Mes paradis/Les Îles d’or/Voici, certe, un miracle aussi miraculeux

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XXXVIII


Voici, certe, un miracle, aussi miraculeux,
Pour le moins, que celui de l’île aux chardons bleus.
Partout où m’a conduit ma course, dans les terres
Les plus mornes à voir et les plus solitaires,
Sous les plus pauvres cieux, sur les rocs les plus nus,
Toujours j’ai rencontré des visages connus.
Et chacun me disait : « Je t’aime, toi qui m’aimes. »
Et ces visages chers étaient partout les mêmes.
Par les flots hasardeux qui m’avaient ballotté
Sans doute qu’ils avaient fait route à mon côté,
Invisibles, muets, mais prêts à la rescousse
Si j’en avais besoin dans quelque âpre secousse.
Ce sont mes vieux amis, peu nombreux, mais constants,
Car j’en ai qui le sont depuis tantôt trente ans.