Notes d’un musicien en voyage/Chapitre 20
Sur le bateau qui vous mène à tous les beaux endroits du lac, se trouve un distributeur de prospectus, qui vous force à prendre son petit papier. A Paris, quand un de ces industriels vous offre une réclame, on la prend, parce qu’il faut bien encourager le commerce, mais on a soin de la jeter dix pas plus loin dans le ruisseau. J’eus le bon esprit de ne pas en agir ainsi avec le prospectus que l’on m’avait donné et j’en ai été récompensé. Le papier qui m’avait été mis dans les mains, presque malgré moi, est un document précieux qui peut avoir la plus haute influence sur les destinées de la France.
Ce document commence, il est vrai, par expliquer comme un guide vulgaire les beautés des sites que l’on découvre sur les rives du lac ; mais il contient un passage extrêmement curieux dont je suis heureux de pouvoir donner ici le texte et la traduction :
Howe-Point near the outlet of the lake is named in order to honor the idol of the army, Lord Howe, who was killed at this place in the first engagement with the French. Here it was that Louis XVI of France through the instrumentality of two french priests in 1795 banished his son the royal dauphin, when but seven years old, and arranged with one Indian chief Thomas Williams to adopt him as his own son. He received the name of Eleazer, and afterwards as the Rev. Eleazer Williams was educated and ordained to the ministry officiating for many years among the Oneidas of western New-York, and afterwards in Wisconsin where ho was visited a few years since by the Prince de Joinville, and offered large estates in France if he would renounce his right to the THRONE OF FRANCE. These tempting offers he declined preferring to retain his right as KING OF FRANCE, although he might spend his life in preaching the gospel to the poor savages, which he did until the time of his death some years since.
Howe-Point, près de la bouche du lac, a reçu ce nom en l’honneur de l’idole de l’armée, lord Howe, qui fut tué à cet endroit lors de sa première bataille contre les Français. C’est ici que Louis XVI de France, par l’intermédiaire de deux prêtres français, envoya en exil, en 1795 (sic), son fils, le Dauphin Royal, âgé de sept ans, et s’entendit avec un chef indien Thomas Williams pour que celui-ci l’adoptât et le fit passer pour son propre fils. L’Indien lui donna le nom d’Éléazar. Il le fit élever dans un séminaire et après lui avoir donné le titre de Reverend Eleazar Williams, il l’envoya prêcher pendant de longues années chez les Oneïdes de l’ouest, et plus tard au Verconsin. C’est là qu’il fut visité par le Prince de Joinville, qui lui offrit de grandes propriétés en France à la condition qu’il renoncerait AU TRONE DE FRANCE. Ces offres tentantes furent repoussées. Le Révérend préféra conserver tous ses droits de ROI DE FRANCE et rester chez les Sauvages. Il continua à leur prêcher l’Évangile jusqu’au jour de sa mort qui eut lieu dernièrement.
Après avoir lu ce récit, aussi émouvant que vraisemblable, je pris des informations et j’appris que le Révérend Dauphin Éléazar avait laissé un fils.
Un prétendant de plus !
Voyez-vous ce monsieur arrivant en France ? Quelle complication ! Je frémis rien qu’en y songeant.