Napoléon et la conquête du monde/I/25

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H.-L. Delloye (p. 113-115).

CHAPITRE XXV.

DRESDE.



Le 8 mai 1817, l’empereur fit savoir aux rois et aux ministres des états vaincus qu’il consentait à les recevoir. Dès le matin se pressaient dans les premiers salons du palais royal de Dresde, les rois de Prusse et de Suède, les trois grands-ducs de Russie, portant le deuil de leur frère l’empereur Alexandre, et le frère de Mahmoud ; une cour nombreuse les accompagnait.

Napoléon les fit long-temps attendre, et ce dédain fut sa première vengeance. À midi cette foule fut introduite. Un seul siège était dans le salon où la recevait l’empereur, et il ne se leva même pas quand les rois et le reste entrèrent.

— « Que me voulez-vous ? » s’écria-t-il en jetant sur eux des regards flamboyants de colère.

Le roi de Suède s’avança en tremblant et dit d’une voix faible et respectueuse : — « Nous demandons à votre majesté le traité qu’il lui plaira de nous accorder.

— « Pas de traité, dit l’empereur d’une voix tonnante ; des ordres ! Allez ! »

Jamais il n’avait paru plus irrité et plus méprisant ; il sentait que l’Europe était à ses pieds et qu’il pouvait la fouler et la piétiner comme il lui plaisait.

Tous sortirent la rage et la honte dans le cœur.

L’empereur ordonna au duc de Bassano d’écrire aux rois de Suède et de Prusse et aux trois grands-ducs de Russie qu’ils ne pouvaient retourner dans leurs états, dont la destinée n’était pas fixée. La ville de Prague leur était désignée comme lieu de résidence. — Ils s’y rendirent.

Le roi d’Italie, après la victoire de Belgrade, traversa la Servie et la Roumélie, et étant aussi entré à Constantinople, il y reçut les ordres de l’empereur touchant cette contrée. Il fit en conséquence évacuer la Roumélie, où se trouvaient les restes de l’armée turque. Les troupes ainsi que le sultan Mahmoud furent transportés en Asie, de l’autre côté du Bosphore.

Cette guerre si grande, dans laquelle une moitié de l’Europe avait combattu contre l’autre, fut ainsi mise à fin en peu de temps et par la plus mémorable victoire. Ce fut la dernière, et dans les premiers jours du mois de juin 1817, cette partie du monde se trouvait comme la propriété entière et exclusive de Napoléon, qui put la diviser à son gré, et laisser tomber comme il l’entendait des couronnes dépendantes sur des princes feudataires.