Octobre en fleur/3/008

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Maison d’éditions et d’impressions Anct AD. Hoste, S. A. (p. 120-121).

VIII.

SUR UNE TOMBE.


Sur la tombe où tu dors, au murmure des chênes,
J’irai m’agenouiller, des roses dans ma robe.
Tu diras : — « C’est l’enfant dont j’ai brisé les chaînes,
C’est l’orgueilleuse enfant dont le cœur se dérobe. »

J’effeuillerai mes fleurs, comme une fraîche pluie.
Elles ruisselleront sur la tombe où tu rêves.
Oh ! vois, je te pardonne et j’ai l’âme éblouie
Du bleu ciel automnal et des suprêmes sèves.

Ô toi vers qui j’irais si tu vivais encore,
Pour pleurer dans tes bras ma peine inconsolée,
Si tu me vois souffrir, vois comme je t’implore,
Dis-moi des mots d’amour, ô chère âme envolée !

Je ne sais vraiment plus, tant se mêlent mes peines,
Si c’est toi qui m’absous ou moi qui te pardonne.
L’amour et la douleur ont mêlé leurs haleines
Et mon cœur triste est lourd comme un doux fruit d’automne.


Ô toi que j’ai maudit pour m’avoir éveillée,
L’autre m’a repoussée au seuil froid de ma tombe.
Ô cher ! soulève un peu la pierre entre-baîllée,
Pour qu’en tes bras aimants repose ta colombe.

Je viens me souvenir de nos heures d’extase,
Bien qu’elles aient laissé mon âme inassouvie.
Je viens bénir tes yeux et tes lèvres, ces vases
De lumière et d’espoir où je buvais la vie,

Tes lèvres qui mêlaient aux baisers la parole
De courage et tes mains de joie et de caresse,
Ton haleine au parfum de rose — oh ! la mort vole
Tout ce qui m’a charmée — oh ! tes bras fous d’ivresse,

Tes bras chers, où sont-ils ? — L’avare terre grise
A repris tout ton corps et rien de toi ne reste
Que ta suave haleine en l’odeur de la brise
Et le bleu de tes yeux dans le doux bleu céleste.