Non, mon âme jamais de toi ne s’est lassée

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Mercure de France (p. 165-166).

XV


Non, mon âme jamais de toi ne s’est lassée !

Au temps de juin, jadis, tu me disais :
« Si je savais, ami, si je savais
Que ma présence, un jour, dût te peser,
Avec mon pauvre cœur et ma triste pensée
Vers n’importe où, je partirais. »
Et doucement ton front montait vers mon baiser.

Et tu disais encore
« On se déprend de tout et la vie est si pleine !

Et qu’importe qu’elle soit d’or
La chaîne
Qui lie au même anneau d’un port
Nos deux barques humaines ! »
Et doucement tes pleurs me laissaient voir ta peine.

Et tu disais,
Et tu disais encore :
« Quittons-nous, quittons-nous, avant les jours mauvais.
Notre existence fut trop haute
Pour se traîner banalement de faute en faute. »
Et tu fuyais et tu fuyais
Et mes deux mains éperdûment te retenaient.

Non, mon âme jamais de toi ne s’est lassée.