Napoléon et la conquête du monde/I/34

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H.-L. Delloye (p. 146-148).

CHAPITRE XXXIV.

ALGER.



Après ces grandes choses, la guerre du nord-est, la promotion de rois et le mariage de l’empereur, il y eut une longue paix, à peine interrompue, au mois de juin 1818, par la courte et glorieuse expédition d’Alger.

Toujours insolente, cette nation de pirates n’avait pas craint d’offenser le pavillon impérial de l’Europe, qui, depuis la suzeraineté reconnue de l’empereur des Français, flottait au grand mât des navires de toutes les nations. Un navire français fut pillé par des corsaires algériens. Dès lors, l’expédition fut ordonnée, pressée avec la plus grande vigueur, et le débarquement de forces considérables s’effectua bientôt sur les côtes d’Afrique. Aussi lâche que superbe, Alger se rendit après les premières hostilités, et le pavillon tricolore flotta sur ses citadelles. Les trésors du dey, s’élevant à près de 300,000,000 de francs, furent apportés en France, et le dey lui-même y fut amené prisonnier. L’empereur ne voulut pas le voir, et lui fit dire par son ministre de la marine, qu’il avait hésité s’il ne devait pas le faire fusiller. Il fut retenu deux années de suite dans les prisons de Vincennes, et plus tard transporté dans la Turquie d’Asie.

L’empereur, à qui cette conquête avait été représentée comme des plus importantes pour la sûreté des mers, ordonna, après cette première victoire, la continuation de l’expédition, sur toutes les côtes de la Barbarie, depuis Maroc jusqu’en Égypte, qui furent balayées de ces pirates. Les quatre empires barbaresques devinrent une colonie française ; Alger en fut la capitale ; un aide-de-camp de l’empereur fut nommé gouverneur-général de la ville et de la colonie, à laquelle on donna le nom de France africaine. On trouva aussi dans les villes de Tunis, de Maroc et de Fez, d’immenses trésors, qui vinrent s’engloutir dans les caves des Tuileries, où depuis long-temps l’empereur amoncelait des richesses incalculables.

Cette conquête de l’Afrique du nord avait été, comme nous l’avons dit, courte et glorieuse, mais surtout décisive. Il ne resta plus rien de ces brigands qui, depuis dix siècles, infestaient la Méditerranée. Le commerce respira, et la France gagna, avec une colonie magnifique, une ligne de côtes qui lui donnait la possession presque entière de la ceinture de la Méditerranée.

Plus de deux millions de familles françaises et européennes, qui n’avaient que la misère dans leur patrie, obtinrent des concessions de terrains, et furent transportées en Afrique, où elles peuplèrent cette terre vaincue. Il y eut comme un enthousiasme d’émigration dans les classes pauvres, ce qui permit à l’empereur de ne pas réaliser sa volonté politique de rendre cette émigration obligatoire pour un ban de citoyens qu’il eût désigné.

Une triple organisation, judiciaire, administrative et militaire, fut établie dans la France africaine. Elle fut aussi divisée en départements, mais néanmoins sans cesser d’être soumise à un régime colonial, l’empereur n’ayant pas voulu la rendre partie intégrante de l’empire.