Nous tous/Petit Noël

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Nous tousG. Charpentier et Cie, éd. (p. 64-65).
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XXVIII

PETIT NOËL


Le petit à face minée,
Dont l’œil est comme un pâle ciel,
S’approche de la cheminée,
Tout tremblant, le soir de Noël.

Pourtant, la misère et la fièvre
N’ont pas diminué l’air fin
Et spirituel de sa lèvre.
Il est très maigre, et bleu de faim.

Depuis si longtemps qu’il l’a mise,
Traînent les lambeaux décousus
De sa malheureuse chemise.
Oh ! dit-il, bon petit Jésus !


Toi sur qui la lumière joue
Et qui souris dans ton berceau !
Je marche pieds nus dans la rue
Et dans la fange du ruisseau.

Ô petit Jésus adorable,
Que parent de riches colliers !
Si tu veux m’être secourable,
Donne-moi d’abord des souliers.

Des souliers trop neufs pour se taire,
Des souliers qui fassent : Coin ! coin !
Et mènent tant de bruit par terre
Qu’on m’entende venir de loin.

Puis, comme toi seul es le maître,
Afin de m’aiguiser les dents,
Bon Jésus, tu pourras peut-être
Mettre un peu de bonbon dedans !


28 décembre 1883.