Mon frère Yves/057

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Calmann-Lévy (p. 212-213).
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LVII

Petit Pierre n’aimait pas du tout Brest, lui ; il trouvait que c’était vilain et que c’était noir.

Il y demeurait seulement depuis quatre mois, et déjà ses joues rondes avaient un peu pâli sous leur teinte brune. Avant, elles étaient pareilles à ces brugnons très mûrs des pays du Midi, qui sont d’une couleur chaude et dorée, d’un rouge taché de soleil.

Ses yeux étaient noirs et brillaient d’un éclat de jais, comme ceux de sa mère, entre de très longs cils charmants. Dans ses petits sourcils, il y avait déjà quelque chose de grave, qui était d’Yves.

Il était beau à peindre, avec son expression réfléchie, et ce petit air mâle et décidé qu’il prenait déjà comme un grand garçon.

De temps en temps, il avait bien encore des moments de gaîté très bruyante ; il sautait, sautait tout autour de la chambre triste, en faisant beaucoup de tapage.

Mais cela ne lui venait plus aussi souvent qu’à Toulven. — Il regrettait, dans son petit souvenir encore vague, il regrettait les petits camarades du sentier de hêtres, et les cajoleries de ses grands-parents, et les chansons de sa vieille grand’mère. Là-bas, tout le monde s’occupait de lui, tandis qu’ici il était presque toujours seul.

Non, il n’aimait pas la ville. Et puis il avait toujours froid, dans cette chambre nue et dans ces vieux escaliers de pierre.