Monsieur le Marquis de Pontanges/Ch. 35

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Monsieur le Marquis de Pontanges
Œuvres complètes de Delphine de GirardinHenri PlonTome 2 (p. 382-383).


III.

UN ARTICLE NÉCROLOGIQUE.


Or d’où provenait cette grande émotion ? Quelle nouvelle effrayante M. de Marny avait-il lue dans ce journal ? quel malheur lui apprenait-on ? quelles paroles terribles l’avaient ainsi bouleversé ?…

Un article nécrologique conçu en ces termes :

« La société, la littérature, les sciences et les arts viennent de faire une perte déplorable dans la personne de M. le marquis de Pontanges. Dernier rejeton d’une race illustre, M. de Pontanges joignait à cette urbanité de manières qui s’allie si bien avec un grand nom, et qui séduit dans l’homme du monde, cette douce philosophie, cette élévation de pensée, cette générosité de caractère qui attachent dans l’homme de bien. Passionné pour la science, il ne sortait presque jamais de sa bibliothèque, où il se livrait tout entier aux douceurs de l’étude. Il avait adopté avec empressement toutes les idées modernes d’amélioration. Il fonda plusieurs écoles. Il se plut aussi à encourager les arts. La chapelle de son château, qui est, comme on sait, une des plus belles antiquités féodales de France, renferme des chefs-d’œuvre du premier ordre en peinture et en sculpture. M. le marquis de Pontanges meurt sans postérité. Avec lui s’éteint l’illustre branche des ***, dont il descendait par les femmes. Il laisse une veuve inconsolable, auprès de laquelle il a goûté pendant cinq ans tout le bonheur d’une union sans nuages. »

Voilà pourtant les grandes phrases qui faillirent tuer M. de Marny !

Voyez un peu la différence des caractères :

Une jeune femme qui avait entendu parler du pauvre Amaury, et qui savait à quel point ces éloges étaient mérités, vint lire cet article cinq minutes après Lionel ; elle en rit aux larmes.

Jugez donc un article de journal après cela !

L’un en meurt…
L’autre en rit.