Mes paradis/Dans les remous/Ballade de la lyre

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LXXIX

BALLADE DE LA LYRE


Fi du jeu, puisqu’il favorise
Le Grec aux profits clandestins !
Fi de l’ambition ! Méprise
La force, recours des crétins,
Et l’astuce, arme des catins.
Laisse aux autres la tirelire,
L’or volé, les honneurs atteints.
Comme un drapeau porte ta lyre.

Sous les doigts salis de traîtrise,
Ou qu’un sang de victime a teints,
Ou que le gros sou vert-de-grise,
La lyre aux accents argentins
Ne rend plus que des sons éteints.

Ceux que la gloire doit élire
Vivent sur des sommets hautains.
Comme un drapeau porte ta lyre.

Baigne tes cheveux dans la brise,
Tes yeux dans les pleurs des matins.
Du bois chantant, du flot qui brise,
Traduis les accords incertains.
Fais des vers que les temps lointains
Aimeront à lire et relire.
Ne cherche point d’autres butins.
Comme un drapeau porte ta lyre.

ENVOI

Prince, loin des communs festins,
Mange ton cœur, bois ton délire,
Baise ta Muse aux purs tétins.
Comme un drapeau porte ta lyre.