Si le sort nous sauva des banales erreurs

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Mercure de France (p. 163-164).

XIV


Si le sort nous sauva des banales erreurs
Et du mensonge vil et de la triste feinte,
C’est que toujours nous révolta toute contrainte
Dont le joug eût ployé notre double ferveur.

Tu marchas libre et franche et claire sur ta route,
Mêlant aux fleurs d’amour tes fleurs de volonté,
Et redressant vers toi doucement sa fierté
Quand mon front s’inclinait vers la crainte ou le doute.


Et toujours tu fus bonne et de geste ingénu,
Sachant qu’elle était tienne à tout jamais mon âme ;
Car si j’aimai — le sais-je encor ? — quelque autre femme
C’est toujours vers ton cœur que je suis revenu.

Tes yeux étaient si purs alors parmi leurs larmes
Que mon être se réveillait sincère et vrai,
Et je te répétais les mots doux et sacrés,
Et la tristesse et le pardon étaient tes armes.

Et j’endormais le soir mon front sur tes seins clairs,
Heureux d’être rentré des lointains faux et blêmes
Dans le doux renouveau qui régnait en nous-mêmes,
Et je restais captif entre tes bras ouverts.