Aller au contenu

Notes d’un bibeloteur au Japon/8

La bibliothèque libre.


DERNIER SÉJOUR À OSAKA


De Hiogo nous avions expédié un courrier à Osaka pour annoncer notre arrivée pour le lendemain ; car, nous n’avions que huit jours à y passer pour terminer nos achats, emballer et expédier, ne voulant à aucun prix manquer le départ de la Malle française qui devait nous amener à Marseille le 19 septembre. Mon ami et moi l’avions formellement promis lors de notre départ et en outre, en quittant Yédo nous venions de donner rendez-vous à mon frère à Hong-Kong, il n’y avait donc pas à retarder.

Le soir même nous étions à Osaka et le lendemain matin, devant la maison, c’était une véritable émeute ; heureusement il n’y avait pas encore de sergents de ville dans le pays, aussi tout se passa-t-il parfaitement bien, et ce fut avec calme et le plus grand ordre que nous vîmes défiler tous les marchands avec les objets qu’ils avaient accumulés pendant notre absence. Nous achetions toujours, et pendant ce temps, les charpentiers faisaient les caisses, les emballeurs empaquetaient les objets que nous avions numérotés. Chaque soir on expédiait à Hiogo, le port d’embarquement, les caisses terminées afin d’éviter l’encombrement. Je ne fatiguerai pas plus longtemps le lecteur en lui décrivant les pièces de nos derniers achats. Il fallait nous arrêter, ne plus rien prendre de ce que, le dernier jour encore, jusqu’à bord du petit vapeur de Hiogo, nous offraient les Japonais qui voyaient partir à regret d’aussi excellents et d’aussi rares clients ; car je puis affirmer que depuis le voyage au Japon de M. H. Cernuschi, deux ans auparavant, qui avait fait sensation dans toutes les provinces Japonaises qu’il avait traversées, personne n’avait répandu autant d’argent dans le pays pour des bibelots et, il ne faut pas oublier que si, comme je l’ai dit, le Japonais n’estime pas les objets d’art, il estime beaucoup le Mexican Dollar.

À regret, donc, nous voyaient partir les Japonais, mais à regret aussi je quittais ce pays pour lequel, bien que j’aie couru le monde un peu dans tous les sens, je m’étais pris d’une grande sympathie.

Cependant lorsque le phare d’Osaka se fut perdu à l’horizon, lorsque je songeai que chaque jour maintenant allait être un grand pas vers la France, je renfonçai profondément mes regrets et ne songeai plus qu’au retour.

À Hong-Kong, comme cela avait été convenu, nous attendîmes mon frère ce qui nous donna toute latitude pour visiter la plus curieuse, peut-être, des villes Chinoises « Canton » et à notre retour la Malle française étant arrivée de Yokohama, nous nous embarquâmes sur le Mei-Kong pour débarquer sans accidents de voyage le 16 septembre 1874 à Marseille.

Nous étions en avance de trois jours sur l’arrivée fixée sept mois auparavant et, en si peu de temps, nous avions fait deux longs voyages, fouillé et dévalisé de ses objets d’art anciens, une partie du Japon ; le tour du monde en quatre-vingts jours était au second rang.