Napoléon (Quinet) 17-20

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XIII - XVI Napoléon XXI - XXIV


XVII. LE DÉSERT[modifier]

 
Du côté d’Embabeh la terre a fait silence !
Le chacal a hurlé ; le dattier se balance
Sur sa tige ridée. Au bord de l’Orient
Les tombeaux ont parlé. Dans ses citernes vides,
Le désert avait soif au pied des pyramides ;
Et le désert a bu son outre de géant.


L’Orient ! L’Orient ! Le monde des tempêtes,
La terre aux vastes cieux, la terre des prophètes,
Sous les pas d’un seul homme, ainsi qu’un souvenir,
Au loin a tressailli. Sinaï se réveille ;
Et l’insecte au désert passe et prête l’oreille
Pour entendre germer les peuples à venir.
Le clairon d’Occident, de la terre promise,
A chassé l’antilope aux sources de Moïse.
Le Jourdain s’en émeut ; et le coursier de Job,
Sous le cèdre d’Aram secouant sa poussière,
Quand il a reconnu la fanfare guerrière,
A dit encore : " Allons au-devant de Jacob ! "
De Tyr sous ses naseaux la gloire s’est tarie.
Le glaive de Lodi, qui frappe la Syrie,
Des prophètes hébreux a brisé les tombeaux.
Les jours qu’ils ont prédits, ainsi qu’une fumée,
S’exhalent triomphants de leur cendre embaumée.
L’aiglon de Rivoli disperse au loin leurs os.
Après son long travail, comme un bœuf à l’étable,
Les sphinx, sans leur berger, endormis dans le sable,
Ont relevé la tête au désert d’Aboukir.
Puis, voyant le retour des soldats de Cambyse,
Et des jours oubliés l’énigme qui se brise,
Sur la plage ils cherchaient le nom de l’avenir.
Puis, au loin, entendez ! La sentinelle appelle !
Et plus loin les cités qu’habite la gazelle,
Les puissants dieux de bronze, ou de pierre, ou de bois,
Et tous les peuples morts qui, dormant dans l’argile,

Font germer l’aloës en leur urne fragile,
Comme un souffle du soir répondent à sa voix.

L’Asie a salué la bannière d’Arcole ;
Un homme a fait un signe. Au bruit de sa parole,
L’ibis de pharaon abandonne son nid.
Le temple s’est caché sous sa voûte croulante.
Pour faire entrer plus vite en ses murs l’épouvante,
Thèbe brise au désert ses portes de granit.
Comme des lionceaux, le front penché vers terre,
Haletants, les canons ont léché la poussière
Des belles oasis. Au bord des puits lointains,
Le sabre de Kléber, baigné dans le mirage,
A du palmier d’Oreb cherché le noir ombrage ;
Et la terre attendait, aride, ses destins.
C’était l’heure du jour où le dattier sommeille,
Où le désert s’endort en sa vide merveille,
Où la fourmi s’abrite à la place des dieux
Dans le temple gisant ; où la nuit étincelle ;
Où l’autour a plié son long cou sous son aile ;
Et la terre aspirait le calice des cieux.
Or celui dont l’épée, ainsi qu’une autre aurore,
Quand elle brille au Nil resplendit au Bosphore,
Du sommeil des vivants ne dormait déjà plus.
Son œil, ardent charbon que le simoün attise,
Luisait dans son foyer ; et son front sous la brise
Comme toi pâlissait, neige du mont Taurus.
Comme toi, noir nuage au flanc de la Syrie,
Ses noirs cheveux pendaient sur sa joue amaigrie.


Puis il entre au chemin où le désert l’attend.
Il s’avance ; il revient ; il se hâte ; il s’arrête ;
Les bras sur la poitrine, et secouant la tête,
Il se parle tout bas ; et la terre l’entend.
" Entrons seuls, ô mon âme ! Ainsi qu’en notre gîte,
En ce désert de sable où mon destin s’agite.
Pour un moment laissons en arrière de nous
Ce bruit que fait un nom, et le monde à genoux.
Ainsi qu’un vêtement qui nous gêne et nous pèse
Quittons là notre gloire et luttons à notre aise.
Et d’abord dis-le-moi : pour que mes ennemis
Soient d’un souffle à mes pieds renversés et soumis,
Que suis-je donc moi-même ? Un homme ou plus qu’un homme ?
Un prophète ? Un devin ? Ce que le monde nomme
Un demi-dieu, je crois, qui se fait son autel
De son propre débris pour un jour immortel ?
Peut-être plus encor. Le sais-tu, ce mystère,
Jupiter Ammon ? Dieu de sable et de poussière,
Qu’en ce lieu ce désert a vu naître et mourir,
Suis-je un dieu comme toi, comme toi pour périr,
Ou ton fils Alexandre, avec sa renommée,
Qui revient en sa force et cherche ta fumée ?
À cette heure le monde a perdu son chemin.
Il faudrait dans sa nuit le mener par la main.
Depuis qu’en cet endroit où chaque pas s’efface,
Caché dans ma pensée, il ne voit plus ma trace,
En pleurant il s’en va du Rhin jusques au Nil
Se mendier un maître, et crie : " Où donc est-il ? "

Voici l’heure qui sonne, heure immense, infinie !
Debout donc, ma fortune ; et debout, mon génie !
Ici, dans l’oasis regarde autour de toi
Si quelqu’un n’a pas dit : " C’est toi qui seras roi ! "
Dans l’oasis ? Non pas ! Va. Regarde en toi-même
Si tu n’y verras pas luire ton diadème.
Ah ! Oui, dans ma pensée ainsi qu’en un palais
J’ai couronné mon rêve élevé sous le dais.
J’ai vu là se dresser dans les flots du mirage
Mon fantôme de gloire et son altier naufrage ;
Et cette voix qui gronde en mon cœur et s’éteint,
C’est donc là cette voix qu’ils appellent destin !…
Mais, je le veux encore ; je poursuis ma victoire.
M’y voici ! J’ai gravi la cime de l’histoire.
Où ce chemin va-t-il quand on y met le pied ?
Redescend-on jamais par le même sentier ?
Est-il un seul endroit où le désir s’arrête,
Et dise : " C’est assez ! Je suis là sur le faîte ? "
Et puis, le lendemain, roi, consul, empereur,
Charlemagne ou Cromwell, doge ou lord protecteur,
De quel mot appeler ce géant de conquête
Qui dépasse le monde et les cieux de la tête ?
La servitude a pris tant de noms pour briller !
De quel masque nouveau la pourrais-je habiller ?
Deux mondes sont ici qu’en tout je vois paraître ;
Ou Brutus, ou César, lequel vaut-il mieux être ?
C’est là tout le débat. Brutus, homme de bien ;
César, âme du monde : il en est le lien.

César n’a point d’égal ; Brutus n’a point de vices.
Qu’en penses-tu, mon âme ? Il faut que tu choisisses.
Brutus est la victime et meurt avec sa foi ;
César est le tyran et fait vivre sa loi.
Brutus est la vertu ; César est la puissance.
Mon âme, achève donc, et quitte la balance.
Brutus est le mortel qui survit par hasard ;
César le dieu sur terre… Ah ! Je serai César.



XVIII. LE PREMIER CONSUL[modifier]

 
César, salut ! Voici les faisceaux consulaires,
La foule, les licteurs, les haches populaires,
Sous le fouet triomphal les quadriges fumants !
Vieux consul à l’œil fauve, oh ! Depuis deux mille ans
Que la tombe a bien su rajeunir l’esclavage,
Et refaire ton œuvre et ton blême visage !
Les vers filent-ils donc aux morts dans le tombeau
Deux fois leur pourpre neuve ? Et quand ton lourd manteau
Des eaux du Rubicon est ruisselant encore,
Comment as-tu quitté ton sépulcre sonore ?
Et comment sur ton front, au soleil de Lodi,
La couronne de chêne a-t-elle reverdi ?
Pour entraîner ton char en sa nouvelle ornière,
Combien de nations, sous ta verge guerrière,
Veux-tu tenir en bride ? à laquelle d’abord
Veux-tu mettre aujourd’hui la selle et le frein d’or ?


Et quand ton fouet conduit le quadrige du monde,
Quel état croupira sur sa litière immonde ?
Peuples gladiateurs, désennuyez César !
Il vient, accourez tous au-devant de son char.
Criez, pour achever ses plaisirs qui vous tuent :
" Les peuples vont mourir, les peuples te saluent ! "
Avec grâce tombez dans le cirque à ses pieds !
César vous sourira, vos jours seront payés.
Et comme dans les bois, d’une aile matinale,
Quand le faucon s’élance en sa chasse royale,
La couleuvre repue, endormie au soleil,
Trop tard cherche en rampant son gîte à son réveil ;
Ainsi, dès qu’au matin l’aiglon quitta son aire,
Sentant sous son duvet la serre consulaire,
Le monde a dit : " Voici l’oiseau du Rubicon ! "
Et le taureau gaulois a connu l’aiguillon.
L’hysope, au haut des monts, sous le cèdre s’incline.
L’homme sous le héros, l’ombre sous la colline ;
Le flot baise le roc debout sur l’océan,
La foule son César, et César le néant.

Et, depuis ce jour-là, pour détrôner un monde,
Un homme a pris sa place ; et, quand un peuple gronde,
Ses pieds éperonnés, comme un sépulcre ouvert,
Heurtent les nations. Comme une ombre au désert,
Quand le lion royal agite sa crinière,
Chaque état devant lui se tait en sa tanière.
Un homme seul est tout, et le reste n’est rien.
Lui seul il a tout fait, et le mal et le bien.


Mille noms ont péri pour grossir son ouvrage.
Mille flots passeront pour qu’un seul flot surnage.
C’en est fait : un seul homme a, pendant leur sommeil,
Des peuples usurpé la place à leur soleil.
Qu’ils dorment ! Pour eux tous, ardente sentinelle,
Le jeune consul veille en la cité nouvelle ;
Et sur sa mappemonde, armé de son compas,
Il débrouille en un jour le chaos des états ;
Ou, penché sur son globe, il rapproche à sa guise
Deux rivages hurlants qu’un océan divise ;
Ou d’un mot il efface un peuple trop altier ;
Ou d’un trait de sa plume il se fraye un sentier
Sur le mont d’Annibal ; ou, quand son doigt s’arrête,
Il creuse dans le roc un port à la tempête ;
Et sa lampe, mourant sur ses projets divers,
Éclaire chaque fois un nouvel univers.
Souvent pendant la nuit, quand la nuit fait silence,
Le premier au conseil il met dans la balance
Le vieux code romain par l’évangile usé.
Son esprit, comme un glaive à sa droite aiguisé,
Tranche le nœud gordien que nouèrent les sages,
Et fait sa loi d’airain de mille obscurs usages.
Et les vieillards disaient : " Il nous surpasse tous.
D’où lui vient sa sagesse ? Il n’a pas comme nous,
Des siècles coutumiers épousant les coutumes,
Jour et nuit retourné leurs gothiques volumes ;
Nos fils sont de son âge, et son doigt frémissant
Jamais n’a feuilleté que son livre de sang.


Ainsi tous le craignaient. Du breuvage qu’il aime,
Dans son vase emmiellé Dieu l’enivrait lui-même.
Les peuples le suivaient en caressant leur frein.
Il était calme et fort ; et sur son front serein,
La couronne de plomb sacrée à Sainte-Hélène
N’effeuillait pas alors la couronne de chêne.



XIX. LE SAINT-BERNARD[modifier]

 
Les Alpes sont debout. Les voyez-vous blanchir ?
Leurs murs sont crénelés ; qui pourra les franchir ?
Derrière leur enclos, à l’ombre épanouie,
Qui jamais cueillera la fleur de l’Italie ?
Si ce n’est toi, grand Dieu, qui jamais du vallon
Montera sur leur cime après l’aigle et l’aiglon ?
Comme un camp éternel leurs tentes sont dressées.
Qui les emportera sur son char entassées ?
Jamais la dent des boucs ne les ronge en chemin,
Et jamais l’ouragan ne déchire leur lin.
Quel guerrier dormira sous leur toit de tempête,
Et pourra dans son rêve escalader leur faîte ?
Dès l’aube la Jungfrau s’assied dans les ravins,
Et porte l’avalanche en ses humides mains.
Qui dénouera jamais son voile de nuage ?
Comme un anachorète en son froid ermitage,
Le Saint-Bernard, pieds nus, se couche en son cercueil.
Qui jamais franchira les degrés de son seuil ?


Les Alpes sont debout. Sur leurs flots sans rivage
Que hérisse à leur faîte un éternel orage,
Sur cette mer géante aux vagues de granit,
Où, comme l’alcyon, les peuples font leur nid,
Sans rameur et sans mât, suspendue à la cime,
Quelle barque jamais ira tenter l’abîme ?
Ah ! Qui m’emportera sur leur plus froid sommet,
Comme un chevreau lassé qui monte en son chalet ?
Qui me dira jamais ce que l’aigle en son aire
Sur leur autre penchant aperçoit de mystère ?
Comment sont faits les bois de myrtes, d’oliviers,
Et le goût des citrons au pied des citronniers ?
Ah ! Qui me bâtira plus puissant que l’orage
Mon refuge, ici-bas, sur leur rocher sauvage ?
Je suis un voyageur que suivent les vautours.
La brume m’environne, et je crie : " Au secours ! "
Le chemin est glissant, et l’ouragan m’entraîne.
Est-ce là le chemin qui mène à Sainte-Hélène ?
Car c’est là que j’ai vu le chasseur de chamois
Dont le nom retentit comme fait un carquois.
L’ourse du Saint-Bernard, à la fin muselée,
En grondant le suivait au fond de la vallée.
Sa flèche était lancée ; et par delà les monts
Allait blesser à mort le cœur des nations.
Ici j’ai vu passer un berger sans ouailles ;
Dans la neige il menait ses chevaux de batailles,
Ses canons bâillonnés, qui, chargés de frimas,
Comme une meute en laisse aboyaient sur ses pas ;

Et ses clairons muets à la lèvre sanglante,
Et les chiens du couvent hurlaient dans la tourmente.
Mille voix appelaient, mille voix répondaient.
Sur le bord des glaciers les longs sabres pendaient,
Comme font les chevreaux aux bords des pâturages.
Les drapeaux engourdis se mêlaient aux nuages.
Mille mains à la fois traînaient un même char ;
Et la cloche sonnait sur le grand Saint-Bernard.
Ici j’ai vu bondir, sur son humide trace,
Comme un peuple enfermé dans son tombeau de glace,
L’avalanche croulante aux champs de Marengo.
Un seul mot dit trop haut, et redit par l’écho,
L’avait précipitée au penchant des abîmes.
Devant elle une main aplanissait les cimes.
Oh ! Quand elle eut enfin roulé, de bonds en bonds,
Au seuil de Marengo, loin du sentier des monts,
On entendit alors, là, sous la vigne mûre,
Le choc d’une cymbale, et le choc d’une armure ;
Puis bientôt sans harnais, mille et mille chevaux
Errants et tout meurtris que suivaient des corbeaux.
Puis un bruit haletant de canons qui mugissent,
De sabres ébréchés, de pas qui retentissent,
De pesants cavaliers croulant comme des tours,
De tambours ameutés comme des troupeaux d’ours,
Et vers le soir on vit l’aigle noire à deux têtes
Qui, sanglante, cherchait son nid dans les tempêtes.
Puis après tout se tut. Mais dès le lendemain
La neige sur les monts effaçait le chemin,

Comme un grand fossoyeur au vallon qu’il déchire,
Le Saint-Bernard creusait la tombe d’un empire ;
Et là-bas le chasseur disait à demi-voix :
" Sont-ce les pas d’un peuple, ou les pas d’un chamois ? "



XX. LE TE DEUM[modifier]

 
Ainsi tout se taisait. Mais de la vieille église
La porte pour un jour se rouvrit sous la brise ;
Et la cloche des morts appela les vivants.
Sous le porche oublié les peuples s’entassèrent ;
En chantant au tombeau les morts se réveillèrent,
Le sanglant Te Deum s’éleva sur les vents.

" Grand Dieu ! Nous te louons dans notre cendre obscure,
Dans la main qui nous fit l’éternelle blessure,
         Dans notre tombe et notre nuit.
Grand Dieu ! Nous t’adorons quand les vivants t’oublient ;
Leurs yeux dans la mêlée, où leurs cœurs te renient,
         Ne voient plus ton glaive qui luit.

Les vivants ont quitté tes fêtes éternelles ;
Mais les morts, ô grand Dieu ! Te sont restés fidèles.
         Pour eux sont les siéges d’airain,
Pour eux les pavillons, les tentes embaumées
Que parmi les combats le seigneur des armées
         A toujours dressés de sa main.

C’est toi sous ton courroux qui brisais les cuirasses ;
C’est toi, vaillant Jacob, qui guidais sur tes traces

Le glaive en son chemin de sang.
C’est toi, toi, Sébaoth, archange des archanges,
Qui, le soir des combats, dans leurs livides langes
         Couchais les peuples sur le flanc.

C’est toi qui pour voler avais donné des ailes
Aux chevaux effarés. Comme des sauterelles
         Ton pied foulait les nations.
C’est toi, roi de la gloire, en sa gloire usurpée,
Qui du vainqueur à Tyr réjouissais l’épée,
         Et brisais la dent des lions.

Les séraphins poussaient le char de ta colère ;
Les chérubins de l’aile abritaient sur ton aire
         Les nouveaux-nés de tes combats.
De ton urne d’airain tu versais l’épouvante.
Comme après le chasseur vient la meute hurlante,
         Les ténèbres suivaient tes pas.

Tu partageais d’abord, comme une toile neuve,
La bataille en deux parts ; et comme pour un fleuve
         Tu creusais son lit à l’effroi.
Des peuples le matin la joie était comblée ;
Puis tu disais un mot, le soir, dans la mêlée ;
         Et tout avait fui devant toi.

Aujourd’hui notre œil voit, aux clartés de la tombe,
Ta colère assouvie, et ton bras qui retombe,
         Sanglant, sur ton glaive lassé.
Celui-là s’est assis, tranquille en sa victoire,
Que, dans sa nudité, tu vêtis de ta gloire.
         Grand Dieu ! Ton courroux est passé.

<poem>

Et désormais les morts, en leur tombe muette, Ne s’éveilleront plus au cri de la trompette.

        Chacun jusqu’à son lendemain

Dormira son sommeil. Dépouillant son armure, Le siècle, à pas légers, foulera sans murmure

        Nos os qui marquent son chemin.

La paix au front de vierge a clos les funérailles. Les mères, en berçant l’enfant de leurs entrailles,

        Ne pleureront plus leur aîné.

La famille au foyer, comme un nid d’hirondelle, Ne sera plus ravie à l’aile paternelle,

        Ni le printemps trop tôt fané.

Seigneur, fais que ton nom jusqu’à nous retentisse ! Sous les pas des chevaux que l’herbe reverdisse !

        Relève les épis foulés.

Donne, donne aux vivants ce que les morts possèdent ! De frères nouveau-nés qui l’un l’autre s’entr’aident

        Remplis les états dépeuplés.

Fais, désormais, grand Dieu, les nations jumelles. Que leur joug soit léger à leurs têtes rebelles

        Comme nos couronnes de fleurs !

Et nous, dans notre nuit, grand Dieu, Dieu des armées, Nous bénirons ton sceau sur nos lèvres fermées,

        Et ta blessure dans nos cœurs. "

Ainsi les morts chantaient. Les vivants, sur leurs dalles, Se taisaient, et raillaient les vieilles cathédrales ; Car ils avaient alors oublié de prier. Ils pensaient : qui croira, sans nous injurier,

XIII - XVI Napoléon XXI - XXIV