Octobre en fleur/2/044

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Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 96-97).

XLIV.

LE JARDIN.



Les lourds dahlias, noirs comme des fleurs de deuil,
S’inclinent sous le ciel qui pèse
Comme un malaise.
Aiguisant les couteaux sur la pierre du seuil,
La servante, la voix dolente,
Chante un cantique
Monotone et mélancolique,
Comme une incantation lente.
Ne dirait-on pas qu’elle affile,
Prêtresse vile,
Des couteaux cruels de supplice,
Pour quelque horrible sacrifice ?
Et l’atmosphère est morne et close,
Dans le petit jardin morose
Où s’effeuille la vigne vierge du balcon.
Et l’on dirait, sur le gazon
Du sang qui tombe.

Et douloureusement roucoule une colombe.
Et soudain je pâlis d’effroi,
Mon âme tremble,
Mon cœur a froid.
Il semble
Que du triste jardin étroit,
Pauvre préau de ma prison,
Monte avec l’odeur automnale
Des arbres roux et du phlox pâle
Et des feuilles de sang tombant sur le gazon,
Un parfum précurseur de mortel abandon.