Mes paradis/Viatiques/Le pâle

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V

LE PÂLE


Si tu dis que la vie est un bouquet de fleurs,
Tu te trompes. L’épine est toujours sous la rose ;
Le fruit cache souvent un ver ; et la chlorose
Ronge parfois les yeux les plus ensorceleurs.

Mais ne dis pas non plus qu’il n’y ait que douleurs.
Il n’est point de désert que le printemps n’arrose ;
Des plaisirs imprévus suivent l’instant morose ;
Même la maladie et la mort ont les leurs.

Jouis donc de ces biens, quels qu’ils soient, en rapine.
Ôte le ver du fruit ; prends la fleur sur l’épine ;
Aime les femmes sans leur demander d’amour.

Vois ce coq, et l’imite. Il va, vient, cherche et trotte,
Travaillant des ergots et du bec tout le jour,
Pour trouver quelques grains dans un amas de crotte.