Nos travers/Le féminisme

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C.O. Beauchemin & Fils (p. 218-229).

LE FÉMINISME


Conférence faite à l’Asile de la Providence



Eh ! de quoi vous parlerais-je, Mesdames, si ce n’est de « nos affaires ? » Je crois même que c’est le seul moyen de me faire absoudre de ma hardiesse. Il paraît que c’est une prérogative masculine que de parler haut, du moins à cet égard, l’usage fait loi, et il faut toujours respecter la loi quelque injuste, je veux dire, quelque sévère qu’elle nous paraisse.

Il me semble que tout ici autorise l’audace. Le bruit de notre voix qui nous effraie toujours un peu, trouve entre ces murs, un écho sympathique et rassurant.

Nous nous sentons presque justifiée d’oser nous affirmer à l’ombre de cette institution puissante qui est l’œuvre de mains, surtout, de cerveaux féminins.

J’ai besoin de croire d’ailleurs que nous sommes « entre nous », et, « qu’officiellement », il n’y a ici qu’une femme s’adressant à des femmes. Si par hasard il s’était glissé dans cet auditoire quelques représentants du sexe fort, je veux l’oublier. Si pourtant leur dignité m’impose l’évidence, je me persuade qu’ils sont tous des féministes. Il ne faudrait pas qu’ils protestassent parce qu’alors je serais très dure pour eux. Je les comparerais à des paralytiques guéris disant du mal des béquilles ; oui, je les appellerais des ingrats !

Féministes, Mesdames, quoi qu’ils disent, tous les hommes le furent une fois, et ils le redeviendront, n’ayez crainte. Ils le seront quelque jour, comme les vieillards qu’abrite ce toit hospitalier le sont, et quand ils ressentiront toute la vérité de cette parole de l’Esprit-Saint : « Malheur à l’infirme qui n’a que des cœurs d’hommes et des mains d’hommes autour de ses douleurs. »

Ils le seront même dans l’acception la plus étendue du mot, chaque fois que par l’absence du soutien naturel, comme cela arrive si souvent, ils dépendront dans leur jeunesse pour l’existence, l’instruction et l’éducation d’une femme, cumulant dans ce cas les fonctions du père et de la mère sans que son cœur vaillant, sans que ses faibles épaules faillissent à la tâche. Et n’est-ce pas logique ? Chez qui la femme recruterait-elle des partisans dévoués si ce n’est parmi ces témoins authentiques de sa valeur ?

Le Canada est, sans s’en douter peut-être, un des pays où le féminisme est plus ancien et sûrement celui qui lui doit le plus.

Tenez, voulez-vous que nous disions un peu de bien des femmes ? D’abord je vous avouerai que j’en meurs d’envie, et puis c’est ma manière à moi de traiter cette importante question sociale. Car il ne faut pas s’attendre à ce que j’en fasse l’historique rigoureux. En choisissant le sujet de cette petite causerie, je n’avais aucun système en vue. Je ne voulais pas non plus faire l’apologie du féminisme, qui se défend bien tout seul.

J’ai pensé qu’il serait intéressant de disserter un peu avec mes congénères, les Canadiennes-Françaises, que je savais devoir être brillamment représentées ici ce soir, sur un événement qui nous concerne et auquel elles ne pourront pas longtemps rester étrangères.

Il importe de voir ce que signifie pour notre pays ce terme vague, d’invention moderne : « Le féminisme. » Il importe aussi de nous rendre compte que si le nom est nouveau, l’œuvre qu’il représente ne l’est pas autant qu’on le pense. Il serait malaisé pourtant de le définir exactement parce qu’il n’a pas de programme fixe et que ses tendances varient selon les pays. En tous cas c’est une force qui ne demande qu’à être dirigée. En considérant ce qu’elle produit de meilleur chez les autres, nous apprendrons à la faire servir à notre plus grand bien.

Nous disions donc qu’à part les lois (dont on se plaint beaucoup), il n’y a guère de bienfaits nationaux auxquels la femme n’a pas contribué chez nous.

Faut-il rappeler son initiative, son courage égal à celui des plus vaillants, sa souveraine influence dans la fondation de la colonie ? Voudrait-on que je fisse la nomenclature des innombrables institutions que son zèle diligent a fondées depuis, sur la surface de notre immense territoire ? Est-il bien des formes de la misère et de la souffrance humaines, dites-moi, auxquelles elle ne se soit attaquée et qu’elle n’ait réussi à pallier ?

La meilleure réponse à ces questions c’est que l’État, se désintéressant de l’éducation supérieure des filles, de l’assistance publique et des œuvres de bienfaisance en général, s’en remet entièrement à l’initiative et à la compétence féminine pour tout ce qui s’y rapporte.

Tout favorise donc, en ce pays, l’expansion du féminisme ! Et l’expérience du passé et les facilités que cette expérience donne à l’avenir, et la liberté dont nous jouissons, car si nous sommes bienvenues à vivre dans une complète oisiveté, selon qu’il nous plaît, on nous laisse également libres de participer, nous privilégiées, dans la mesure de nos forces, à l’amélioration du sort des moins favorisés. Un pays ne repousse pas les services de ses enfants. L’histoire, au contraire, nous montre les nations acceptant avec bonheur le salut de la main d’une femme, ce qui fait qu’il n’y a pas beaucoup d’États qui n’aient eu leur époque féministe également. On dirait qu’à cette lumière de l’histoire, la femme, réalisant tout à coup la virtualité de son pouvoir, a eu l’idée d’organiser, de centraliser ses forces éparses : d’où le féminisme moderne.

À quoi vise cette agitation dont le mouvement comme une marée puissante s’étend à tous les pays du monde ? Que signifie cette levée volontaire d’une armée active, ardente mais pacifique ?

Ce mouvement, c’est un réveil de la responsabilité féminine. Ce à quoi il tend ? Par essence et dans ses manifestations générales, à rien que de juste, que de désintéressé, que de raisonnable. Son action s’effectue sous l’égide de la religion à l’ombre de la loi.

Entre l’injustice de l’aristocratie et la colère des socialistes, par ses attaches avec l’une et sa bonté envers les autres, la femme en Angleterre et aux États-Unis, sert de tampon. Son ministère contribuera sans doute largement à réconcilier dans le vieux monde comme dans le nôtre, deux éléments sociaux dont le choc est toujours terrible.

De fait, il existe une « Ligue internationale de la paix » recrutée parmi les plus grandes dames des deux hémisphères, lesquelles sont associées aux philosophes et aux hommes d’État les plus illustres. On sait que leur influence a été un puissant facteur dans cet événement récent : l’entente de deux grands États pour régler toute querelle, à l’avenir, — non par la guerre, non par le sang humain versé — mais au moyen d’une commission d’arbitres. Il y a des choses que l’homme, entraîné par la passion, oublie facilement. Dans la patrie comme dans la famille la voix de la femme doit faire entendre les paroles apaisantes qui rappellent au devoir et à l’humanité.

Mais, sans s’arrêter à ce rôle diplomatique, le Féminisme accomplit, surtout dans l’économie de la vie nationale, une œuvre prodigieuse.

Il faut lire l’ouvrage de Mme Bentzon, sur la « Condition de la femme aux États-Unis », pour voir ce que dans la seule ville de Chicago, il fait de bien à l’âme comme au corps, et comment il peut transformer, non seulement une population, mais l’aspect d’un pays.

Ces dames — pour ne mentionner qu’un détail — ont entrepris de réaliser ce qui a toujours été déclaré impossible : elles ont résolu de débarrasser leur cité, — « Reine de l’Ouest, — de la fumée qui, en toute saison, endeuille et souille sa beauté. Elles sont en train d’y réussir… Vous connaissez le proverbe arabe : « Ce que veut une belle est écrit dans les cieux » ? Nos congénères américaines veulent découvrir le firmament, afin qu’on y puisse lire cette précieuse écriture.

En somme, la conscription spontanée de ces milliers de recrues du monde élégant, riche et heureux, met au service des autorités religieuses et civiles, une armée d’auxiliaires puissantes et intrépides, prêtes à entreprendre les plus rudes tâches ; elle fournit des escouades d’ambulancières laïques qui cherchent dans les taudis, les tavernes et les cachots, les blessés du combat journalier, les mourants à la vie morale.

Cet enrôlement sous un même drapeau d’une classe où ont presque toujours régné en souveraines l’oisiveté, la frivolité et la jouissance, a pour but principal : d’être utile.

« Être utile », Mesdames, il paraît que ce n’est pas pour autre chose que nous avons été mises sur cette planète. Si le bon Dieu nous a donné ces belles longues journées dont un nombre compté compose notre vie ; s’il nous prête chaque matin sa lumière, des gens dignes de foi nous assurent que ce n’est pas pour vaquer tout bonnement au soin de notre nourriture, de notre vêtement et de notre divertissement. C’est dommage qu’il y ait d’aussi maussades commentateurs des décrets divins ! Ne pourraient-ils, ces juges sévères, s’entendre avec d’autres hommes plus indulgents, qui assignent à la femme ce rôle exclusif, païen, mais charmant : « plaire ? »

Assurément, les premiers ne nous commandent pas d’être déplaisantes — ce serait trop exigeant. — Ils admettent volontiers cette obligation de plaire (chère à la moins coquette), mais ils ne veulent pas démordre de l’idée de soumettre le sexe faible à la loi d’utilité morale aussi bien que matérielle. Ils nous parlent de nos responsabilités, de la nécessité d’amasser quelques mérites… et, du temps qui ne revient plus… Ils nous font réaliser la « fuite formidable des instants, ce glissement de l’heure », comme dit Maupassant, « cette course imperceptible, affolante quand on y songe, ce défilé infini des petites secondes pressées qui grignotent le corps et la vie des hommes. » Si bien que leurs scrupules nous gagnent à la fin et qu’on ne se sent pas la conscience en paix le soir — malgré les encouragements de quelques-uns — si, tout le jour, on n’a rien fait que de se laisser vivre. On en arrive même, le croirait-on ? à n’oser plus s’ennuyer !

S’ennuyer, Mesdames ! J’admets avec vous que voilà un mot ridicule. Si l’on n’a pas fait de l’ennui un péché capital, c’est qu’on devait le réserver pour la punition des ignorants et des égoïstes.

Au fait, y a-t-il des femmes oisives ou des femmes fort occupées, si l’on veut, à ne rien faire d’utile ? Soyons franches, Mesdames ; admettons que l’Américaine, et surtout la Canadienne — dans la société aisée — est une reine à laquelle on ne demande rien ; que l’on décharge presque complètement du soin d’élever ses enfants. C’est à ces riches que le Féminisme réclame les miettes de leur table, — quand leur famille a été largement servie, — c’est cette menue monnaie des minutes et des heures perdues par les mondaines, qu’il recueille pour en former un capital profitable aux malheureux.

Un grand nombre répond à son appel ; c’est pourquoi l’on voit des maisons comme celle qui nous abrite en ce moment, si prospères. Mais nous sommes encore une immense majorité en dehors de ces œuvres admirables. Or justement mille besoins réclament dans notre société, des dévouements nouveaux. Quand je dis : « nouveaux », je voudrais être bien comprise.

Ce qualificatif n’a rien d’agressif. La nouveauté ici est synonyme de « progrès », et le progrès est la seule route qui mène à la perfection. Le Féminisme ne doit donc pas être représenté comme une révolution qui bouleverse, mais comme une évolution naturelle dans l’ordre providentiel des événements. L’une de ces tendances est de cultiver les dons de l’esprit et c’est une attache de plus à la tradition chrétienne, qui, toujours, — depuis saint Jérôme jusqu’à Fénelon et jusqu’à Dupanloup, — a mis l’étude à côté de la prière.

Cela m’amène à parler des adversaires du mouvement qui nous occupe, car il en existe… qui se convertissent d’ailleurs tous les jours. Parmi eux, il s’en trouve qui croient en vouloir à la chose, et qui au fond, ne s’objectent qu’au nom ; ils ont été les premiers à utiliser, hors du foyer, celles que le foyer ne réclamait pas constamment.

Il y en a d’autres qui se croient obligés de parler au nom de l’homme et du mari. Ils aperçoivent un danger pour la famille et la société dans cette apparente émancipation. Quelle raison ont-ils donc de suspecter l’amour et le dévouement maternels à ce point ? Oublient-ils que le voilà le plus sincère et le plus sûr gardien du foyer : l’amour maternel ! Aurait-il attendu si tard pour se démentir ?

Mais, c’est en exagérant ce prétendu danger qu’on arrive à se persuader que la sécurité pour tous est dans l’obscurité, c’est-à-dire, la nullité de la femme. Quelle erreur ! Plus nous serons instruites et éclairées, Mesdames, et plus nous serons de bonnes mères. Le P. Lacordaire le savait, lui qui reconnaissait à la femme une influence extrêmement puissante, surtout dans la société chrétienne et qui recommandait à l’une de ses amies de lire Homère, Plutarque, Cicéron, Platon, David, saint Paul, saint Augustin, sainte Thérèse, Bossuet, Pascal et d’autres semblables.

Cela étonnera bien certains, de nos écrivains qui mettent de temps à autre devant nos yeux leur idéal de femme ménagère — et rien que ménagère.

Au fait, j’oubliais une dernière catégorie d’anti-féministes. Ceux-là sont plus amusants que sérieux et personne ne tient à les convertir. Pour mieux combattre le fléau, ils emploient et le sarcasme, et la foudre, deux armes trop opposées pour que leur alliance hybride cause grand ravage. D’ailleurs, ces gens-là ne sont pas convaincus. À leurs heures ils sont d’acharnés féministes ; j’en connais parmi eux qui exigent une singulière investiture de la femme, devant laquelle ils s’inclinent. Il faut qu’elle ait eu des relations avec le diable, comme la pseudo Diana Vaughan.[1] La condition est dure. Tout cela n’empêche pas que dans les difficultés et les dangers de notre époque critique, on se tourne de plus en plus vers la femme pour lui demander aide et conseil.

M. Brunetière — l’un des premiers critiques de France, écrivain dont le nom est universellement respecté — parle de « refaire l’éducation de la femme, parce que, à titre de mères, les femmes sont avant tout, les éducatrices de la génération future. » Après avoir remarqué en passant que si les « pédantes » sont insupportables, les sottes n’en sont pas pour cela d’un plus agréable commerce, il conclut ainsi : « Quand on voudra vraiment réformer nos lycées de garçons, il faudra commencer par réformer nos lycées de filles. »

La France a souvent été représentée comme l’un des pays les plus opposés à l’émancipation du sexe faible, et pourtant, je connais un bien vieux féministe français :

Le bonhomme Montaigne disait, il y a trois cents ans : « Il est ridicule et injuste que l’oisiveté de nos femmes soit entretenue de notre sueur et de notre travail. »

La France nous offre tous les jours le spectacle d’hommes illustres se ralliant, pour des motifs plus élevés, au mouvement féministe.

Le regretté Mgr d’Hulst a exprimé, avant de mourir, un vœu que vous me permettrez de citer en finissant.

« Vous n’avez pas oublié, Madame, — écrit-il, — l’appel ardent que Mgr Dupanloup adressait, il y a trente ans déjà, aux femmes chrétiennes pour les attirer au travail de l’esprit. Il voyait là, pour elles, un puissant moyen d’influence sur l’âme de leurs maris : non pas que la femme doive faire au même degré, ni de la même manière, toutes les études que fait l’homme ; mais elle doit en faire de telles que rien de ce qui intéresse ou remplit ou surcharge la vie de son époux, rien de ce qui occupe l’intelligence de ses fils, ne reste pour elle chose étrangère et inaccessible.

D’autres peuvent ne pas partager cette manière de voir, ils peuvent croire que la femme serait mieux dans son rôle, en renonçant à l’influence intellectuelle pour s’enfermer dans le domaine de l’action purement morale. Mais qu’importe cette préférence ? Elle ne changera pas la tendance du siècle. Elle n’empêchera pas qu’autour de nous, beaucoup de femmes recherchent la haute culture et que, pour leur donner satisfaction, de grands efforts se fassent, de grandes institutions se créent, des méthodes s’élaborent, qu’en un mot, tout un système de haute éducation féminine s’organise en France et ailleurs.

Cela est presque partout un fait accompli.

Or, à ne considérer que notre pays, il faut reconnaître que l’initiative est partie des ennemis de notre foi. La discussion parlementaire qui a précédé l’établissement des lycées de filles en a fourni la preuve évidente. Les catholiques ont bien vu le péril, mais ils ont cru le conjurer par l’abstention, en tenant leurs filles éloignées de ces centres intellectuels suspects, sans se préoccuper d’en créer de meilleurs.

Le résultat a été, pour beaucoup de femmes chrétiennes, un état d’infériorité, et, pour toutes celles qui ont voulu en sortir, la nécessité d’aller chercher, dans un milieu neutre ou hostile, ce qu’elles ne trouvaient pas dans un milieu chrétien. »

Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, la haute culture est devenue un besoin pour les femmes. Une seule question désormais se pose : Convient-il que les femmes croyantes trouvent cette culture parmi nous ? Ou veut-on qu’elles soient réduites à la chercher ailleurs ?

La réponse ne saurait être douteuse. Il ne reste plus qu’à déterminer les moyens pratiques de satisfaire à ce besoin.

Il nous a semblé que l’Université catholique, créée pour l’instruction supérieure de la jeunesse masculine, pouvait assurer aux jeunes filles les ressources intellectuelles qu’elles réclament.

Il s’agit d’occuper utilement les quelques années qui s’écoulent d’ordinaire entre la fin des études et le mariage.

La musique, le dessin, le monde ne suffisent pas à remplir cet intervalle. Il faut que l’intelligence ait sa part, la principale, et qu’elle exerce sur tout le reste une action directrice.

Voici le programme de l’éducation nouvelle préconisée par l’illustre prélat :

— La religion : dogme, apologétique, Bible, histoire de l’Église :

— La philosophie dans ses grandes lignes ;

— L’histoire, et particulièrement l’histoire contemporaine ; l’exposé des conditions qui président à la vie des sociétés modernes ;

— Les principes de l’économie politique et de la sociologie ;

— Les éléments du droit civil et du droit politique ;

— La littérature française, les littératures étrangères et les littératures anciennes ;

— Les principales découvertes modernes dans l’ordre des sciences physiques et naturelles ;

— Enfin, l’esthétique et l’histoire de l’art.

« Et quand on songe, ajoute la directrice du « Féminisme chrétien », revue française où nous avons puisé cette citation, — que ce plan d’éducation supérieure pour les jeunes filles est l’œuvre d’un homme qui, il y a moins d’un an, se prononçait ouvertement contre le féminisme, n’est-on pas fondé à dire qu’une cause est gagnée quand elle a fait d’un adversaire de cette taille le promoteur d’une institution qui est pour le féminisme tout à la fois, une éclatante victoire et le plus précieux auxiliaire dont il ait pu souhaiter le puissant concours ? »

Devant les progrès récemment accomplis en cette ville par l’Université anglaise, nous avons nous-même, il y a quelque temps, dans un article de journal, demandé la même chose à notre Université catholique.

Maintenant, on me dira peut-être que j’ai négligé le gros reproche qu’on fait au féminisme, qui est de réclamer les droits politiques.

En effet, il y a des femmes assez hardies pour aspirer à l’égalité avec leurs maîtres. Elles allèguent, pour s’excuser, qu’elles ne feraient pas du billet de scrutin, un plus mauvais usage qu’eux, à moins peut-être, qu’on ne leur octroyât, avec lui, tous les autres privilèges masculins…

Enfin, que cette prétention n’effraie pas trop le sexe fort ; d’abord elle est loin d’être partagée par toutes et puis il est absolument en son pouvoir à lui qui fait les lois, de la reconnaître ou d’y répondre par une fin de non-recevoir.

À ce propos, un prêtre éminent du clergé de Paris, en est venu à dire à nos amies du « Féminisme chrétien » — « Vous avez peut-être tort de ne pas revendiquer les droits politiques. C’est peut-être par le bulletin de vote de la femme que la France sera sauvée ».

— Merci ! aurions-nous répondu si cette parole nous eût été adressée.

Ne brûlons pas les étapes. Nous trouvons encore dans le champ étendu de la bienfaisance à occuper nos loisirs.

Nous avons un rôle à jouer dans la société avant d’en jouer un dans le gouvernement.

Et puis… laissez-nous nous préparer à l’art nécessaire de plaire, mais à celui qui, au moyen des grâces de l’esprit, attache et retient les maris au foyer ; à celui qui fait aussi « trouver » des maris sérieux.

En pratiquant cet art élevé, en cultivant notre intelligence, nous exercerons indirectement l’influence politique que vous nous souhaitez, car nous serons en état d’enseigner à nos fils à bien voter.

  1. Allusion à un journaliste québécois fervent adepte de la pseudo Diana Vaughan et, en même temps, antiféminisme acharné.