Nos enfants/Le Bal costumé

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Hachette (p. 10-11).
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LE BAL COSTUMÉ


Voilà des petits garçons qui sont des conquérants et des petites filles qui sont des héroïnes. Voilà des bergères en robe à panier avec des guirlandes de roses et des bergers en habit de satin, qui portent des rubans noués à leur houlette. Oh ! qu’ils doivent être blancs et jolis les moutons des bergers ! Voilà Alexandre et Zaïre, et Pyrrhus et Mérope, Mahomet, Arlequin, Pierrot, Scapin, Blaise et Babette. Ils sont venus de toutes parts, de la Grèce et de Rome, et des pays bleus, pour danser ensemble. La belle chose qu’un bal travesti et qu’il est agréable d’être pour une heure un grand roi ou une illustre princesse ! Cela n’a pas d’inconvénients. On n’a pas besoin de soutenir son costume par des actes ou mêmes des paroles.

VOILÀ ALEXANDRE ET ZAÏRE, ET PYRRHUS ET MÉROPE, MAHOMET, ARLEQUIN, PIERROT, SCAPIN, BLAISE ET BABETTE. ILS SONT VENUS DE TOUTES PARTS, DE LA GRÈCE ET DE ROME, ET DES PAYS BLEUS POUR DANSER ENSEMBLE.

Ce ne serait pas amusant, voyez-vous, d’avoir les habits des héros s’il fallait aussi en avoir le cœur. Le cœur des héros est déchiré de toutes sortes de façons. Ils sont, pour la plupart, illustres par leurs malheurs. S’ils avaient vécu heureux, on ne les connaîtrait pas. Mérope n’avait pas envie de danser. Pyrrhus fut tué méchamment par Oreste au moment où il allait se marier, et l’innocente Zaïre périt de la main du Turc, son ami, qui pourtant était un Turc philosophe. Quant à Blaise et Babette, la chanson dit qu’ils ont des chagrins d’amour qui durent éternellement.

Vous nommerai-je Pierrot et Scapin ? Vous savez comme moi que ce sont des fripons et qu’on leur tira plus d’une fois l’oreille. Non ! la gloire coûte trop cher, même la gloire d’Arlequin. Au contraire, il est bien doux d’être des petits garçons et des fillettes et d’avoir l’air d’être des personnages. C’est pourquoi il n’y a pas de plaisir qui vaille celui d’un bal travesti, quand les costumes sont assez magnifiques. On se sent brave rien qu’à les porter. Voyez aussi comme tous ces gentils compagnons portent bien leurs plumes et leurs manteaux ; qu’ils ont l’air galant et fier, qu’ils ont bonne mine et qu’ils ont bien les grâces du bon vieux temps.

Sur l’estrade, dans l’endroit que vous ne voyez pas, les musiciens, tristes et doux, accordent leurs violons. Un quadrille de grand style est ouvert sur leur pupitre. Ils vont attaquer le morceau. Aux premiers accords nos héros et nos masques vont entrer en danse.