Notes Argonautiques/Livre VI

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Traduction par divers traducteurs sous la direction de Charles Nisard.
Lucrèce, Virgile, Valérius Flaccus - Œuvres complètesFirmin Didot (p. 606-608).

LIVRE VI.[modifier]

v. 42. Alanos. Les Alains étaient un peuple pasteur qui occupait une vaste étendue des déserts de la Scythie. On croit que c’est au nord du Caucase, vers le haut de l’Hypanis, qu’ils étaient principalement établis. — Les Hénioques occupaient, le long de la côte septentrionale du Pont-Euxin, le pays où se sont établis depuis les Abasci, et qui du nom de cette dernière peuplade s’appelle encore Abkazeti. C’étaient, suivant Xénophon (Anab.), une colonie de Lacédémoniens.

v. 48. Bisaltæ. Les Bisaltes habitaient vers la partie septentrionale de la Macédoine, au midi du Strymon, fleuve qui faisait la séparation des Thraces et des Macédoniens.

v. 50. Myracen. On ne sait quelle est cette verte Myracé, ni ce fleuve Tibisus : Pline, Strabon n’en parlent pas. Peut-être serait-ce Tamyracé, ville de Sarmatie, citée par Ptolémée ?

v. 55. Nec primus radios. On voit par ce vers que la légion foudroyante, legio fulminatrix, existait déjà du temps de Domitien, et que son origine ne doit pas être imputée au miracle, rapporté par Eusèbe, d’une pluie de feu qui tombait sur les Quades, tandis que les Romains étaient rafraîchis par une pluie bienfaisante, circonstance qui, suivant le même auteur, valut à Marc-Aurèle la victoire, et dont il immortalisa le souvenir par la dénomination et l’armure de cette légion.

v. 61. Cïmmerias. Les Cimmériens occupaient la Chersonnèse, aujourd’hui Crimée. Ils se rendirent célèbres par leurs incursions en Asie, au midi du Pont-Euxin. Suivant Hérodote, iv, c. 11, 12, ils furent chassés des rives du Pont-Euxin par les Scythes, sous le règne de Cyrus.

v. 65 à 70. Achæmeniæ. La Perse était ainsi appelée du nom d’Achémène, fille d’Egée, qui donna son nom à une partie de ce pays — Les Dandarides étaient voisins des Cimmériens. Nous les appelons Dandarides, contrairement à tous les manuscrits, qui portent Gangarides. Mais les Gangarides, selon Pline, habitaient aux extrémités de l’Inde, vers les bords du Gange, et ne pouvaient pas être intervenus dans la guerre des nations sarmates. Tacite, Ann., xii, c. 15, parle d’un roi des Dandarides, détrôné par Mithridate, roi du Bosphore Cimmérien ; de Sosa, capitale de la Dandarique ; regem Dandaridarum exturbat... Sosam, oppidum Dandaricæ. — Le Gérys, appelé Gerrus par Pline, aujourd’hui Moloszaijawodi. Ovide, Métam., xv, v. 329 ; Fast., iv, v. 363, parle de deux autres rivières dont les eaux avaient aussi une vertu enivrante. — Les Acésins étaient une peuplade scythe, qui habitait vers les bords de l'Acésinus, rivière dont parle Pline, iv, c. 26, et qu’on trouve sur la côte septentrionale de l’Euxin, à quelque distance du Bog ou de l’Hypanis. Quant à la biche dont il est ici question, il est assez singulier que le poëte lui donne des cornes.

v. 74. Hylæa. Les Hyléens, peuplade scythe, étaient établis vers les bords de l’Hypanis. Pline donne à leur pays l'épithète de silvestris. Ὕλη, d’où vient le nom d’Hylie, veut dire forêt.

v. 79 à 85. Hyrcanis. L’Hyrcanie bordait le rivage oriental de la mer Caspienne, à partir de l’embouchure du Sidéris, rivière dont le nom se retrouve encore dans celui d’Ester, qu’elle porte maintenant. De ce point, la mer Caspienne prenait le nom de mer Hyrcanienne. — Les Cyris, dont Pline ne fait aucune mention, sont probablement les Cyriens dont parle Polybe, et qu’il place dans l’Arménie. — Le nom de Coralètes ne se trouve non plus ni dans Pline, ni dans aucun géographe ancien. — La cataïe était une arme de trait, dont le fer était court et étroit, bien différente de la romphée dont il sera parlé plus bas, et dont le fer était d’une longueur égale au manche et d’une largeur proportionnée. — Le Tyra ou Tyras a été postérieurement appelé Danaster, d’où est venu la nom de Dniester qu’il porte aujourd’hui. Le mont Ambénus ou Ambène n’est cité ni par Étienne de Byzance, ni par Ptolémée, Strabon et Pline. Peut-être que le nom est altéré. — Ophiuse était une île située sur le Tyras ou Dniester, près de l’embouchure de ce fleuve dans le Pont-Euxin ; elle s’appelle aujourd’hui Afzia II y avait dans cette île une ville du même nom. Plusieurs îles désertes, avant que la population des hommes y ait arrêté celle des reptiles, s’appelaient Ophiuse : Rhodes et Formentera sont de ce nombre.

v. 86. Sindi. Les Sindes habitaient un canton sur l’Euxin, à la suite du Bosphore Cimmérien. Sundgik, bâti au même lieu que le Sindicus portus, a conservé quelque chose de leur ancien nom. C’étaient originairement des esclaves scythes qui se révoltèrent contre leurs maîtres, et s’emparèrent de leur territoire. Voyez Hérodote, iv, c. 1, 3, 4. — Les Corales, dont parle Strabon, dans son septième livre, étaient voisins des Besses, qui ont laissé leur nom à la Bessarabie, et habitaient près de Tomi, vers les embouchures du Danube.

v. 95. Ast ubi sidonicas. Les Sidoniens étaient quelque peuplade de la nation des Bastarnes. Ptolémée range les Bastarnes parmi les grandes nations de la Sarmatie ; ils occupaient le dessus de la Dacie, et on les retrouve jusqu’en Hongrie, où les monts Krapaks s’appelaient aussi les Alpes Bastarnes.

v. 98. Rumpia. La Rumpie ou Romphée, du grec ῥομφαῖα, était une sorte de pique particulière aux Thraces et aux nations du Caucase. Le fer et le manche en étaient d’égale longueur. — L’aclyde était une arme de trait dont le fer était cylindrique ; on y adaptait une courroie qui permettait de retirer à soi le trait, après l’avoir lancé. Cette arme est bien décrite dans Virgile, Æneid., vii, v. 730. La parme était un bouclier circulaire et parfaitement rond. C’est de là même, s’il faut en croire Varron, que lui venait son nom. Parma, dit-il, quod a medis in omnes partes par sit.

v. 100. Noæ. « Le Noès, dit Hérodote, iv, c. 49, vient de Ia Thrace et se jette dans l’Ister, après avoir traversé le pays des Thraces Crobyziens. » Pline n’en fait aucune mention , et d’Anville ne donne sur ce fleuve aucun renseignement. — L’Alazon n’a point changé de nom ; il se nomme encore aujourd’hui Alazon ou Alazan. Il descend du Caucase et se jette dans le Cyrus. Il séparait l’ancienne Albanie de l’ancienne lbérie, comprises maintenant toutes deux sous le nom de Géorgie. — Le Toras dont il est ici question ne peut pas être le même fleuve cité plus haut, v. 84, sous le nom de Tyras ; c’est sans doute Torus qu’il faudrait lire, fleuve de la Colchide dont parle Strabon au livre xi. — L’Évarchus est une rivière qu’on ne sait où placer, mais qui n’est certainement pas celle que Pline et Strabon mettent dans la Paphlagonie, près de Sinope.

v. 106. Drancæa. Les Drancéens ou Drangéens habitaient au delà de la mer Caspienne une contrée qui fait aujourd’hui partie du Sigistan. — Les portes Caspiennes étaient situées au midi de la mer Caspienne, à quelque distance de cette mer. On les a quelquefois confondues avec les portes Caucasiennes, Caucasiæ ou Sarmaticæ pilæ, passage fort étroit, dans les montagnes de l'Ibérie, fermé, selon d'Anville, Géog. anc., ii, p. 119, 123, d’une porte que défendait par derrière un boulevard ou une forteresse nommée Cumania, et qui s’appelle maintenant Tatar-Topa.

v. 107. Turba canum. Cicéron, dans ses Tusculanes, i, c. 45, parle de ces chiens belliqueux ; seulement il les place dans l’Hyrcanie. Les Caspiens, peuples qui habitaient le long de la mer Caspienne, depuis le fleuve Cyrus ou Kur jusqu’au midi de cette mer, s’en faisaient d’utiles auxiliaires dans les combats. On prétend même qu’ils se faisaient un honneur d’être dévorés par eux.

v. 114. Hyrcanis. À la suite des Caspiens, dit Pline, vi, c. 18, sont les Hyrcaniens qui donnent leur nom à la mer qui baigne leurs rivages. Ammien Marcellin les peint comme un peuple chasseur. L’Hyrcanie, selon Hardouin, se nomme aujourd’hui le Tarabestan.

v. 118. Lagea. On sait que le premier des Ptolémées, qui fonda sa dynastie en Égypte, s’appelait Lagus ; de là les terres Lagides, Lagea novalia, pour désigner l’Égypte. La Panchaïe, c’est-à-dire l’Arabie Troglodyte, dont cette province était une partie.

v. 1 20. lberia. Les Ibériens, dit Dion Cassius, habitaient les terres qui sont en deçà et au delà du fleuve Kur, voisins par conséquent des Arméniens du côté du couchant, et des Albaniens du côté du levant. Ils ne furent jamais soumis aux Mèdes, ni aux Perses, ni même à Alexandre. ; seulement ils furent battus par Pompée.

v. 122. Neurus. Les Nèvres, suivant Pline, iv, c. 26, habitaient depuis Taphra, aujourd’hui Précop, jusque bien avant dans l’intérieur du continent, dans ce qui est aujourd’hui la partie la plus orientale de la Lithuanie. Ils enlevaient les femmes, les jeunes filles, les jeunes garçons, et élevaient ces derniers dans leurs mœurs. Les Iazyges étaient établis au-dessus du Palus-Méotide, et on les retrouve encore entre la Dacie et la Pannonie. Ils sont encore connus en Hongrie, dans les environs d’une ville, à la hauteur de Bude, appelée Jaz-Bérin, nom qui signifie fontaine des Iazyges. D’Anville, Géog. anc. s i, p. 320. Il y a plus ; la nation des Iazyges, selon Windisch {Géographie ancienne), se retrouve sans altération dans la contrée appelée encore Jaszag. C’est un petit district, sur la Theiss, de 4 milles de long, sur 3 à 4 de large, entre les comitats d’Hervesch, Solrock extérieur, et de Pesth.

v. 129. Micelæ. Il paraît que ce nom des Micèles et des Cesséens a été altéré dans le texte. On ne trouve nulle part des traces de ces deux peuples. — Les Arimaspes habitaient un pays montueux, non loin de la Caspienne, et appartenaient tout ensemble à l’Europe et à l’Asie, se trouvant aux confins de l’une et de l’autre. Les anciens ne leur donnaient qu’un œil (Hérodote, iv, c. 27). Ils les représentaient sans cesse en guerre avec les griffons, et cherchant à leur arracher l’or des mines que ces monstres, moitié quadrupèdes, moitié oiseaux, voulaient se réserver. — Les Auchates ou Auchètes, comme les appelle Pline, étaient répandus sur les bords de l’Hypanis, qui prenait sa source dans leur pays. De là ils s’étendirent jusqu’au bord du Tanaïs, dont ils détruisirent les anciens habitants.

v. 135. Thyrsageten. Les Thyrsagètes ou Thyssagètes habitaient au delà du Méotis, dans l’intérieur des terres, à la suite des Auchates, des Nèvres et des Gélons.

v. 143. Eumeda. On ignore si c’est ici le nom d’un peuple ou d’une montagne.— Les Exomates, appelés Jaxamathes par Étienne de Byzance, habitaient le long du Méoti, près du lieu où fut bâtie depuis la ville d’Azof. — Les Torins ou Toriniens ne sont mentionnés par aucun géographe ancien. — Les Satarques habitaient au delà du Tanaïs. L’intérieur de la Chersonèse Taurique était aussi occupé par eux et par les Tauriques.

v. 151. Centoras. Ce peuple n’est cité nulle part. — Les Choatres sont indiqués dans Pline, vi, c.7, qui les place un peu avant les Dandarides et les Thyssagètes. L’art de la magie semble être inhérent au territoire de Colchos ; car, en Mingrélie, des papas, remarquables par leur ignorance, selon Chardin, Voy. en Perse, i, p. 69, se vantent de prédire l’avenir.

v. 161. Ballonoti. Ainsi nommés, suivant quelques-uns, de la ville de Bélia, qu’on trouve après Apollonie, dans la partie de la Thrace qui borde le Pont-Euxin. — Les Mèses habitaient le pays qui répond en général à ce que nous nommons la Servie et la Bulgarie. — Les Sarmates étaient proprement ce peuple que les anciens appelaient, comme les Agathyrses, Hamaxobii, de sa manière de vivre dans des cabanes traînées sur des chariots. Plus tard le nom de Sarmates ou Sauromates fut donné à tous les peuples qui habitaient les pays situés en Europe et en Asie, sur les deux rives du Tanaïs, lequel, vers le bas de son cours tendant au Palus-Méotide, divisait la Sarmatie d’Europe de la Sarmatie d’Asie.

v. 317. Te quoque, Canthe. Voyez livre i, v. 451, où le poëte annonce le genre de mort qui attendait Canthus. Tout le passage consacré ici à décrire les luttes engagées sur le corps de Canthus est une imitation presque littérale des combats qu’Homère fait livrer sur le corps de Patrocle. Valérius fait jusqu’à la comparaison du corroyeur que les modernes ont tant critiquée. Voyez le xxiie chant de l’Iliade.

v. 375. Pelta. Le pelta des Amazones était un bouclier très-court, échancré comme la lune dans son croissant.

v. 383. Machina muri. On sait que, dans la défense des places, les anciens se servaient de tours de bois exhaussées sur les murs, et qui dominaient les tours que les assiégeants employaient aussi pour l’attaque.

v. 387. Falcatos... axes. Les chariots armés de faux furent très-anciennement employés dans les combats, chez les peuples de l’Orient.

v. 410. Non tam fœda. Valérius parle ici d’un désastre arrivé dans les dernières années du règne de Néron, et dont le souvenir était encore très-récent. Voici comment le rapporte Tacite. « À quelques jours de là, on apprit la perte de la flotte. Ce malheur n’était pas le fruit d’un combat ; car il n’y eut jamais une paix si profonde. C’était Néron qui avait fixé un jour précis pour le retour de la flotte en Campanie, sans excepter les hasards de la mer ; aussi, quoiqu’elle fût très-menaçante, les pilotes partirent de Formies. Comme ils s’efforçaient de doubler le promontoire de Misène, un vent de sud violent les poussa contre le rivage de Cumes, où l’on perdit beaucoup de trirèmes et une foule de petits bâtiments. » Ann., xv, c. 46.

v. 420. Umbro. Les chiens de chasse de l’Ombrie avaient une grande réputation dans l’antiquité.

v. 427. Cytæi. On appelait ainsi les Colchidiens du nom de Cyta, ville de la Colcbide et patrie de Médée.

v. 433. Increpat... Vulcanum. Cette fable des taureaux de Vulcain, que Jason accouplera et qu’il forcera de labourer le champ de Mars, où il sèmera les dents du dragon de Cadmus, est racontée au long dans les Métamorphoses d’Ovide, livre vii.

v. 447. Atracio. Pour Thessalico. Atrax, aujourd’hui, selon d’Anville, Ternovo, était une ville de la Thessalie.

v. 512. Geloni. Les Gelons étaient reculés dans l’intérieur des terres, au-dessus du Palus-Méotide. Ils habitaient entre les Nèvres et les Thyssagètes ; ils se teignaient la peau, ainsi que les Agathyrses, qui de plus se coloraient les cheveux en bleu.

v. 696 et suiv. Le portrait que Valérius trace de cet ambassadeur des Parthes qui combat avec les Colchidiens, rappelle celui qu’a fait Quinte-Curce, iii, c. 3, des immortels de Darius.

L’usage si familier aux Parthes de lancer leurs traits en fuyant, a été souvent décrit par les poëtes. Mais on sera peut-être étonné d’apprendre que cette manière de combattre existe encore de nos jours. Les Persans d’aujourd’hui, les cavaliers surtout, se servent de l’arc avec une adresse redoutable. Ils tirent comme les anciens Parthes, se retournent sur leurs chevaux en fuyant, et lancent des flèches avec autant de vigueur que de dextérité. Leurs arcs ont aussi conservé la même forme qu’ils avaient jadis.

v. 710. Liquido auro. C’était ou de l’or en fils minces et déliés (filigrane), ou de l’or en bandes légères. Homère, dans une comparaison que Valérius traduit ici sans scrupule, dit aussi : Πλοχμοί θ’, οῖ χρυσῷ τε καὶ ἀργύρῳ ἐσφήκωντο. Iliad., xvii, v. 52 et suiv. Peut-être aussi était-ce une pommade, une essence, une huile couleur d’or. Voyez Casaubon, ad Capitolini Verum, cap. 10.

v. 738. Et galeam fletu. Ce vers semble indiquer que les casques des Scythes étaient fermés comme ceux qui depuis ont été appelés heaumes, elmo en italien, mot emprunté par cette langue aux peuples du nord.

v. 753. Ægraque muris. Ægra n’est pas mis ici pour ægre, mais pour ægro corde, le cœur malade, comme dit la Fontaine, à l’imitation d’Anacréon, ode 3, à la fin : Σὺ δὲ καρδίαν πονήσεις.

v. 755. Nyctelii. Surnom donné à Bacchus, parce que ses sacrifices se célébraient la nuit ; de νὺξ nuit, et τελέω achever.