Nos travers/Trop de scepticisme

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C.O. Beauchemin & Fils (p. 201).

TROP DE SCEPTICISME

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Buffon croyait que les découvertes merveilleuses de la science étaient destinées à ramener vers Dieu l’humanité trop portée à s’en éloigner.

Et cependant, ce « âge de lumières » qui donne à l’homme tant de ressources, un si grand nombre d’armes contre les forces inertes ou offensives de la nature, semble produire, plutôt, une génération foncièrement indépendante, consciente de sa force, un peu frondeuse dans son scepticisme qu’elle est portée à trop généraliser.

Ayant vu tomber tant d’obstacles, s’évanouir beaucoup de préjugés, elle ne sait plus s’arrêter dans son élan rénovateur, dans son habitude de tout dompter ; voilà pourquoi souvent elle tombe dans l’excès.

Que voulez-vous ? c’est une infirmité bien caractéristique de l’esprit humain de vouloir faire porter à un principe plus de conséquences qu’en vérité il n’en saurait avoir, de lui donner des corollaires inconciliables avec lui-même.

Ce pauvre esprit étant de sa nature borné, mais très indiscipliné, très remuant dans ses liens étroits, veut à tout prix découvrir le pourquoi de toutes choses, la vérité même qu’il ne fait qu’entrevoir.

Il ne saurait se résigner à sa myopie incurable.

C’est ainsi qu’il s’égare en se mettant à douter de tout parce qu’il a dû d’abord renoncer à quelques erreurs.


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