Notes (Pensée des jardins)/La sécurité dans la tempête

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Société du Mercure de France (p. 107-108).

LA SÉCURITÉ DANS LA TEMPÊTE


« Il n’est pas, a écrit Paul Claudel, de sécurité comparable à l’espace incirconscrit. » J’éprouve cette sécurité à me sentir emporté dans le torrent des mondes, cependant que je vais m’endormir. Je suis seul. Rien à étreindre, pas même ce flanc de la femme auquel l’homme, comme un naufragé à la dérive, se confie. Je suis entraîné comme un écureuil par une île flottante de ce nouveau Meschacebé. Non plus celui qui fait gémir Chateaubriand et qui noue de salsepareille la cuisse de sombre ivoire de quelque nerveuse Atala, mais le Meschacebé des Nemrod qui fait tournoyer dans son gouffre les mondes saisis de vertige. Ce n’est plus un morceau de berge, un paquet de vase détachée d’une Floride aux assourdissants colibris qui me pousse à la Mer : c’est le globe qui va à l’infini en laissant traîner derrière lui comme un trophée ses forêts échevelées. Mon lit est blotti entre ce grain de sable : les Pyrénées, et cette goutte d’eau : l’Océan Atlantique. J’habite Orthez. Mon nom est inscrit à la mairie et je m’appelle : Francis Jammes.

C’est la fragilité des hautes branches qui protège la fragilité des nids.