Miroir, cause de malheur, et autres contes coréens/La cloche miraculeuse

La bibliothèque libre.

LA CLOCHE MIRACULEUSE

Dans une misérable chaumière vivait un brave paysan qui se donnait beaucoup de mal pour nourrir sa modeste famille. Il se privait de tout pour soigner de son mieux sa vieille mère qu’il aimait de toute son âme. Il avait un fils de trois ans que la vieille grand’mère adorait. Aussi à l’heure de repas elle ne manquait jamais d’appeler son petit-fils et lui donnait à manger la meilleure chose de sa table. Et le petit gourmand raflait pour ainsi dire tout ce qu’il trouvait sur la maigre table de sa grand’mère qui faisait un effort pénible pour dissimuler sa faim, car elle savait que le petit n’aurait qu’un bol du riz s’il mangeait avec ses parents. Ceux-ci souffraient depuis longtemps de voir que leur vieille maman se privât presque de sa nourriture déjà très maigre à cause de ce petit misérable adoré.

Tout brave qu’il fut, il avait un esprit simple. Aussi proposa-t-il à sa femme d’un ton bourru d’enterrer son fils vivant au fond d’une montagne.

— « Tu vois, ma mie, nous sommes jeunes. Nous pouvons encore avoir des enfants, mais maman est très vieille… Que Dieu veuille qu’elle vive encore longtemps ! » soupira-t-il soudain mélancoliquement.

Il alla chercher brusquement une pelle puis partit vers la montagne avec son fils sur le dos. Arrivé à un lieu désert de la montagne, il commença à creuser une fosse tandis que le gamin, innocent, gambadait gaîment autour de son père.

En plein milieu de la fosse au choc de sa pelle un étrange bruit sonore se fit entendre. Et effectivement il découvrit, à sa grand surprise, une énorme et magnifique cloche en pierre. Pour la mieux examiner, il l’accrocha à un arbre et la frappa avec le manche de sa pelle. Un son doux et puissant se propagea loin dans le pays, attirant ainsi l’attention des habitants. Ceux-ci allèrent en masse dans la montagne et trouvèrent le brave paysan qui leur raconta très simplement toute son histoire.

— « Je peux faire maintenant quelque argent en vendant cette cloche. Alors pourquoi supprimerais-je mon fils que j’aime aussi ! » dit-il en rentrant chez lui avec son fils dans les bras et la cloche sur le dos.

La nouvelle se répandit vite comme une traînée de poudre et parvint jusqu’aux oreilles du Roi qui acheta au paysan la miraculeuse cloche. Puis il la confia à un temple bouddhique après avoir fait inscrire sur la cloche la dédicace suivante :

« Cette cloche rappellera à tout jamais à mon peuple que la piété filiale est la vertu première du royaume coréen. »