Nouveaux contes berbères (Basset)/79

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Ernest Leroux, éditeur (Collection de contes et de chansons populaires, XXIIIp. 35-37).

79

Le partage (150).
(Ouargla).

Au temps jadis, le chacal alla trouver la brebis et lui dit : « Viens, nous cultiverons ensemble, toi et moi. — Soit, » dit-elle. Ils allèrent travailler : la brebis tirait de l’eau, le chacal la faisait couler (dans les canaux) en chantant. Quand la récolte fut arrivée, ils la moissonnèrent, la battirent et la trièrent. Le chacal dit alors à la brebis : « Viens, fais-toi ta part. — Partage, répondit-elle ; je mettrai ma part à terre. » Il se mit à faire le partage et à peser pour lui d’abord, en disant : « Une, deux, trois, quatre, cinq, six et sept pour le chacal : une part pour la brebis ; si elle veut, elle la prendra ; si elle ne veut pas, elle ne la prendra pas, s’il plaît à Dieu. — Attends, lui dit-elle ; je vais apporter des sacs. »

Elle alla trouver le lévrier et lui dit : « Je t’implore, mon oncle. — Que veux-tu ? — Que tu viennes pour faire peur au chacal afin qu’il me donne ce qui m’est dû ; nous avons cultivé ensemble : mois je tirais de l’eau, lui la faisait couler. Quand nous avons dû partager, il m’a fait une injustice ; il a pesé sept parts pour lui et une seule pour moi. » Le lévrier lui dit : « Fais-moi un sac. » Elle lui en fit un, il s’y glissa et elle l’emporta.

En arrivant, elle le déposa à terre et dit au chacal : « Mesure. » Il fit comme la première fois ; sept parts pour lui et une pour elle. « Comment fais-tu ce partage ? dit la brebis ; j’ai tiré l’eau, toi tu l’as fait couler. — C’est moi, répliqua le chacal, qui ai tiré, et toi tu l’as fait couler : si tu veux, nous demanderons aux gens. — Soit, répondit-elle. » — Il leur dit : « Qui avez-vous entendu chanter ? — C’est toi, chacal, que nous avons entendu. — Est-ce celui qui tire l’eau ou celui qui la verse qui chante ? — C’est celui qui tire l’eau. » Le chacal dit alors à la brebis : « Écoute, viens partager les grains. »

Quand ils arrivèrent, il commença à peser sept parts pour lui et dit à la brebis : « En voici une : prends-la si tu veux, et si tu ne veux pas, ne la prends pas. — Méchant, reprit-elle, va vers ce sac et mange les dattes que je t’ai apportées. » Il y alla, l’ouvrit et vit le lévrier. Il revint en toute hâte et dit : « Je voulais seulement jouer avec toi et tu m’as amené mon oncle. Remporte ton sac. » Il se remit à peser : a Une part, deux, trois, quatre, cinq, six et sept pour ma mère la brebis ; une pour le chacal, il la prendra ou il ne la prendra pas, comme il voudra, s’il plaît à Dieu. » Les yeux de la justice brillaient chez le lévrier ; le chacal regardait de côté en tremblant : quand il eut fini son partage, la brebis emporta ses grains, lui n’en eut que peu et s’en alla : chacun s’en fut à ses affaires (151).