bon mathématicien ; il avait sans doute beaucoup de pénétration dans l’esprit, mais la preuve que l’on donne de ses connaissances en mathématiques n’est pas bien concluante ; il voulait changer la manière de compter par dizaines et il proposait à la place le nombre soixante-quatre, parce que ce nombre contenait à la fois un cube et un carré et, qu’étant divisé par deux, il était enfin réductible à l’unité. Cette idée prouvait seulement qu’il aimait en tout l’extraordinaire et le difficile.

Voltaire.
NOMBRES GÉOMÉTRIQUES

On appelle nombres triangulaires des nombres tels que

● ●
3
   
● ●
● ● ●
6
   
● ●
● ● ●
● ● ● ●
10
  etc.
 

C’est ainsi rangées que voyagent les grues.

Il y a aussi les nombres quadrangulaires, pyramidaux, etc.

On croit tous les nombres semblables, mais Leibniz insiste sur leurs dissemblances.

COURBE BANALE

Malgré son nom savant, la cycloïde est banale.

En effet, chaque clou de chaque roue de voiture décrit la courbe en question, lorsque la voiture roule.

PLANÈTES HABITÉES

Il y a d’abord la terre sur laquelle nous vivons. Quant aux autres planètes, elles sont peut-être occupées par des êtres plus ou moins analogues aux hommes. C’est là l’objet d’hypothèses en l’air, sur lesquelles Fontenelle badine agréablement.

LES AUTRES ET SOI

Aimer, c’est préférer autrui à soi-même. La grandeur de l’amour est une fraction dont le numérateur, — mes préférences, mes sympathies pour autrui, — ne dépend pas de moi, tandis que mon amour pour moi-même peut être agrandi ou réduit par moi à l’infiniment petit, suivant l’importance que j’attache à mon individualité… Les raisonnements du monde sur l’amour et ses degrés sont des raisonnements sur la valeur des fractions, selon les numérateurs seuls, sans tenir compte des dénominateurs.

Tolstoï.
GÉOMÉTRIE DES ABEILLES

C’est le titre d’un ouvrage anglais de Taylor dans lequel sont expliqués les divers problèmes auxquels donne lieu la construction des ruches.

Les remarquables propriétés géométriques des alvéoles des abeilles ont été décrites par plusieurs observateurs : Pappus (IVe siècle av. J.-C.) ; Maraldi (1712) ; Réaumur (1702-1739) ; Mac-Laurin ; Castillon et Lhuillier (1781) ; Lord Brougham (1858) ; Terquem (1856-1860) ; Hultman (1868) ; Mullenhoff (1883) ; Hennessy (1885).

PAIR OU IMPAIR

Il vaut mieux parier pour impair, parce qu’on démontre que, dans un nombre donné de combinaisons, il y en a une de plus où les choses sont prises en nombre impair.

En matière de rythme poétique, Verlaine n’est pas moins affirmatif :

De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’impair,
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

NOMBRES PARFAITS

Ce sont les nombres entiers qui sont égaux chacun à la somme de leurs diviseurs.

Exemples : 6, 28, 496, etc.

On ne connaît actuellement que neuf nombres parfaits :

, , , , , , , et .

On sait, depuis Euclide, que les nombres parfaits sont de la forme , à condition que et soient des nombres premiers.

NOMBRES AMIABLES

On dit que deux nombres sont amiables lorsque chacun est égal à la somme des diviseurs de l’autre. On en connaît trois paires : et  ; et  ; et .

ARITHMOMANIE

M. de W… est âgé de 45 ans. Il est presque continuellement renfermé dans son cabinet où on le croit adonné à de sérieux travaux… En réalité, il passe tout son temps à compter combien de fois les mêmes lettres tantôt l’S, tantôt le T, tantôt le G, tantôt le Z, etc., sont répétées dans la Genèse, dans l’Exode, dans le Lévitique, etc. ; combien de pages dans telle édition commencent par un P, combien par un B, combien par un A, etc. ; combien finissent par un P, combien par un G, etc.

Dr Trélat.

Il lui vint à l’esprit l’idée de la fatalité du nombre 13 et quelquefois, avant de se coucher, il touchait 13 fois sa table de nuit ou 13 objets différents épars dans sa chambre. Peu à peu, il lui est arrivé de répéter plusieurs fois de suite ces 13 contacts et finalement il passait des nuits entières pour satisfaire à cette obsession.

Le nombre 13 le domine de plus en plus : il évite de mettre 13 mots dans une phrase et s’il en a écrit 12, sans compléter le sens, il se hâte d’en ajouter au moins deux pour dépasser 13, par crainte que le treizième ne soit cause d’un malheur. Il en est de même pour le langage, il compte de manière à éviter les phrases de 13 mots. Ce travail fatigant et ridicule le détourne de toute occupation sérieuse.

Dr Magnan.
RÉSOLUTION ÉLECTRIQUE

M. Félix Lucas se sert de l’électricité pour résoudre, à l’aide d’un seul graphique et sans calcul, une équation numérique de degré quelconque. (Comptes-rendus de l’Académie des sciences du 5 mars et du 9 avril 1889 et aussi du 22 décembre 1889.) Le moyen est fondé sur la production de figures par l’électrolyse.

CÉSARINE

… Cette petite, servant d’Égérie au vieux licencié et plus trapue en x que les candidats à Polytechnique et à Normale, cette petite est Césarine en personne…

… Vacquant lui-même, dit-il, Vacquant (c’est le professeur de spéciales) n’est que de la gnognotte auprès d’elle.

… Certains ouvrages qu’elle seule peut lire couramment… Elle est si étonnante, un génie mathématique. Son père était fort lui-même, seulement trop imbu de Wronski[1].

« Tout se résout en somme, dans la vie, même les actes les plus extraordinaires, par des équations bien faites. » (Mot de Césarine)… De ces équations morales, je n’ai vu moi que les inconnues dégagées, je veux dire les faits… je ne puis ainsi que noter des points, en laissant à de plus perspicaces le soin de retrouver les coordonnées psychologiques.

Richepin.
PASSIONS

L’amitié et l’amour, qui agissent dans une sphère circonscrite, qui se préoccupent exclusivement de la génération présente, d’un nombre limité d’individus, sont représentés par le cercle et l’ellipse, courbes finies, fermées, embrassant un espace nettement circonscrit.

La parabole et l’hyperbole, au contraire, sont des courbes qui ne se terminent pas, qui s’allongent indéfiniment, comme le familisme qui songe aux arrière-neveux, comme l’ambition qui rêve la postérité.

Dans le groupe d’amitié règnent l’égalité et la confusion des rangs. Dans le cercle tous les rayons sont égaux, tous partent du centre et se réfléchissent au centre.

L’ellipse présente deux foyers. Tout ce qui part de l’un se réfléchit à l’autre, image exacte de ce qui se passe entre deux cœurs unis par l’amour. Si le plan de l’ellipse s’incline de plus en plus sur une des arêtes du cône, un des foyers s’éloigne et va se perdre à l’infini. Alors l’ellipse se transforme en une parabole. C’est ainsi que l’amour dégénère insensiblement et conduit au familisme, c’est ainsi que l’affection qui rayonnait sur un seul être tend à s’élargir, à en embrasser plusieurs, à l’infini, dans le temps, comme les rayons de la parabole qui vont chercher le second foyer à l’infini dans l’espace.

Le rayon parti du foyer de l’hyperbole remonte s’éloignant de l’axe, après avoir été réfléchi sur la courbe ; il remonte d’autant plus qu’il a atteint déjà, du premier jet, un point plus élevé. C’est ainsi que l’ambitieux tend toujours à dépasser le point où il est parvenu et que ses désirs se grossissent de tous ses succès précédents.

L’hyperbole, comme l’ellipse, a pour limite la parabole, parce que l’ambition, comme l’amour, conduit au familisme. L’ambitieux, quand il n’a plus rien à espérer pour lui-même, songe à ses descendants, à sa maison, à son nom qu’il veut remettre aux âges futurs.

H. Renaud.
IMPÔT CUBIQUE

Un socialiste a imaginé ce système d’impôt unique d’après lequel chaque citoyen ne payerait plus qu’une somme basée sur le nombre des mètres cubes qui lui seraient nécessaires pour se loger, faire un commerce, etc.

SYSTÈME BINAIRE

Leibniz crut voir l’image de la création dans son arithmétique binaire où il n’employait que les deux caractères zéro et l’unité. Il imagina que Dieu pouvait être représenté par l’unité, et le néant par zéro ; l’Être suprême avait tiré du néant tous les êtres, comme l’unité avec le zéro exprime les nombres dans ce système d’arithmétique. Cette idée plut tellement à Leibniz, qu’il en fit part au jésuite Grimaldi, président du Tribunal de mathématiques de la Chine, dans l’espérance que cet emblème de la création convertirait au christianisme l’empereur qui aimait particulièrement les sciences.

UNE CHENILLE

Les naturalistes ont nommé chenille géomètre une chenille qui, en marchant, semble mesurer ou arpenter le terrain avec la longueur de son corps.

LAPUTA

De là nous entrâmes dans l’École de Mathématiques dont le Maître enseignait à ses disciples une méthode que les Européens auront de la peine à s’imaginer. Chaque proposition, chaque démonstration était écrite sur du pain à chanter, avec une certaine encre de teinture céphalique. L’écolier à jeun était obligé, après avoir avalé ce pain à chanter, de s’abstenir de boire et de manger pendant trois jours, en sorte que le pain à chanter étant digéré, la teinture céphalique pût monter au cerveau et y porter avec elle la proposition et sa démonstration.

Swift.

Les philosophes, disait Bacbuc à Panurge, prescheurs et docteurs de vostre monde, vous paissent de belles paroles par les aureilles, ici nous réalement incorporons nos préceptions par la bouche. Pourtant je ne vous di lisez ce chapitre, entendez ceste glose : je vous di « goustez ce chapitre, avalez ceste glose. » Jadis un antique mangea un livre et fut clerc jusques aux dents ; présentement vous emboirez un, et serez clerc jusques au foye. Venez, ouvrez les mandibules.

Rabelais.

Nous ne parlerons pas de certains préparateurs au baccalauréat, dits marchands de soupe.

PARLER DE CE QU’ON SAIT

Voici trois citations étranges de Chateaubriand :

1o Le trois est une fraction qui n’est point engendrée et qui engendre toutes les autres fractions.

2o Le calcul décimal peut convenir à un peuple mercantile, mais il n’est ni beau ni commode, dans les autres rapports de la vie et dans les équations célestes. La nature l’emploie rarement, il gêne l’année et le cours du soleil ; et la loi de la pesanteur ou de la gravitation, peut-être l’unique loi de l’univers, s’accomplit par le carré et non par le quintuple des distances.

3o Ce globe à la longue année (Jupiter) qui ne marche qu’à la lueur de quatre torches pâlissantes ; cette terre en deuil (Saturne) qui, loin des rayons du jour, porte un anneau comme une veuve inconsolable…

Le même Chateaubriand dit dans ses Mémoires d’Outre-tombe :

Je fis des progrès rapides en mathématiques où j’apportai une clarté de conception qui étonnait l’abbé Leprince… J’appris par cœur mes tables de logarithmes…

GÉOMÈTRES AU POUVOIR

La France doit devenir un État républicain et que les géomètres gouverneront, en soumettant toutes les opérations au calcul infinitésimal.

Frédéric II.

Le grand Frédéric de Prusse n’aimait pas les mathématiques supérieures et il a écrit contre elles une longue et lourde satire.

Il est amusant dans sa dernière lettre à Voltaire :

« Euler calcula l’effort des roues pour faire monter l’eau dans un bassin d’où elle devait retomber, par des canaux, afin de jaillir à Sans-souci. Mon moulin a été exécuté géométriquement, et il n’a pas pu élever une goutte d’eau à cinquante pas du bassin. Vanité des vanités ! Vanité de la Géométrie ! »

NOMBREUSE FAMILLE

Vauban, dans ses Oisivetés, commence un petit chapitre sous ce titre : « La cochonnerie ou calcul estimatif pour connaître jusqu’où peut aller la production d’une truie pendant dix années de temps. »

MATHÉMATIQUES EN VERS

… Une convention
Explique avec clarté la Numération.
À la gauche d’un autre, un chiffre a l’avantage ;
Sa valeur est décuple, ainsi le veut l’usage.
Alors, quand cinq se place à la gauche de huit,
Il vaut cinquante, plus le chiffre qui le suit.
La perpendiculaire se pique
D’être plus courte que l’oblique.

L’angle dont le sommet à la courbe se rend
À moitié des degrés de l’arc qu’il comprend.

Le carré de l’hypoténuse
est égal, si je ne m’abuse,
À la somme des carrés
Construits sur les autres côtés.

À l’abri de l’envie, en compagnes fidèles,
On voit marcher de front, deux droites parallèles.

… Deux camps bien ordonnés
Rangent, en force égaux, leurs groupes enchaînés ;
Voici qu’une inconnue entre avec eux masquée,
Souvent multiple, en plus d’un endroit embusquée.

. . . . . . . . . . . . . . . . .

Il s’agit d’une équation et de la poursuite de l’inconnue. La conclusion est un peu dure mais philosophique :

… en ce grand domaine
L’impossible est possible, et le sort nous amène
Tantôt le positif, ou son signe opposé
Ou l’incommensurable ou le sens précisé,
Tantôt c’est l’infini, tantôt l’imaginaire.
On joue avec cela. Chose extraordinaire,
Ce qui n’existe pas est soumis à nos lois !

DROITE BIZARRE

On ne peut pas la tracer avec la règle ; la distance de deux quelconques de ses points est nulle ; elle fait un angle constant avec une nouvelle droite quelconque ; elle est perpendiculaire à sa propre direction, etc.

(On dit que l’équation représente une droite imaginaire : elle jouit des propriétés indiquées.)

On peut demander aussi de trouver sur une conique un point tel que la tangente et la normale en ce point se confondent.

(C’est un point imaginaire de rencontre de la courbe et d’une de ses directrices.)

La droite de l’infini, la circonférence de l’infini, les deux ombilics du plan ou points circulaires à l’infini possèdent aussi des propriétés qui semblent contradictoires.

TITRE SINGULIER

J’ouvre, dit le P. Gratry, le livre de Saint Augustin qui porte ce titre étrange. « Des dimensions de l’âme ». J’aperçois des figures de géométrie mêlées au texte…

Herbart a orné sa philosophie de cercles, de carrés, de chiffres et de signes algébriques.

SÉCANTE

La justice et la miséricorde de Dieu sont deux parallèles qui peuvent s’unir par une sécante appelée le repentir.

Lacordaire.
ÉTOILE AVALÉE

L’étoile bleue avale une autre étoile très petite et, bientôt après, elle la rend. Voilà comment les Sibériens interprètent l’éclipse d’un satellite de Jupiter.

Nos paysans de Vivarais désignent sous le nom de casserole la constellation de l’Ourse, à cause de sa forme.

PRIX DU BLÉ

On a cherché si les taches solaires produisent sur la terre des effets notables : c’est ainsi que W. Herschel essaya d’établir un rapport entre le prix du blé et le nombre des taches.

ROND ET TRIANGULAIRE

Le monde, dit un prédicateur du XVIe siècle, ne saurait remplir le cœur de l’homme par la raison que le monde étant rond et le cœur triangulaire, un rond inscrit dans un triangle ne le remplit pas.

Nous lisons, dans un écrit moderne, qu’en affaires il faut être rond et carré.

INCOMPRÉHENSIBLE

D’après Pythagore, l’âme est un nombre qui se meut sur lui-même ; la vertu, un nombre carré, et, la justice, une proportion géométrique.

HENRI IV

Ce diable à quatre qui eut le triple talent…, est né le 14 décembre, 14 siècles, 14 décades et 14 ans après Jésus-Christ.

Il est mort le 14 mai.

Son nom était composé de 14 lettres (Henri de Bourbon).

Il a vécu 4 fois 14 ans, 4 fois 14 jours, et 14 semaines.

Il a été roi de France et de Navarre trois fois 14 ans.

Il a été blessé par Châtel 14 jours après le 14 décembre, en l’année 1594.

Entre ce jour et celui de sa mort, il y a eu 14 ans, 14 mois et 5 fois 14 jours.

Il a gagné la bataille d’Ivry le 14 mars.

Le dauphin est né 14 jours après le 14 septembre et a été baptisé le 14 août.

Henri a été assassiné le 14 mai, 14 siècles et 14 olympiades après l’Incarnation.

Le crime a eu lieu 2 fois 14 heures après l’entrée de la reine à Saint-Denis.

Ravaillac a été exécuté 14 jours après la mort du roi, et dans l’année 1610, qui est divisible par 14.

FIN DU MONDE

On a essayé d’appliquer le calcul à l’appréciation des témoignages historiques. Un géomètre anglais, Jean Craig, persuadé que, par la nature même des faits de l’ordre politique ou moral, leur crédibilité s’affaiblit à mesure qu’ils se transmettent d’une génération à l’autre, a cru prouver que certains événements, qui remontent au commencement de notre ère vulgaire, cesseront tout à fait d’être croyables l’an de cette même ère 9153 et en conséquence il a indiqué cette année-là comme l’époque assurée de la fin ou de la rénovation du monde.

LE SPHÉRIQUE

Frœbel, le pédagogue, a publié en 1811 son Traité du sphérique ; on y lit : « La sphère apparaît comme le prototype, comme l’unité de tous les corps et de toutes les formes. Pas un angle, pas une ligne, pas un plan, pas une surface ne se montre en elle, et cependant elle a tous les points et toutes les surfaces. »

À cette obscure géométrie, succèdent des vues sur les rapports mystérieux de la sphère et de la vie morale. « Travailler consciencieusement au développement de la nature sphérique d’un être, c’est faire son éducation. » Comprendra qui pourra !

TESTAMENT ASTRONOMIQUE

On lit dans le testament de Madame Guzman, morte à Pau, en juin 1891 :

Un prix de 100 000 francs est légué à l’Institut de France (section des sciences) pour la personne de n’importe quel pays qui trouvera le moyen, d’ici à dix années, de communiquer avec un astre (planète ou autre) et d’en recevoir réponse. La testatrice désigne spécialement la planète Mars, sur laquelle se portent déjà l’attention et les investigations de tous les savants.

Voici le commentaire de M. Flammarion :

« Pour entrer en communication avec les habitants de Mars, il faut leur photophoner : « Êtes-vous là ? » Et puis… il faut aussi qu’ils y soient et qu’ils comprennent.

Déjà Mars communique avec la Terre, par l’attraction et par la lumière. Les astronomes analysent ces deux ordres de communication. Ce que l’on pourrait souhaiter maintenant et ce qui arrivera probablement quelque jour, ce serait un mode plus subtil, plus humain.

L’idée n’a rien d’absurde en elle-même, et elle est peut-être moins hardie que celle du téléphone, du phonographe, du photophone et du cinétographe. Elle a été émise, pour la première fois, à propos de la lune.

Un triangle tracé sur le sol lunaire, par trois lignes lumineuses, de douze à quinze kilomètres chacune, serait visible d’ici, à l’aide de nos télescopes. Nous observons même des détails beaucoup plus petits, par exemple les singuliers dessins topographiques remarqués dans le cirque lunaire auquel on a donné le nom de Platon. Donc, un triangle, un carré, un cercle de cette dimension, construits par nous sur une vaste plaine, à l’aide de points lumineux, soit pendant le jour en réfléchissant la lumière solaire, soit pendant la nuit, à l’aide de la lumière électrique, seraient visibles pour les astronomes de la Lune, si ces astronomes existent, et s’ils ont des instruments d’optique équivalents aux nôtres.

La suite du raisonnement est des plus simples. Si nous observions sur la lune un triangle correctement construit, nous en serions quelque peu intrigués, nous croirions avoir mal vu, nous nous demanderions si le hasard des formations géologiques et sélénologiques peut avoir donné naissance à une figure régulière. Sans doute finirions-nous par admettre cette possibilité exceptionnelle. Mais si, tout d’un coup, nous voyions le triangle se changer en carré, puis, quelques mois plus tard être remplacé par un cercle, alors nous admettrions logiquement qu’un effet intelligent prouve une cause intelligente, et nous penserions avec quelque raison que de telles figures révèlent, à n’en pas douter, la présence de géomètres sur ce monde voisin.

De là à chercher la raison du tracé de pareils dessins à la surface du sol lunaire, de là à nous demander pourquoi et dans quel but nos frères inconnus formeraient ces figures, il n’y a qu’un pas, bien vite franchi. Serait-ce dans l’idée d’entrer en relations avec nous ? L’hypothèse n’est pas déraisonnable. On l’émet, on la discute, on la repousse comme arbitraire, on la défend comme ingénieuse. Et pourquoi pas, après tout ? Pourquoi les habitants de la Lune ne seraient-ils pas aussi curieux que nous, plus intelligents peut-être, plus élevés dans leurs aspirations, moins empêtrés que nous dans la glu des besoins matériels ? Pourquoi n’auraient-ils pas supposé que la terre peut être habitée aussi bien que leur monde, et pourquoi ces appels géométriques n’auraient-ils pas pour but de nous demander si nous existons ? D’ailleurs il n’est pas difficile d’y répondre. On nous montre un triangle : reproduisons-le ici. On nous trace un cercle : imitons-le. Et voilà une communication établie entre le ciel et la terre, pour la première fois depuis le commencement du monde.

La géométrie étant la même pour les habitants de tous les mondes, deux et deux faisant quatre dans toutes les régions de l’infini, et partout les trois angles d’un triangle étant égaux à deux angles droits, les signaux ainsi échangés entre la terre et la lune n’auraient même pas l’obscurité des hiéroglyphes déchiffrés par Champollion, et la communication établie deviendrait vite régulière et féconde. »

On a proposé de communiquer avec les habitants des planètes en traçant et en illuminant sur la terre une immense figure du carré de l’hypoténuse.

M. Fèvre, dans sa pièce L’Étoile rouge, a tenté de transporter ces idées sur le théâtre.

ONZE MILLE

Sainte Ursule fut martyrisée avec sa compagne Undecimilla, dont le nom a donné lieu à la légende des onze mille vierges.


  1. Lagrange et Laplace ont jugé incompréhensible la philosophie des mathématiques de Wronski