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Nouvel Organum/Exemples où se trouve la nature de la chaleur

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Traduction par F. Riaux.
Charpentier (2p. 92-94).

celui de la seconde, de déduire et de faire dériver de ces axiomes de nouvelles expériences.

La première partie se subdivise en trois autres, qu’on peut regarder comme trois espèces de services ; savoir : service pour les sens, service pour la mémoire, enfin service pour l’esprit ou la raison.

En effet, la première chose dont il faut se pourvoir, c’est une histoire naturelle et expérimentale d’un bon choix et assez complète ; ce qui est la vraie base de tout l’édifice, car il ne s’agit nullement ici d’imaginer et de deviner, mais de découvrir, de voir ce que la nature fait ou laisse faire.

Or les matériaux de l’histoire naturelle et expérimentale sont si variés et si épars que l'entendement, excessivement partagé et comme tiraillé en tout sens par cette multitude confuse d’objets, finira par s’y perdre, si on ne l’arrête, pour ainsi dire, pour les faire comparaître devant lui dans l’ordre convenable. Ainsi, il faut dresser des tables ou coordinations d’exemples disposées de telle manière que l’entendement puisse travailler dessus avec facilité.

Mais, ces tables fussent-elles très-bien rédigées, l’entendement abandonné à lui-même et opérant par son seul mouvement naturel n’en est pas moins incompétent et inhabile à la confection des axiomes, si l’on n’a soin de lui donner des directions et de l’appui. Ainsi, en troisième lieu, il faut faire usage de la vraie induction, qui est la clef même de l'interprétation. Nous traiterons d’abord ce dernier sujet ; puis, en suivant l’ordre rétrograde, nous passerons aux autres parties.

XI. La recherche des formes procède ainsi : sur une nature donnée on commence par soumettre à l’intelligence la série de tous les exemples connus qui s’appliquent à cette même nature, quoiqu’elle existe dans des matières dissemblables. Cette collection de faits doit s’exécuter d’une manière historique; et pour cela il ne faut pas mettre trop de précipitation dans l’adoption des faits, et il est besoin de beaucoup de sagacité dans ce premier choix. Supposons qu’il s’agisse d’une recherche sur la forme de la chaleur.

EXEMPLES SE TROUVE LA NATURE DE LA CHALEUR.

1° Les rayons du soleil, surtout l’été et à midi.

2° Les rayons du soleil réfléchis et concentrés ou réunis, comme ils le sont entre les montagnes ou par des murs, mais plus encore par les miroirs brûlants.

3° Les météores ignés. 4° Les foudre brûlantes.

5° Les éruptions des volcans, je veux dire les flammes qui s’élancent avec un bruit terrible des cavités des montagnes, etc.

6° Toute espèce de flamme.

7° Tous les solides enflammés.

8° Les bains naturels d’eaux chaudes.

9° Les liquides bouillants ou chauffés.

10° Les vapeurs, et les exhalaisons chaudes ; l’air lui-même, qui est susceptible d’une chaleur très-forte et en quelque manière furieuse lorsqu’il se trouve renfermé, comme dans les fourneaux à réverbère.

11° Certaines températures chaudes, et sèches qui ont pour unique cause la constitution actuelle de l’air, indépendamment de la saison.

12° L’air souterrain ou renfermé dans certaines cavernes, surtout durant l’hiver.

13° Tous les corps velus, comme la laine, la peau des animaux, le duvet ou les plumes des oiseaux, ont une certaine tiédeur.

14° Tous les corps, tant solides que fluides, soit denses, soit rares (tels que l’air même), approchés du feu pendant quelque temps.

15° Les étincelles tirées des cailloux et de l’acier par une forte percussion.

16° Tout corps frotté avec force, comme la pierre, le bois, le drap, etc., en sorte qu’on voit quelque fois les timons et les essieux des roues prendre feu, et que les Indiens occidentaux étaient dans l’usage d’allumer du feu par le simple frottement.

17° Les herbes vertes et humides, serrées en certaine quantité, et pressées ou foulées, comme les roses dans leur corbeille, et cela au point qu’assez souvent le foin serré trop humide prend feu spontanément.

18° La chaux vive arrosée d’eau.

19° Le fer, lorsqu’étant mis dans l’eau-forte et dans un vaisseau de verre il commence à se dissoudre, et cela sans qu’il soit besoin de l’approcher du feu, etc. Il en est de même d’une dissolution d’étain, mais alors la chaleur a moins d’intensité.

20° Les animaux, surtout leurs parties intérieures, et en tout temps, quoique dans les insectes dont le corps a trop peu de volume cette chaleur ne soit pas sensible au tact.

21° Le fumier de cheval et tous les excréments récents d’animaux.

22° L’huile de soufre et l’huile de vitriol produisent sur le linge des effets très analogues à ceux de la chaleur ; elles le brûlent. 23° L’huile d’origan, et autres du même genre, produisent un effet semblable en brûlant la partie osseuse des dents.

24° L’esprit-de-vin, bien rectifié et d’une grande force, a aussi une action semblable à celle de la chaleur, et si semblable que si on y jette un blanc d’œuf il se durcit et devient d’un blanc mat, à peu près comme celui d’un œuf cuit. Si l’on y jette du pain, il se torréfie (se grille) et se revêt d’une croûte comme le pain rôti.

25° Les plantes aromatiques et de nature chaude, comme l’estragon, le cresson alénois lorsqu’il est vieux, etc., quoique ces plantes, soit entières, soit pulvérisées, ne soient point chaudes au tact ; cependant, lorsqu’on les mâche pendant quelque temps, elles excitent dans la langue et le palais une certaine sensation de chaleur, elles semblent brûler.

26° Le fort vinaigre et tous les acides appliqués aux parties du corps dépouillées de l’épiderme, comme aux yeux, à la langue ou à quelque autre partie blessée et où la peau est enlevée, occasionnent un genre de douleur peu différente de celle qu’exciterait la chaleur même.

27° Les froids très-âpres occasionnent aussi une certaine sensation assez analogue à celle d’une brûlure :

Nam Boreæ penetrabile frigus aduvil[1].

28° Et ainsi des autres.

XII. En second lieu il faut présenter à l’entendement, et comme en parallèle, des exemples tirés de sujets qui soient privés de la nature donnée ; car la forme, comme nous l’avons dit, ne doit pas moins se trouver absente de tous les sujets où la nature donnée ne se trouve pas, que présente dans tous ceux où se trouve cette nature. Mais s’il fallait faire l’énumération complète de tous les sujets de cette espèce, elle serait infinie.

Ainsi il faut accoupler les exemples négatifs avec les affirmatifs, et ne considérer les privations que dans les seuls sujets qui ont le plus d’analogie avec les autres sujets où la nature donnée est présente et sensible. Nous appellerons cette seconde table, table de déclinaison ou d’absence dans les analogues.

EXEMPLES D'ANALOGUES NE SE TROUVE PAS LA NATURE DE LA CHALEUR.

Exemple négatif ou subjonctif (correspondant au 1er exemple affirmatif). On ne trouve pas que les rayons de la lune, des étoiles ou


  1. Virg., Géorg., I, v. 93.