Modèles de lettres sur différents sujets/Lettres de remerciements

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Chez Pierre Bruyset Ponthus (p. 219-251).

LETTRES
DE REMERCIMENTS.



INSTRUCTION.



UN remercîment est un devoir sacré pour quiconque met encore la reconnoissance au nombre des vertus : Jamais on ne méritera le titre glorieux de bienfaiteur, lorsqu’on ne rougit pas d’être ingrat.

Une Lettre de remercîment devroit être dictée par le cœur, puisque la reconnoissance est un sentiment. Il faut du moins que l’esprit s’étudie à en prendre le ton, & qu’il s’y étudie d’autant plus, qu’il est bien difficile de rendre ce que l’on ne sent que foiblement.

Un ton enjoué n’y seroit peut-être pas déplacé, pourvu qu’il fût toujours subordonné aux égards & au respect. Il annonce un cœur, pour qui la reconnoissance est un devoir, sans être un fardeau.

Le service reçu, les circonstances qui l’ont accompagné, la générosité de celui qui oblige, la sensibilité de celui qui reçoit, tels sont à peu près les articles sur lesquels on peut s’étendre.

Je n’aimerois pas qu’on promît d’user de retour dans l’occasion : il me semble que c’est faire mal sa cour. Cette espece d’offre de service est un regard sur vous-même, tandis que vous ne devez être occupé que du bienfaiteur : il dérobe une partie de l’attention due à son bienfait, pour la donner uniquement à votre vanité.

Ces mots de remercîment & de reconnoissance me rappellent une anecdote. M. de Vaugelas travailloit au Dictionnaire de l’Académie, lorsque le Cardinal de Richelieu lui donna une pension.

Il vint pour l’en remercier. Au moins, dit le Cardinal en l’appercevant, vous n’oublierez pas le mot de pension dans votre Dictionnaire : Non, Monseigneur, reprit sur le champ l’Académicien, & encore moins celui de reconnoissance.

Pareille réponse est certainement meilleure que la mauvaise pointe faite par ce Ministre, quand il donna l’Evêché de Grasse au Versificateur Godeau. Le Poëte avoit présenté au Cardinal une Paraphrase du Pseaume ou Cantique, connu sous le nom de Benedicite, parce que ce mot en commence tous les couplets. Vous m’avez donné Benedicite, lui dit Richelieu, & moi je vous donne Grasse.


MODELES
DE LETTRES
DE REMERCIMENTS.



LETTRE de M. Boursaut au R. P. Bellanger, Jésuite.
Remercîments des soins qu’il prenoit pour son Fils.


Il doit m’être bien honteux, mon R. P. de vous avoir tant d’obligations, & d’avoir attendu si tard à vous témoigner combien j’y suis sensible. Des affaires, des maladies, & je ne sais combien de conjonctures qui succedent l’une à l’autre, me laissent si peu de loisir, que je suis obligé de quitter un devoir pour un autre devoir ; & souvent même je suis contraint de manquer à celui qui me seroit le plus agréable. Jugez-en, s’il vous plaît, mon R. P. par le plaisir que je me serois fait de m’en acquitter auprès de vous, & de vous marquer combien je vous suis redevable des bontés que vous avez pour mon fils, & des soins que vous prenez pour en faire un honnête homme. Pour peu qu’il ait d’inclination à le devenir, il est impossible qu’il n’y réussisse pas, par l’avantage qu’il a, non-seulement de recevoir vos leçons, mais encore de pouvoir profiter de vos exemples. Je souhaite de tout mon cœur qu’il réponde à toutes les graces que vous lui faites ; & qu’il travaille à se rendre d’autant plus habile, qu’il n’y aura point d’excuse pour lui, quand, on saura qu’il a eu l’honneur d’étudier sous vous. Parmi les méchantes qualités qu’il peut avoir, je suis sûr au moins qu’il en a une fort bonne ; c’est, mon R. P. qu’il connoît ce que vous faites pour lui, & qu’il me parle de vous avec une effusion de cœur pleine de tendresse, de respect & de reconnoissance. Je sais bien qu’il n’en peut trop avoir ; & que l’excès, qui est presque toujours un vice, devient en de pareilles occasions une vertu. Je n’ose dire que ce soient des sentiments que je lui ai inspirés : il est mal-aisé de vous connoître & de ne pas les avoir. Mais, quelque redevable qu’il vous puisse être, je n’hésite point à vous assurer qu’il ne sera jamais avec plus d’estime ni de reconnoissance que moi, &c.



LETTRE de M. le Maréchal de Tallard
à Mme. de Maintenon


Madame,

Recevez, s’il vous plaît, ici mes très-humbles remercîments du mot que vous me fîtes l’honneur de me dire hier. Rien n’égale vos bontés : rien n’égale ma reconnoissance.

Vous m’avez accordé votre protection pour me faire Chevalier de l’Ordre ; j’en ai ressenti les effets quand j’ai été Duc. Vous acheverez, Madame, quand il vous plaira de me mettre au rang de mes camarades. Pour moi je ne songerai toute ma vie qu’à marquer au Roi, & à vous, la reconmoissance de ce que je dois à l’un & à l’autre : trop heureux, Madame, si vous êtes aussi persuadée de mes sentiments, que je le mérite.



LETTRE de Racine
à M. le Prince de Condé.


Monseigneur,

C’est avec une extrême reconnoissance que j’ai reçu encore, au commencement de cette année, la grâce que Votre Altesse Sérénissime m’accorde si libéralement tous les ans[1]. Cette grace m’est d’autant plus chere, que je la regarde comme une suite de la protection glorieuse dont vous m’avez honoré en tant de rencontres, & qui a toujours fait ma plus grande ambition. Aussi, en conservant précieusement les quittances du droit annuel dont vous avez bien voulu me gratifier, j’ai bien moins en vue d’assurer ma charge à mes enfants, que de leur procurer un des plus beaux titres que je puisse leur laisser, je veux dire, les marques de la protection de V. A. S. Je n’ose en dire davantage, car j’ai éprouvé plus d’une fois, que les remercîments vous fatiguent presque autant que les louanges. Je suis, avec un profond respect, &c.



LETTRE de Mme. de S. Geran
à Mme. de Maintenon


Point de procédé, Madame, plus généreux que le vôtre : à mon insu vous demandez une grace pour moi ; vous l’obtenez, & vous laissez à M. de Pontchartrain à[2] me l’apprendre. En vérité, la somme dont le Roi augmente ma pension, est trop considérable. Je n’aspirois qu’à une vie commode, & vous m’en procurez une agréable. Il me seroit bien difficile de vous exprimer ce qui se passe dans mon cœur sur vos bontés pour moi ; il en est pénétré, & je ne puis m’empêcher de vous dire tout grossiérement, que je vous aime comme ma vie. Je fais marcher mon profond respect après les sentiments les plus tendres ; ce n’est point le cérémonial de la Cour, mais c’est celui du cœur.



LETTRE de M. le Comte de Bussy
au Comte d’Eg…
A Bussy, le 7 août 1668.


Je vous rends mille grâces de toutes les peines que vous avez prises pour moi, & de ce que vous vous êtes employé avec tant de chaleur pour mes affaires, dans une conjoncture où vous avez tant de raisons de parler pour vous. Pour moi, je suis un pauvre Diable égaré, qui ai toutes les peines du monde à retrouver le bon chemin, & qui, quand j’y serois rentré, n’ai pas assez de jour pour arriver au gîte ; de sorte que je vis au jour la journée, sans crainte & sans espérance, méprisant les biens, & les maux que je puis avoir : car de me tourmenter pour des maux où je ne puis trouver de remedes, je me ferois encore plus de mal que mes ennemis ne m’en font.

Adieu, mon cher : croyez bien que j’ai toute la reconnoissance que je dois à votre amitié, & toute l’estime que l’on doit à votre personne.



Lettre du même à la Marquise de T***. Remercîments des attentions qu’elle avoit pour son Epouse.


Ma femme vient de me mander parmi ceux qui lui ont témoigné de l’amitié, vous vous êtes tellement distinguée, Madame, que je serois le plus ingrat du monde, si je ne vous en rendois mille graces. Cela ne m’a point surpris ; car il y a long-temps que je connois votre cœur, & que je suis persuadé qu’on n’en sauroit trop faire d’estime. Je pousserois avec raison ce chapitre bien plus loin ; mais les personnes qui ont l’ame aussi belle que vous, aiment plus la gloire que les louanges. Tout ce que je vous dirai donc, Madame, c’est que je vous promets de ma part un cœur aussi plein de reconnoissance, que le vôtre l’est de générosité : je ne vous saurois dire plus nettement, que je serai toute ma vie, de tout mon cœur à vous.



LETTRE du même à M. le Duc de Noailles, pour le remercier de lui avoir procuré la permission de faire un voyage à Paris.
A Bussy, le 10 juillet 1673.


Je viens de recevoir votre Lettre du premier Juillet, Monsieur, par laquelle je vois la grace que le Roi m’a faite à votre sollicitation. Cette grace, & la maniere dont vous vous êtes toujours employé pour moi, me touchent si sensiblement, que j’ai de la peine à vous dire au point où cela est. Mais, Monsieur, aidez-moi, je vous supplie, à vous bien remercier. Dites-vous bien à vous-même, que je sens pour vous toute la reconnoissance & toute l’amitié qu’un bon cœur peut ressentir quand on l’a comblé de bienfaits & d’honnêtetés. Je partirai d’ici au premier jour pour Paris. Que je serois heureux, si je pouvois vous dire moi-même, que personne ne sera jamais à vous plus que moi !



LETTRE de M. de la Bruyere
à M. le Comte de Bussy.
A Paris, ce 9 Décembre 1691.


Si vous ne vous cachiez pas de vos bienfaits, Monsieur, vous auriez eu plutôt mon remercîment. Je vous le dis sans compliment, la maniere dont vous venez de m’obliger, m’engage pour toute ma vie à la plus vive reconnoissance dont je puisse être capable. Vous aurez bien de la peine à me fermer la bouche ; je ne puis me taire sur une action aussi généreuse.

Je vous envoie, Monsieur, un de mes livres des caracteres, fort augmentés, & je suis, avec toute sorte de respect & de gratitude, &c.



LETTRE de Boileau
à Racine.
Paris, ce 26 Juin 1693.


Je ne saurois, mon cher Monsieur, vous exprimer ma surprise ; & quoique j’eusse les plus grande espérances du monde, je ne laissois pas encore de me défier de la fortune de M. le Doyen. C’est vous qui avez tout fait, puisque c’est à vous que nous devons l’heureuse protection de Mme. de Maintenon. Tout mon embarras est de savoir comment je m’acquitterai de tant d’obligations que je vous ai. Je vous écris ceci de chez M. Dongois, le Greffier, qui est sincérement transporté de joie, aussi-bien que toute notre famille ; & de l’humeur dont je vous connois, je suis sûr que vous seriez ravi vous-même de voir combien, d’un seul coup, vous avez fait d’heureux. Adieu, mon cher Monsieur. Croyez qu’il n’y a personne qui vous aime plus sincérement, ni par plus de raisons que moi.



LETTRE de M. de Fenelon
à Mme. la Marq. de Lambert.


Je devois déjà beaucoup, Madame, à M. de Sacy, puisqu’il m’avoit procuré la lecture d’un excellent écrit[3] ; mais la dette est bien augmentée depuis qu’il m’a attiré la très-obligeante Lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Ne pourrois-je point enfin, Madame, vous devoir à vous même la lecture du second ouvrage[4] ? Outre que le premier le fait désirer fortement, je serois ravi de recevoir cette marque des bontés que vous voulez bien me promettre. Je n’oserois me flatter d’aucune espérance d’avoir l’honneur de vous voir en ce pays, dans un malheureux temps ou il est le théâtre de toutes les horreur de la guerre ; mais dans un temps plus heureux, une belle saison pourroit vous tenter de curiosité pour cette frontiere. Vous trouveriez ici l’homme du monde le plus touché de cette occasion, & le plus empressé à en profiter.

C’est avec le respect le plus sincere que je suis parfaitement & pour toujours, &c.



LETTRE de M. de Fontenelle
au Roi de Pologne Stanislas I.


SIRE,

Jugez de ma reconnoissance de la grace que Votre Majesté m’a faite, en m’accordant une place dans son Académie de Nancy, par l’idée que j’en ai. Je me crois dans le même casque si l’Empereur Marc-Aurele m’avoit admis dans une Compagnie qu’il eût pris soin d’établir & de former lui-même.

Je suis avec le plus profond &c.



LETTRE de Rousseau à M. de Crousas, qui avoit parlé avantageusement de lui dans un de ses Ouvrages.
A Soleure, 3 Novembre 1714.


Si les ames généreuses trouvent une satisfaction réelle dans les marques d’estime qu’elles donnent à leurs amis, il y a pour ces mêmes amis, lorsqu’ils sont généreux, une sorte de plaisir délicat, & que les hommes vulgaires ne connoissent point, à se sentir obligés aux personnes qu’ils aiment. Je suis actuellement dans ce cas, Monsieur, depuis que j’ai lu, sans m’y attendre, l’article de votre nouvel ouvrage, où vous parlez de moi d’une maniere en même temps si obligeante & si ingénieuse. Un homme sensible à la gloire ne peut résister à la flatteuse idée de se voir associé à l’immortalité d’un livre digne de passer aux siecles les plus reculés. Souffrez donc que je vous en fasse ici mes très-sinceres remercîments, & que j’oublie pour un moment la honte je dois être de n’avoir encore rien fait qui puisse mériter cet excès d’honneur, pour me livrer à la joie que j’ai de le recevoir d’une main aussi chere que la vôtre.



LETTRE de Rousseau à M. Boutet, qui, ayant appris sa maladie, venoit de lui envoyer de l’argent.
A Bruxelles, le 6 Mars 1738.


Avec un seul ami comme vous, Monsieur, on seroit toujours tranquille, si la reconnoissance excluoit la confusion. La mienne augmente à la vue de vos bontés. Il est vrai qu’ayant actuellement, pour me servir, trois ou quatre personnes qu’il faut nourrir & payer, j’avois besoin de secours ; mais je n’avois besoin que du quart de ce que vous m’envoyez. Il n’est pas possible que vous soyez si généreux sans vous incommoder ; & moins vous y pensez, plus j’y songe & j’y dois songer. Les témoignages réitérés de votre infatigable bonté suffiroient seuls pour remettre mon sang & mes humeurs dans le plus parfait équilibre. Je suis beaucoup mieux ; mais j’ai vu ma vie ne tenir qu’à un filet aussi mince que l’attachement aux billevesées de ce monde. Il y a un moment, Monsieur, où toute chimere disparoît, & au bonheur duquel on doit se contenter de travailler.



LETTRE de M. de Voltaire au R. P. Vionnet, Jésuite, qui lui avoit envoyé sa Tragédie de Xerxès.
A Paris, le 14 Décembre 1749.


J’ai l’honneur, mon Révérend Pere, de vous marquer une très-foible reconnoissance d’un fort beau présent[5]. Vos Manufactures de Lyon valent mieux que les nôtres ; mais j’offre ce que j’ai. Il me paroît que vous êtes un plus grand ennemi de Crebillon que moi ; vous avez fait plus de tort à son Xerxès, que je n’en ai fait à sa Semiramis. Vous & moi, nous combattons contre lui. Il y a long-temps que je suis sous les étendards de votre Société. Vous n’avez guere de plus mince soldat ; mais aussi il n’y en a point de plus fidele. Vous augmentez encore en moi cet attachement, par les sentiments particuliers que vous m’inspirez pour vous, & avec lesquels j’ai l’honneur d’être, &c.



LETTRE de M. de S. Evremont
à M. le Comte de Lyonne.
1667.


Monsieur,

Si je pouvois m’acquitter de toutes les obligations que je vous ai par des remercîments, je vous rendrois mille graces très-humbles ; mais comme la moindre des peines que vous avez prises pour moi, vaut mieux que tous les compliments du monde, je vous laisserai vous payer vous-même du plaisir que sent un honnête homme d’en faire aux autres. Peut-être direz-vous que je suis un ingrat : si cela est, au moins ce n’est pas d’une façon ordinaire ; & connoissant la délicatesse de votre goût, je crois vous plaire mieux par une ingratitude recherchée, que par une reconnoissance trop commune.

Si par malheur ce procédé ne vous plaisoit pas, justifiez-moi vous-même ; & par ce que vous avez fait pour moi, croyez que je sens tout ce que je dois sentir pour vous. Quelque succès que puissent avoir vos soins, je vous serai toujours infiniment obligé ; & les bonnes intentions de ceux qui veulent me rendre service, ont toujours quelque chose de fort doux & de fort agréable pour moi, quand même elles ne réussiroient pas.



FRAGMENTS
DE LETTRES
DE REMERCIMENTS.

Lettre de Mme. de Coulanges à Mme de Grignan.

Je vous rends mille grâces, Madame, de l’attention que vous avez eu à la subite & violente maladie, dont, par les soins de Chambon, j’ai été délivrée en vingt-quatre heures. Je suis ravie de vous devoir ce Médecin ; car j’aime fort à être obligée aux personnes pour qui j’ai un attachement sincere, &c.

Lettre du Cardinal Alberoni à M. de Voltaire.

Il m’est arrivé assez tard, Monsieur, la connoissance de la vie que vous avez écrite du feu Roi de Suede, pour ce qui me regarde[6]… Avec votre style sublime vous avez dit plus en deux mots de moi, que ce qu’a dit Pline de Trajan dans son panégyrique. Heureux les Princes qui auront le bonheur de vous intéresser dans leurs faits ! votre plume suffit pour les rendre immortels, &c.

Lettre de M. le Franc.

Je vous dois, Monsieur, bien des remercîments pour le présent que vous m’avez fait de votre traduction de Nemesien & de Calpurnius. Je la reçus deux jours avant mon départ pour ce pays-ci. Elle ne pouvoir arriver plus à propos ; j’avois besoin de livres agréables.

Lettre de Me. de Lambert.

J’avois déjà prié M. l’Abbé Alary, Monsieur, de vous faire de ma part de très-sinceres remercîments ; mais cela ne suffit pas à ma reconnoissance : vous voulez bien qu’elle passe directement de vous à moi.

Lettre de Mme. de Maintenon.

Vous ne serez pas remerciée, puisque vous ne voulez pas l’être ; mais la reconnoissance ne perd rien au silence que vous m’imposez.

Lettre de la même.

Je suis pénétrée du service que vous m’avez rendu ; & ce qui me charme dans votre procédé, c’est que vous m’ayez accordé votre protection sans me l’avoir promise. Par la noblesse de votre action, jugez, Madame, de ma reconnoissance & de mon respect.

Lettre de M. de S. Evremont.

Je suis un serviteur si inutile, que je n’oserois même parler de reconnoissance ; mais je ne suis pas moins sensible à l’obligation.

Lettre de l’Abbé de Chaulieu.

Je ne saurois assez vous louer, vous rendre de graces, de tous les offices d’amitié que vous rendez à mon pauvre ami. Je ne faisois que vous aimer ; je vous adore. Dès que l’on joint à tous les talents de plaire que vous avez, un bon cœur & des sentiments d’amitié, ne mérite-t-on pas de l’être ? Votre attention, Madame, à m’en donner tous les jours des nouvelles, est la seule consolation que je pouvois recevoir.


MODELES
DE RÉPONSES
A DES LETTRES
DE REMERCIMENTS.



REPONSE de Madame de Sevigné à M. de Pompone,
qui l’avoit remerciée des nouvelles qu’elle lui donnoit.
Le Jeudi 10 Novembre 1664.


Si vous continuez à vous plaindre de la peine que je prends à vous écrire, & à me prier de ne point continuer, je croirai que c’est vous qui vous ennuyez de lire mes Lettres, & que vous vous trouvez fatigué d’y faire réponse ; mais sur cela je vous promets encore de faire mes Lettres plus courtes, si je puis ; & je vous quitte de la peine de me répondre, quoique j’aime encore vos Lettres. Après ces déclarations, je ne pense pas que vous espériez d’empêcher le cours de mes gazettes. Quand je songe que je vous fais un peu de plaisir, j’en ai beaucoup. Il se présente si peu d’occasions de témoigner son estime & son amitié, qu’il ne faut pas les perdre quand elles viennent s’offrir.



RÉPONSE de la même
au même, sur le même sujet.


J’ai reçu votre Lettre, qui me fait bien voir que je n’oblige pas un ingrat ; jamais je n’ai rien vu de si agréable & de si obligeant : il faudroit être bien exempte d’amour propre, pour n’être pas sensible à des louanges comme les vôtres. Je vous assure donc que je suis ravie que vous ayiez bonne opinion de mon cœur ; & je vous assure de plus, sans vouloir vous rendre douceurs pour douceurs, que j’ai une estime pour vous infiniment au-dessus des paroles dont on se sert ordinairement pour expliquer ce que l’on pense.



REPONSE de M. de P…
au Comte de Bussy.
A Laon, ce 4 Octobre 1673.
Monsieur,

Le foible service que j’ai tâché de vous rendre, ne méritoit pas la maniere dont vous me témoignez que vous l’avez reçu ; & vous deviez me laisser la satisfaction d’avoir fait une action que vous désiriez, sans y mêler un compliment que je n’avois point attendu. Soyez assuré, Monsieur, du plaisir que je trouverai toujours à vous témoigner par mes services, la vérité avec laquelle je suis, &c.



REPONSE de Rousseau au Comédien Baron,
qui l’avoit remercié d’avoir parlé avantageusement de lui.
Bruxelles, 14 Mai 1729.


Vous ne me devez, Monsieur, aucune reconnoissance des expressions dont je me sers toutes les fois qu’il s’offre quelque occasion de parler de vous. L’amitié me les dicte, l’équité me les inspire, la vérité me les arrache ; & je ne suis pas plus le maître de vous louer modérément, qu’un amant de parler de sang froid de sa maîtresse, ou un plaideur de la bonté de sa cause. Ma sensibilité ne dépend pas de moi ; c’est un maître qui me domine, & qui me force souvent, malgré moi, de blâmer avec excès ce qui est blâmable, & de louer de même ce que je trouve digne de louange. J’ai connu en ma vie plusieurs personnages dignes de mon admiration, mais ils ne sont plus ; & de tout ce que j’ai admiré dans ma jeunesse, vous êtes, mon cher Monsieur, le seul qui nous reste. Jugez par là combien vos jours doivent m’être précieux, & avec combien de passion je désire que vous en ménagiez la durée.



REPONSE de Monsieur de Voltaire
au Cardinal Alberoni.
Monseigneur,

La Lettre dont Votre Eminence m’a honoré, est un prix aussi flatteur de mes Ouvrages, que l’estime de l’Europe a dû vous l’être de vos actions. Vous ne me deviez aucun remercîment, Monseigneur ; je n’ai été que l’organe du Public, en parlant de vous. La liberté & la vérité, qui ont toujours conduit ma plume, m’ont valu votre suffrage. Ces deux caracteres doivent plaire à un génie tel que le vôtre. Quiconque ne les aime pas, pourra bien être un homme puissant, mais ne sera jamais un grand homme. Je voudrois être à portée d’admirer celui à qui j’ai rendu justice de si loin. Je ne me flatte pas d’avoir jamais le bonheur de voir Votre Eminence, mais si Rome entend assez ses intérêts pour vouloir au moins rétablir les Arts, le Commerce, & remettre quelque splendeur dans un pays qui a été autrefois le maître de la plus belle partie du monde, j’espere alors que je vous écrirai sous un autre titre que sous celui de Votre Eminence, dont j’ai l’honneur d’être avec autant d’estime que de respect.



REPONSE du Roi de Pologne
à M. de Fontenelle.


Il n’est aucune Académie qui ne s’estimât heureuse de vous posséder, Monsieur. La mienne sent parfaitement l’avantage qu’elle a de vous compter parmi ses Membres. Ses désirs se rapportent aux miens. Elle souhaite de pouvoir profiter long-temps de vos lumieres, & de voir accomplir à votre égard ce que dit Horace : Dignum Laude virum Musa vetat mori. Je suis très-véritablement, Monsieur, votre bien affectionné, &c.



  1. Sa Charge de Trésorier de France à Moulins, étoit dans le casuel de M. le Prince, qui lui faisoit donner tous les ans une quittance de la Paulette.
  2. Vous laissez à à est bien dur. Il valoit mieux, dire : vous laissez à M. de Pontchartrain le soin de me l’apprendre. Je fais cette note pour les jeunes gens & les étrangers, à qui ce Recueil est principalement destiné.
  3. Les avis d’une mere à son fils.
  4. Les avis d’une mere à sa fille.
  5. Il lui envoyoit un Exemplaire de sa Tragédie de Semiramis.
  6. Ce tour ne me paroît pas bien François.