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Molière à Fontainebleau (1661-1664)/I

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MOLIÈRE À FONTAINEBLEAU

La biographie de Molière et de ses comédiens semble aujourd’hui n’avoir plus pour nous de mystères, et depuis longtemps nous ne nous contentons plus de dire, avec Tallemant des Réaux, en parlant de l’auteur du Misanthrope : C’est un garçon qui a fait des pièces où il y a de l’esprit. Pourtant, la critique trouve toujours à glaner dans les nombreux documents publiés par les Moliéristes, et l’on peut espérer encore découvrir quelques pièces inédites concernant la vie et les œuvres de cet homme de génie.

En essayant de grouper ici tout ce qui a été dit jusqu’à présent sur les différents séjours de Molière à Fontainebleau, nous avons surtout voulu reconstruire en quelque sorte la salle de la comédie qui existait alors dans le château de cette ville, et nous nous contenterons d’ajouter, aux documents déjà connus, quelques actes de l’état civil inédits, concernant l’acteur De Brie et sa famille, ainsi que la procuration donnée par Molière, en 1667, à un bourgeois de Melun.

Notre petit travail est, on le voit, d’un intérêt presque exclusivement local ; d’ailleurs notre but, en le composant, n’a été que d’ajouter une simple note à l’histoire archéologique du département de Seine-et-Marne.


I.

Anne d’Autriche avait toujours aimé la belle et délicieuse résidence de Fontainebleau, et Louis XIV semble avoir également chéri

.............. Ces retraites tranquilles,
Où l’on se vient sauver de l’embarras des villes.

Le grand roi vint souvent, en effet, résider dans cette maison des siècles ; souvent, il vint chasser dans ces beaux déserts de Franchard, et peut-être qu’en jetant ses regards sur les jardins du palais, sur la belle forêt qui l’entoure, se surprenait-il répétant ces vers du poète :

Ces arbres, ces rochers, cette eau, ces gazons frais,
Ont pour moi des appas à ne lasser jamais.

Les mois de juillet et d’août 1661 et 1664 furent marqués par les voyages de la Cour les plus importants, et les fêtes somptueuses qui se donnèrent alors au château de Fontainebleau rendirent, en quelque sorte, indispensable la présence de Molière et de sa troupe

.......ayant la pratique
Du sérieux et du comique.

À côté des actes de piété accomplis à cette époque à la petite église d’Avon ou bien à l’église des Carmes des Basses-Loges, au sujet de la grossesse de Marie-Thérèse, la musique, la danse, la poésie trouvèrent leur place ; tous les artistes, chanteurs, danseurs et comédiens se réunirent à l’envi pour divertir la jeune reine et surtout le jeune souverain, qui semblait présider en demi-dieu à toutes ces fêtes mythologiques.

Les concerts et les mélodies,
Collations et comédies,
Les promenades et le bal,
Les délices du grand canal,
À la Cour point ne diminuent
Mais de plus en plus continuent.

Si l’on ouvre les gazettes ou les mémoires du temps, partout il n’est question que de promenades en calèche, que de chasse à courre ; aujourd’hui « le roi, la reine, Monsieur et Madame, étant « sur le canal, dans un bateau doré en forme de galère, où prenant le frais, le prince de Condé leur sert une collation en qualité de grand-maître ; » le soir, les vingt-quatre violons du roi se font entendre dans les appartements de la reine, ou dans les jardins du palais ; ici, un orchestre improvisé exécute des airs de Lulli, et la cour se livre aux plaisirs de la danse ; là-bas, les comédiens du roi interprètent les chefs-d’œuvre de Molière, de Racine ou de Corneille, et ne font qu’alterner avec la comédie italienne ou la comédie espagnole, qui, elles aussi, revendiquent leur place au milieu de tous ces divertissements. En sorte qu’en songeant aux duchesses de Noailles et de Chevreuse, à la comtesse de Soissons, qui brillent par leur beauté, à Mademoiselle de la Vallière, qui commence à attirer à elle toutes les attentions du roi, à toutes ces dames, enfin, qui errent dans les jardins du palais, l’on peut bien dire avec les chroniqueurs : « les différents jardins de Fontainebleau paraissent des palais et des jardins enchantés ; ses déserts sont de véritables Champs-Élyséens. »


La première représentation théâtrale, donnée par Molière à Fontainebleau, date de la fin de juin ou du commencement de juillet 1661. Les comédiens de la troupe de Monsieur venaient de jouer avec succès, sur la scène du Palais-Royal, la comédie de l’Escole des Maris (24 juin 1661), pièce dont le sujet fut reconnu

Si riant et si beau,
Qu’il fallut à Fontainebleau,
Pour reines et roi contenter,
L’aller encor représenter.

Cette première représentation aurait eu lieu, si l’on en croit certaines notes manuscrites, près de la My-Voie, maison de plaisance au milieu du parc, que Catherine de Médicis avait achetée, et où elle avait fait dresser une ménagerie avec quelque bétail et une belle laiterie. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que deux mois plus tard, le 24 août, la comédie de l’Ecole des Maris figure au programme de la représentation théâtrale, offerte au marquis Durazzo, l’envoyé de Gênes, et donnée dans les appartements mêmes de la reine, Marie-Thérèse d’Autriche.

Ce qui d’ailleurs met hors de doute l’époque de ce premier séjour de Molière à Fontainebleau, à la cour de Louis XIV, c’est la mention que porte l’édition princeps de l’Escole des Maris, « à Paris, chez Guillaume de Luyne, libraire juré, au palais, à la Salle des Merciers, à la Justice (1661. Avec privilége du roi). » Et ce privilége est daté de Fontainebleau, « le neuvième jour de juillet 1661. »


Les représentations données, comme on vient de le voir, dans les appartements de la Reine, n’étaient qu’exceptionnelles ; presque toujours elles avaient lieu dans la belle salle dite de la grande cheminée.

C’est cette grande salle qui, transformée en 1733 en un théâtre bas, étroit, sans dégagement, tout à fait à l’usage de Madame de Pompadour, fut incendiée en 1856. Nous allons essayer de la reconstruire telle qu’elle était du temps de Molière, à l’aide des documents écrits que nous avons pu rassembler.

L’auteur de la Muse historique, en relatant les moindres détails d’une fête dramatique, offerte à cette époque dans le palais de Fontainebleau, nous apprend que c’était d’un étang sur les bords. Et c’est, en effet, sur les bords de l’étang actuel du parc anglais, dont la disposition était à peu près la même sous Louis XIV, dans l’aile gauche de la Cour de la Fontaine, que se trouvait la grande galerie, une des plus vastes du château, connue et désignée par Du Cerceau, dom Morin et le père Dan, sous le nom de Salle de la Grande Cheminée, à cause du chef-d’œuvre du sculpteur Jacquet, de Grenoble, qui en faisait le principal ornement.

Le corps de bâtiment qui contenait la Grande Salle, c’est-à-dire celui qui sépare la Cour de la Fontaine de la petite cour que décore le Pavillon Maintenon, est attribué à Sébastien Serlio, dit Bastiannet, « peintre et architecteur, » venu de Bologne-la-Grâce le 27 décembre 1541, et retenu au service du roi François Ier, aux gages de 400 livres par an. La construction de cette partie du château fut achevée en 1559, et les façades de ce bâtiment sont aujourd’hui telles qu’elles existaient à leur origine. L’on peut admirer encore l’escalier à deux rampants, dit Escalier des Sphinx, et seules, les niches de la façade principale sont demeurées vides des statues qui les décoraient. L’Apollon du Belvédère et le Commode, qui sont aujourd’hui dans les jardins des Tuileries, se trouvaient dans les deux niches qui sont de chaque côté de la porte qui fait communiquer la Cour de la Fontaine avec le parterre ; deux épormes sphinx ornaient les piédestaux de l’escalier à deux rampants. Ces diverses œuvres d’art avaient été moulées et coulées en bronze par les soins des Jacquet, des Leroux, des Durand, avec les moules en terre rapportés de Rome, et renforcés avec l’argile prise au port de Valvins, sur les bords de la Seine, à quelques kilomètres de Fontainebleau. La galerie dont nous parlons était la plus grande de toutes celles du château, nous dit le père Dan ; « aussi estoit-elle autrefois apapelée la Grande Salle, ayant vingt toises de long et cinq de large. Par la suite, on la nomma la Salle de la Belle Cheminée, depuis qu’en l’an mil cinq cens quatre vingts dix neuf, Henry le Grand y fit édifier, à l’une de ses extrémités, celle qui y est, laquelle luy donne ce nom, et qui est bien une des plus belles qui se voient point en quelque lieu que ce soit. Elle est encore appelée la Salle de la Comédie, à cause d’un grand théatre, lequel y est à l’un des bouts qui regarde directement la dite cheminée, et sert pour cet effet. »

Le père Dan, qui nous donne si exactement les dimensions de cette grande galerie, ne nous en indique pas l’élévation. Il será facile de se faire une idée de sa hauteur, lorsqu’on aura lu, dans le même écrivain, la description de la Belle Cheminée.


Elle a vingt-trois pieds de haut, dit-il, et vingt de large, laquelle consiste en quatre grandes colonnes corinthes d’un marbre brogatelle bien diversifié, fort rare et exquis, avec les bases et les chapiteaux de marbre blanc ; elles posent (ces colonnes) sur deux grands piédestaux enrichis de diverses figures de petits enfants en basse-taille de marbre blanc, qui soutiennent les chiffres de ce grand prince (Henri IV) ; où là sont encore aux quatre coins des consoles de bronze.

Au milieu de chacun piédestal est une niche où il y a un beau et grand vase de bronze, avec plusieurs enrichissements et ornements de divers marbres fort précieux.

Dans le milieu de cette cheminée entre les colonnes, est une grande table de marbre noir, sur laquelle est la figure et statue à cheval du roy Henry-le-Grand à demy relief, et grande comme le naturel ; il est armé, et a la teste couronnée d’un laurier, où au-dessous de ses pieds est un casque de marbre blanc ; et plus bas dans un quadre de même matière et couleur, est une basse-taille, où est représentée la bataille d’Ivry, et la reddition de la ville de Mante.

Aux deux costés de cette figure du roy, entre deux colonnes de part et d’autre, il y a deux autres grandes statues, encore de marbre blanc ; l’une figure l’Obéyssance, qui tient en main un joug avec une dépouille de lion ; et l’autre la Paix avec un flambeau d’une main, duquel elle semble mettre le feu dans un amas d’armes qui sont à ses pieds…


Tel était le chef-d’œuvre de Jacquet, dit de Grenoble, auquel l’artiste consacra cinq années de labeurs assidus. Ce Jacquet, dont les registres paroissiaux de la petite église d’Avon, constatent la présence à Fontainebleau de 1556 à 1576, était venu dans la contrée vers 1540. Il commença par nettoyer, aux gages de quinze livres par mois, tous les stucs, toutes les fresques de la chambre et de la salle du roi, de la chambre de la reine, de la grande galerie et des trois chambres des Etuves[1] ; puis il prit part à tous les travaux de fonte et de moulage des statues en bronze ; le Tibre, le Laocoon, Cléopâtre, Apollon, Vénus, Commode, etc., et finit enfin sa longue carrière par son vrai chef-d’œuvre, la Belle-Cheminée (1590), dont nous venons de donner la description.

Pierre Poligny, conducteur des estrangers qui viennent voir la maison royale de Fontainebleau (1700), est en désaccord avec le père Dan, lorsqu’il dit, dans son Abrégé des choses les plus remarquables et les plus curieuses du cháteau, que le bas-relief qui se trouvait au-dessous de la statue équestre de Henri IV, représente, non la bataille d’Ivry, mais la bataille de Vitry, « où est encore Henri IV comme il gagna la couronne de France. » Nous croyons pouvoir nous ranger, sans hésitation, de l’avis du père Dan ; qu’il nous suffise de rappeler que la bataille d’Ivry,


« Près des bords de l’Iton et des rives de l’Eure,


a eu lieu le 14 mars 1590, et qu’une table de marbre noir, placée au fond de la Belle Cheminée contenait l’inscription suivante : »


Henricus IV, Francorum et Navarræ rex
Bellator, Victor et Triomphator, bello civili confecto
Regno recuperato, restauratoque, pace domi forisque constitutá,
Regiis penatibus, regali sumptu socum extruxit.
M. D. I. C.


Du chef-d’œuvre de Jacquet que nous reste-t-il aujourd’hui ?… Vainement, croyons-nous, chercherait-on une reproduction d’ensemble de la Belle Cheminée ; dans les belles collections de gravures que nous avons parcourues, nous n’en avons rencontré aucune. Mais heureusement l’œuvre de Jacquet n’a pas été détruite tout entière, la statue équestre de Henri IV est encore aujourd’hui placée au-dessus de la cheminée de l’ancienne chambre de saint Louis, au château de Fontainebleau, et lorsque Louis-Philippe a fait restaurer la salle des gardes, il sauva de l’oubli les restes de la Belle Cheminée en faisant entourer le buste de Henri IV, « des diverses figures de petits enfants en basse-taille » dont nous avons parlé.

En admirant la cheminée actuelle de la salle des gardes, qui nous conserve ainsi quelques morceaux de l’œuvre de Jacquet, il faudra bien se garder de croire que les deux statues qui la décorent sont celles du sculpteur de Grenoble que nous a décrites le père Dan. Les nouvelles représentent la Force et la Paix et sont l’œuvre du sculpteur Francaville, tandis que les deux statues de Jacquet représentaient la Paix et l’Obéissance.

Si nous voulons pousser plus loin nos recherches, écoutons encore l’abbé Guilbert ; il nous raconte qu’en 1725, (les anciens registres de la maîtrise disent 1726), le comte de Toulouse fit élever dans la forêt une croix, qui portait son nom, sur une colonne de marbre rougeâtre (sans doute marbre brocatelle), provenant d’une magnifique cheminée démolie depuis peu dans le palais. Nous avons en effet signalé la démolition de la Belle Cheminée vers cette époque, puisqu’en 1733 le petit théâtre de madame de Pompadour remplaçait la grande galerie.

Enfin, si l’on en croit la chronique, la croix de Toulouse a été démolie en 1793, et la colonne qui en provenait fut transportée sur la place de la Montagne, l’Étape aux Vins aujourd’hui, à Fontainebleau, et servit à supporter le buste de Marat. Mais ce dernier monument fut de courte durée, comme tout ce qui est élevé d’ailleurs en temps de révolution, et quelques semaines plus tard le buste de Marat et la colonne de Jacquet de Grenoble étaient broyées en place publique.

Avant de terminer la description, aussi complète que possible, de la grande galerie dans laquelle la troupe de Molière donnait ses représentations théatrales, il nous reste à parler du théâtre lui-même et des décorations qui vraisemblablement ornèrent à certaines époques cette salle de la comédie.

La scène sur laquelle jouait Molière avait été élevée à l’une des extrémités de la grande salle, en face de la Belle Cheminée ; et c’est sur l’emplacement de ce petit théâtre que fut, en 1633, le 14 mai, élevée une chapelle pour la cérémonie à la suite de laquelle quarante-neuf seigneurs ont été institués chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit. Une gravure conservée au cabinet des estampes de la Bibliothèque Nationale et qui représente cette cérémonie, ne laisse pas de doute à cet égard.

Le père Dan nous dit qu’Henri IV avait eu dessein d’enrichir de tableaux la salle de la Belle Cheminée, et qu’il avait déjà fait commencer quelques bordures en stuc qui n’ont pas été continuées. Dès lors, quelle a été l’ornementation définitive de cette galerie ?… Les documents précis nous manquent, nous ne saurions être affirmatifs à cet égard ; mais il est probable que la décoration de la salle de la comédie variait suivant les cérémonies accomplies dans cette partie du château, et nous ne serions pas éloignés de croire que les douze tapisseries, représentant les Mois, et dont nous allons parler avec quelques détails, eussent servi de tentures habituelles à cette belle salle.

Cinq de ces belles tapisseries ornaient encore, il y a vingt ans, la Salle dite des Tapisseries, et Vatout, dans son ouvrage sur le palais de Fontainebleau (1852), nous en donne la description. Que sont devenues aujourd’hui ces cinq tapisseries ? Que sont devenues surtout les sept autres ? Nous l’ignorons, mais nous avons vụ, reproduits par la photographie à quatre exemplaires, les douze dessins des douze tapisseries dont nous parlons. L’histoire de ces douze dessins très-curieux mérite de prendre place ici.

Il y a quelques années, M. Paccard, alors architecte du palais de Fontainebleau, reçut en communication douze vieux dessins. Le premier de ces dessins portait cette inscription : Les maistres de Fontaine-Bleau ; et sur le douzième on lisait : Cecy est du temps de François I et des peintres de Fontaine-Bleau. Frappé de la beauté de ces dessins, ainsi que de leur originalité, M. Paccard demanda l’autorisation de les faire reproduire par la photographie. Le soin de cette reproduction fut confié à un amateur des plus habiles, M. Regnault, et voici comment quatre épreuves photographiques de ces dessins se trouvent encore aujourd’hui entre les mains de trois personnes de Fontainebleau (MM. Cazeneuve, Gouvenin et Regnault), alors que l’original a été remis entre les mains de son propriétaire qui nous est resté inconnu.

Les dessins que nous venons de signaler sont, suivant nous, quelques-uns de ces patrons sur grand papier, faits par le peintre Claude Badouyn, dont nous parlent quelques auteurs, et qui servaient de modèles pour la confection des tapisseries qui se fabriquaient dans des ateliers créés à cet effet, dès 1539, au palais de Fontainebleau. Quant aux tapisseries elles-mêmes des douze mois, ce șont peut-être celles de Jules Romain, données en garantie par le duc de Guise (1662), pour une somme de 83,000 livres, que lui avait prêtée Mazarin.

Chaque dessin se compose d’une grande figure principale placée à droite, dans une sorte de demi-niche, qui soutient un écusson ou un cartouche sur lequel est représenté un des signes du zodiaque. Cette disposition commune à tous les dessins ne varie que dans celui qui représente le mois de février ; dans ce dernier dessin la figure est au milieu et la niche est entière. Chacun de ces dessins est en outre orné de nombreuses arabesques où les feuillages, les fruits, les draperies, les rubans et des sujets de tous genres sont merveilleusement groupés et enlacés avec art. Les détails de ces douze compositions sont peut-être encore plus finis, plus soignés, plus intéressants à étudier que les sujets principaux eux-mêmes, et les personnages accessoires, les animaux fantastiques qu’ils recèlent, sont d’une délicatesse et d’un goût exquis.

Voici d’abord la description sommaire de ces douze planches :

Le mois de janvier, dans lequel il n’y a pas de grande figure, nous offre entre autres détails un faune, un singe, des chimères, des oiseaux, puis un paon à côté duquel devait se trouver vraisemblablement une Junon.

Dans le mois de février, Neptune tenant un écusson sur lequel est le signe des poissons. Dans le bas, Neptune, armé de son trident, conduit deux chevaux. À droite, un personnage est traîné dans un char par des poulets. Des caryatides, des chimères et des trépieds embrâsés complètent ce dessin.

Au mois de mars, Pallas tient de la main droite une lance et appuie sa main gauche sur un cadre qui contient le signe du bélier. Au-dessous, un homme cultive un champ ; des faunes, des centaures et des chimères achèvent cette composition.

Sur le mois d’avril, c’est Vénus qui nous apparaît tenant de la main droite Cupidon et soutenant un cartouche de la main gauche. Un centaure, qui présente une corbeille de fleurs, tient un enfant sur ses épaules ; plus loin une femme trait une vache, une autre bat le beurre ; de chaque côté des cariatides, puis Thésée et le minotaure.

Dans le mois de mai, Apollon, armé d’un arc, soutient de la main gauche l’écusson orné du signe des gémeaux ; au-dessous, deux vieillards, l’un porte une lyre, l’autre est dans l’attitude de la prière ; deux faunes basculent non loin de là sur une planche, puis au milieu des chevaliers plantent l’arbre de mai. C’est une des plus riches compositions qui se complètent d’ailleurs par des trophées d’armes, par des génies portant des cornes d’abondance, et des vases en coquillages de toute beauté.

Au mois de juin, c’est un Mercure avec son caducée ; au mois de juillet, c’est Jupiter, armé de la foudre, soutenant le signe du lion, et retenant un aigle entre ses jambes, puis des singes, des perroquets, une femme qui porte une quenouille ; un guerrier qui sonne de la trompette, deux paysans, les rateaux à la main, et enfin à gauche un sujet représentant la fenaison.

Au mois d’août, c’est Cérès une faucille à la main, un homme qui joue de la guitare, un amour qui danse, un vieillard portant une amphore et versant de l’huile dans une lampe ; enfin, à gauche un tableau représentant la moisson.

Dans le mois de septembre, vous voyez Vulcain, le marteau sur l’épaule droite, autour de lui l’enclume et les tenailles ; au-dessus, un guerrier terrasse un géant, puis des fruits, des palmes, des oiseaux et un laboureur en train de herser son champ.

C’est au mois d’octobre qu’apparaît Mars armé d’un bouclier et portant une épée ; à ses pieds, des lances, des javelots, des casques ; puis au-dessus, dans les coins, des chiens savants qui traversent des cerceaux, et un tableau qui nous transporte dans un pressoir en pleine activité.

Au mois de novembre, Diane tient son cor de chasse et porte son carquois ; son fidèle levrier l’accompagne ; au-dessous d’elle, on courre le cerf, au-dessus à gauche, l’on bat le grain dans la grange.

Enfin dans le mois de décembre, Cybèle, coiffée de tours, caresse un lion ; tout près, un petit Saturne est assis sous une guirlande de feuillage, à droite un faune monté sur une chèvre, à gauche un faune monté sur un lion ; puis, sous un dais, dans un médaillon, l’on est en train de préparer la Noël : on vient de tuer le cochon gras.[2]

L’on voudra bien nous pardonner cette digression en quelque sorte archéologique, mais ne fallait-il pas, avant de parler des comédies représentées par Molière au palais de Fontainebleau, essayer de décrire le théâtre sur lequel elles étaient jouées ? Il sera plus facile maintenant de comprendre de quelles magnificences, de quelles splendeurs brillaient les soirées dramatiques

De cette noble cour de France
Abondante en réjouissance,


qui, non contente de ces merveilles de chaque jour, inventait encore à chaque instant, comme pour le Ballet des Saisons, de Benserade, par exemple, ou bien encore pour les représentations de la Princesse d’Élide, de nouvelles surprises, et faisait dresser, dans les jardins du palais, une sorte de théâtre en plein vent,

Roulant sur les fortes échines
De plus de cent douze machines,
Lesquelles on ne voyait pas,
S’étant avancé de cent pas.


  1. Voir les comptes de Nicolas Picart de 1540 à 1550.
  2. Il serait à désirer, dans l’intérêt de l’art, que les heureux possesseurs de ces douze dessins, reproduits par la photographie, voulussent bien mettre de côté