Notes (Pensée des jardins)/La sécurité dans la tempête
LA SÉCURITÉ DANS LA TEMPÊTE
« Il n’est pas, a écrit Paul Claudel, de
sécurité comparable à l’espace incirconscrit. »
J’éprouve cette sécurité à me sentir
emporté dans le torrent des mondes, cependant
que je vais m’endormir. Je suis seul.
Rien à étreindre, pas même ce flanc de la
femme auquel l’homme, comme un naufragé
à la dérive, se confie. Je suis entraîné comme
un écureuil par une île flottante de ce nouveau
Meschacebé. Non plus celui qui fait gémir
Chateaubriand et qui noue de salsepareille
la cuisse de sombre ivoire de quelque nerveuse Atala, mais le Meschacebé des Nemrod
qui fait tournoyer dans son gouffre les
mondes saisis de vertige. Ce n’est plus un
morceau de berge, un paquet de vase détachée
d’une Floride aux assourdissants colibris
qui me pousse à la Mer : c’est le globe
qui va à l’infini en laissant traîner derrière
lui comme un trophée ses forêts échevelées.
Mon lit est blotti entre ce grain de sable : les
Pyrénées, et cette goutte d’eau : l’Océan
Atlantique. J’habite Orthez. Mon nom est
inscrit à la mairie et je m’appelle : Francis
Jammes.
C’est la fragilité des hautes branches qui protège la fragilité des nids.