Nous tous/Pitié Suprême

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Nous tousG. Charpentier et Cie, éd. (p. 102-104).


XLI

PITIÉ SUPRÊME


Dans les journaux singuliers
Qui lui sont particuliers,
La Mode, à ce qu’il paraît,
Dicte un arrêt.

Plus d’Invisibles ! et plus
D’épais voiles superflus.
La reine du falbala
Change cela.

Les corsages, cet hiver,
Seront, pour ravir l’enfer
Si vous le leur permettez,
Décolletés.


Près du tissu blanc, ou noir,
Ou rose, ils laisseront voir
La blancheur et le dessin
Charmant du sein.

Les uns, spectacle inouï
Fait pour Rubens ébloui,
Montreront, dans le velours,
De beaux seins lourds.

D’autres songent, érudits,
Aux pommiers du paradis,
Et c’est un joli sein rond
Qu’ils montreront.

D’autres, baisés par le vent,
Montreront ce que souvent
Les Déesses n’ont point eu :
Un sein pointu.

Et dans un but assassin,
D’autres montreront un sein
Délicieux et très pur,
Quoique moins dur.


D’autres, venant à leur tour,
Montreront ce fruit d’amour :
Des seins fauves et dorés,
Mais adorés.

Et les yeux s’enivreront.
D’autres, enfin, montreront
(Oh ! ma pitié les absout !)
Quoi ? Rien du tout.


11 janvier 1884.