Mes paradis/Dans les remous/Ballade à boire

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XVIII

BALLADE À BOIRE


Ces gourgandines de bouteilles
Débaucheraient le plus têtu !
Oh ! les belles gouges vermeilles
Qui vous font de l’œil impromptu !
Tant pis pour qui ne l’a point eu,
Le bonheur profond et céleste
Qu’offre leur ventre court vêtu !
Bois d’autant. Siffle sur le reste.

Je bois. Si tu m’en déconseilles,
Je te dirai turlututu,
Et, me bouchant les deux oreilles,
J’attendrai que tu te sois tu.
Prends plutôt ce verre pattu

Et le vide d’une main preste.
Afin de noyer ta vertu,
Bois d’autant. Siffle sur le reste.

Bois. Les bouteilles sont pareilles
À des tétons au bout pointu.
En les suçant tu t’ensoleilles.
Ton nez fût-il sale et tortu,
Rongé de pleurs, triste, battu
Par les flots d’un destin funeste,
Il devient clair et beau si tu
Bois d’autant. Siffle sur le reste.

ENVOI

Prince, à ce nez rouge et rétu,
S’il a l’air d’un membre immodeste,
D’un gobelet fais un tutu.
Bois d’autant. Siffle sur le reste.