Monologues en prose/Le Merlan

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Poèmes mobiles ; MonologuesLéon Vanier, éditeur des Modernes (p. 79-82).


Le Merlan


LE MERLAN

Le Merlan était toujours là !…
Paul Bilhaud.


Cheveux ou barbe ?

Barbe ? Cheveux ?

Barbe ! Bien, monsieur, asseyez-vous là !

Beau temps pour la pêche à la ligne ! N’est-ce pas, monsieur ?

Vous gardez les favoris ? Bien, monsieur !

J’étais justement en train de pêcher hier quand on a retrouvé l’homme sans tête.

Baissez la vôtre, monsieur !

Oui, monsieur, un macchabée sans tête !

Je vous fais mal ?

Excellents, ces rasoirs, n’est-ce pas ?

Il avait séjourné au moins huit jours dans l’eau…

Monsieur ne sera jamais chauve !

Il était tout violet. Ça m’a ôté l’appétit !

Levez la tête, monsieur !

Il était bien vêtu ! Tout ce qu’il y a de pschutt en fait de macchabée ! Levez la tête !

On se demande s’il y a crime ou suicide…

Baissez la tête !

Petite friction, monsieur, petite friction ?

Un quart d’heure après, on a repêché une tête au pont de l’Alma ?

Petite friction ? Monsieur en aurait besoin !

On la lui a essayée pour voir si elle s’ajustait…

Schampoing ? Portugaise ?

Portugaise ? Schampoing ?…

Mais on s’est aperçu que c’était une tête de femme ! Ventilation… cinq sous de plus !

Pas besoin de savon, monsieur ?

Guimauve ? Violette ? Lotion hygiénique ? Levez la tête !

Et maintenant on cherche le corps de la femme !

Friction, portugaise, schampoing, guimauve, violette… Monsieur ne veut pas… Monsieur a tort… Vous êtes rasé… Voilà l’eau !