Nouvelles de Batacchi (édition Liseux)/Avertissement

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AVERTISSEMENT


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Les renseignements biographiques font absolument défaut sur Batacchi. Quand nous aurons dit qu’il s’appelait Domenico, qu’il était né à Livourne en 1749 et qu’il mourut, on ne sait où, en 1802, nous aurons épuisé toute notre science et celle des Dictionnaires. Était-il évêque comme Bandello, moine comme Firenzuola, abbé comme Casti, ou simple séculier comme tout le monde ? On l’ignore. Ses premiers Contes (Raccolta di Novelle, Londra, anno vi della Republica Francese, 4 vol. in-12) furent publiés, soit en France, soit en Italie, sous le nom du Père Atanasio de Verrocchio et traduits un peu plus tard en Français par Louet, de Chaumont : Nouvelles galantes et critiques, Paris, 1803 » 4 vol. in-18. Cette traduction est si mauvaise que la nôtre peut passer pour la première. Dans le préambule d’une de ces Nouvelles, Elvira, il est dit cependant que celle-ci doit être attribuée, non au P. Atanasio da Verrocchio, mais au P. Agapito da Ficheto : ce nous est tout un. Batacchi est, en outre, l’auteur de deux compositions poétiques de plus longue haleine : La Rete di Vulcano, poema eroi-comico, Sienne, 1779 (1797) 2 vol. in-12, et Il Zibaldone, poemetto burlesco in dodici canti (Londres, 1798, in-8).

Quel qu’il soit, Batacchi est tout entier dans ses Nouvelles, et notre traduction le fera suffisamment connaître aux lecteurs Français : il mérite de l’être. C’est un conteur jovial, plein de drôleries ; le sans façon et la bonne humeur ne peuvent guère être poussés plus loin. Il ne recherche pas les effets de style et les complications d’événements, mais il a de l’invention, de l’originalité, une grande vivacité de dialogue, de mise en scène et, surtout, à un très haut point le sens du grotesque. On s’en aperçoit à la façon dont il comprend des sujets qui ont été traités par d’autres[1]. Son Prêtre Ulivo n’est que la légende, populaire chez nous, du Bonhomme Misère, que MM. Lemercier de Neuville et Champfleury ont reprise, après maints auteurs de contes et de fabliaux : la palme reste encore à Batacchi pour les détails plaisants. Elvira est l’antique aventure de Combabus mise en vers ; la Gageure a été traitée par Grécourt ; le Faux Séraphin est une imitation burlesque de l’Ange Gabriel, de Boccace, et l’abbé Casti, qui a voulu aussi reprendre en vers ce joli conte du Décaméron, a été certainement moins heureux, moins original. À l’exemple des auteurs de poèmes chevaleresques, Pulci, l’Arioste, qui aiment à s’appuyer sur des chroniques imaginaires, principalement sur celle du fabuleux Turpin, Batacchi indique aussi les sources où il prétend avoir puisé ; c’est tantôt le Turcellino, tantôt un vieux livre imprimé par Alde Manuce, tantôt Bellarmin, Turnèbe, Freinshemius, et ces graves autorités interviennent toujours, chez lui, d’une façon comique. Une autre bizarrerie de ces contes gais : les cocus ont une tendance fatale à se pendre ; le malheureux tailleur du Roi Barbadicane et Grâce, le fermier Meo, de la Gageure, mettent fin par la corde à leurs infortunes conjugales ; mais, chez Batacchi, la mort elle-même est ridicule.

Si l’on en croyait la Biographie Didot, les Italiens n’apprécieraient guère ce conteur, dont ils considéreraient les productions comme diffamatoires. Cependant, les Poèmes et les Nouvelles ont été plusieurs fois réimprimés et il en a été fait récemment plusieurs éditions populaires ; ils ne sont donc pas si oubliés. Pour ce qui est de la diffamation, nous n’y avons rencontré que deux traits piquants à l’adresse d’un certain Cardinal Merciai : Batacchi lui fait rédiger et contresigner la facétieuse bulle Latine du Roi Barbadicane, et, dans le Roi Grattafico, ayant à produire sur la scène un saucisson, il lui donne pour enveloppe un sonnet du même Merciai ; ces mentions malicieuses n’ont rien de bien méchant. Tout ce que nous conclurons de ces attaques persistantes dirigées contre un haut dignitaire de la Cour Romaine, c’est que Batacchi pourrait bien avoir été lui-même homme d’Église.



  1. D’après la Bibliographie des Ouvrages relatifs à l’amour, etc., la plupart des Nouvelles de Batacchi sont tirées de Masuccio (ou Masuzo), conteur Napolitain du xve siècle (Il Novellino, Napoli, 1476, in-fol., souvent réimprimé depuis et traduit du dialecte Napolitain en langue Toscane, mais presque toujours avec de graves altérations de texte).