Occupe-toi d’Amélie !/Acte III-2e tableau
ACTE DE MARIAGE
L’an mil neuf cent huit et le cinq mai, à trois heures
du soir, devant nous, maire du huitième arrondissement
de Paris, ont comparu en cette mairie pour être unis par
le mariage : d’une part, monsieur Marcel Courbois, né à
Paris le 6 avril 1879, rentier, demeurant 27, rue Cambon,
célibataire, fils majeur légitime de feu Joseph Courbois,
banquier, et de dame Caroline-Émilienne Toupet, son
épouse, également décédée ; et d’autre l’art mademoiselle
Clémentine-Amélie Pochet, née à Paris le 20 mars 1886,
demeurant à Paris, 120, rue de Rivoli, fille majeure
d’Auguste-Amédée Pochet, âgé de cinquante-quatre ans, ancien
brigadier de la paix, même domicile, et de feu Marie-Thérese
Laloyau, son épouse. Le père à ce présent et consentant ;
après avoir reçu des contractants, l’un après
l’autre, la déclaration qu’ils veulent se prendre pour
époux, avons prononcé publiquement au nom de la loi
que monsieur Marcel Courbois et mademoiselle Clémentine-Amélie
Pochet sont unis par le mariage.
DEUXIÈME TABLEAU
Au premier plan à droite, lit de milieu très élégant.
À la tête du lit, côté public, petit meuble tenant lieu de
table de nuit. Au pied du lit, et adossé contre, un petit
canapé. Toujours à droite, en pan coupé, fenêtre. À gauche,
premier plan, porte d’entrée générale. Une chaise
entre le manteau d’Arlequin et la porte. Deuxième plan
en pan coupé, une cheminée surmontée d’une glace et de
sa garniture.
Au fond, au milieu, porte donnant sur le cabinet de toilette d’Amélie. Contre le panneau du mur, à droite de cette porte, un canapé. Contre le panneau, à gauche de la porte, meuble d’appui. Restant du mobilier ad libitum. Sur le pied du lit, une matinée à Amélie.
Scène PREMIÈRE
Mais par Dieu, le père ! qu’est-ce qu’elle fait, voyons ? Qu’est-ce qu’elle fait ? On n’a donc pas idée de se marier si longtemps ! (On sonne.) Ah ! on a sonné !… C’est peut-être !… Oui, c’est elle ! (Il va au-devant d’Amélie et s’arrête étonné en voyant paraitre le Général tout seul.) Eh bien ! quoi ?
Voici la mariée, Monseigneur !
Enfin !
Mademoiselle d’Avranches, si vous voulez bien… ?
Monseigneur, je vous demande pardon, si… (Petit cri étouffé de surprise.) Ah !
Quoi ?
Oh ! Rien… C’est la tenue de Monseigneur qui… Je m’attendais si peu… !
Ah !… Je me suis mis ainsi pour gagner du temps. (Croyant tourner une galanterie.) Quand on s’ennuie, il faut bien faire quelque chose !
Ah ?
Laisse-nous, Koschnadieff !
Oui, Monseigneur !
Oh ! Monseigneur, chez moi… vous n’y pensez pas ! Votre Altesse devait venir me prendre… mais je ne croyais pas qu’elle avait l’intention, ici, de…
Eh ! bien, quoi ? Est-ce qu’on n’est pas très bien chez vous ? tout votre monde est occupé ailleurs.
Je ne vous dis pas ! Mais les convenances !
Eh ! nous ne sommes pas ici pour faire des convenances ! (Avec lyrisme.) Songez depuis les éternités que vous me faites languir ! (Sans transition, bien terre à terre.) Retirez Voire robe !
Hein !… Ah ?… déjà !
Le jour des noces, en est toujours pressé !…
Oh ! Monseigneur ! (Pour faire diversion.) Je vais défaire mon voile.
Si vous saviez !… Si vous saviez avec quelle impatience je comptais les minutes ! J’ai essayé de dormir un peu, en vous attendant ; je me suis étendu sur votre lit…
Hein !… avec vos bottines ?
Avec ! Mais je n’ai pas pu… L’amour me tenait éveillé !
Ah ! Bien aimable ! (Changeant de ton.) Oh ! Ce que je suis décoiffée !
Vous êtes adorable ! Je voudrais vos cheveux sur vos épaules !
Hein ?
Comme une toison ! J’aime ça, moi ! promener ses pieds nus dans les cheveux épars de la femme aimée !
Quel raffinement !… Mais ça n’est guère encore la mode à Paris !
Oh ! permettez que je vous aide ?
Volontiers, Monseigneur, parce que toute seule !…
Oui !… Oh ! cela est très suggestif !… Il me semble que je fais la nuit de noces.
Par procuration.
Le droit du seigneur. (Reprenant le dégrafage.) Cela est très Louis quinzième ! (Il se pique.) Oh !
C’est une épingle.
Je suis content de le savoir… (Tout en dégrafant.) Et ça s’est bien passé ? Oui ?…
Quoi ?
Le mariage… avec le logeur ?
Mais je vous ai déjà dit, Monseigneur, qu’il n’était pas logeur !
Eh ! Oui, je sais ! Mais quoi ? je l’ai connu comme ! alors je l’ai ainsi dans la bouche !
Ah ! si vous l’avez ainsi dans la bouche !
Alors, dites-moi ! ça a bien réussi ?
Quoi ?
Le tour ?
Le tourrr ?
Oui !… Le parrain a donné dans… le godant… comme on dit ici !…
Comme un seul homme !
Bravo ! je trouve ça très drôle ! Ce logeur… qui n’a pas de liste civile et qui trouve ce moyen !… J’adore les farces ; aussi j’ai été heureux de commander le Général de service.
Oh ! qu’ ça été aimable ! On a été très flatté.
Oui ? (Voyant la robe qui, à terre, forme un cercle autour des pieds d’Amélie, d’une voix bourrue.) Sortez de là-dedans ! (Amélie enjambe la robe et passe à gauche. Le prince, tout en ramassant la robe et la déposant sur le coin du canapé.) Et il a été bien, oui ?
Qui ?
Le Général ?
Ah !… Oh ! combien !
Ça ne m’étonne point ! il est très décoratif ! Je ne sais pas ce qu’il donnerait à la guerre ?… mais dans un cortège… ! (Se retournant et apercevant Amélie en déshabillé, le dos à demi tourné de son côté, et les mains croisées pudiquement sur sa poitrine, — en extase.) Ah ! sainte Icône ! la Madone ! (Les mains derrière le dos, il s’avance à pas de loup jusqu’à Amélie et, se penchant sur elle, l’embrasse dans le cou.) Ah !
Oh ! Monseigneur ! vous me chatouillez !
Vous aussi !
Moi, Monseigneur ?…
Ah ! Tais-toi ! tais-toi !…
Oh ! mais comment donc ! Monseigneur peut me tutoyer.
Oh ! mon bébé ! Alors, quoi ?
Aha !… Voyez refrain !
Hein ?
On a sonné.
Mais qu’est-ce que ?
Je ne sais pas ! Oh ! mais la fille de cuisine est restée pour garder l’appartement ! Elle congédiera.
Ah ! bon !… (Se replongeant dans le cou d’Amélie.) Oh ! mon béb… !
Amélie ! Amélie !
On n’entre pas !
Scène II
Amélie ! Amélie !
Hein ! toi !
Ah ! le logeur !
Quoi ?
Eh bien ! vous êtes content ?
Content ! Il demande si je suis content… (À Amélie) Amélie ! Amélie ! une tuile !… une tuile de quatre étages…
Une tuile de quatre étages ?
Qui nous tombe sur la tête.
Une tuile de quatre étages, ça ne se voit donc pas tous les jours.
Ah ! si tu savais… ?
Mais quoi ? quoi ?
Nous sommes mariés ! légitimement mariés !
Hein ?
Qu’est-ce que tu dis ?
Toto Béjard, ce n’était pas Toto Béjard ! C’était le maire.
Ah ça ! voyons ! tu veux rire ! Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire qu’Étienne avait été mis au courant de notre malheureuse équipée !… qu’il a su que tous les deux, nous…
Non ?
Oui !
Ah ! nom d’un chien !
Et alors, il s’est vengé, le salaud ! mon meilleur ami ! Il nous a mariés ! mariés pour de bon !
Tous… tous les deux !
Oui, tous les deux ! la cérémonie était vraie ! le maire était vrai ! Tout était vrai ! Je suis ton mari et tu es ma femme !
Est-il possible ! Mais alors !.. Alors je suis madame Courbois ?
Mais oui !
Ah ! mon chéri ! mon chéri ! que c’est gentil !
Qu’est-ce que tu dis ?
Ah ! monsieur, tous mes compliments et mes vœux de bonheur !
Hein ?
Mon mari. (Regardant Marcel tendrement et se répétant à elle-même ce mot qui la ravit.) Mon mari ! (Présentant le prince.) Son Altesse, le prince royal de Palestrie.
Quoi ?
Enchanté, monsieur !
Je deviens fou, moi.
Oh ! tu verras ! tu verras quelle petite femme rangée, fidèle, popote, tu auras.
Popote !
Comment, « Quelle petite… » !
Ah ! mais que vois-je ! Je suis là à demi-nue… Oh ! vraiment !…
Vraiment ! Oh ! excusez-la, monsieur Amélie !
Comment m’appelle-t-il ?
Voulez-vous me permettre de vous aider à passer votre kimono ?
Volontiers, monseigneur… Merci ! (Descendant n° 2.) Et maintenant, monseigneur, vous ne pouvez rester davantage !
Quoi ?
Je suis désolée, mais ma nouvelle situation… !
Hein ? Comment, mais… ! mais je viens pour… !
Monseigneur !
Ah ! mais, c’est très désagréable ! Ça ne me regarde pas si… ! il était convenu que… !
Je vous en prie ! (Passant sa main sur l’épaule de Marcel.) Mon mari !
Ah !
C’est juste !… Je vous fais mes excuses !… Il est évident que… ! Croyez, monsieur, que, si je suis ici, ce n’est pas pour… pour… Oui !… (À froid, il passe entre Amélie et Marcel, remonte jusqu’au meuble fond gauche sur lequel est son chapeau melon et ses gants, les prend ainsi que sa canne, met son chapeau sous un bras, sa canne sous l’autre, enfile rapidement ses gants, puis, prenant son chapeau à la main, s’avance jusqu’à Amélie devant laquelle il s’incline.) Madame, je vous présente mes profonds respects !
Monseigneur !
Mais non ! mais non ! (Passant no 2, tandis que le prince s’arrête.) Non, mais est-ce que vous vous payez ma tête ? est-ce que vous supposez que les choses vont en rester là ? et que je vais accepter ce mariage ?
Comment ! mais puisqu’il est fait !
Mais ça m’est égal ! On le défera ! Je veux le divorce !
Le… le divorce ?
Absolument !
Oh ! non !… Oh ! non-non-non-non-non !… Je suis contre le divorce !… Et papa aussi !
C’est ça qui m’est égal ! J’ai été fourré dedans, le mariage est nul.
T’as vu ça ?
La loi est formelle ! Il n’y a pas d’union valable, si l’on n’est pas consentant.
Eh ! bien ?… tu es consentant, puisque tu as répondu oui.
C’est parce qu’on a abusé de ma crédulité !
C’est possible ! Mais tu as répondu oui tout de même et, ça y est, ça y est !
C’est trop fort !
Écoutez ! Je crois mon pauvre logeur…
Ah ! et puis, vous, le prince, hein ? foutez moi la paix !
Hein ? Je suis le prince de Palestrie !
Oui ? eh ! bien, justement ! c’est pas ici ! (Redescendant.) Non ! Non ! Vous me voyez, moi, l’époux d’Amélie d’Avranches !
Ah ! mais dis donc, c’est pas parce que tu es mon mari que…
Une femme dont tout Paris connaît les amants !
Ah ! mais… !
Une femme que je trouve le jour même de ses noces en tête à tête avec le prince de Palestrie !
En… en tout bien, tout honneur !
Oui-oui ! Oui-oui ! Et c’est cette femme-là à qui je donnerais mon nom !
Ah ! et puis en voilà assez ! ou prends garde, ça ne se passera pas comme ça !
Ah ! non, ça ne se passera pas comme ça !
Le prince est là, tu sais !
Moi ?
Ah ! le prince est là ? Eh ! ben, justement ! Je vais te le faire voir tout de suite, que ça ne se passera pas comme ça !… Je ne trouverai peut-être plus une si belle occasion… !
Quoi ? Quoi ?…
Qu’est-ce que tu fais ?
Malheureux !
Ah ! laissez-moi, vous !…
Vous voulez vous jeter par la fenêtre ?
Eh ! non ! pas moi !
Hein ?
Qui ?
Nous ?
Non, ça !
Ah !
Mes vêtements ! Il a jeté mes vêtements par la fenêtre !
Marcel ! Marcel !
Logeur ! eh ! logeur !
Il nous a enfermés !
Oser enfermer le prince de Palestrie !
Oh ! l’animal !
Ah ! par là !
Mais non ! c’est mon cabinet de toilette ! il n’y a pas d’issue.
Oh !… Un pareil lèse-majesté ! En Palestrie, il serait fouetté en place publique et envoyé aux galères.
Ah ! oui, mais en France !… sous Fallières !
Mais, par notre père ! je ne puis rester ici, séquestré et sans vêtement.
Oh ! lui ! (Appelant) Marcel !… Marcel !
Quoi ? vous le voyez ?
Il entre en face, au commissariat de police.
Chez le commissaire ?
Qu’est-ce qu’il manigance ?
Eh ! bien, tant mieux ! Qu’il l’amène, le commissaire ! je le ferai arrêter ! Se permettre d’enfermer le prince royal de Palestrie !
Ah ! mais prenez garde, monseigneur ! Songez que maintenant il est le mari.
Mais quoi, alors ? C’est un guet-apens !
Il veut faire constater le flagrant délit, parbleu !
Mais c’est terrible ! Cela va faire un scandale ! et dans ma situation… ! vis-à-vis de mon gouvernement… !
Mais non ! mais non ! Il se blouse ! Pour faire constater un flagrant délit, il faut d’abord une requête au président du tribunal ; sans ordonnance, le commissaire se refusera à instrumenter.
N’importe ! je ne veux pas rester prisonnier plus longtemps. Rien que pour ma dignité… ! (Ton brutal.) Alors, quoi ? il n’y a pas d’issue ?
Il n’y a que la fenêtre.
Merci ! un deuxième étage !
Oh !… premier au-dessus de l’entresol.
À sauter, ça revient au même… et avec le pavé !…
C’est du macadam.
Est-ce beaucoup préférable ?
Ça dépend des goûts.
Savez-vous ! Vous devriez vous mettre à la fenêtre et faire des signes aux gens qui passent.
Merci !… Merci bien ! pour m’amener des histoires avec la préfecture !… Non, merci !
Mais alors, quoi ?
Ah ! « quoi, quoi » ? Il n’y a qu’à se résigner.
Oh !
À ce moment on entend un bruit de voix se rapprochant peu à peu de la porte de gauche.
Écoutez !
Qu’est-ce que ?
C’est lui qui revient !
Il revient !
Et pas seul ! il y a du monde avec lui.
Oh ! Il se précipite dans le cabinet de toilette dont il referme la porte sur lui. À peine est-il disparu qu’on entend un tour de clef dans la serrure, la porte s’ouvre et Marcel parait.
Scène III
Entrez ! monsieur le commissaire ! (À Amélie.) Ma chère amie, je suis désolé, mais… !
Vous deux, gardez les issues !
Vous désirez, monsieur ?
Une dame ! (À Amélie.) Excusez-moi, madame ! c’est monsieur, qui… (À Marcel.) Eh ! bien, où est il, votre cambrioleur ?
Mon camb…
Quel cambrioleur ?
Mais, je ne sais pas !… Monsieur m’avait dit… !
Ah ! Je vous ai dit… je vous ai dit !… parce que si je ne vous avais pas dit, vous ne seriez pas venu ! Mais il n’y a ici qu’un cambrioleur, c’est celui de mon honneur.
Quoi ?
Veuillez constater, je vous prie, la présence ici de l’amant de madame, le jour même de ses noces.
Hein ?
Constatez, monsieur : le lit défait ! la tenue de madame !… (Prenant en main sa robe de mariée sur le coin du campé.) et sa robe de mariée encore là, toute chaude !
C’est… vrai, madame ?
Oserez-vous nier ?
Ah ! ma foi, tu as raison ! Autant le divorce qu’un ménage dans ces conditions-là. (S’asseyant sur le canapé une jambe sur l’autre et sur un ton de bravade.) Eh ! bien, oui, monsieur ! c’est vrai.
Enfin !
Et… votre complice ?
Là ! dans le cabinet de toilette !… (À part, avec désinvolture, pendant que le commissaire remonte vers le cabinet.) Après tout, avec un prince !…
Sortez, monsieur ! nous savons que vous êtes là.
Il redescend à gauche, tandis que Marcel s’écarte un peu dans la ruelle non loin du pied du lit. — Un temps. — Soudain venant de droite du cabinet de toilette le prince parait, toujours dans la même tenue ; il a ramené les bords de son chapeau sur son nez et pris les pans de sa cravate dans son chapeau pour en couvrir son visage ; il s’avance, la tête penchée sur l’épaule droite.
C’est bien ! me voici.
Constatez, je vous prie, le déshabillé de monsieur !
Permettez ! C’est monsieur qui m’a jeté mes vêtements par la fenêtre.
S’il les a jetés, c’est sans doute que vous ne les aviez pas sur vous !… Votre nom ?
Impossible !… Je voyage incognito !
Quoi ?
Il suffit ! Monsieur est Son Altesse Royale le prince Nicolas de Palestrie !
Hein ?
Ah ! maracache !
Constatez, monsieur le commissaire ! constatez !
Oh ! non… Oh ! non-non !
Quoi ?
Non-non-non-non-non-non !… Une Altesse Royale ! merci ! l’immunité diplomatique !… Tu-tu-tu-tu ! je n’ai pas envie de créer des complications au gouvernement !
Qu’est-ce que vous dites !
Oh ! Arrangez-vous ! Arrangez-vous ! Moi, ça ne me regarde pas.
Absolument !
Mais, monsieur le commissaire, je suis le mari offensé, et…
Ah ! Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? (Avec la plus entière mauvaise foi.) D’abord, je n’en sais rien, moi. Qu’est-ce qui me le prouve ?
Oui, quoi ?
Comment ! Qu’est-ce qui vous le prouve ? Mais qu’est-ce qu’il vous faut ? Regardez la tenue de madame ! le prince sans vêtements !…
C’est vous !… qui les lui avez jetés par la fenêtre.
C’est lui qui les a jetés par la fenêtre !
Ça prouve qu’il ne les avait pas sur lui…
En voilà une preuve !
C’est idiot !
Et puis madame a avoué… Qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?
Ah ! Et puis en voilà assez ! Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous.
Hein ?
À la bonne heure !
Considérez-vous comme bien heureux que je ne vous dresse pas procès-verbal pour fausse déclaration à un magistrat.
Moi !
Oui, vous ! oui, vous ! Car, enfin, où est-il votre cambrioleur, hein ? Où est-il ?
Mais je… mais je…
Oui ! Eh bien, que ça ne vous arrive plus !
Bravo !
C’est moi le cocu ! et c’est moi qu’on engueule !
Oh ! Monseigneur ! Je suis désolé ! Je supplie Votre Altesse d’agréer mes excuses. (Redressant un peu l’échine.) Tout ça, c’est la faute de ce maladroit !
Vous !… je vous fais commandeur de l’ordre de Palestrie !
Hein ? Moi ? Monseigneur ! (Se confondant en courbettes.) Oh ! monseigneur ! Quel honneur ! Comment pourrai-je exprimer à Votre Altesse !…
Oui, c’est bien, allez !
Oui, monseigneur. (s’inclinant profondément.) Monseigneur ! (Un pas à reculons. Nouvelle salutation à Amélie.) Madame ! (De même, à Marcel, exactement sur le même ton qu’il a dit « Monseigneur ! Madamel » :) Idiot !
Quoi ?
Monseigneur ! (Se redressant et tournant les talons. À la cantonade.) Venez, vous autres ! Il n’y a pas plus de cambrioleur que dans ma main !
Ah ! bien, elle est raide, celle-là !
Monseigneur, je suis désolée qu’à cause de moi !…
Oui, oh ! (À Marcel (1).) Ah ! vous avez fait des propretés, vous !
Allez, allez, monseigneur ! vous avez raison ! puisqu’il est avéré que vous jouissez d’un privilège !… que vous avez tous les droits ! Je m’incline et je vous fais mes excuses.
Je me plaindrai demain… à la Présidence !…
Oh ! ça, la présidence… dans cette affaire là… !
Je regrette que ma situation ne me permette pas de donner à votre conduite les suites qu’elle comporte !
Je le regrette aussi, monseigneur.
Oui !
Monseigneur, du calme !
Je suis calme !
D’ailleurs, maintenant que le coup a raté, je puis bien dire que je suis désolé d’avoir eu à tomber précisément sur Votre Altesse, mais je n’avais pas le choix.
Non, non, se permettre… !
Et tout ça ! tout ça, par la faute d’Étienne !
Oui. Ah ! Ce que je lui garde un chien de ma chienne à celui-là !
Et moi donc !
Enfin, quoi ? quoi ? Vous ne pensez donc pas que je vais rester ainsi en chemise et en caleçon ! Vous allez me prêter un costume… que je m’en vaille !
Mais j’en n’ai pas !
Eh bien, trouvez-en un ! Ça ne me regarde pas ! donnez-moi le vôtre.
Ah ! bien plus souvent, par exemple !
Allez ! Allez !
Mais non !… mais non !… (Entendant un bruit de voix à la cantonade. Impérativement, au prince.) Chut !
Quoi ?
Monsieur et madame sont là ?
Mais c’est Étienne, ma parole !
Il a le culot de venir se payer notre tête !
Ah ! bien, lui, il va me payer ce qu’il m’a fait !
Scène IV
Bonjour, les époux !
Toi !
Qu’est-ce que tu viens faire ?
Rien ! Voir si ça va comme vous voulez ? Si vous êtes heureux ?
Si nous sommes heureux ? ah ! canaille !
Eh bien, quoi donc ?
Monseigneur ! vous avez vu jouer le Fil à la patte ?
Fil à la patte ? Quoi ? quelle patte ?
Eh ! bien, nous allons vous en rejouer une scène ! et pas au chiqué, cette fois !
Qu’est-ce qu’il dit !
Vous avez besoin d’un vêtement, monseigneur !
Certes, par notre Père !
C’est très bien ! (À Étienne.) Ton pantalon ! donne-moi ton pantalon !
Quoi ?
Ton pantalon, ou je tire !
Eh ! là ! Eh ! là !
Ah çà ! tu plaisantes !
Je plaisante ! tiens !
Ah !
Ah !
Ah !
Oh ! mon plafond !
Oui, oh ! ben, ton plafond… zut ! (À Étienne.) Allons ! ton pantalon ; ou je te tue comme un chien.
Marcel !…
Veux-tu vite…
Oui !… Oui-oui !
Allez ! Allez ! plus vite que ça.
Voilà ! voilà !
Tenez ! attrapez, monseigneur !
Merci !… (Il enfile vivement le pantalon.) Oho ! il va craquer !
Et maintenant, ton habit ! ton gilet !
Marcel, voyons !
Veux-tu donner ton habit et ton gilet !
Voilà ! voilà ! (À part.) Il est fou ! il est complètement fou !
Voilà ! monseigneur ! (Brusquement.) Monseigneur ! pendant que vous y êtes, voulez-vous le caleçon ?
Non, merci ! j’ai le mien et il est plus beau.
Amélie, je t’en prie !
Oh ! ça ne me regarde pas ! Ça ne me regarde pas !
Et maintenant, monseigneur, excusez-moi ! mais pour le projet que je médite, la présence de Votre Altesse est de trop.
Je comprends !… Monsieur est mon remplaçant.
Vous l’avez dit, monseigneur !
C’est bien ! je me sauve ! Au revoir ! et bonne chance ! Au revoir, Amélie !
Au revoir, monseigneur !
Cocoï boronzoff ! Lapépétt alagoss !
Quoi ?
Yamolek, Grobouboul !
Non, mais c’est ça ! Il emporte mes vêtements et encore il m’engueule ! (Voulant courir après le prince.) Eh ! là-bas, vous !
Bouge pas, toi ! ou je te brûle.
Ah ça ! où veux-tu en venir ?
Où je veux en venir ? à te faire pincer en flagrant délit avec ma femme.
Absolument !
Ah ! Tu es l’amant de ma femme !
Ah ! le jour même de ses noces, on te surprend avec elle !
Hein ?
Ah ! l’on te trouve en caleçon dans la chambre conjugale !…
Ah ! Amélie se trouve avec toi en jupon !
Ils sont fous ! Ils sont fous !
Eh bien, le commissaire !
Le commissaire !
Qui est là ?
Le commissaire !
Le voilà !
Ah !
Scène V
Entrez ! Entrez, monsieur le commissaire ! Vous arrivez bien : nous parlions de vous.
De moi ? (Cherchant des yeux le prince.) Son Altesse ? Son Altesse est encore là ?
Non, elle vient de partir.
Ah ! c’est que je lui rapportais ses vêtements qu’on est venu déposer au commissariat.
C’est bien ! on les lui fera parvenir.
Monsieur !
Monsieur !
La… la chaleur… sans doute ?
La chaleur, oui, oui !
Oh ! mais je ne vous ai pas présentés ! (Présentant) M. Étienne de Milledieu, mon meilleur ami !… M. le commissaire du quartier !… (Échange de saluts.) Et maintenant, monsieur le commissaire, veuillez constater que je viens de surprendre ma femme en flagrant délit d’adultère.
Hein ? Encore !
Oui, monsieur le commissaire.
Marcel !
Assez ! (Au commissaire.) Je m’étais trompé tout à l’heure ! L’amant de ma femme, ce n’était pas le prince ; c’était monsieur !
Ah ! à la bonne heure !
Mais c’est faux !
Du tout, monsieur ! Je le reconnais.
Oh !
D’ailleurs, tout Paris vous le dira.
Oh !…
Cet aveu me suffit.
Veuillez donc constater.
Où y a-t-il de quoi écrire ?
Par ici, monsieur le commissaire.
Venez
Je proteste ! C’est une infamie ! Je suis un citoyen de la République.
Oh ! ça, monsieur ! ce n’est pas une considération.
Enfin ! je suis vengé !
Scène VI
Ah ! te voilà, filske ! Je te demande pardon que je te relance ainsi donc ; mais une dépêche ça j’ai reçu qu’il faut que je parte ce soir. Alors, je t’apporte vite le chèque.
Le chèque ?…
Du fidéicommis donc ! Tu as rempli les conditions, voilà l’argent : douze cent mille francs de principal, plus les intérêts composés : deux cent septante mille nonante-trois francs et cinq.
Quoi ? quoi ?
Oh ! Ça est le compte ! Ça est le compte !
…Nonante-trois francs et cinq… Oui, oui !… C’est parfait !
Ah ! Le parrain !
Et maintenant, mon parrain, j’ai l’honneur de vous annoncer…
Compliments, hein donc !
Non ! non !
Ah ?
…mon prochain divorce avec mademoiselle Amélie d’Avranches, femme Courbois, que j’ai surprise en flagrant délit d’adultère avec M. Étienne de Milledieu, mon meilleur ami.
Hein ?
N’est-ce pas ?
Absolument.
Ah ! mais alôrs…
Ah ! pardon, parrain !… Les conditions ont elles été remplies ?
Ça !… Elles ont même été remplies avant.
Alors, ça ne vous regarde plus ! À ce moment sortent du cabinet de toilette Étienne et le commissaire discutant ensemble.
Mais enfin, monsieur le commissaire… !
Non monsieur ! Ça ne me regarde pas ! Ça ne me regarde pas !
Allons, venez, parrain !
C’est une infamie ! (À Marcel.) Tu m’en rendras raison.
À tes ordres. Au revoir, Amélie !
Au revoir, Marcel.
Eh bien, et moi, alors, qu’est-ce que je deviens ?
Eh bien, mon vieux ! Occupe-toi d’Amélie !
Qu’est-ce qu’il a dit ?
Occupe-toi d’Amélie !
Ah !